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Schmid (Joseph)

Joseph Schmid, élève et collaborateur de Pestalozzi, naquit en 1786 à Au, village du Vorarlberg (Tirol). Il a raconté lui-même en ces termes l'histoire de son enfance, les circonstances qui décidèrent de sa carrière comme éducateur, et ses débuts dans l'institut de Pestalozzi :

« Les premières années de ma vie s'écoulèrent dans la paisible maison de mes parents. Je reçus l'instruction que pouvait donner une école de village telle qu'il s'en trouvait alors dans le Vorarlberg. Mon père était un honnête et laborieux paysan, dont le plus grand désir, avec celui de voir prospérer sa maison, était de pouvoir donner une bonne éducation à ses enfants. J'avais en Suisse un oncle et plusieurs autres parents, qui étaient marchands ; mon oncle se chargea de mon instruction, me destinant à lui succéder un jour. Il fut donc entendu que je me consacrerais au commerce. C'était là le voeu du curé de mon village natal, homme d'une grande piété, au coeur généreux et à l'esprit éclairé, celui du maître d'école et du maire de la commune, qui avaient tous avec mon père les relations les plus amicales ; c'était enfin le voeu de toute ma famille.

« A cet effet je fus placé en 1801, à l'âge de quinze ans, aux fiais de mon oncle, dans l'institut de Pestalozzi [à Burgdorf], et je trouvai dans ce respectable éducateur un second père. Pestalozzi me prit en affection. Bientôt mon plus ardent désir fut de pouvoir demeurer auprès de lui, et, avec le consentement de mon père et de mon oncle, je résolus de consacrer ma vie à l'éducation. Au bout de deux ans, j'étais en état d'enseigner les éléments des mathématiques à mes condisciples et à des adultes. Je cherchai à appliquer dans cet enseignement les principes que j'avais reçus de Pestalozzi et d'après lesquels il souhaitait voir aussi traitée cette branche d'études. La même année déjà, je réussis à apporter plusieurs améliorations et additions importantes à l'enseignement des nombres et des mesures, tel qu'il se donnait alors dans l'institut.

« En juillet 1804, l'institut fut transféré à Münchenbuchsee, et presque tout l'enseignement des nombres et des mesures me fut exclusivement confié. J'exposai à Pestalozzi les difficultés que présentait l'enseignement des rapports de mesure, et il me conseilla de séparer l'étude de la forme de celle du nombre. J'essayai de traiter cette matière de la façon indiquée, et un an plus tard la « théorie de la forme » (Formlehre) était achevée.

« En juillet 1805, l'institut fut transféré de Münchenbuchsee à Yverdon. Pestalozzi avait déjà fondé là un petit commencement d'institut, qui fut réuni à l'ancien.

« Il semblait que nous eussions enfin trouvé à Yverdon une résidence stable. Je consacrai toute mon activité à perfectionner les procédés d'enseignement du nombre et de la forme, et je m'efforçai de les appliquer dans mes leçons d'une manière si claire et si complète, qu'aucun des visiteurs de l'institut ne quittait l'établissement sans se déclarer satisfait au moins sous ce rapport-là. Pestalozzi me témoignait toujours plus d'affection, ainsi que sa famille ; et, sans blesser la modestie, je puis dire que ce fut à mon influence qu'il accorda graduellement le plus de place. Je jouissais de son amitié et de sa confiance la plus entière, et un lien indissoluble se forma entre lui et moi. » (Wahrheit und Irrthum in Pestalozzi's Lebensschicksalen, 1822, pages 1-3.)

Le témoignage de Pestalozzi confirme pleinement sur ce point celui de Schmid. « Un inexplicable sentiment de sympathie, lit-on dans les Lebensschicksale, m'attira vers lui dès le premier instant de son arrivée parmi nous ; je n'avais jamais rien ressenti de pareil pour aucun autre élève. » Ce qui, dans la personnalité de Schmid, exerçait sur Pestalozzi une véritable fascination, c'est ce qu'il appelle sa force. Il y avait chez ce jeune paysan une puissance de travail extraordinaire, secondée par une volonté de fer. Dès qu'il en sut assez pour passer du rang d'élève à celui de maître, son incontestable supériorité s'imposant à tous, il prit le pas sur ses collègues avec la tranquille assurance d'un homme qui se sent fait pour le commandement. Niederer, qui devait plus tard lui résister et le traiter en adversaire déclaré, subit d'abord son ascendant comme les autres ; il admirait en lui la méthode pestalozzienne incarnée : Schmid était à ses yeux l'instituteur idéal.

Le directeur des établissements de Hofwyl, Fellenberg, a poursuivi Schmid de sa haine dans les dernières années de la vie de Pestalozzi et après la mort de celui-ci : il n'y a pas de calomnies devant lesquelles ait reculé la rancune de l'orgueilleux patricien auquel Schmid avait osé tenir tête en 1817 pour défendre Pestalozzi contre lui. Parmi ces calomnies, il en est une que nous voulons relever ici, parce qu'il nous a été possible d'en découvrir l'origine.

