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Prytanée français

La Révolution n'a pas, comme le répètent souvent des écrivains mal renseignés, supprimé brusquement, et sans les remplacer, tous les collèges de l'ancien régime. Elle les a, au contraire, maintenus pour la plupart, malgré leur insuffisance, durant toute la longue période où ont été discutés les divers projets d'éducation nationale ; et lorsque enfin le moment fut venu où un nouveau plan d'études put être substitué à l'ancien, elle utilisa de son mieux, pour la création des écoles centrales, le personnel et les locaux que les collèges pouvaient lui fournir.

Le collège Louis-le-Grand qui, sous l'ancien régime, était devenu, après l'expulsion des Jésuites, le collège des boursiers, avait, comme les autres collèges de Paris, continué jusqu'à la rentrée d'octobre 1793 le cours de ses leçons: il avait pris le nom de collège Egalité. Il fut désigné en l'an II pour devenir le siège de l'un des cinq instituts que le département se proposait d'ouvrir à Paris. Lorsque parut en l'an III le décret instituant les écoles centrales, et portant que « les élèves qui, dans la fête de la jeunesse, se seraient le plus distingués recevraient, s'ils étaient peu fortunés, une pension annuelle pour se procurer la facilité de fréquenter les écoles centrales », le collège Egalité fut choisi pour devenir le pensionnat de ces nouveaux boursiers, que la loi appel il les « élèves de la patrie ».A cette occasion, le nom de collège Egalité fut changé en celui de Prytanée français, en souvenir du Prytanée d'Athènes où les citoyens qui avaient bien mérité de la patrie étaient nourris aux frais de l'Etat. Les pensionnaires du Prytanée français durent suivre les cours de l'école centrale la plus voisine, qui était celle du Panthéon.

En l'an VIII, au début du Consulat, le ministre de l'intérieur, Lucien Bonaparte, proposa une réorganisation du Prytanée, et la division de cet établissement en quatre collèges placés chacun dans une ville différente. On lit clans le rapport qu'il adressa aux consuls à ce sujet : « Maigre les règlements qui ont été faits pour assurer aux jeunes gens des départements des places dans le Prytanée, il faut avouer qu'il ne peut guère être considéré que comme un établissement local: et d'ailleurs, la modicité des revenus qui sont affectés à son entretien, et celle des sommes que le gouvernement y consacre, restreignent à un trop petit nombre de sujets le bienfait de l'enseignement, et ne permettent pas que celui qu'on y donne ait une influence sensible sur l'immense population de la République. L'établissement, étant unique, ne peut recevoir qu'un trop petit nombre d'élèves : l'expérience a fait connaître que le nombre de ceux qu'on rassemble dans un même collège ne doit guère passer deux cents. De plus, si l'on se borne à n'y admettre que ceux qui ont droit à une éducation gratuite, il arrivera que l'enfant né avec d'heureuses dispositions, et dont la famille jouit d'une honnête aisance, se verra privé des avantages de l'instruction publique. Il faut se hâter de remédier à ces inconvénients. » Conformément à ces dispositions, un arrêté des consuls, du 1er germinal an VIII, divisa le Prytanée français en quatre collèges placés, le premier, dans le local du Prytanée à Paris, le second à Fontainebleau, le troisième à Versailles, et le quatrième à Saint-Germain ; dans chaque collège, il devait y avoir cent places payées par le gouvernement, et exclusivement accordées aux enfants peu aisés des militaires et des fonctionnaires publics morts pour le service de l'Etat. A côté des pensionnaires de l'Etat, les quatre collèges purent recevoir d'autres élèves dont la pension restait à la charge de leurs familles. Quelques jours après, un autre arrêté (18 germinal an VIII) institua à Bruxelles un cinquième collège du Prytanée, à la dotation duquel furent affectés les biens de l'ancienne université de Louvain.

Le gouvernement renonça à placer un collège à Fontainebleau, où il devait, quelque temps après, fonder l'Ecole militaire: les quatre premiers collèges du Prytanée furent installés à Paris, à Saint-Cyr (Versailles), à Saint-Germain et à Compiègne. Le règlement général du Prytanée français, rédigé par Chaptal (27 messidor an IX), porta le nombre des élèves boursiers à deux cents pour chacun des collèges de Paris, Saint-Cyr et Saint-Germain, et à trois cents pour celui de Compiègne ; le nombre des élèves non boursiers fut limité à cent pour chaque collège. Les élèves furent soumis à la discipline militaire.

