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Salzmann

Christian-Gotthilf Salzmann, l'un des principaux représentants du «philanthropinisme», naquit le 1er juin 1744, au village de Sömmerda (Thuringe), où son père était pasteur. Après avoir fréquenté l'école du village jusqu'à douze ans, il fut envoyé au gymnase de Langensalza. Là il forma pour la vie une étroite amitié avec un de ses camarades, le jeune Ausfeld, qui partageait sa chambre chez le « conrector» Lindner. Il acheva ses études à l'université d'Iéna, et, après avoir subi avec succès l'examen de candidat en théologie, il séjourna quatre ans à Erfurt chez son père, qui y avait été appelé en 1759. En 1768, le jeune candidat reçut un poste dans la paroisse rurale de Rohrborn. Il s'y maria avec la fille du pasteur d'un village voisin, Sophie Schnell, qui n'avait pas quinze ans. Feu de temps après, son beau-père et sa belle-mère étant morts, Salzmann prit chez lui les deux jeunes soeurs de sa femme, et se chargea de leur éducation. En 1772, il revint à Erfurt comme diacre ; presque aussitôt après, il y fut nommé pasteur. C'était le moment où les théologiens rationalistes essayaient en Allemagne de substituer au christianisme dogmatique la doctrine de la « religion naturelle ». Salzmann, qui suivait avec beaucoup d'intérêt les controverses soulevées par cette tentative, se rangea du côté des novateurs. Son ami Ausfeld, devenu diacre à Langensalza, partageait ses idées. « C'est une vive joie pour moi, lui écrit Salzmann, que d'avoir trouvé en vous un coreligionnaire. Continuons, tout en observant la prudence que vous recommandez, à bien faire comprendre à nos auditeurs le véritable sens de la doctrine chrétienne. Jusqu'à présent on s'est attaché à l'accessoire et on a négligé le principal. » Un peu plus tard (1780), il écrivait à Campe, en lui parlant de ses idées sur l'éducation : « Pour que les enfants deviennent bons, il faudrait les isoler complètement de la société ordinaire, et les élever dans un cercle de camarades non pervertis, sous la surveillance d'hommes moralement bons. Je crois que ce serait là le moyen d'extirper, avec le temps, le péché originel. » A côté de ses fonctions pastorales, Salzmann s'occupait des écoles de sa paroisse ; les questions d'éducation avaient pour lui, dès ce moment, un intérêt particulier. Lorsqu'il fit paraître en 1778 ses deux premiers écrits, Six sermons pour les hypocondriaques (Sechs Predigten fur Hypochondristen) et Contributions à l'émancipation de l'intelligence humaine en neuf sermons (Beiträge sur Aufklärung des menschlichen Vers landes in neun Predigten), il en destina le produit à une petite caisse scolaire qu'il avait fondée. Bientôt suivirent d'autres publications : les Récréations pour les enfants et les amis des enfants (Unterhaltungen für Kinder und Kinderfreunde), dont la collection complète forme 7 volumes et ne fut achevée qu'en 1788: Des meilleurs moyens d'enseigner la religion aux enfants (Ueber die besten Mittel Kindern Religion beizubringen, 1780), livre qui lui valut de violentes attaques de la part des théologiens orthodoxes ; et le célèbre Livre de l'Ecrevisse, ou Méthode à suivre pour une éducation déraisonnable des enfants (Krebsbüchlein, oder Anweisung zu einer unvernünftigen Erziehung der Kinder, 1780). Dans ce dernier ouvrage, qui eut un succès considérable, l'auteur, au lieu d'employer le procédé didactique direct, a recours à l'ironie ; pour rendre son enseignement plus piquant et le faire mieux pénétrer dans l'esprit du lecteur, il présente une série d'exemples dont il faut prendre le contrepied : « Moyen de se faire détester des enfants ; moyen d'inspirer de la défiance aux enfants ; moyen d'enseigner aux enfants la cruauté ; moyen de rendre les enfants vindicatifs, moyen d'inspirer aux enfants du dégoût pour certains animaux ; moyen d'inspirer aux enfants de l'aversion pour ceux qui professent une autre religion ; moyen de rendre les enfants insensibles aux beautés de la nature ; moyen d'enseigner aux enfants le mensonge», — tels sont les titres de quelques chapitres ; ces divers moyens sont résumés dans des préceptes comme ceux-ci: « Trompe souvent les enfants, — Punis-les quand ils disent la vérité, — Habitue-les à prendre plaisir aux souffrances de créatures innocentes, — Enseigne-leur que Dieu hait tous ceux qui ne sont pas de leur religion, » etc., — qu'illustrent des historiettes vivement contées.

