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Privées (écoles)

 La loi du 28 juin 1833 (art. 3) distinguait les écoles primaires en écoles publiques et écoles privées. La loi du 15 mars 1850 (art. 17) donna le nom d'écoles libres aux établissements d'éducation fondés ou entretenus par des particuliers ou des associations. La loi sur l'organisation de l'enseignement primaire, du 30 octobre 1886, emploie, comme l'avait fait le législateur de 1833, la dénomination de privées pour désigner les écoles autres que les écoles publiques. Répondant à l'évêque Freppel, qui insistait vivement pour le maintien de la qualification d'écoles « libres », le rapporteur, Paul Bert, invoqua l'autorité de la loi de 1833. « M. Guizot, dit-il, en rédigeant la loi célèbre de l'organisation de l'enseignement, a opposé aux écoles publiques les écoles privées. Il n'a pas employé le mot libres. Je pense qu'il avait pour cela des raisons qui ont leur valeur au simple point de vue académique ; mais il y a peut-être aussi des raisons qui ont également la leur au point de vue politique. Ces raisons-là n'existaient pas au temps où écrivait M. Guizot, et je ne sais pas si elles ne l'eussent pas déterminé avec plus de force encore et s'il n'y eût pas trouvé de motifs plus sérieux qu'un simple motif d'ordre littéraire pour employer le mot privé au lieu du mot libre.

« C'est seulement en 1850 que, dans la législation de ce siècle, est apparu le mot libre appliqué aux écoles qui ne sont pas des écoles publiques, et vous savez quel usage, un peu détourné de l'acception que tout le monde comprend, a été fait de ce mot libre. Vous savez ce qu'on a voulu obtenir sous ce titre : la liberté de l'enseignement ; vous savez quelles conséquences de l'ordre politique en ont été la suite ; vous vous rappelez la liberté de l'enseignement primaire et secondaire proclamée en 1850, la liberté de l'enseignement supérieur proclamée en 1872, et enfin ce mouvement venu de toutes parts, qui vous a forcés vous-mêmes à intervenir dans une législation cependant récente et à refluer sur le courant d'idées qui avait fait créer les lois sur la liberté de l'enseignement.

« Nous pensons qu'il n'est pas bon de laisser se perpétuer une telle confusion ; nous pensons qu'il n'est pas bon de continuer à dire dans un texte de loi que les écoles de l'Etat se distinguent de celles qui ne sont pas écoles de l'Etat par cela que les unes sont libres et que les autres ne le sont pas : de telle sorte que la liberté paraîtrait être un monopole pour les établissements en dehors de l'Etat et qu'elle semblerait refusée aux écoles auxquelles l'Etat donne son investiture. »

On trouvera des renseignements généraux sur l'histoire de l'enseignement privé en France depuis la Dévolution à l'article Liberté d'enseignement ainsi qu'à l'article Pension, Pensionnat, Institution.

Législation. — Aux termes de l'article 2 de la loi du 30 octobre 1886, les établissements d'enseignement primaire de tout ordre peuvent être publics, c'est-à-dire fondés et entretenus par l'Etat, les départements et les communes, ou privés, c'est-à-dire fondés et entretenus par des particuliers ou des associations.

L'enseignement de tout ordre et de toute nature ayant été interdit en France aux congrégations par la loi du 7 juillet 1906, il s'ensuit que les associations visées par la loi du 30 octobre 1886 ne peuvent plus être que des associations laïques.

OUVERTURE DES ECOLES PRIVEES. — Déclaration. — Tout instituteur qui veut ouvrir une école privée doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il veut s'établir, et lui désigner le local.

Le maire remet immédiatement au postulant un récépissé de sa déclaration et fait afficher celle-ci à la porte de la mairie, pendant un mois.

La même déclaration doit être faite en cas de changement du local de l'école ou en cas d'admission d'élèves internes. (Loi du 30 octobre 1886, art. 37.)

Il est ouvert dans chaque mairie un registre spécial destiné à recevoir les déclarations des instituteurs qui veulent établir des écoles privées.

Chaque déclaration indiquant la nature de l'école qu'il s'agit d'ouvrir doit être signée sur le registre par le déclarant et par le maire, qui en fait immédiatement établir quatre copies sur papier libre.

L'une de ces copies est affichée à la porte de la mairie, où elle demeure, comme il est dit ci-dessus, pendant un mois.

L'observation de cette formalité est prouvée par un certificat d'affichage que le maire dresse, signe et envoie directement, dans les trois jours de la déclaration, à l'inspecteur d'académie.

Les trois autres copies sont, ainsi que le récépissé délivré par le maire, remises gratuitement à l'instituteur.

L'instituteur adresse une de ces copies au préfet, une autre au procureur de la République : il lui en est délivré récépissé.La troisième copie est adressée par le déclarant à l'inspecteur d'académie, qui la fait transcrire sur un registre spécial ouvert à cet effet dans ses bureaux.