Pour les trois premiers de ces collèges, le terme des études fut fixé à dix-huit ans ; les élèves étaient placés, les uns dans la section civile, les autres dans la section militaire : les études de la section civile conduisaient soit aux places de l'administration, soit à l'admission comme élève des écoles des mines, des ponts-et-chaussées, de droit, de médecine, soit à la carrière de l'enseignement ; les élèves sortis de la section militaire devaient entrer comme sous-lieutenants dans l'infanterie, ou être admis à concourir aux examens pour obtenir des emplois dans le génie, l'artillerie ou la marine. Le plan d'études adopté pour ces trois collèges est très intéressant à consulter. Jusqu'à douze ans, les études de tous les élèves sont les mêmes ; à partir de douze ans, l'enseignement, dans la section civile, comprend les humanités, la rhétorique et la philosophie ; dans la section militaire, il comprend les mathématiques, les sciences physiques, les connaissances militaires ; on y ajoute, comme études communes dans les deux sections, l'allemand, l'anglais, le dessin, l'écriture, l'escrime et la danse. « Créer, dit Gréard, dans les études secondaires deux courants indépendants et distincts, tel était l'objet de cette constitution scolaire, origine et essai du système dit de la bifurcation. »

Quant au quatrième collège, celui de Compiègne, il était consacré aux élèves qui se destinaient soit aux arts mécaniques, soit à la marine : les premiers étaient placés, à quatorze ans, en apprentissage chez des maîtres particuliers ; la durée de cet apprentissage ne devait pas excéder trois ans ; les seconds, à l'âge de quinze ans, étaient mis à la disposition du ministre de la marine pour être employés sur les vaisseaux de l'Etat conformément aux connaissances dont ils auraient fait preuve à l'examen.

La création des lycées, due à la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), rendit superflue l'existence du Prytanée français, dont les trois premiers collèges faisaient double emploi avec les nouveaux établissements. Toutefois, deux seulement des collèges du Prytanée, ceux de Paris et de Saint-Germain, furent supprimés. Le collège de Compiègne fut transformé (arrêté du 25 février 1803) en une école d'arts et métiers, a laquelle fut réunie l'école nationale de Liancourt — Voir Liancourt (Ecole de) — ; cette école d'arts et métiers de Compiègne fut transférée à Chalons en 1806. Quant au collège de Saint-Cyr, un arrêté du 8 octobre 1803 décida qu'il porterait seul à l'avenir le nom de Prytanée français ; que le nombre des élèves boursiers y serait fixé à deux cent cinquante ; que les places d'élèves boursiers seraient exclusivement réservées aux fils des militaires morts sur le champ de bataille ; et qu'il pourrait être reçu, en outre, un nombre égal de pensionnaires entretenus aux frais de leurs parents.

Le Prytanée se trouva donc réduit à n'être plus qu'un pensionnat d'un caractère spécial, réservé aux fils de militaires qui se destinaient à la carrière de leurs pères.

En mars 1808, l'Ecole militaire, créée en 1803 par le premier consul, et qui avait été d'abord placée à Fontainebleau, fut transférée à Saint-Cyr. Le Prytanée dut lui céder la place. Un décret assigna alors à ce pensionnat, comme nouvelle résidence, la ville de la Flèche, où il fut installé dans les bâtiments de l'ancien collège. En 1811, on y annexa une école d'artillerie. Le 30 juillet 1814, une ordonnance royale supprimait le Prytanée, et rétablissait à la Flèche l'ancienne école militaire préparatoire qui y avait existé de 1764 à 1776. Depuis cette époque jusqu'à nos jours, sous les noms alternatifs de collège militaire et de Prytanée militaire, l'établissement de la Flèche s'est maintenu ; il prépare ses élèves soit aux carrières civiles, soit aux concours d'admission aux Ecoles polytechnique et de Saint-Cyr.