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Raumer

 Karl von Raumer naquit en 1783 à Wörlitz, près de Dessau. Son père était intendant du prince de Dessau. Elevé d'abord à Berlin, le jeune Raumer se rendit ensuite aux universités de Göttingue et de Halle. Sa famille voulait faire de lui un juriste ; mais il répugnait à s'enfermer dans une spécialité, et joignit à l'étude du droit celle des mathématiques, des sciences naturelles, des langues, de la musique. Il s'intéressait particulièrement à la géologie et à la minéralogie, et, pour en poursuivre l'étude avec fruit, il se rendit en 1805 à Freiberg, où enseignait Werner, et en 1808 à Paris. Pendant son séjour dans cette dernière ville, il lut les Discours à la nation allemande de Fichte, et sentit s'éveiller en lui le désir de concourir à la régénération de son peuple par l'application de la méthode d'éducation de Pestalozzi, dans laquelle Fichte voyait le fondement d'un meilleur avenir pour l'Allemagne. En octobre 1809, il se rendit à Yverdon, amenant avec lui un enfant de huit ans, le frère de sa fiancée, qu'il voulait faire élever dans l'institut pestalozzien. Nous citons ailleurs (Voir Schmid) ce que Raumer raconte de ses impressions à Yverdon. Il reconnut bientôt que la manière dont les principes pestalozziens étaient appliqués, dans l'enseignement donné par les maîtres du célèbre institut, laissait beaucoup à désirer. Il s'en ouvrit à quelques-uns des collaborateurs de Pestalozzi, entre autres à Joseph Schmid et à Pestalozzi lui-même, qui lui donnèrent raison ; mais Pestalozzi ne se sentait pas la force nécessaire pour opérer une réforme sérieuse ; et Raumer, voyant que ses conseils ne pouvaient rien changer à l'état des choses, quitta Yverdon après un séjour de huit mois. Il se rendit à Nuremberg, où il fit paraître son premier ouvrage sous le titre de Fragments géognostiques. Il dut à cette publication d'être nommé en 1810 secrétaire au département des mines à Berlin, et l'année suivante professeur de minéralogie à l'université de Breslau, ce qui lui permit de se marier. Lorsque l'Allemagne prit les armes contre Napoléon, il fut du nombre des volontaires, fit les campagnes de 1813 et 1814 comme adjudant de Gneisenau, et reprit ensuite son enseignement à l'université. Mais ses relations avec les patriotes, avec les organisateurs des Burschenschaften et des sociétés de gymnastique, le rendirent suspect au gouvernement prussien ; l'existence à Breslau lui fut rendue impossible par les tracasseries de l'administration. Transféré, sur sa demande, à l'université de Halle en 1819, il s'y vit bientôt en butte aux mêmes persécutions. Il donna sa démission en 1823, et entra comme maître et co-directeur dans l'institut qu'avait fondé, à Nuremberg, son ami Dittemar. Les tendances piétistes qu'il commençait à manifester eurent pour résultat la retraite d'une partie du personnel enseignant de l'établissement, qui perdit bientôt le plus grand nombre de ses élèves, et dut enfin se fermer. Raumer était depuis quelque temps sans place, lorsqu'il reçut en 1827 une vocation à l'université d'Erlangen (Bavière) : il accepta, et resta professeur à Erlangen jusqu'à sa mort, arrivée en 1865. Outre ses leçons de minéralogie, il se chargea à Erlangen de l'enseignement de la pédagogie, et de divers cours accessoires, tels que des leçons sur la Palestine et sur les Confessions de saint Augustin, qui lui firent décerner en 1853 le titre de docteur en théologie à l'occasion du soixante-dixième anniversaire de sa naissance. Cette variété d'aptitudes, cette faculté de s'intéresser à toutes les parties du savoir humain, est restée jusqu'au bout le trait dominant de cette remarquable individualité.