En 1834, Fellenberg écrivait (Pestalozzi's bis dahin unedirte Briefe) : « Joseph Schmid, encore enfant, était déjà passé maître en hypocrisie : tous les jours, dans un coin de la maison de Pestalozzi, feignant de se cacher, mais s'arrangeant pour que Pestalozzi le vît et l'entendît, il priait Dieu à genoux de lui faire la grâce de comprendre la méthode ». Si ce que rapporte là Fellenberg était vrai, Schmid eût été en effet un tartufe. Mais, comme on va le voir, l'historiette a été perfidement dénaturée. Nous nous étions demandé à quelle source Fellenberg pouvait avoir puisé son anecdote. La lecture du volume publié en 1828 par Niederer sous le titre de Pestalozzi' sche Blätter nous l'a révélé. Dans ce volume, page 173, on trouve la première et authentique version du fait travesti par Fellenberg. Voici les paroles exactes de Niederer :

« Pestalozzi aimait à raconter, comme témoignage de la piété de Schmid, que, peu après son entrée dans l'institut (Schmid avait alors quinze ans), il l'avait trouvé agenouillé dans un endroit retiré du château [de Burgdorf], priant la Sainte Vierge de lui faire la grâce d'apprendre la méthode et de devenir le premier élève de l'institut. Ce détail est des plus importants au point de vue religieux. En effet, il y a une différence capitale entre l'acte de l'homme qui adore la divinité pour l'amour d'elle-même, et l'acte de celui qui l'invoque afin d'obtenir son secours en vue d'un avantage personnel. Toutefois, en cette affaire, Joseph Schmid est plus à plaindre qu'à blâmer. S'il eût reçu une éducation réellement religieuse, que de bien il eût pu faire ! Son activité fût probablement devenue une bénédiction pour Pestalozzi et son établissement. »

Niederer, au moment où il écrivait ces lignes, était mortellement brouillé avec Schmid. Et pourtant il ne songe point à l'accuser d'hypocrisie : c'est de tout autre chose qu'il est question. Niederer ne prétend nullement que Schmid ait prié tout haut pour être entendu ; il admet sa sincérité ; ce qu'il lui reproche, c'est d'avoir naïvement demandé à la Vierge, en catholique superstitieux qu?il était alors, de lui faire obtenir la première place, au lieu d'avoir adoré la divinité en chrétien éclairé. Schmid, à son arrivée à Burgdorf, « était encore tout à fait ignorant et adonné à toutes les pratiques de sa confession » (Niederer) ; il est naturel que Pestalozzi, qui aimait le sentiment religieux sous toutes ses formes, ait été touché de la ferveur du petit Tirolien. Devenu homme, Schmid « s'émancipa » (Niederer) ; Pestalozzi, émancipé lui-même, ne put le trouver mauvais: il n'en fut pas de même de ceux qui restèrent ou devinrent croyants, Niederer, Krüsi, Ramsauer, etc.

Revenons à l'institut d'Yverdon et au rôle qu'y joua Schmid de 1805 à 1810. Tandis que Niederer, le métaphysicien de la méthode pestalozzienne, rédigeait la Wochenschrift fur Menschenbildung, et prêtait à Pestalozzi ? Socrate dont il se faisait le Platon ? des idées auxquelles celui-ci, plus tard, protesta n'avoir jamais songé, Schmid, s'enfermant dans son domaine spécial, élaborait des manuels destinés à servir de livres élémentaires pour l'enseignement des mathématiques et du dessin : Die Elemente der Formund Grössenlehre, Berne, 1809 ; Die Elemente des Zeichnens, Berne, 1809 ; Die Elemente der Zahl als Fundamente der Algebra, Heidelberg, 1810. Il publia ces trois ouvrages sous son nom, contre l?avis de Niederer, qui aurait voulu que tous les écrits sortant de l'institut portassent le nom de Pestalozzi. Ce fut là entre eux un premier sujet de discorde.

« Ce n'est point une raison d'intérêt, dit Schmid, qui avait déterminé l'opinion de Niederer. Mais je puis me rendre le même témoignage. La publication de mes livres fut fructueuse ; mais je ne consacrai pas un sou de l'argent que j'en retirai à mon usage personnel. Je l'employai à faire donner de l'instruction à quatre de mes frères et soeurs, et à subvenir à divers besoins de mon père. »

L'harmonie ne devait pas se maintenir longtemps entre les collaborateurs de Pestalozzi. Celui-ci, dans son discours du jour de l'an de 1808, déplorait déjà ce manque d'union (voir p. 1007). Voici comment Schmid expose les origines d'une situation que ses efforts furent impuissants à modifier :

