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Retenues

La loi du 9 juin 1853, en supprimant vingt-quatre caisses de retraite et en chargeant le Trésor public du service des pensions, a maintenu le système des retenues ; mais elle en a complètement modifié le caractère. Tandis que, sous le régime des caisses, les prélèvements imposés au fonctionnaire représentaient la mise versée par lui pour établir le fonds commun nécessaire à l'acquittement de la retraite, dans l'esprit de la loi de 1853, au contraire, la retenue ne concourt en rien au service de la pension. Elle n'est plus qu'un impôt sur les traitements, qui figure dans les recettes de l'Etat parmi les contributions et revenus publics.

I. — Des diverses retenues. — L'article 3 de la loi maintient, en augmentant les cas dans lesquels elles doivent être opérées, les retenues qui existaient auparavant, savoir :

1° La retenue ordinaire de 5 % qui se prélève tous les mois sur le traitement ;

2° Celle du premier douzième du traitement ou de l'augmentation. En vue de parer aux inconvénients graves qui résultaient pour le fonctionnaire nouvellement installé de l'obligation de subir la retenue du premier mois de son traitement, la loi de finances du 20 mars 1877 a prescrit par son article 28 que cette retenue serait prélevée par quart sur les quatre premières mensualités.

L'expression mensualité doit s'entendre du traitement acquis pour un mois entier. Lors même que le point de départ de la liquidation du traitement se trouve fixé au 1" du mois, on prélève simplement sur le traitement afférent à chacun des quatre premiers mois (déduction faite de la retenue du vingtième) une somme égale au quart du premier douzième. Quand au contraire le fonctionnaire a été installé dans le cours d'un mois, le prorata du traitement net afférent à ce mois lui est payé intégralement et la retenue du premier douzième ne commence à être versée que sur la mensualité suivante (Circulaire du 11 février 1898) ;

3° La retenue pour cause de congé ou d'absence. L'article 3 de la loi ajoutait : et par mesure disciplinaire ; mais cette dernière disposition est devenue sans objet en ce qui concerne les fonctionnaires de l'enseignement primaire.

II. — Allocations qui sont frappées de retenues. — Pour que les sommes touchées par les fonctionnaires et employés civils de l'Etat puissent être frappées de retenues pour pensions civiles, il faut :

1° Qu'elles émanent directement de l'Etat ;

2° Qu'elles soient payées à titre de traitement fixe ou éventuel, de preciput, de supplément de traitement, de remises proportionnelles, de salaires, ou qu'elles constituent à un autre titre un émolument personnel. (Loi du 9 juin 1853, art. 3, et décret du 9 novembre 1853, art. 18.)

Cette double règle n'est pas absolue. Plusieurs exceptions y ont été faites ; nous ne parlerons que de celles qui concernent les membres de l'enseignement primaire. Aux termes de l'article 4 de la même loi, les fonctionnaires de l'enseignement rémunérés en tout ou partie sur les fonds départementaux et communaux supportent sur leur traitement et leurs différentes rétributions les retenues déterminées par l'article 3 précité. Il en est de même de ceux qui, sans cesser d'appartenir au cadre permanent de l'enseignement primaire et en conservant leurs droits à l'avancement hiérarchique, sont rétribués sur les fonds des départements, des communes et même des particuliers. (Loi du 9 juin 1853, art. 4, paragraphe 3 ; décret du 9 novembre 1853, art. 8.)

Parmi les allocations qui doivent être soumises à retenues comme suppléments de traitement figurent l'indemnité de 200 ou de 400 francs accordée aux instituteurs chargés de la direction d'une école comprenant plus de deux ou quatre classes (Loi du 19 juillet 1889, art. 8), celle de 200 francs prévue pour les maîtres chargés d'un cours complémentaire (Même loi, art. 9), celle de 500 francs dont jouissent les directeurs et directrices, instituteurs adjoints et institutrices adjointes des écoles primaires supérieures pourvus de certificat d'aptitude au professorat dans les écoles normales (Même loi, art. 20).