L'instituteur doit adresser à l'inspecteur d'académie, «n même temps que la copie de sa déclaration :

1° Son acte de naissance, ses diplômes, l'extrait de son casier judiciaire, l'indication des lieux où il a résidé et des professions qu'il y a exercées pendant les dix années précédentes, et le plan des locaux affectes à l'établissement ;

2° Les pièces destinées à établir qu'il est Français.

Récépissé de toutes ces pièces est donné à l'instituteur par l'inspecteur d'académie.

Ce récépissé doit mentionner non seulement la date du jour où la pièce portant la déclaration de l'ouverture de l'école a été remise, mais encore celle du jour où la déclaration accompagnée de toutes les pièces légales a été déposée dans les bureaux de l'inspection académique. (Circulaire du 19 décembre 1903.)

Les mêmes formalités sont exigées de tout instituteur qui succède à un autre dans la direction d'une école privée. (Loi du 30 octobre 1886, art. 38 ; Décret du 18 janvier 1887, art. 158.)

A défaut d'opposition, l'école est ouverte à l'expiration du mois sans autre formalité. (Loi du 30 octobre 1886, art. 38.)

OPPOSITION. — Deux autorités, le maire et l'inspecteur d'académie, peuvent faire opposition à l'ouverture d'une école privée.

Si le maire juge que le local n'est pas convenable pour des raisons tirées de l'intérêt des bonnes moeurs ou de l'hygiène, il fait savoir par écrit, à l'expiration des huit jours qui suivent la déclaration par lui reçue, au préfet, à l'inspecteur d'académie ainsi qu'au déclarant, s'il s'oppose ou non à l'ouverture de l'école. Dans le cas où il fait opposition, il indique les motifs sur lesquels cette opposition est fondée. (Loi du 30 octobre 1886, art. 37 ; Décret du 18 janvier 1887, art. 159.)

Ces motifs ne peuvent être tirés que des défectuosités du local au point de vue des bonnes moeurs ou de l'hygiène. Le maire n'a pas à se préoccuper de la personnalité du déclarant.

L'inspecteur d'académie, soit d'office, soit sur la plainte du procureur de la République, peut former opposition à l'ouverture d'une école privée dans l'intérêt des bonnes moeurs ou dans celui de l'hygiène.

On remarquera qu'il ne s'agit plus seulement ici d'apprécier si le local convient ou non à sa destination. L'inspecteur d'académie peut fonder son opposition, dans l'intérêt des bonnes moeurs, sur des considérations touchant la personne même du déclarant, qu'il jugerait indigne de diriger une école.

En outre, lorsqu'il s'agit d'un instituteur public révoqué et voulant s'établir comme instituteur privé dans la commune où il exerçait, l'opposition peut être faite dans l'intérêt de l'ordre public. (Loi du 30 octobre 1886, art. 38.)

Délai dans lequel l'opposition doit être faite. — Si l'opposition émane du maire, elle doit être faite dans le délai de huit jours. Ce délai court à dater du jour même de la déclaration, attendu qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 30 octobre 1886 le maire est tenu de recevoir toute déclaration régulière, et d'en remettre immédiatement récépissé au postulant.

En cas de refus du maire de recevoir la déclaration, la signification de la déclaration par ministère d'huissier suffit à donner date certaine à l'accomplissement de cette formalité. Le maire ne saurait, en refusant, contrairement à la loi, de recevoir une déclaration, allonger les délais que la loi lui accorde pour former opposition. (Décisions du Conseil supérieur en ce sens.)

Quand il s'agit de l'opposition formée par l'inspecteur d'académie, le délai court à dater du jour où il a été délivré récépissé des pièces qui doivent lui être adressées par l'intéressé. (Décret du 18 janvier 1887, articles 158 et 160.)

Mais il importe de remarquer que ce récépissé doit être délivré aussitôt que les pièces ont été reçues et que leur régularité a été constatée par l'inspecteur d'académie.

Il n'appartient pas à l'inspecteur d'académie d'augmenter arbitrairement le délai pendant lequel il a le droit de faire opposition en retardant la délivrance du récépissé prescrit par l'article 158 du décret du 18 janvier 1887. Il résulte d'ailleurs d'un arrêt rendu le 17 janvier 1902 par la Cour de cassation que le mois pendant lequel l'inspecteur d'académie peut faire opposition à l'ouverture d'une école privée commence à partir du jour où le dossier complet lui a été remis.

Aussi la circulaire du 19 décembre 1903 prescrit-elle aux inspecteurs d'académie, conformément à un voeu émis par le Conseil supérieur de l'instruction publique, de faire figurer sur le récépissé qu'ils délivrent à la personne qui fait une déclaration d'ouverture d'école privée, non seulement la date du jour où la pièce est remise, mais encore celle du jour où la déclaration accompagnée de toutes les pièces légales a été déposée dans les bureaux de l'inspection académique.

