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Simon Jean-Frédéric

Jean-Frédéric Simon, grammairien et pédagogue alsacien, fut dans sa jeunesse l'un des collaborateurs de Basedow au Philanthropinum de Dessau. Il quitta cet établissement en 1776, en même temps que Schweighäuser, et ouvrit ensuite une école à Neuwied. Il retourna plus lard en Alsace, où il continua de se consacrer à l'enseignement. Lorsque éclata la Révolution, il y prit une part active : il fut membre du Club des jacobins de Strasbourg, et, venu à Paris en 1792, fit partie du Comité insurrectionnel du 10 août. Lié avec des membres du Comité d'instruction publique de la Convention, ce fut lui qui donna à ce Comité la première idée des écoles normales. Le Conseil exécutif l'ayant envoyé aux frontières comme commissaire des armées du Rhin et de la Moselle, il fit partie du Conseil de défense de Mayence pendant le siège de cette ville. Rentré ensuite a Strasbourg, il fut placé, au printemps de 1794, par le département du Bas-Rhin, à la tête une école normale de langue française. En l'an IX, il fut nommé professeur d'allemand au Prytanée de Saint-Cyr, mais il n'occupa ce poste que peu de temps. Il publia ensuite une brochure intitulée : Observations sur l'organisation des premiers degrés de l'instruction publique, par SIMON, ex-professeur d'allemand au Prytanée de Saint-Cyr (Paris, Levrault, 1801, in-8°, 30 p.), où il expose les principes d'éducation de l'école philanthropiniste, et recommande la création d'écoles normales pour former de bons instituteurs. Le passage suivant de cette brochure offre un certain intérêt historique :

« Je parle d'après une expérience fâcheuse lorsque j'insiste sur l'inaptitude des savants du premier ordre à organiser les commencements de l'instruction ; lié avec quelques membres du Comité d'instruction publique de la Convention nationale, j'essayai de leur faire sentir, il y a plus de six ans, la nécessité d'établir des écoles normales, pour former les instituteurs et créer un mode d'enseignement uniforme. J'eus le bonheur de persuader sans avoir celui d'être suffisamment compris. Les circonstances m'entraînèrent vers les frontières : ma proposition germa, mais elle ne produisit aucun des avantages que je m'en étais promis. En lisant le décret relatif à cet objet [celui du 9 brumaire an III], je m'aperçus avec douleur que mon idée n'avait point été saisie ; je m'empressai de l'observer au Comité, je représentai que l'établissement qu'on allait faire ne serait rien moins qu'une école normale, que les élèves y apprendraient tout, excepté ce qu'ils auraient dû principalement y apprendre, c'est-à-dire l'art d'enseigner la première jeunesse ; que les Lagrange, les Volney, les Garat, et autres professeurs de cette prétendue école normale, étaient les moins propres à tracer la marche pour l'enseignement des premiers degrés d'instruction publique ; je prédis que cet établissement, qui a coûté des millions, qui nous a exposés à la risée des étrangers, ne procurerait d'autres fruits que celui de faire parler des savants du premier mérite devant des auditeurs la plupart incapables de les entendre. On a vu un peu plus tard que mes conjectures étaient fondées. Je leur fis observer que l'idée des écoles normales n'était pas une idée neuve ; que ce n'était point la Révolution française qui l'avait fait naître, que ces écoles existaient dans la monarchie autrichienne depuis Marie-Thérèse, et que c'était dans ces établissements qu'il fallait chercher des modèles en ce genre ; qu'en 1776 j'étais moi-même professeur d'une école normale en Allemagne. Mes observations arrivèrent trop tard : il est de la nature de l'homme de ne point reconnaître qu'il s'est trompé, de ne point aimer à revenir sur ses pas. D'ailleurs, comment renoncer à un projet qu'on avait annoncé avec tant de faste, qu'on présentait à la France, à l'Europe, comme le moyen de rendre l'instruction générale?

« J'ai cru devoir rappeler ce fait, afin que le défaut de réussite de cette prétendue école normale ne décourage pas les premières autorités de la République ; et n'influe pas d'une manière défavorable sur un plan qui est le fruit de plusieurs tentatives faites par différents amis de la jeunesse, sur un plan dont l'expérience a déjà fait sentir les avantages. »

Sous la Restauration, Simon devint professeur d'allemand des fils du duc d'Orléans. Dans ses Souvenirs (Paris, Calmann-Lévy, 1894), le prince de Joinville a fait le portrait suivant de Simon, qui était alors septuagénaire et que ses élèves, mal informés, prenaient pour un Allemand d'outre-Rhin : « Imaginez un petit vieux, mielleux, tout de noir vêtu, culotte de satin, bas de laine, immenses souliers et chapeau à larges bords. Il avait été, dans sa jeunesse, précepteur du prince de Metternich (?). Je ne sais quel accident l'avait jeté en France où, pendant la Terreur, il était devenu un des secrétaires du redoutable Comité de salut public de Strasbourg. Il vivait seul avec sa fille qu'il envoyait souvent en Allemagne, non pas par les moyens de communication ordinaires, niais cachée dans le fourgon qui allait périodiquement en Hongrie chercher l'approvisionnement de sangsues de nos hôpitaux, toutes circonstances qui nous faisaient supposer que le nom de Herr Simon tout court qu'il se donnait pouvait bien cacher quelque gros mystère. » Simon mourut à Paris en 1829. Outre la brochure que nous avons mentionnée, on lui doit des Notions élémentaires de grammaire allemande (Paris, 1807, in-12), et un Précis de grammaire générale (Paris, 1819, in-8°).

James Guillaume