« La rapide croissance et l'extension de l'institut, joints à des collisions de personnes et à des luttes d'influences, eurent ce résultat qu'en peu d'années Pestalozzi se vit débordé. Dans ces circonstances, je m'attachai inébranlablement à lui, et plusieurs fois j'eus à me charger pour lui des négociations les plus difficiles. J'avais à aplanir, tantôt de concert avec lui, tantôt à sa place, les difficultés qui se produisaient fréquemment entre les maîtres et les élèves. Le cercle de mon activité allait ainsi s'élargissant, et le succès de mes efforts parut inspirer à quelques membres du personnel de la maison une sorte de jalousie. L'état florissant de ma santé me permettait de fournir une somme de travail considérable. J'exigeais de la jeunesse qui m'entourait des efforts incessants et une infatigable activité. Pestalozzi avait à cette époque auprès de lui un grand nombre de jeunes gens qui voulaient se consacrer à l'instruction ; pendant la plus grande partie de la journée, c'était de moi qu'ils recevaient l'enseignement. Les progrès de ces jeunes gens dans l'étude des nombres et de la forme sont trop connus pour qu'il soit nécessaire d'en parler. Ma façon d'exiger des élèves les plus avancés de l'institut un travail assidu, et de les exciter à un emploi sérieux et consciencieux de leur temps, devait naturellement choquer l'esprit de laisser-aller de quelques anciens collaborateurs de Pestalozzi, qui auraient voulu d'une vie facile, agréablement bercée par les rêves de l'idéal. Une scission devait nécessairement se produire dans l'établissement, par suite de l'hétérogénéité de ces deux natures. » (Wahrheit und Irrthum, page 4.)

Nous possédons, sur la première phase du différend entre Schmid et quelques-uns de ses collègues, Niederer et Krüsi en particulier, la relation d'un témoin digne de confiance. Le célèbre Karl von Raumer, qui vint à Yverdon en octobrel809, à l'âge de vingt-six ans, accompagné d'un de ses amis (Przystanowski) et d'un élève de nuit ans (Fritz Reichardt), et y séjourna pendant sept mois, a raconté (Geschichte der Pädagogik, tome II, pages 423-443) les impressions éprouvées durant ce séjour, les confidences qu'il reçut de Pestalozzi, et les tentatives infructueuses qui furent faites à ce moment pour amener une réforme de l'institut.

« Peu de jours après mon arrivée, dit Raumer, que nous traduisons en l'abrégeant, la commission d'enquête nommée par la Diète vint à Yverdon et y resta cinq jours. Ce furent des journées de malaise pour Pestalozzi et ses maîtres ; on pressentait que la commission, qui s'en tenait uniquement aux résultats réellement constatables, ne ferait pas un rapport enthousiaste. J'étais venu pour apprendre et pour me rendre utile. Je couchais dans un des dortoirs, je mangeais avec les enfants, j'assistais aux leçons, au culte du matin et du soir, et aux conférences des instituteurs. Au bout de quelques semaines, un soir que je me trouvais, avec Pestalozzi et les autres maîtres, à l'hôtel du Sauvage, où l'on se réunissait tous les quinze jours, Pestalozzi me prit à part dans une chambre voisine. Là, après quelques paroles de préambule, il se mit à me parler de certains maîtres de l'institut avec une liberté qui me frappa d'étonnement : ce qu'il m'en dit était en complète contradiction avec le langage tenu dans le « Rapport aux parents » (Bericht an die Eltern, 1807), mais non avec ce que j'avais pu observer par moi-même. Il conclut en proposant que mon ami et moi nous nous unissions à Schmid, de l'intelligence et de l'activité duquel il fit un grand éloge, pour mettre la main à une réforme radicale de l'institut. Cette proposition était pour moi si inattendue, que je demandai le temps d'y réfléchir. Je communiquai la chose a mon ami, qui fut aussi surpris que moi. Ces circonstances nous conduisirent naturellement à entrer en rapports plus intimes avec Schmid ; nous fûmes ainsi mis au courant des arcana imperii, et nous recherchâmes ensemble, en toute droiture, quels étaient les obstacles qui nuisaient à la prospérité de l'institut, et quels seraient les moyens d'y remédier.

