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Saint-Ouen (Mme de)

Mme de Saint-Ouen (Joanne-Mathurine Ponctis de Boën), née à Lyon en 1779, morte en 1838, est l'auteur de quelques manuels qui ont été, pendant plus d'un demi-siècle, fort répandus dans les écoles, notamment d'une Histoire de France depuis l'établissement des Francs dans les Gaules jusqu'à nos jours, d'une Histoire sainte, d'une Histoire ancienne et d'une Histoire romaine élémentaire (petit in-18). Son Histoire de France est celui qui a eu le plus de vogue. Imprimée pour la première fois à Nancy, en 1832, chez le libraire-éditeur Auguste Vitart, elle fut cédée, en 1832, à la maison Hachette qui, depuis cette époque, en a fait, durant près de cinquante ans, de fréquents tirages à vingt-cinq ou trente mille exemplaires ; le dernier (le trente et unième) est de 1880.

Au moment où Mme de Saint-Ouen faisait paraître cet opuscule, l'histoire de France n'entrait pas dans le programme des écoles primaires ; à peine figurait-elle dans celui des pensionnats de jeunes filles. Mme de Saint-Ouen s'efforça d'en vulgariser l'élude, et voici les sages raisons qu'elle donna de son entreprise : « On connaît la maison de son père, son village, son canton ; les évènements qui se passent autour de nous excitent notre curiosité, et nous aimons à en saisir la marche, les causes et les conséquences. Pourquoi ne chercherions-nous pas à étendre le cercle de nos connaissances au delà des temps et des lieux où nous vivons? Membres de cette grande famille qui habite la France, ne serait-il pas honteux pour nous de n'avoir aucune idée de l'histoire de ce beau pays, de ne pas savoir ce qu'il était jadis, et comment notre nation est arrivée au point où elle est aujourd'hui? Quand les étrangers eux-mêmes s'empressent d'étudier notre histoire, il n'est plus permis à un Français de l'ignorer. »

Pour faciliter la tâche, pour la rendre en quelque sorte encore plus légère aux maîtres et aux élèves que ne l'avait fait avant elle le P. Loriquet, tout en adoptant le plan de celui-ci elle fit un abrégé moins étendu, qui devait présenter « les faits les plus essentiels à connaître ». Selon une tradition déjà établie et à laquelle devaient rester fidèles les Ansart, les Magin et tant d'autres, elle suit rigoureusement l'ordre des races en ne faisant grâce d'aucun nom ni d'aucun règne. Les tableaux dont elle fait précéder les périodes, marquées par les dynasties et les sous-dynasties, y jettent une certaine clarté, et les « Observations générales sur l'état de la nation », par lesquelles elle les termine, à l'exemple du P. Loriquet, ne manquent ni de vérité ni d'intérêt. Peut-être est-elle la première qui ait songé à illustrer les livres d'instruction élémentaire : des portraits, placés en tête de chaque règne, si rudimentaires et parfois si fantaisistes qu'ils soient, égaient au moins la vue de l'écolier. Des questionnaires se trouvent à la fin des chapitres, invitant le maître à interroger sur la leçon apprise par coeur. Ce sont sans doute ces circonstances qui, avec la pénurie de bons livres classiques particulière au temps, valurent à la petite histoire de France de Mme de Saint-Ouen l'espèce de monopole dont elle a joui si longtemps dans les écoles et dans les pensionnats.

Eugène Brouard