III. — Allocations qui sont affranchies de retenues. — Le paragraphe 1er de l'article 21 du décret du 9 novembre 1853 a énoncé de la manière suivante les diverses allocations accordées aux fonctionnaires qui doivent être dispensées de retenues : « Sont affranchies des retenues prescrites par la loi du 9 juin 1853 les sommes payées à titre d'indemnités pour frais de représentation, de gratifications éventuelles, de salaires de travail extraordinaire, d'indemnités pour missions extraordinaires, d'indemnités de frais de voyage, d'abonnement et d'allocations pour frais de bureau, de régie, de table et de loyer, de supplément de traitement colonial et de remboursement de dépenses».

Toute rétribution qui peut être rangée dans l'une de ces catégories doit être exempte de retenue.

Ainsi dans les salaires de travail extraordinaire doivent être comprises l'allocation de 500 francs accordée, dans les écoles normales dont l'effectif ne dépasse pas 50 élèves, au maître qui remplit les fonctions d'économe (Circulaire du 15 décembre 1896) ; celle qui est attribuée aux instituteurs pour la surveillance des élèves pendant l'étude du soir.

Les indemnités de frais de voyage comprennent les frais de tournées et de déplacement des fonctionnaires de l'inspection.

L'indemnité départementale dont jouissent les inspecteurs primaires doit également être considérée comme rentrant dans la catégorie des indemnités visées par l'article 21 du décret précité (Avis du Conseil d'Etat du 23 janvier 1890).

Enfin certaines indemnités sont expressément affranchies de toutes retenues par la loi ou les règlements.

Telles sont : l'indemnité de résidence attribuée aux instituteurs par la loi du 19 juillet 1889, sauf les exceptions prévues par ladite loi et des dispositions postérieures : Voir Résidence (Indemnité de) ; les allocations accordées aux maîtres et maîtresses auxiliaires chargés d'enseignements accessoires dans les écoles normales et les écoles primaires supérieures et nommés depuis la promulgation de la loi du 19 juillet 1889 (Loi du 19 juillet 1889, art. 15 ; décret du 4 octobre 1894, art. 4), exception faite des émoluments attribués aux professeurs de langues vivantes dans les écoles primaires supérieures de la Ville de Paris (Loi de finances du 17 avril 1906, art. 54) et des départements (Loi de finances du 26 décembre 1908, art. 53) ; l'allocation annuelle de 300 francs dont bénéficient les maîtres et les maîtresses qui, à un titre quelconque, enseignent dans une école annexe (Décret du 4 octobre 1894, art. 9) ; les allocations que reçoivent les professeurs des écoles normales munis de diplômes spéciaux pour leur participation aux enseignements accessoires (Décret du 19 juillet 1890, art. 2) ; celle qui est accordée aux professeurs et maîtres-adjoints des écoles normales chargés d'assurer l'ordre intérieur de l'école (Même décret, art. 4) ; l'allocation attachée à la possession de la médaille d'argent (Loi du 19 juillet 1889, art. 45) ; l'indemnité allouée aux maîtresses chargées de l'enseignement de la couture dans les écoles mixtes (Décret du 2 août 1890, art. 8), etc.

IV. — Cas où la retenue du premier douzième est due. — Aux termes de l'article 3 de la loi du 9 juin 1853, la retenue du premier douzième doit être supportée, savoir :

1° Lors de la première nomination et dans le cas de réintégration ; dans ces deux hypothèses, elle s'opère sur les diverses rétributions qui constituent le traitement du fonctionnaire.

On doit considérer comme première nomination celle qui place pour la première fois le titulaire sous le régime de la loi du 9 juin 1853. Ainsi le passage d'un emploi rémunéré sur les fonds départementaux ou communaux et non assujetti aux contributions imposées par ladite loi à une fonction assujettie à ces retenues constitue une première nomination et donne lieu à la retenue du premier douzième du traitement.

Le sens du mot réintégration a été développé par l'article 25 du décret du 9 novembre 1853, qui stipule que « le fonctionnaire démissionnaire, révoqué ou destitué, s'il est réadmis dans un emploi assujetti à la retenue, subit de nouveau la retenue du premier mois de son traitement ». Ainsi que nous l'avons dit plus haut, cette retenue 'est prélevée par quart sur les quatre premières mensualités.