C'est à cette époque que Salzmann entra en relations avec Basedow et ses divers collaborateurs du Philanthropinum de Dessau. La lecture des écrits de Basedow, le Methodenbuch et l'Elementarwerk, l'avait gagné à la cause du « philanthropinisme » ; aussi, lorsqu'il reçut en 1780 l'offre d'entrer dans le célèbre institut de Dessau comme professeur de religion, n'hésita-t-il pas à accepter, persuadé que l'entreprise à laquelle il allait s'associer était appelée à régénérer l'éducation dans l'Europe entière. Ce fut au printemps de 1781 qu'il quitta Erfurt avec sa famille (il avait déjà cinq enfants). A Dessau, il logea pendant quelque temps dans la maison de Basedow lui-même, qui lut témoignait une haute estime. L'enseignement religieux que donnait Salzmann aux élèves du Philanthropinum comprenait, aux termes du programme, « le christianisme évangélique et apostolique, ainsi que la morale philosophique et chrétienne ». C'était en outre Salzmann qui présidait au culte, ou, selon l'expression employée, à « l'hommage rendu à la divinité », pour lequel une liturgie spéciale avait été instituée. Les allocutions prononcées par lui dans ces réunions religieuses ont été recueillies et publiées (Gottesverehrungen, 4 vol. Dessau, 1781-1783).

Comme ses fonctions de maître de religion lui laissaient des loisirs, il les employa à des travaux littéraires. Il écrivit à Dessau deux nouveaux volumes de Récréations pour les enfants, un Livre élémentaire de morale (Moralisches Elementarbuch, 2 vol., 1782 et 1783) ; et il commença la composition d'un grand roman, Charles de Carslberg, ou les misères de l'humanité (Carl von Carlsberg, oder Ueber das menschliche Elend), qui parut en 6 volumes de 1783 à 1788. Ce livre, où l'auteur a voulu, ainsi que l'indique le titre, retracer le tableau des maux divers qui affligent les hommes, et en enseigner le remède, occupe dans la vie de Salzmann, a dit un de ses biographes, une place analogue à celle de Léonard et Gertrude dans la vie de Pestalozzi ; c'est celle de ses oeuvres où il a montré le plus de puissance d'invention, unie au style d'un véritable écrivain.

Pendant les premiers mois de son enseignement au Philanthropinum, Salzmann avait conservé toute sa foi au succès de l'entreprise dont il était devenu le collaborateur. Mais, graduellement, les querelles sans cesse renaissantes entre Basedow et Wolke lui enlevèrent ses illusions, et lui firent enfin désirer de quitter Dessau. Il conçut alors le projet de fonder, non dans une ville, milieu peu propre à recevoir un institut de jeunes gens, mais à la campagne, un établissement d'éducation dont il serait le directeur. Il s'adressa à cet effet au duc Ernest II de Saxe-Gotha, qu'il sut intéresser à son entreprise et qui lui offrit même un de ses châteaux pour y loger le pensionnat projeté. Salzmann préféra une installation plus simple : il acquit (novembre 1783) le petit domaine de Schnepfenthal, sur le versant nord-ouest de la Forêt de Thuringe, à une lieue de Waltershausen, dont le prix d'achat fut payé en partie par le duc.

En mars 1784, Salzmann fit ses adieux au Philanthropinum pour venir prendre possession de Schnepfenthal. Sa famille s'était accrue à Dessau d'un sixième enfant, auquel il avait donné pour parrains, en signe de tolérance religieuse, trois ecclésiastiques appartenant aux trois confessions catholique, luthérienne et calviniste. Il venait en outre d'adopter le fils aîné de son ami Ausfeld, qui était mort subitement en 1783. Pendant plus de deux ans, Salzmann n'eut d'autres élèves à Schnepfenthal que ses propres enfants et son fils adoptif ; aussi se trouva-t-il un moment dans de grands embarras d'argent, d'où le tira la générosité du duc de Gotha. Pour faire connaître son entreprise, il fit paraître en 1784 une brochure contenant le programme de son institut (Noch etwas über die Erziehung nebst Ankündigung einer Erziehungsanstalt). Enfin au printemps de 1785 arriva le premier élève, — un élève gratuit : c'était Karl Ritter, le futur géographe. Nous avons raconté ailleurs quelles circonstances amenèrent à Schnepfenthal le jeune Ritter, et comment Gutsmuths, qui l'accompagnait, fut retenu par Salzmann, et devint l'un des maîtres de l'institut, où il fut chargé particulièrement de l'enseignement de la gymnastique et de celui de la géographie (Voir Gutsmuths).