« Le premier inconvénient que nous proposâmes d'écarter fut celui qui résultait du mélange des élèves allemands et français ; on aurait créé, à cet effet, deux instituts au lieu d'un seul. Cette proposition ne put être exécutée, principalement à cause de difficultés extérieures, qu'il eût pourtant été possible de surmonter. Pestalozzi nous donna plus tard complètement raison sur ce point, comme le prouve un passage de ses Lebensschicksale. Un autre mal était l'absence de la vie de famille, au moins pour les plus jeunes élèves, de six à dix ans ; je proposai à Pestalozzi de louer pour ces enfants une belle maison à quelque distance de la ville, où ils auraient pu avoir un genre de vie plus rapproché de celui du foyer domestique. Cette proposition n'aboutit pas non plus. Comme on peut le penser, ce fut l'occasion de parler longuement du côté faible de l'institut, l'absence de la vie de famille et l'impossibilité d'y suppléer. Nous fîmes encore une troisième proposition : comme il nous paraissait impossible que les idées de Pestalozzi pussent être réalisées à Yverdon, étant donné les circonstances, nous l'invitâmes à aller fonder en Argovie l'institut de pauvres promis depuis si longtemps, et lui offrîmes à cet effet notre concours. Il ne voulut pas y consentir ; je regardai alors comme mon devoir, dans l'intérêt de l'enfant qui m'était confié, de quitter l'institut. Je n'ai aucune intention de justifier mon attitude dans cette circonstance en inculpant autrui ; je dirai seulement un mot pour l'expliquer. A ce moment, Schmid et Niederer, si différents par les talents, le caractère et les tendances, étaient déjà en complète opposition ; avec la meilleure volonté il était impossible d'opérer une conciliation entre eux ; il fallait prendre parti pour l'un ou pour l'autre. Pestalozzi lui-même tenait pour Schmid, dont l'activité résolue et infatigable m'était garante qu'il serait un auxiliaire énergique pour les réformes. Je me trouvai ainsi sans le vouloir en opposition avec Niederer. Quoique je ne pusse partager ses opinions sur plusieurs points, j'aurais dû rendre justice à son enthousiasme et à son esprit de sacrifice. Je me sentais attiré par la douceur de Krüsi ; mais lui aussi était contre Schmid. Je quittai donc Yverdon en mai 1810. Bientôt après les hostilités, longtemps restées latentes, éclatèrent publiquement. »

Nous avons dit ailleurs (Voir Pestalozzi, p. 1607) que l'incident qui mit le feu aux poudres fut la publication du rapport du P. Girard (juin 1810), où Schmid recevait seul des éloges, tandis que l'enseignement des branches enseignées par les autres maîtres était l'objet de critiques parfois sévères. La lecture de ce rapport aurait dû faire sentir aux collègues de Schmid la nécessité d'accepter les réformes que celui-ci réclamait et qu'il avait vainement tenté de réaliser de concert avec Raumer. Il n'en fut rien ; tout au contraire, les oppositions sourdes passèrent subitement à l'état aigu. Schmid, alors, annonça sa résolution de quitter l'institut. On s'est demandé pourquoi Pestalozzi, qui lui donnait raison, le laissa partir? c'est qu'il n'était plus maître de ses résolutions ; des nécessités auxquels il ne pouvait se soustraire l'enchaînaient à Yverdon. « Si je n'avais que quarante ans, dit-il à Schmid, je partirais avec toi. » Ce que Pestalozzi ne pouvait pas faire, d'autres le firent : Murait, von Türk, Hoffmann et Mieg quittèrent l'institut en même temps que Schmid.

Comme il a été dit à l'article Pestalozzi (p. 1607), il y eut au départ de Schmid une autre cause encore que le dissentiment pédagogique entre lui et quelques-uns de ses collègues. Il s'était épris d'une jeune institutrice, Louise Segesser, attachée à l'institut des jeunes filles ; Niederer était son rival et fut préféré ; Schmid lui céda la place.

Une fois libre, Schmid se retira d'abord dans sa famille, à Au. Il se sentait pressé d'expliquer publiquement les motifs de la décision qu'il avait prise ; il le fit dans une brochure intitulée Expériences et Opinions sur l'éducation, les instituts et les écoles (Erfahrungen und Ansichten über Erziehung, Instilute und Schulen), et datée d'Au, le 8 août 1810 (Heidelberg, chez Mohr et Zimmer, in-8°, 146 p.). Certains biographes veulent voir dans cette publication un acte de noire ingratitude envers Pestalozzi ; M. de Guimps la caractérise ainsi : « Schmid publia contre l'institut d'Yverdon un pamphlet dans lequel il l'appelait la honte de l'humanité ». Il faut n'avoir pas lu l'écrit de Schmid pour le qualifier de cette façon sommaire. Dans cette brochure, oeuvre mal digérée d'un jeune homme absolument étranger à l'art d'écrire, et qui pour la première fois cherche à se rendre compte de ses idées, nous retrouvons l'écho des conversations de l'hiver précédent entre Raumer, Pestalozzi et Schmid. La pensée essentielle, qui revient à chaque page, c'est que l'éducation est la tache des parents, qu'elle doit se faire au foyer domestique, à moins que les circonstances ne rendent la chose impossible. L'auteur distingue deux périodes dans l'éducation : la première va de la naissance jusqu'à l'âge de douze ou quatorze ans ; la seconde, de douze ou quatorze ans jusqu'à l'âge adulte. Les instituts d'éducation, tels qu'ils existent, sont absolument mauvais pour les enfants du premier âge, auxquels la vie de famille est indispensable. Les parents doivent donc garder leurs enfants auprès d'eux au moins pendant la première période de l'éducation. « Et vous, maîtres et éducateurs des instituts, s'écrie l'auteur, si vous vous sentez capables d'élever des enfants, sortez de vos instituts qui ne vous conduiront jamais au but. Pas plus que les casernes ne peuvent faire le salut et le bonheur d'un pays, une semblable éducation de caserne ne peut être bonne pour la jeunesse. » Pour les enfants du second âge, Schmid admet des « instituts d'enseignement » (Lehroder Unterrichtsanstalten) ; mais il recommande aux parents de n'y pas placer leurs enfants avant l'âge de treize, quatorze ou quinze ans, et il ajoute qu'il serait préférable de les garder dans la famille et de leur faire suivre les classes d'une école. Quelques pages intéressantes sont consacrées aux écoles publiques : Schmid recommande d'apporter un soin particulier aux exercices physiques, ainsi qu'aux occupations techniques ; quant à la culture intellectuelle, au développement de la force intérieure par laquelle l'homme produit lui-même ses connaissances, c'est aux mathématiques qu'il faut le demander en première ligne. Le dernier tiers de l'ouvrage est consacré à un examen critique de l'institut d'Yverdon. « L'institut de Pestalozzi, demande Schmid, doit-il aussi être rangé dans la catégorie de ceux dont j'ai dit qu'ils sont la honte de l'humanité?» Et il répond : « Oui, mais Pestalozzi doit être distingué de son institut. Il ne sait pas lui-même comment il s'est trouvé placé à la tête d'un institut d'éducation. Le monde lui a imposé ses désirs et ses opinions ; il s'est laissé faire, innocent et résigné. »