Ne doivent pas être considérés comme démissionnaires le fonctionnaire qui est en disponibilité ou en congé régulier, même sans traitement d'inactivité, et celui dont l'interruption de service a été amenée par la maladie, si, à l'expiration de son congé, ou aussitôt après son rétablissement, l'agent demande à rentrer en exercice et se met à la disposition de l'administration. Il en est de même de celui dont l'emploi a été supprimé et qui demande immédiatement à être replacé.

L'article 25 précité ne détermine pas d'une manière limitative le sens que la loi attache au mot « réintégration » ; il indique seulement les cas les plus fréquents où la retenue du premier douzième doit être imposée. Ainsi le rappel à l'activité d'un fonctionnaire déjà admis à la retraite est certainement un exemple de réintégration non prévu par ledit article 25, qui doit néanmoins donner lieu, comme tous les autres cas de même nature, au versement de la contribution dont il s'agit (en ce sens, Avis de la section des finances du Conseil d'Etat du 5 novembre 1878).

2° Toutes les fois que le fonctionnaire reçoit une augmentation de traitement ; la retenue du premier douzième frappe alors le montant de ladite augmentation. Cette règle n'est rigoureusement vraie qu'en ce qui concerne le traitement fixe : le prélèvement du premier douzième d'augmentation n'est dû qu'à chaque accroissement de cet émolument.

Le paragraphe 2 de l'article 25 du décret du 29 novembre 1853 tranche une question spéciale qui se présente au sujet de la retenue du premier douzième d'augmentation. Il déclare que « celui qui par mesure disciplinaire ou par mutation volontaire d'emploi est descendu à un traitement inférieur, subit la retenue du premier douzième de toutes les augmentations ultérieures, » quand même elles ne porteraient pas ses émoluments à un taux plus élevé que celui de son traitement ancien sur lequel il a déjà subi les retenues règlementaires.

Pour échapper à l'application de ces dispositions, le fonctionnaire qui est descendu à un traitement inférieur doit produire un certificat libellé de la façon suivante :

«L…. (autorité qui a fait la nomination),

« Certifie que ce n'est ni par démission, ni par mesure disciplinaire, ni par mutation volontaire d'emploi que M. X. est descendu d'un traitement de …… à …….. et qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de lui appliquer les dispositions de l'article 25 du décret du 9 novembre 1853. »

Retenues pour cause de congé. — Aux termes de la loi de finances du 28 décembre 1895, article 40, « les retenues à verser annuellement par les fonctionnaires en congé, en non-activité ou en disponibilité, qui sont admis par la loi du 9 juin 1853 à conserver leurs droits à la retraite, ne peuvent être inférieures à celles qu'ils supportaient sur leur dernier traitement d'activité.

« Toutefois cette disposition n'est pas applicable aux fonctionnaires en congé pour maladie. »

Les agents ainsi dispensés par le dernier paragraphe de l'article 40 de la loi précitée sont ceux qui, ayant obtenu, pour raisons de santé, un congé de six 7nois au plus, restent titulaires de leur emploi, continuent à recevoir tout ou partie de leur traitement, et figurent sur les états mensuels. Le traitement intégral de ces agents est bien frappé de la retenue, mais ils ne subissent eux-mêmes le prélèvement du vingtième que sur la partie dudit traitement dont ils ont conservé la jouissance.

Il n'en va pas de même des fonctionnaires qui bénéficient d'un congé d'inactivité (Voir Congés). Ceux-ci subissent d'abord la retenue du vingtième sur leur traitement réel d'inactivité ; la différence entre cette retenue et celle qu'ils auraient eu à verser s'ils eussent conservé leur traitement d'activité, leur est réclamée ultérieurement par l'administration des finances.

Remboursement des retenues. — Les fonctionnaires et employés civils de l'Etat qui jouissent d'émoluments que les articles 3 et 4 de la loi du 9 juin 1853 assujettissent à la retenue sont obligés, aux termes dudit article 3. de supporter « indistinctement » cette contribution. Aucune considération ne doit donc les dispenser des prélèvements réglementaires, et, lorsqu'ils les ont régulièrement subis, ils ne peuvent les répéter « en aucun cas ».