Bientôt quelques autres élèves suivirent celui-là ; mais leur nombre ne s'accrut que lentement: il n'y en avait encore que seize en 1788 ; l'année suivante ce nombre s'éleva à vingt-deux, et à vingt-neuf en 1790. Ce n'est qu'à partir de cette année que l'établissement entra dans une période de réelle prospérité.

Aux premières années de la création de Schnepfenthal correspondent de nombreuses publications de Salzmann. Outre les derniers volumes des Récréations et de Charles de Carlsberg, il fit paraître six volumes de récits d'excursions, sous le titre de Voyages des élèves de l'institut Salzmann (Reisen der Salzmannischen Zöglinge ; les cinq premiers volumes parurent de 1785 à 1787 ; le sixième est de 1793), et plusieurs volumes contenant des nouvelles de son institut, adressés les uns aux parents (Nachrichten aus Schnepfenthal fur Eltern und Erzieher, 1786 et 1788), les autres aux enfants (Nachrichten für Kinder aus Schnepfenthal, 1787 et années suivantes). Il fonda en 1788 un journal hebdomadaire, le Messager de Thuringe (der Bote aus Thüringen), qui trouva bien vite des milliers d'abonnés ; il y publia toute une série de petits romans d'éducation, où il donna de nouvelles preuves de son talent de conteur populaire. Ces divers écrits attirèrent l'attention sur Schnepfenthal, dont la renommée allait grandissant ; en 1789, la princesse de Schaumburg-Lippe y plaça son fils unique, et deux ans plus tard le margrave de Hesse-Philipstadt y envoya ses deux fils. Le duc de Gotha continuait à protéger l'institut ; il y faisait de fréquentes visites lorsqu'il se trouvait à son château de Reinhardsbrunn, situé dans le voisinage ; la duchesse suivait son exemple. Un passage des Nachrichten aus Schnepfenthal fera voir de quelle nature cordiale étaient les relations entre l'institut et le couple princier. « Notre cher souverain et notre gracieuse souveraine, y lit-on à la date du 3 novembre 1790, sont restés avec nous jusqu'à huit heures et ont pris part à nos réjouissances. Quelques élèves ont eu même la hardiesse d'inviter la princesse à danser, et elle a daigné accéder à leur prière. » A quelques jours de là, pour la remercier de sa bienveillance, les élèves allaient offrir à la princesse du miel qu'ils avaient récolté eux-mêmes.

L'institut de Schnepfenthal avait eu dès le début le caractère d'une grande famille ; il le conserva toujours. Salzmann, à qui sa femme n'avait pas donné moins de quinze enfants, avait en outre appelé auprès de lui, en 1793, la veuve et tous les enfants de son ami Ausfeld. Six des filles de Salzmann épousèrent plus tard des maîtres de l'institut, la plupart anciens élèves, et dont trois étaient des fils d'Ausfeld. Au milieu de ses enfants et de ses petits-enfants, Salzmann vieillissant apparaissait à ses élèves comme un véritable patriarche. Les dix-huit années de 1790 à 1808 furent pour l'institut les plus florissantes : durant cette période, il atteignit presque constamment et dépassa fréquemment le chiffre de cinquante élèves. Sa réputation était devenue européenne. Parmi les maîtres qui y enseignaient, nous avons déjà cité Gutsmuths ; il faut mentionner encore Blasche, l'auteur d'un intéressant ouvrage sur le travail manuel et les ateliers scolaires (Die Werkstätte des Kinder, 4 vol., 1800-1802), et le Hongrois Glatz, qui a publié de nombreux ouvrages d'éducation.