« Si l'institut d'Yverdon mérite le blâme, ? continue Schmid, ? je le mérite dix fois plus ; car pendant tout ce temps j'y ai enseigné, j'ai tenu de plus près à Pestalozzi que personne ; j'étais, je puis le dire, le véritable fils de la maison, j'avais obtenu toute l'influence possible : et pourtant j'ai tout laissé faire. J'étais alors mineur, je ne me rendais pas compte des choses, et tout l'institut était dans ce même état de minorité, en sorte que les fautes commises peuvent nous être pardonnées. Mais maintenant que les yeux sont ouverts, il faut changer de voie, à moins de vouloir persévérer sciemment dans l'erreur. »

Le remède, selon lui, eût consisté à réorganiser l'institut en lui assignant un but unique et bien défini, et en renonçant résolument à tout le reste. On pourrait : 1° Ou bien en faire un pensionnat destiné à la première période de l'éducation : « s'il y a un homme né pour élever des enfants de cet âge, c'est Pestalozzi ; mais il faudrait que le nombre des enfants ne dépassât pas son coeur, sa tête et ses forces» ; 2° Ou bien en faire un institut pour l'instruction de jeunes gens arrivés au second âge ; «mais les collaborateurs manqueraient pour cela » ; 3° Ou bien y travailler à l'organisation des écoles, en y préparant de bons maîtres par de bonnes méthodes ; « toutefois l'existence d'un institut de maîtres allemands en pays français sera toujours difficile » ; 4° Ou bien, enfin, le remplacer par une école de pauvres (Armenanstalt). C'est cette dernière solution que Schmid paraît préférer ; elle est conforme au caractère de Pestalozzi lui-même, à son passé ; elle serait la réalisation du plan exposé dans Léonard et Gertrude. « Une école qui serait étroitement associée à la vie réelle du peuple de la classe pauvre donnerait des résultats tels qu'on n'en a jamais vu jusqu'à présent. Et Pestalozzi a un sentiment extraordinairement juste de ce besoin ; il comprend à merveille combien peu de services l'école seule, sans gagne-pain, rend à la pauvreté ; il songe aujourd'hui encore a réaliser l'union des exercices mécaniques d'un métier avec l'enseignement proprement dit. »

Un dernier chapitre est relatif à ce que le public appelait la « méthode pestalozzienne ». Schmid s'élève, précisément comme l'avait fait le P. Girard, contre l'engouement aveugle dont cette prétendue « méthode » est l'objet de la part de gens qui, sans y rien connaître, parlent de l'introduire partout. « J'aurai, écrit-il, le courage de le dire à la face du monde : il n'existe pas encore de méthode pestalozzienne, ni pour l'enseignement, ni pour l'éducation, qui soit arrivée à maturité et puisse être introduite. Et si on me demande : Qu'y a-t-il donc de fait et que pouvons-nous introduire? je répondrai : Pour l'enseignement, quelques branches ont été organisées d'une manière plus naturelle, et peuvent, à ce titre, être introduites là où on en aura l'emploi : ce sont le chant, les mathématiques et le dessin. Pour l'éducation, rien encore n'a été trouvé, si ce n'est la substitution de l'amour à la verge comme moyen de discipline ; mais ce n'est pas par voie législative que ce changement peut être opéré. »

Schmid prévoit que son écrit pourra être mal interprété : « Ta franchise, me dira-t-on, nuira à la bonne cause, et fournira des armes à ceux qui voudraient maintenir les erreurs du passé ». Il répond que cette franchise est nécessaire, et que la vérité doit être exprimée. Il espère que Pestalozzi la reconnaîtra, et il s'adresse à lui, en terminant, dans un sentiment reconnaissant et filial : « Père, dans ton chagrin, regarde ton fils, et tu sentiras un soulagement dans la droiture de ses intentions ; son coeur est pur, comme le lien est généreux ; un jour tu le serreras de nouveau paternellement sur ton sein, et tu retrouveras alors un fils en lui ».

