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Roederer

Pierre-Louis Roederer. jurisconsulte et administrateur français, est né en 1754 à Metz. Après avoir débuté au barreau de sa ville natale, il acheta une charge de conseiller au Parlement. En 1789, il fut nommé député de Metz aux Etats-généraux ; il se montra favorable aux réformes, mais attaché à la conservation de la monarchie. La session de la Constituante terminée, il devint procureur-syndic du département de Paris jusqu'au 10 août 1792 ; décrété ensuite de prise de corps par les autorités révolutionnaires, il dut se tenir caché pendant deux années. Sorti de sa retraite, il se signala comme publiciste, fut nommé membre de l'Institut et professeur de législation aux écoles centrales de Paris. Il s'éloigna de la capitale après le 18 fructidor, mais y revint en l'an VIII et prit une part active à la préparation du coup d'Etat du 18 brumaire. Bonaparte le fit conseiller d'Etat, puis l'envoya comme ministre plénipotentiaire en Suisse et aux Pays-Bas. A son retour (ventôse an X), le premier consul, qui désirait faire préparer une loi nouvelle sur l'instruction publique, le nomma directeur de ce service, qui avait formé, de l'an VII à l'an X une simple division du ministère de l'intérieur.

Eugène Rendu, dans l'ouvrage qu'il a consacré à la mémoire de son père (M. Ambroise Rendu et l'Université de France, Paris, 1861), a recueilli quelques détails curieux sur le caractère de la mission dont Roederer fut ainsi investi. Le premier consul lui dit : « Nous vous avons donné le département de l'esprit ». Ce mot est cité par Roederer lui-même dans un Rapport aux consuls dont l'original se trouve aux Archives nationales. Voici, ajoute E. Rendu, comment le conseiller d'Etat comprenait son mandat : « J'ai pensé, dit-il dans le rapport en question, que j'avais deux choses à diriger et à surveiller, sous ce mot Instruction publique, savoir : 1° l'enseignement public ; 2° l'esprit public». Et il explique ainsi comment il aurait entendu gouverner ce dernier :

« La direction de l'esprit public s'exercerait par la direction morale des spectacles et par la police des écrits. La police des écrits m'a paru devoir embrasser :

» 1° Les ouvrages nouveaux, et de trois manières : a) par l'inspection sur les corps dont les membres font, provoquent et jugent les livres, c'est-à-dire sur les corps littéraires) ; b) par la surveillance de la librairie pour empêcher les livres dangereux ; c) par la distribution des grâces qui provoquent le zèle des gens de lettres et récompensent les ouvrages utiles ;

» 2° Les gazettes et journaux, soit pour prohiber les mauvais, soit pour faire amender les douteux, soit pour entretenir les bons dans leur esprit, tant par la communication ou suggestion de bons articles que par la récompense de ceux qui auraient été inspirés du propre mouvement des auteurs.

« Réunissant toutes ces attributions, les exerçant sous l'autorité immédiate des consuls, j'aurais pu leur soumettre un plan régulier et complet d'instruction publique, et faire concourir au même but tous les hommes doués de talents et de connaissances. »

Nous ignorons les causes qui empêchèrent la réalisation du plan de Roederer, Un pareil projet avait dû sourire à Bonaparte.

Roederer prit part, en qualité d'orateur du gouvernement, à la discussion de la loi du 11 floréal an X, dont, il avait préparé le projet avec la collaboration de Fourcroy (Voir Consulat). Dans le discours qu'il prononça à cette occasion devant le Corps législatif, il critiqua très vivement les écoles centrales, et fit l'éloge des anciens collèges ; il termina par ces paroles, allusion au Concordat, tout récemment voté : « L'instruction, la religion, étaient également réclamées par l'intérêt public ; la philosophie, qui rétablit l'une, a aussi rappelé l'autre : car c'est elle qui a tendu les bras à la religion ; et cette grande restauration, que quelques gens regardent comme le triomphe de l'une des deux, fait assurément la gloire de l'une et de l'autre. »

Nous avons parlé ailleurs (Voir l'article Pestalozzi, p. 1602) de la lettre écrite à Roederer en juillet 1802 par Lezay-Marnésia, pour lui proposer d'envoyer des instituteurs français s'instruire dans la méthode pestalozzienne à Burgdorf. Il ne fut pas donné de suite à cette ouverture.

En fructidor an X (septembre 1802), Roederer quitta le Conseil d'Etat et entra au Sénat ; ce fut Fourcroy qui lui succéda à la direction de l'instruction publique. Nous n'avons pas à parler du reste de sa carrière politique. Disons seulement qu'après avoir été nommé comte de l'Empire et occupé de hautes fonctions administratives jusqu'en 1814, il fut rendu à la vie privée par la Restauration. La monarchie de Juillet lui donna un siège à la Chambre des pairs. Il est mort en 1835, à l'âge de quatre-vingts ans.

James Guillaume