L'activité de Salzmann comme écrivain se ralentit un peu lorsque l'institut de Schnepfenthal eut atteint tout son développement. Toutefois il reste encore à citer de lui plusieurs ouvrages importants. En 1794 parut Conrad Kiefer, ou Méthode à suivre pour une éducation raisonnable des enfants (Conrad Kiefer, oder Anweisung zu einer vernünftigen Erziehung der Kinder) : ce traité d'éducation, sous la forme d'une nouvelle, est la contre-partie du Livre de l'Ecrevisse et devint presque aussi populaire ; il fut d'abord publié dans le Messager de Thuringe. Dans un petit livre intitulé Le ciel sur la terre (Der Himmel auf Erde, 1807), Salzmann développa cette idée, corollaire naturel de son christianisme optimiste, que l'homme, s'il le veut, peut faire de la terre un paradis. Trois autres ouvrages sont destinés à former un cours gradué et complet d'enseignement moral et religieux ; ce sont : La famille Ehrenfried, ou le premier enseignement moral pour les enfants de huit à dix ans (Die Familie Ehrenfried, oder über den ersten Unterricht in der Sittenlehre fur Kinder von 8-10 Jahren, 1803) ; Henri Gottschalk dans sa famille, ou le premier enseignement religieux pour les enfants de dix à douze ans (Henrich Gottschalk in seiner Familie, oder erster Religions-unterricht fur Kinder von 10-12 Jahren, 1804) ; et L'enseignement de la religion chrétienne (Unterricht in der christlichen Religion, 1808).

Le plus remarquable peut-être de ses écrits pédagogiques, celui où il a le mieux condensé les enseignements d'une longue expérience, c'est le volume publié en 1806 sous le titre de Livre des Fourmis, ou Méthode à suivre pour une éducation raisonnable des éducateurs (Ameisenbüchlein, oder Anweisung zu einer vernünftigen Erziehung der Erzieher). Il fut amené à écrire ce livre, dit-il, par cette considération que, si les ouvrages traitant de l'éducation des enfants étaient innombrables, il n'en existait pas encore qui traitât de « l'éducation des éducateurs » ; et cependant la formation de bons éducateurs est la première condition pour obtenir une bonne éducation de l'enfance. Après une dédicace « au jeune homme qui se voue à la noble fonction d'éducateur », et une introduction expliquant la raison d'être de son livre, Salzmann développe ce qu'il appelle son « symbole », — nous dirions son « credo », — qu'il formule en ces termes : « C'est en lui-même que l'éducateur doit chercher la cause de tous les défauts et de tous les vices de ses élèves ». Deux chapitres sont ensuite consacrés à expliquer ce qu'est l'éducation, et ce qu'un éducateur doit apprendre. Puis viennent les règles de l'éducation que l'éducateur doit se donner à lui-même ; les voici : 1° Aie une bonne santé ; 2° Sois toujours gai ; 3° Apprends à parler et à vivre avec les enfants ; 4° Apprends à partager les occupations des enfants ; 5° Efforce-toi d'acquérir des notions claires et précises sur les produits de la nature ; 6° Apprends à connaître les produits de l'activité de l'homme ; 7° Apprends à te servir de tes mains ; 8° Apprends à user de ton temps avec économie ; 9° Cherche à entrer en relation avec une famille ou un pensionnat dont les enfants ou les élèves se distinguent par l'excellence de leur santé ; 10° Cherche à acquérir le talent de donner aux enfants la conscience de leurs devoirs ; 11° Agis toujours comme tu voudrais que tes élèves agissent.

La même année que l'Ameisenbüchlein parut un Abécédaire sous le titre de Conrad Kiefer's ABCund Lesebüchlein. Deux ans plus tard (1808), Salzmann publia encore un ouvrage, le dernier : c'est une sorte de prospectus de son institut, intitulé Ueber die Erziekungsanstalt zu Schnepfenthal.

A partir de 1808, Schnepfenthal commença à décliner : les événements politiques n'étaient pas favorables au développement des établissements d'éducation. Le nombre des élèves tomba, en 1809, de cinquante-deux à trente-six, et continua à diminuer dans les années suivantes. Schnepfenthal se releva plus tard, après 1815 ; mais Salzmann ne devait pas voir ce retour de prospérité. Sa femme mourut en décembre 1810, et il ne survécut que quelques mois à sa fidèle compagne ; sa santé avait été affaiblie depuis 1809 par des attaques de rhumatisme, et il expira le 31 octobre 1811, dans sa soixante-huitième année.

