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Siam

Il n'y a pas plus d'une dizaine d'années que l'instruction publique a cessé d'être entièrement confondue au Siam avec le culte, qui est le bouddhisme orthodoxe, originaire de l'Inde, conservé dans sa pureté à Ceylan, et venu par la Birmanie au Siam, d'où il est passé ensuite au Cambodge et au Laos (Voir l'article Indochine). Le bouddhisme est la religion officielle du royaume. Le roi, qui est d'ailleurs un lettré initié aux hautes études religieuses asiatiques en même temps qu'aux études occidentales, nomme, en sa qualité de chef suprême de la religion, les quatre grands dignitaires ecclésiastiques, Somdet Phra chao Rajagana. Le premier est le « prince des prêtres », Phra-Sangaradja, et aussi le chef d'une des circonscriptions religieuses qui divisent le royaume ; le second est chef de l'autre circonscription ; le troisième est grand-maître d'une confrérie, Thammajut, chargée de veiller à l'austérité de la règle ; le quatrième est grand-maître des ermites et solitaires, au reste fort peu nombreux. Ces quatre dignitaires, assistés de cinq prêtres de rang élevé et quatorze de rang moindre, forment une sorte de concile de vingt-trois ecclésiastiques, auquel sont soumises toutes les questions de doctrine, et qui désigne les chefs de pagode, on gurus. Pour être admis parmi les dignitaires de l'ordre religieux, il faut d'abord avoir conquis le titre de docteur, barien, dans une série de neuf examens portant sur la connaissance du pâli, des livres sacrés et de leurs commentaires, ensuite être désigné par le choix des sangaradja. Ce clergé de bonzes constitue la majeure partie du personnel enseignant du Siam. Il donne son enseignement à la pagode, qui joue d'ailleurs dans chaque village à peu près le rôle de maison commune, où l'on célèbre le culte, où l'on instruit les enfants, où l'on réunit les adultes, où l'on reçoit les voyageurs. Les enfants y entrent en général à partir de l'âge de quatorze ans, pour plusieurs mois par année, avec le titre de novices, samonera. Mais le couronnement de toute bonne éducation est une retraite faite pendant quelques mois, à la vingtième année, dans la méditation et l'étude des livres saints. Le jeune homme participe alors à la fois, quelle que soit sa condition d'origine, aux grands égards dont sont entourés les bonzes, et aussi aux obligations de pauvreté et de sobriété que leur impose leur règle. Le temps passé à la pagode est donc favorable au développement de l'éducation morale, et même, par le rapprochement des classes que permet la religion bouddhique, de l'éducation sociale. Mais l'instruction proprement dite, encore que la culture des bonzes siamois soit sensiblement supérieure à celle des bonzes cambodgiens et laotiens, ne laisse pas d'être médiocre. La réforme de l'enseignement indigène tend précisément à se faire au Siam dans le même sens où elle est actuellement dirigée en Indochine, c'est-à-dire en conservant l'enseignement de la pagode, mais avec invitation pour les bonzes, qui ne sont au reste nullement intolérants, de réserver une part aux méthodes pédagogiques occidentales. — Dans la réorganisation moderne du royaume, un ministère de l'instruction publique a d'ailleurs été ajouté aux neuf ministères déjà existants. Il a été confié à un vieux mandarin siamois, le Phya Vuthikan, très versé dans les lettres siamoises, et secondé par quelques professeurs anglais ; mais il n'a pas encore eu le temps de faire la réforme pédagogique nécessaire aux besoins modernes du nouveau Siam. Cette réforme sera d'ailleurs facilitée par le goût que la race siamoise montre pour l'instruction, qui est déjà chez elle fort développée. Il n'y a pas plus de vingt pour cent d'illettrés dans l'enseignement primaire, que donnent les bonzes des pagodes. Quelques écoles primaires laïques avec instituteurs rétribués par l'Etat se trouvent à Bangkok. C'est là aussi qu'est organisé l'enseignement qu'on peut appeler secondaire, et qui comporte, avec une durée de trois années d'études, un programme de mathématiques, de géométrie, de sciences naturelles, de géographie et d'histoire, de pâli, de droit administratif et de savoir-vivre indigène et occidental. Presque tous les élèves de cet enseignement se destinent à l'administration et à l'armée, et entrent ensuite à l'une des écoles préparatoires spéciales : école des pages, pour les agents du ministère de l'intérieur et de la cour, école des cadets de l'armée et de la marine, école de droit. Quelques autres établissements secondaires et une institution de jeunes filles ont également été installés en ces dernières années à Bangkok. Le recrutement du personnel enseignant européen a présenté certaines difficultés, et l'on peut se demander si le Siam ne trouverait pas avantage à recourir à cet égard aux bons offices de notre Indochine, avec laquelle il entretient des rapports de bon voisinage et qui vient d'adapter chez elle l'enseignement traditionnel asiatique aux méthodes scientifiques occidentales. — Les diverses missions religieuses et européennes établies au Siam y ont quelques maisons d'instruction. Enfin, en 1904, une société savante, la Siam Society, a été fondée sous le patronage du prince héritier de Siam et du ministre de l’intérieur, le prince Damrong Rajanubhab, avec le dessein de former une bibliothèque, un musée ethnologique, et de publier un journal semestriel.

Bibliographie. — LUNET DE LA JONQUIERE, Le Siam et les Siamois. Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Bulletin du Comité de l'Asie française,

Louis Salaun