L'écrit de Schmid causa, comme on pouvait s'y attendre, beaucoup d'irritation à Niederer et à ses collègues. Cette publication, acte tout au moins inconsidéré et. où le dépit avait certainement sa part, aurait dû, semble-t-il, refroidir Pestalozzi à l'égard de celui qui avait été son élève préféré. Il n'en lut rien. Tout au contraire, Pestalozzi reconnut que Schmid, s'il avait des torts dans la forme, avait raison dans le fond. Il ne cessa pas de lui témoigner une affection toute paternelle. Quelques mois plus tard, dans son discours du jour de l'an de 1811, il s'écriait, devant Niederer et les autres maîtres de l'institut : « Et toi, Schmid, que j'aimais tant, où es-tu? pourquoi ne te vois-je pas en ce jour parmi les miens? » Schmid n'a d'ailleurs jamais désavoué les idées exprimées dans l'opuscule de 1810. En 1847, dans la brochure intitulée Pestalozzi und sein Neuhof, il en parle comme d'un document nécessaire à consulter pour la connaissance de l'histoire intérieure de l'institut d'Yverdon, et il ajoute : « J'ai d'autant plus le droit de renvoyer le lecteur à cet écrit, qu'on a pu à bon droit, dès cette époque, le regarder comme étant bien plus l'oeuvre de Pestalozzi que la mienne. Le livre intitulé Pestalozzi's Lebensschicksale n'est rien de plus que la simple confirmation de la brochure publiée seize ans auparavant à Heidelberg. »

Après avoir séjourné alternativement à Vienne et à Munich, et parcouru l'Allemagne du Sud et la Suisse, Joseph Schmid reçut en 1812 du ministère bavarois la direction d'une école publique à Bregenz ; il la conserva jusqu'au printemps de 1815.

Nous n'avons rien à ajouter aux détails donnés à l'article Pestalozzi sur là manière dont un rapprochement s'opéra graduellement, à partir de 1812, entre Schmid et ses anciens collègues d'Yverdon, Niederer en particulier ; sur les négociations qui eurent pour résultat, en 1815, sa rentrée à l'institut menacé de ruine, sur les réformes qu'il y introduisit et les nouvelles discordes qui en furent la suite. Dans toute cette seconde période de l'histoire de l'institut d'Yverdon, la personnalité de Schmid est si étroitement liée à celle de Pestalozzi qu'il n'est pas possible de les séparer ; aussi avons-nous, à l'article Pestalozzi, fait d'avance la biographie de Joseph Schmid pour les douze années qui s'écoulèrent de 1815 à 1827, Nous y renvoyons donc le lecteur.

Nous nous bornerons à mentionner deux écrits polémiques de Schmid, nés des circonstances : le premier, Wahrheit und Irrthum in Pestalozzi's Lebensschicksalen, durch Thatsachen dargelegt, Yverdon (Heidelberg), juillet 1822, donna lieu à des poursuites correctionnelles contre Schmid et Pestalozzi ; le second, Fellenberg's Klage gegen Pestalozzi, gewürdigt und beleuchtet durch von diesem hinterlassene Schriften, Carlsruhe, 1827, est une réponse, publiée peu de temps après la mort de Pestalozzi, à une attaque de Fellenberg insérée dans divers journaux en octobre 1826. Disons aussi que les exercices d'arithmétique et de géométrie (Praktische Elementarübungen : Zahl-und Formlehre), contenus dans les volumes 14 et 15 des OEuvres complètes de Pestalozzi, édition Cotta (1826), sont dus, pour la partie technique, à la collaboration de Schmid.

Il nous reste à retracer la dernière partie de la carrière de Joseph Schmid, après la mort de Pestalozzi. Le disciple survécut vingt-trois ans à son maître ; et ce n'est pas sans quelque étonnement qu'on le voit, dès le lendemain de la mort de celui-ci, disparaître dans une obscurité presque complète où il devient difficile de retrouver sa trace. Le silence qui se fait ainsi autour de lui s'explique toutefois si l'on se dit qu'il vécut, depuis ce moment, en étranger, loin du théâtre de ses premiers succès, dans une ville dont il parlait à peine la langue et qui ignore volontiers les renommées qui ne savent pas se faire bruyantes. Aucun biographe n'a écrit le récit de ces vingt-trois dernières années de la vie de Joseph Schmid ; les renseignements, pour la plupart inédits, qu'il nous est possible d'offrir ici à nos lecteurs sont dus à une obligeante communication de M. le colonel Karl Pestalozzi (le fils de Gottlieb Pestalozzi et de Catherine Schmid), qui a bien voulu rassembler à notre intention ses souvenirs personnels concernant son oncle.