La pédagogie de Salzmann est celle de l'école « philanthropiniste », qui est elle-même, dans ses traits essentiels, celle de Rousseau et de Locke. On y trouve déjà la plupart des principes et des vérités dont Pestalozzi devait s'emparer à son tour, et qu'il allait formuler en leur donnant son accent personnel (Voir Pestalozzi, p. 1604). C'est dire que cette pédagogie n'a pas vieilli, et que les écrits de Salzmann peuvent, aujourd'hui encore, être lus avec fruit. Pour Salzmann comme pour les éducateurs modernes, la tâche de l'éducation est de « développer et d'exercer les forces physiques, intellectuelles et morales de l'enfant ». Sur le mode d'acquisition des connaissances, il parle comme Pestalozzi : «Comme toutes nos connaissances, dit-il, nous viennent des sens, qui nous fournissent les matériaux dont l'intelligence tire les idées, il est très nécessaire que les sens soient exercés en premier lieu ; et comme le sens de la vue est celui par lequel nous arrivent le plus de perceptions du monde sensible, l'exercice de ce sens est le plus nécessaire. Aussi la plupart des éducateurs sont-ils d'accord sur ce point, que le premier enseignement que reçoit la jeunesse doit être intuitif. » En ce qui concerne le développement moral, il s'exprime ainsi : « Depuis qu'on a supprimé les lisières et les petits chariots, les déformations physiques qu'occasionnait l'emploi de ces moyens ont disparu, et les enfants n'en apprennent pas moins, d'abord à marcher, puis à courir et à sauter. Supprimez aussi les lisières et les chariots dans le monde moral, et l'homme moral se développera tout aussi bien de lui-même. Qu'est-ce que j'entends par lisières morales? Ce sont les commandements et les défenses, et les moyens artificiels par lesquels on cherche à habituer les enfants à les observer. L'éducateur doit chercher à amener son élève à vouloir lui-même le bien, et à le faire, non parce qu'on le lui a ordonné, et qu'on lui a défendu de faire le mal ; non parce qu'il a attendre une récompense s'il fait le bien, et un châtiment s'il fait le mal, mais parce que telle est sa volonté. » Aussi recommande-t-il, de préférence aux récompenses et aux punitions « artificielles », l'emploi des récompenses et des punitions « naturelles » ; on croirait, en voyant ce qu'il dit à ce sujet, lire une page de Herbert Spencer.

Quant au plan d'études qu'il avait adopté pour Schnepfenthal, il ressemble beaucoup à celui d'une Realschule moderne. Voici, en effet, l'énumération qu'il fait des matières composant son programme d'enseignement :

I. Etude des langues : 1°langue allemande ; 2° langue latine ; 3° langue française ; 4° langue anglaise. — II. Etude des choses : 1° histoire naturelle ; 2° géographie ; 3° histoire ; 4° physique et mathématiques ; 5° ostéologie et technologie ; 6° religion. — III. Chant et dessin.

Lorsque les élèves sont déjà passablement avancés dans les quatre langues mentionnées ci-dessus, ils sont divisés en deux sections, dont l'une comprend les jeunes gens qui se destinent aux études savantes, et l'autre ceux qui se destinent au commerce et à l'état militaire. Ils continuent à recevoir en commun l'enseignement de l'allemand, du français et de l'anglais. La première section poursuit l'étude du latin et y ajoute celle du grec. La seconde section ne reçoit plus de leçons de latin ; en revanche, les élèves qui se destinent au commerce apprennent la tenue des livres et sont exercés à écrire ; ceux qui se destinent aux armes étudient plus spécialement les mathématiques.

L'institut de Schnepfenthal a continué à prospérer sous la direction des héritiers et des continuateurs de Salzmann ; il a célébré en 1884 la fête de son centième anniversaire. A cette occasion l'institut a fait paraître une biographie de son fondateur, à laquelle nous avons emprunté une partie de nos renseignements. La librairie Pichler, à Vienne, a publié en 1886, dans la collection de ses classiques de la pédagogie, une édition des OEuvres pédagogiques de Salzmann en deux volumes, précédée d'une étude biographique et pédagogique due à MM. H. Bosse, de Schnepfenthal, et J. Meyer, d'Osnabrück.

James Guillaume