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Scoliose

Si la scoliose est, comme nous l'avons exposé à l'article Maladies scolaires, considérée par la plupart des auteurs comme une affection d'origine scolaire à l'égal de la myopie, c'est que, comme cette dernière maladie, très rare dans les premières années de la vie, elle devient de plus en plus fréquente chez les écoliers à mesure qu'augmentent leurs années de séjour à l'école.

La scoliose est une déviation de la colonne vertébrale, une courbure anormale. L'axe vertébral peut se courber dans deux plans : dans le plan antéro-postérieur ou dans le plan latéral.

Dans le plan antéro-postérieur, ce sont le plus souvent des exagérations de courbures normales : si la déviation siège au niveau des vertèbres cervico-dorsales, on dit que l'enfant est atteint de cyphose ou des rond ; si la déviation siège à la région lombaire, on l'appelle lordose.

La scoliose, au contraire, se produit dans le plan latéral. La déviation peut se faire, soit avec convexité à droite, soit avec convexité à gauche : on dit alors que la scoliose est droite ou gauche.

Nous ne nous occupons ici que de la scoliose scolaire, appelée encore scoliose essentielle des adolescents, en laissant de côté toutes les déviations du rachis d'origine tuberculeuse, comme celles provenant du mal de Pott.

Le plus habituellement, la scoliose scolaire a son siège à la région dorsale, et elle est plus souvent droite que gauche.

Elle est aussi beaucoup plus fréquente chez les jeunes filles que chez les garçons, ce qu'on explique par les troubles de la puberté, l'anémie et l'état général de faiblesse, plus accusés chez les écolières. Schulthess, sur 377 cas de scoliose, note 326 filles et seulement 51 garçons ; Redard, sur 237 cas, l'a observée chez 200 filles et seulement chez 37 garçons.

Ce n'est pas ici le lieu d'exposer les théories sur la production et le mécanisme de la scoliose. Nous dirons seulement qu'au point de vue pathogénique, il y a d'abord et pendant un certain temps une déviation légère : simple courbure latérale, facilement redressable, et que cette lésion devient rapidement permanente sous l'influence de la répétition des mêmes causes. Au début, l'enfant peut se redresser lorsqu'il fait attention ; l'affection est alors curable ; mais bientôt à cette simple flexion du rachis vient s'ajouter une torsion des vertèbres sur elles-mêmes, qui rend rapidement l'affection grave et la difformité permanente.

On a cherché de nombreuses causes à cette maladie. Parmi les causes prédisposantes, en dehors de l'hérédité, il y en a deux principales : la faiblesse générale et l'anémie.

Mais les causes réelles, qui montrent bien l'origine scolaire de la scoliose, sont doubles : 1° les attitudes défectueuses prises par l'enfant, et 2° l'enfant restant dans une position mauvaise. L'écolier, assis sur un banc mal proportionné à sa taille et qui va lire ou écrire pendant une heure et demie sans changer de position, prendra rapidement une mauvaise attitude. Il ne peut se maintenir longtemps correctement, car il n'a pas de muscles, ou ceux qu'il a sont si peu développés qu'ils ne peuvent résister et sont vite fatigués. Il cherche à échapper en remuant et en s'agitant sur son banc, puis peu à peu il va prendre une mauvaise attitude : un faisceau de muscles l'emporte sur l'autre. La myopie, qui porte l'enfant à se pencher, si elle n'est pas corrigée par des verres appropriés, est aussi un facteur important de la scoliose. Si l'enfant croise les jambes, ce qui lui arrive souvent, surtout lorsqu'il n'y a pas d'appuie-pieds aux tables, il produit une convexité du côté du membre le plus élevé. Chez certaines fillettes, l'habitude de placer, en s'asseyant, les jupes sous une seule fesse peut amener de la scoliose.

Redard ramène à deux types ces attitudes vicieuses de l'écolier en position pour écrire. Dans l'une, l'enfant, assis sur sa fesse gauche, le pied gauche avancé, place son avant-bras gauche en travers de la table. C'est la position « unifessière » de Dally, dans laquelle tout le poids du corps, reposant sur le coude et la fesse gauches, amène une rupture d'équilibre avec production d'une déviation à convexité gauche. Dans l'autre, c'est le coude droit en entier qui repose sur la table, tandis qu'à gauche la main seule touche la table. Le tronc, déplacé vers la droite, est tordu obliquement sur lui-même, ce qui amène une déviation à convexité droite.

Ce qu'il importe de savoir pour le maître, c'est que l'enfant a un système osseux et musculaire très faible, et que les muscles se fatiguent rapidement. Le système musculaire ne se développe qu'entre douze et quatorze ans. Lorsqu'il est fatigué, le muscle n'a plus la force de résister à son antagoniste et l'équilibre est rompu. Cette rupture d'équilibre amène fatalement une déviation du rachis.

Tant que nous ne changerons pas nos méthodes pédagogiques et que nous forcerons l'écolier à rester longtemps dans la même position, il y aura des scolioses scolaires. L'enfant ne peut ni ne doit rester longtemps dans la même attitude. Fatigué, il prend rapidement une position défectueuse, qui, d'abord accidentelle, devient rapidement persistante.

Il y a, pour nous, deux moyens d'enrayer à l'école le développement de la scoliose : le premier, c'est de donner à l'enfant une table appropriée à sa taille, avec distance nulle ou négative, table qui le forcera à se redresser et à se maintenir dans une position correcte ; le second, c'est de varier souvent l'attitude de l'écolier et de le faire travailler dans des positions diverses.

Il faut changer nos méthodes pédagogiques et ne pas, comme on le fait à l'école primaire, forcer un enfant à rester immobile pendant des heures devant une table le plus souvent mal appropriée.

Un enfant, par suite du peu de résistance de son système musculaire, ne peut utilement garder la même attitude pendant plus de vingt minutes ; c'est donc au maître, s'inspirant de ces données, à faire des exercices courts, tantôt assis, tantôt debout, favorisant les besoins de mouvement de l'enfant et provoquant le travail de groupes de muscles différents. Un maître éclairé peut certainement beaucoup pour enrayer le développement de la scoliose à l'école.

L. Dufestel