Etabli à Paris à partir de 1827, Schmid fut d'abord attaché comme professeur à l'institution Morin. Il resta quelques années sans donner de ses nouvelles à sa famille ; car le règlement des questions relatives à l'institut d'Yverdon, après la mort de Pestalozzi, avait amené une brouille entre lui et ses deux soeurs. L'aînée, Marie, qui avait rempli pendant de longues années les fonctions de maîtresse à l'institut et qui devint plus tard Mme Reidel, ne se réconcilia jamais avec son frère. Par contre, il y eut en 1832 un rapprochement entre Schmid et sa soeur cadette, Catherine, la femme de Gottlieb Pestalozzi, qui vivait avec son mari à Neuhof depuis 1822. Schmid avait signé, en 1831, avec une demoiselle Jaeger, de Sulz, près Colmar, un acte de société pour le commerce des broderies ; l'idée lui vint d'installer un atelier de broderie à Neuhof, et il proposa à Gottlieb Pestalozzi d'entrer à cet effet dans l'association. Celui-ci accepta, devint le troisième associé, et l'atelier de broderie fonctionna à Neuhof de 1832 à 1834. En même temps Schmid s'occupait aussi de travaux littéraires. Il avait conclu, lé 10 juin 1832, avec Emile de Girardin et Boutmy, un traité l'autorisant à publier une traduction allemande du Journal des connaissances utiles. Un second traité, du 23 novembre 1833, y ajouta le droit de traduction du Musée des familles. Ces deux publications parurent, l'une sous le titre de Pfenning-Magazin der Gesellschaft zur Verbreitung gemeinnütziger Kenntnisse (Brockhaus, Leipzig), l'autre sous celui de Sonntagsmagazin (Peters, Leipzig).

En 1834, l'atelier de broderie n'ayant pas donné les résultats espérés, il fallut liquider l'association. Il en résulta une nouvelle querelle, et les relations entre Schmid et la famille de Neuhof furent interrompues une seconde fois, pendant huit années. D'autre part, l'éditeur Peters ayant fait faillite en 1836, la traduction du Musée des familles dut cesser de paraître ; celle du Journal des connaissances utiles eut bientôt le même sort. Il y eut à cette occasion, entre Schmid et les autres signataires du traité du 23 novembre 1833, un procès dont nous ne connaissons pas l'issue.

Schmid n'avait pas cessé d'habiter Paris. Il donnait des leçons de mathématiques, non seulement à l'institution Morin, mais dans d'autres établissements (l'institution Bussy fils, par exemple) et chez des particuliers. Parmi les personnes avec lesquelles il s'était lié, nous citerons la princesse Galilzine, née Ismaïloff, qu'il aida dans la publication d'un ouvrage intitulé Analyse de la force, la famille de Villamil, à Passy, et le directeur de l'école Turgot, Pompée, auquel il fournit des documents pour son mémoire sur Pestalozzi.

Un nouveau rapprochement eut lieu en 1842 entre Schmid et son beau-frère : Gottlieb Pestalozzi était dépositaire des manuscrits laissés par son grand-père ; Schmid lui demanda de les lui confier, afin de les publier dans une nouvelle édition qu'il se proposait de faire des oeuvres du grand pédagogue. Malheureusement la caisse qui contenait les précieux papiers, remise par Gottlieb Pestalozzi à une maison d'expédition de Zürich pour être envoyée à Paris, se perdit en route ; elle n'a jamais pu être retrouvée. Schmid fut très vivement affecté de cette perte, qu'il attribua à tort à une négligence de son beau-frère : et bientôt les récriminations mutuelles amenèrent une troisième rupture.

