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Saint-Sernin

Jean Saint-Sernin, éducateur de sourds-muets, naquit en 1740 à Saint-Jean-de-Marsacq, petite commune de l'arrondissement de Dax dans le département des Landes, à quelques kilomètres de Bayonne. Il entra dans une étude de notaire à Bordeaux ; et comme il n'avait point de for-lune, il s'efforça d'augmenter les ressources que lui procurait son travail d'expéditionnaire en donnant des leçons de calligraphie. Il fit partie du corps de maîtrise des professeurs d'écriture, qui jouissaient à Bordeaux du monopole de l'enseignement primaire. Il ouvrit, en 1774, un établissement d'instruction dans lequel il réunissait des pensionnaires et des externes.

L'abbé Sicard, du clergé de Bordeaux, avait lié amitié avec Saint-Sernin. Lorsque l'archevêque Champion de Cicé chargea l'abbé Sicard d'étudier à Paris les procédés d'enseignement de l'abbé de l'Epée, Saint-Sernin et l'abbé Sicard convinrent d'entretenir une correspondance dont la méthode de l'abbé de l'Epée serait le sujet principal.

Le 20 février 1786, une école de sourds-muets fut ouverte à Bordeaux sous la direction de l'abbé Sicard et avec le patronage de l'archevêque et le concours de Saint-Sernin.

A la mort de l'abbé de l'Epée, en 1789, l'abbé Sicard ayant été appelé à la direction de l'institution des sourds-muets de Paris, Saint-Sernin demeura seul à la tête de l'institution de Bordeaux. Ses pensionnaires étant privés de leurs bienfaiteurs, les ressources de l'instituteur furent bien vite épuisées ; la municipalité lui alloua quelques fonds, et le directoire départemental, qui connaissait les succès de l'école, vota une subvention de 6000 francs ; de plus, le bâtiment des Minimes fut mis à la disposition de Saint-Sernin. Mais ces secours étaient temporaires, et leur médiocrité était loin de suffire aux besoins de première nécessité de l'établissement.

A l'embarras de cette situation s'ajoutèrent bientôt des épreuves intolérables. Non seulement on disputait à Saint-Sernin la direction de l'oeuvre pour laquelle il s'était imposé les plus grands sacrifices, mais encore un rapport rempli d'assertions mensongères et outrageantes fut adressé à la Convention nationale, qui le renvoya au Comité d'instruction publique. Averti à temps, Saint-Sernin se présenta devant ce Comité avec deux élèves qui furent examinés, et dont l'instruction et les sentiments valurent à l'instituteur la réhabilitation la plus honorable et la plus flatteuse. La Convention décréta, en effet, que l'école des sourds-muets de Bordeaux serait désormais, comme l'école de Paris, l'un des établissements de l'Etat.

Saint-Sernin a formé un grand nombre de sujets remarquables, tels que les sourds-muets Col, Rambeau, Cheylat, Baudonnet, Palsy, Salcède, Bonnefous, Gard et Valentin ; il a dirigé en même temps l'instruction spéciale de plusieurs professeurs parlants, parmi lesquels il faut citer l'abbé Goudelin qui fut le candidat désigné par l'abbé Sicard pour diriger après lui l'institution de Paris.

Saint-Sernin obtint sa mise à la retraite en 1814, et mourut le 9 mai 1816. La rue dans laquelle s'élève le nouveau bâtiment de l'institution nationale des sourdes-muettes de Bordeaux porte le nom de Saint-Sernin. Le portrait de cet excellent instituteur, de cet homme de bien, qui fit à l'école des sourds-muets de Bordeaux l'abandon de toutes ses économies et de son repos, fait partie de la collection des documents qui forment la galerie historique de l'institution nationale de Paris. Ce portrait, dont l'original se trouve à l'école de Bordeaux, a été peint par le petit-fils de Saint-Sernin, M. Salomon, artiste distingué.

Martin Etcheverry