Mais si les allocations qui ont été frappées de retenues doivent, au contraire, en être affranchies, le fonctionnaire a le droit de réclamer contre le préjudice que lui cause cette méprise. A cet effet, il fait parvenir au ministre dont il dépend les pièces suivantes :

1° Une demande sur papier timbré ;

2° Un état dressé et certifié par son supérieur hiérarchique (par exemple le recteur ou le préfet), indiquant le décompte des retenues indûment exercées, les périodes auxquelles elles s'appliquent et le motif du remboursement ;

3° Les déclarations de versement correspondant aux dites retenues. Ces déclarations sont délivrées par le trésorier-payeur général.

La production de ces pièces n'est pas nécessaire lorsque le remboursement peut avoir lieu par voie de précompte. Pour appliquer ce mode de reprise par compensation, il faut que les retenues qui doivent être régulièrement subies et celles dont la restitution est demandée soient de même nature, et en outre qu'elles se rapportent au même exercice et à des allocations inscrites sur le même chapitre du budget : il suffit alors de déduire, sur le total des retenues à verser, le montant de la somme à verser.

Le fonctionnaire à l'égard duquel des retenues ont été opérées à tort devient par ce fait créancier de l'Etat ; la déchéance spéciale prononcée par l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831 lui est donc opposable s'il n'envoie pas les justifications suffisantes dans le délai de cinq ans ou de six ans à partir de l'ouverture de l'exercice pendant lequel la dernière retenue indûment subie a été prélevée, selon qu'il réside en Europe ou hors du territoire européen.

Versements rétroactifs. — Inversement un fonctionnaire peut être autorisé à verser rétroactivement les retenues pour pensions civiles. Mais le ministère des finances et la Cour des comptes n'admettent ces versements que lorsqu'il s'agit de réparer une erreur administrative, c'est-à-dire dans les cas exceptionnels où les retenues étant réellement dues, l'administration a omis de les percevoir.

Perception des retenues. — Les traitements ou allocations passibles de retenues qui sont acquittés par les comptables du Trésor sont portés pour le brut dans les ordonnances et mandats, et il y est fait mention spéciale des retenues à exercer pour pension.

Les comptables chargés du paiement de ces ordonnances ou mandats les imputent en dépense pour leur montant intégral, et ils constatent en recette les retenues opérées au crédit du budget de chaque exercice et à un compte distinct intitulé : Retenues sur traitements pour le service des pensions civiles. (Décret du 9 novembre 1853, art. 5.)

La loi du 29 juillet 1889 ayant mis à la charge de l'Etat les traitements des instituteurs, les règles indiquées ci-dessus sont applicables à tout le personnel de l'enseignement primaire.

A l'égard des fonctionnaires rétribués sur d'autres fonds que ceux de l'Etat et qui ont néanmoins droit à pension conformément au paragraphe 3 de l'article 4 de la loi du 9 juin 1853, ils supportent la retenue sur l'intégralité dé leurs rétributions, déduction faite des indemnités rentrant dans la catégorie de celles qui sont prévues à l'article 21 du décret du 9 novembre 1853.

Le mode de perception est réglé de la façon suivante:

Ceux qui sont placés en France et en Algérie doivent effectuer le versement des retenues par trimestre à la caisse du receveur des finances, et ils transmettent la déclaration de ce versement au ministre du département auquel ils ressortissent ;

Ceux qui résident à l'étranger sont tenus de faire acquitter pour leur compte les retenues qui les concernent, à la caisse d'un receveur des finances dont ils auront fait choix, et de faire en même temps la déclaration ci-dessus prescrite ; ils sont autorisés à faire un seul versement par année. En fait, c'est le revenu central de la Seine qui, par suite d'une entente entre le ministère des finances et les différents départements ministériels, est chargé de percevoir les retenues à verser par les agents détachés. Dans tous les cas, les retenues ne doivent être acceptées par les comptables du Trésor qu'autant que le ministre compétent leur a transmis un titre de perception qui les autorise à recevoir ces versements. (Même décret, art. 13.) — Voir Retraite (Pensions de).