Le projet de publier une nouvelle édition des oeuvres de Pestalozzi fut repris en 1846, à l'occasion des fêtes données en Allemagne et en Suisse pour le centenaire de la naissance du philanthrope zuricois. Schmid fit paraître cette année-là un prospectus en langue allemande annonçant l'ouverture d'une souscription pour l'impression de quatre volumes, qui devaient contenir Léonard et Gertrude et un choix des écrits pédagogiques de Pestalozzi. Les bénéfices de l'entreprise devaient, pour une part, être versés dans la caisse de l'une des deux Pestalozzi-Stiflungen fondées à Brougg et à Berlin ; pour une autre part, être appliqués à l'impression d'une édition illustrée de Léonard et Gertrude en trois langues, allemand, français et anglais. Un second prospectus, rédigé à peu près dans les mêmes termes, est daté de décembre 1847. L'un et l'autre prospectus sont signés : « Joseph Schmid, fondé de pouvoirs des héritiers Pestalozzi, rue de la Lune, n° 10, Paris ». En même temps, Schmid écrivit une brochure intitulée Pestalozzi und sein Neuhof (imprimée en allemand chez Paul Renouard, rue Garancière, à Paris, et mise en vente chez l'éditeur Schulthess, à Zurich ; 32 pages, 1847) ; il y reproduisait un plan, rédigé par Pestalozzi peu de temps avant sa mort, pour la création d'une école élémentaire et d'une école normale modèles à Neuhof, et il appelait sur ce projet l'attention des fondateurs des deux Pestalozzi-Stiftungen ; il annonçait, en outre, la prochaine publication d'un second volume, encore inédit, des Lebensschicksale de Pestalozzi, destiné à faire la lumière, au moyen de documents authentiques, sur les faits qui avaient amené la ruine de l'institut d'Yverdon. Enfin, en 1848, peu de temps après l'attribution ex aequo à Ph. Pompée et J.-J. Rapet du prix Félix de Beaujour pour leurs mémoires sur le système d'instruction et d'éducation de Pestalozzi, parut une brochure en français intitulée Introduction des mathématiques dans l'instruction populaire (Paris, imprimerie Lacrampe fils, 16 p., 1er novembre 1848) : Schmid y expose l'insuffisance de l'enseignement des mathématiques tel qu'il est donné en France, où il est exclusivement scientifique ; Pestalozzi voulait, au contraire, « faire descendre l'élude de la géométrie et de l'algèbre pour les mettre au niveau de l'enfance ; c'est là précisément la ligne de démarcation où divergent l'ancienne et la nouvelle école ». On objectera peut-être, dit Schmid, « qu'il est inutile ou même dangereux de populariser ainsi les mathématiques » ; à cette observation, il répond que les ouvriers ont besoin, pour être sérieusement préparés à leurs professions, de recevoir une instruction préliminaire convenable. « On s'accorde généralement à considérer l'étude des langues comme le meilleur moyen de développer l'intelligence des enfants ; Pestalozzi a démontré, par ses écrits et par la pratique, que les sciences exactes offrent un moyen d'éducation intellectuelle tout aussi efficace. Les sciences exactes et les langues doivent être commencées en même temps et marcher parallèlement, sans jamais être séparées dans le cours de l'enseignement. Remarquons, en outre, qu'il est urgent de répandre de plus en plus l'instruction, aujourd'hui que chacun peut arriver aux fonctions les plus éminentes de l'Etat. D'ailleurs, on fournit par là au peuple un moyen de plus pour améliorer son sort. » Après ces considérations préliminaires, Schmid annonce son intention d'ouvrir plusieurs cours de mathématiques, savoir : 1° un cours public et gratuit pour les instituteurs et un autre pour les institutrices ; 2° un cours public et gratuit pour des enfants de dix à onze ans (classe modèle) ; 3° un cours non gratuit, pour des enfants du même âge. « A l'établissement de ces cours, ajoute-t-il, se rattachent nécessairement la publication de nouveaux livres élémentaires, appropriés aux besoins des maîtres et des élèves. A son lit de mort, Pestalozzi avait imposé à ses héritiers l'obligation de publier ses ouvrages. Divers obstacles, qu'il serait trop long d'énumérer ici, s'étaient opposés jusqu'à présent à cette publication. Ce n'est que l'année dernière que la famille de l'illustre défunt nous chargea du soin de diriger la réimpression de ses écrits. Grâce à la protection et à la munificence du roi de Prusse et de la plupart des souverains de la Confédération germanique et autres, nous sommes à même de faire paraître incessamment une nouvelle édition allemande des oeuvres de Pestalozzi, conformément à ses dernières volontés. Nous nous proposons également d'en donner une traduction française. On conçoit qu'il ne peut être question ici que des manuels consacrés à l'enseignement des mathématiques élémentaires. Ces manuels, introduits dans presque toutes les écoles allemandes, jouissent d'une réputation méritée. En les publiant en langue française, nous comptons sur le bienveillant concours du gouvernement, du clergé, de tous les fonctionnaires chargés de la direction des écoles, des professeurs et maîtres attachés à des établissements publics et particuliers, des propriétaires d'établissements industriels, et enfin de toutes les personnes qui s'intéressent au progrès de l'enseignement populaire. » La collection de ces manuels devait paraître en huit livraisons sous le titre d'Enseignement élémentaire des mathématiques d'après la méthode de Pestalozzi.

Aucun de ces divers projets ne se réalisa ; la réaction qui se produisit dans toute l'Europe à la suite des évènements de 1848 suffit à en expliquer l'abandon.

Il résulte d'un des passages que nous venons de citer de la brochure Introduction des mathématiques dans l'enseignement populaire, que Gottlieb Pestalozzi avait donné son adhésion à l'entreprise d'une réimpression des ouvrages de son aïeul sous la direction de Schmid. L'apaisement de la dernière querelle entre celui-ci et son beau-frère s'était sans doute produit à la suite des manifestations du centenaire en 1846. Lorsque, en novembre 1850, M. Karl Pestalozzi, fils de Gottlieb, vint à Paris pour y achever ses études d'ingénieur, il y entretint avec son oncle des relations de cordiale affection. « La visite que je lui fis dès mon arrivée, nous a-t-il écrit, le réjouit d'autant plus que je pus lui apporter l'assurance que mes parents avaient oublié les démêlés d'autrefois. Mon oncle, d'ailleurs, s'est toujours montré aimable dans le commerce personnel ; et autant que je puis m'en souvenir, les différends se sont produits à la suite de ses lettres, et jamais à l'occasion d'une explication verbale. » Joseph Schmid mourut à Paris, le 14 février 1851, d'une pneumonie qui l'enleva en quelques jours, à l'âge de soixante-cinq ans.

James Guillaume