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Religieuse (instruction)

L'art. 1er de la loi du 28 mars 1882 a supprimé, par prétérition. des matières de l'enseignement primaire public l'instruction religieuse, en la remplaçant par l?instruction morale et civique.

Les motifs de cette suppression ont été exposés de la manière suivante par M. Ribière dans son rapport au Sénat :

« La sécularisation de l'école, ou, si l'on veut, la laïcisation du programme, apparaît d'abord comme une conséquence forcée du système de l'obligation. Sous l'empire de la loi de 1850, le père de famille, libre de donner ou de ne pas donner à son enfant l'instruction primaire, pouvait, à la rigueur, le soustraire à un enseignement confessionnel et dogmatique en opposition avec ses idées religieuses ou ses sentiments intimes ; avec la loi projetée ; un très grand nombre de pères de famille devront, en fait, envoyer leurs enfants à l'école publique : il est donc nécessaire que cette école n'ait, à aucun degré, le caractère d'école confessionnelle. Autrement, que deviendraient la liberté et le respect qui sont dus à toutes les opinions philosophiques ou religieuses des pères de famille, à celles qui pourront être, dans un âge plus avancé, adoptées par les enfants eux-mêmes, à celles des instituteurs pour lesquels, comme pour tous, le choix d'une fonction ou d'un état doit rester indépendant du choix d'une doctrine ou d'un culte religieux?

« L?école primaire, ouverte à tous, ne devant dépendre d'aucune doctrine confessionnelle, ne devant être ni religieuse, ni antireligieuse, doit être, par conséquent, l'école sécularisée, l'école neutre, l'école laïque. »

De son côté, le rapporteur de la Chambre des députés, M. Paul Bert, a démontré que le principe de neutralité religieuse avait pour base et entraînait comme application légale le principe de la liberté de conscience. Et il concluait ainsi : « A nos yeux, cette argumentation présente une telle force que, sans la suppression des matières religieuses du programme de l'enseignement, l'obligation nous apparaîtrait comme un danger plutôt que comme un bienfait ».

La neutralité de l'école est absolue ; elle n'implique pas seulement la prohibition, pour l'instituteur, de s'immiscer dans l'enseignement d'une religion déterminée ; elle lui fait défense de porter atteinte à l'éducation religieuse que ses élèves peuvent recevoir chez eux ou à l'église. Jules Ferry, alors ministre de l'instruction publique, s'en est expliqué catégoriquement au Sénat. « Si un instituteur, a-t-il dit (séance du 15 mars 1882), s'oubliait assez pour instituer un enseignement outrageant pour les croyances de n'importe qui, il serait aussi sévèrement et aussi rapidement réprimé que s'il avait battu ses élèves, ou s'était livré contre leurs personnes à des sévices coupables. »

Le législateur de 1882, après avoir supprimé des matières de l'enseignement primaire public l'instruction religieuse, a voulu laisser aux parents le temps nécessaire pour faire donner, à leur gré, cette instruction à leurs enfants. Tel est l'objet du premier paragraphe de l'art. 2 de la loi du 28 mars ainsi conçu : « Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants, l'instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires ».

Ce jour de vacance est généralement le jeudi.

Il va sans dire que, lorsque certains exercices, comme la gymnastique, ont été reportés au jour réservé pour l'instruction religieuse, l'heure doit en être fixée de manière à ne gêner en rien l'enseignement religieux qui peut être donné, ce jour-là, aux enfants. Le ministre a dû le rappeler à plusieurs municipalités.

Pour achever de montrer que la loi nouvelle n'a voulu gêner en rien l'enseignement religieux que les élèves peuvent recevoir en dehors de l'école, il suffira d'ajouter que l'art. 5 du règlement scolaire modèle du 18 juillet 1882 (reproduit dans celui du 18 janvier 1887) a autorisé les élèves, dans la semaine qui précède la première communion, à quitter l'école aux heures où leurs devoirs religieux les appellent à l'église.

Il convient de remarquer que, tandis que l'art. 2 de la loi du 28 mars décide que l'instruction religieuse ne peut plus être donnée qu'en dehors des « édifices scolaires », les divers orateurs qui ont pris part à la discussion de la loi, le ministre notamment, se sont servis de l'expression « locaux scolaires », laquelle a un sens beaucoup moins large et comprend seulement les salles de classe, les salles d'étude, en un mot la partie de l'école exclusivement réservée à l'enseignement.

Il est donc plus conforme au véritable esprit de la loi de décider, malgré les termes de l'art. 2, que ce n'est que dans les locaux scolaires proprement dits qu'il ne saurait être donné aujourd'hui un enseignement religieux quelconque. La prohibition n'existerait donc plus s'il s'agit du logement personnel de l'instituteur, logement qui, d'ailleurs, comme la demeure de tout citoyen, est inviolable.

En dehors des heures de classe et des locaux scolaires, l'instituteur public lui-même peut donner l'instruction religieuse. Cela résulte des déclarations faites lors de la discussion de la loi (séance du 21 juin 1881), du texte même de la loi (art. 2) et de la circulaire du 2 novembre 1882. Cela résulte enfin de la jurisprudence du ministère de l'instruction publique qui, dans diverses espèces, a été appelé à se prononcer sur la question. Il l'a résolue en adoptant les solutions suivantes :

« Du moment où les instituteurs font librement réciter les prières et les catéchismes en dehors des heures de classe et des locaux scolaires, il n'y a aucun motif légal de s'y opposer » (4 novembre 1882).

« Les instituteurs laïques doivent être laissés libres de donner des répétitions de catéchisme, lorsque tel est le voeu des familles ou des municipalités ; mais ces répétitions ne sauraient, pour un motif quelconque, avoir lieu dans les salles de 'classe, même en dehors des heures réglementaires » (24 juin 1883). « L'instituteur doit être laissé entièrement libre d'accepter la mission que la municipalité lui offre, du moment que l'enseignement du catéchisme aura lieu en dehors des locaux scolaires et des heures de classe, et que tel est le voeu du conseil municipal » (10 juin 1882).

Consulté sur la question de savoir si une directrice d'école communale congréganiste pouvait être autorisée à faire répéter le catéchisme dans la chapelle annexée à l'établissement, le ministre a répondu que, ces exercices devant avoir lieu en dehors des heures de classe, condition de rigueur, et la chapelle ne pouvant être considérée comme local scolaire, il ne voyait aucun motif de refuser l'autorisation (16 août 1883).

Il a été décidé que, dans les communes rurales où le même bâtiment sert à la fois d'école et de mairie, la partie affectée au service municipal peut être mise, s'il y a lieu, à la disposition du ministre du culte, pourvu qu'elle soit absolument distincte de la partie affectée à l'école (6 décembre 1882).

Bien que cette déclaration ne fût point nécessaire, le législateur de 1882 a jugé utile d'insérer dans l'art. 2 de la loi du 28 mars un paragraphe portant que « l'enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées ».

La loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat a rappelé les dispositions de la loi du 28 mars 1882, en spécifiant (art. 30) que « l'enseignement religieux ne peut être donné aux enfants de six à treize ans inscrits dans les écoles publiques qu'en dehors des heures de classe ». ?Voir Catéchisme, Exercices religieux, Neutralité.