Le principal ouvrage de Raumer est son Histoire de la pédagogie (Geschichte der Pädagogik, vom Wiederaufblühen klassischer Studien bis auf unsere Zeit), dont le premier volume parut en 1842 et le second en 1843 (5e édition en 1879). Ce livre est un recueil de monographies, et spécialement de biographies, plutôt qu'une histoire suivie, complète et systématique ; mais ces monographies sont faites sur les documents originaux, par un écrivain consciencieux, à l'esprit lucide, que l'habitude des recherches scientifiques a préservé du danger de tomber, comme beaucoup de ses compatriotes, dans les théories nuageuses et les généralités abstraites. Raumer a voulu avant tout présenter à ses lecteurs des faits, des renseignements positifs, des réalités concrètes ; et c'est ce qui rend son ouvrage précieux à consulter.

Le premier volume va du moyen âge à la mort de Bacon. Il présente d'abord, dans une introduction d'une soixantaine de pages, un tableau de la renaissance des lettres en Italie, de Dante à Léon X. Le reste du volume est divisé en deux sections. La première, intitulée Allemands et Hollandais depuis Gerhard Groot jusqu'à Luther, comprend les chapitres suivants : 1, les Hiéronymites ; 2, Jean Wessel ; 3, Rodolphe Agricola ; 4, Alexandre Hegius ; 5 et 6, Rodolphe Lange et Hermann von der Busch ; 7, Erasme ; 8, l'école de Schlettstadt : Louis Dringenberg, Wimpheling, Crato, Sapidus, Platter ; 9, Reuchlin ; 10, coup d'oeil en arrière. La seconde section, intitulée La Réforme, les jésuites, le réalisme (de Luther à la mort de Bacon), comprend douze chapitres : 1, Luther ; 2, Mélanchthon ; 3, Trotzendorf ; 4, Neander ; 5, Jean Sturm ; 6, le Wurtemberg ; 7, la Saxe ; 8, les jésuites ; 9, les universités ; 10, le réalisme verbal ; 11, Bacon ; 12, Montaigne.

Le second volume, De la mort de Bacon à la mort de Pestalozzi, comprend les quinze chapitres suivants : 1, les novateurs ; 2, Wolfgang Ratichius ; 3, la guerre de Trente ans ; 4, Coménius ; 5, le siècle qui suit la paix de Westphalie ; 6, Locke ; 7, A.-H. Francke ; 8, les Realschulen ; 9, les philologues réformateurs : J.-M. Gesner, J.-A. Ernesti ; 10, J.-J. Rousseau ; 11, le Philanthropinum ; 12, J.-G. Hamann ; 13, Herder ; 14, F.-A. Wolff ; 15, Pestalozzi.

Un troisième et un quatrième volume parurent, l'un en 1847, l'autre en 1853 ; mais il ne contiennent pas la suite de l'histoire de la pédagogie. Le troisième volume se compose d'une série de traités sur renseignement de la religion, du latin, de l'histoire, de la géographie, des sciences naturelles, de la géométrie, du calcul, et sur l'éducation physique. Le quatrième volume est intitulé Les universités allemandes ; il contient, outre des chapitres relatifs à l'histoire générale de ces universités aux différents siècles, des souvenirs personnels concernant les universités de Breslau, de Halle et d'Erlangen.

L'Histoire de la pédagogie de Raumer n'a pas été traduite en français ; cela est regrettable, au moins pour les deux premiers volumes, qui méritent d'être lus par tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'éducation. Barnard, le célèbre pédagogue américain, en a donné une traduction anglaise.

Les autres ouvrages de Raumer qui doivent être mentionnés ici sont un Traité de l'enseignement des sciences naturelles (Ueber den Unterricht in der Naturkunde, 1823), un Manuel de géographie générale (Lehrbuch der allgemeinen Géographie, 1832), une Description de la surface terrestre (Beschreibung der Erdoberfläche, 1832), un Recueil de chansons pour enfants avec images et mélodies (Alte und neue Kinderlieder, mit Bildern und bingweisen, 1852), et une Autobiographie (Karl von Raumer's Leben, von ihm selbst erzählt, 1866).