Motifs de l'opposition. — En thèse générale, les motifs de l'opposition ne peuvent être tirés que de l'intérêt des bonnes moeurs et de l'hygiène, sauf, comme nous l'avons dit plus haut, lorsqu'il s'agit d'un instituteur révoqué et voulant s'établir dans la commune où il exerçait précédemment. Mais, dans ce cas, l'opposition doit être faite par l'inspecteur d'académie et ne peut être faite que par lui.

Quant aux motifs particuliers sur lesquels, en dehors de ce cas spécial, l'opposition peut être valablement fondée, la généralité des termes employés par la loi ne permet pas d'en donner une énumération même approximative. Il s'agit de questions de fait, d'espèces dont l'appréciation appartient en premier lieu au Conseil départemental et en dernier ressort au Conseil supérieur de l'instruction publique. Nous ne pouvons donc que renvoyer sur ce point aux ouvrages spéciaux, particulièrement au recueil des Arrêts du Conseil supérieur de l'instruction publique, publié par M. H. Schmit (Berger-Levraut, 3 vol. in-8°), qui contient toute la jurisprudence de la haute assemblée en matière contentieuse et disciplinaire de 1887 à 1905.

Rappelons seulement que mention doit être faite, sur la notification de l'acte d'opposition à l'intéressé, des motifs de l'opposition, que cette opposition soit faite par le maire ou par l'inspecteur d'académie. C'est une formalité essentielle, et son omission a été considérée par le Conseil supérieur comme une cause de nullité.

Le Conseil a de même, tenu comme cause de nullité le fait par le maire d'avoir rédigé en termes différents l'acte d'opposition signifié à l'intéressé et le même acte notifié aux autorités compétentes. (Circulaire du 31 mai 1899.).

Procédure et jugement de l'opposition. — Les oppositions à l'ouverture d une école privée sont jugées contradictoirement par le Conseil départemental dans le délai d'un mois. (Loi du 30 octobre 1886, art. 39.)

Le délai d'un mois court à dater du jour où l'opposition a été formée et non à dater du jour où elle a été notifiée à la partie ou portée à la connaissance du préfet. Il peut arriver que des lenteurs regrettables soient apportées à l'accomplissement de ces formalités ; elles ne doivent pas préjudicier à la partie. Le point de départ est fixé et ne peut être que le jour même de l'opposition.

II est arrivé dans plusieurs départements que, pour une cause ou pour une autre, des oppositions n'ont pas été jugées dans le délai légal. Quelles qu'aient pu être les circonstances, le Conseil supérieur a considéré ce retard comme une cause absolue de nullité. Il a même estimé que si le Conseil départemental demandait un supplément d'instruction et renvoyait le jugement à une séance ultérieure, cette séance ne devait pas avoir lieu au delà du délai d'un mois fixé par la loi d'une manière absolue.

Dans le délai d'un mois doivent donc s'accomplir toutes les formalités relatives à l'instruction et au jugement. (Circulaire du 31 mai 1889.)

Lorsque le maire ou l'inspecteur d'académie a fait opposition à l'ouverture d'une école, le préfet désigne un rapporteur pris parmi les membres du Conseil, et, huit jours au moins avant la séance fixée pour le jugement de l'opposition, invite le déclarant à comparaître ou à se faire représenter devant le Conseil départemental.

Le préfet l'informe en même temps, par lettre recommandée, que le rapport et les pièces du dossier sont à sa disposition au secrétariat du Conseil départemental, un jour franc avant le jour fixé pour le jugement. (Décret du 18 janvier 1887, art. 162.)

Le rapporteur est tenu de faire un rapport écrit et ne doit pas se borner à un rapport oral. Le rapport est une pièce essentielle de la procédure, et il doit faire partie du dossier. (Décision en ce sens du Conseil supérieur.)

La question s'est posée de savoir si le Conseil départemental devait être au complet pour connaître régulièrement d'une affaire contentieuse. Le Conseil supérieur l'a résolue par la négative.

Mais il est indispensable que les deux membres de l'enseignement privé — dans les départements où il existe encore des écoles congréganistes — qui, aux termes de la loi, doivent être adjoints au Conseil départemental pour l'examen des affaires disciplinaires ou contentieuses, soient présents, ou qu'ils aient été dûment convoqués, et que la preuve soit au dossier. Autrement la partie serait privée de l'une des garanties que la loi a voulu lui assurer. (Circulaire du 31 mai 1899.)

Au jour fixé pour le jugement, le Conseil départemental prend connaissance de l'arrêté d'opposition ; il entend dans leurs explications l'intéressé, son conseil ou son représentant ; il reçoit, s'il y a lieu, les dépositions des témoins, et, après avoir examiné les différentes pièces qui composent le dossier de l'affaire et en avoir délibéré hors de la présence du déclarant, il statue sur l'opposition (Décret du 18 janvier 1887, art. 163).

En matière contentieuse, le vote a lieu par mains levées (Décret du 18 janvier 1887, art. 150). En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante (Loi du 30 octobre 1886, art. 49).

Les Conseils départementaux doivent se borner à apprécier si oui ou non l'opposition était fondée au moment où elle a été faite, et par conséquent à la maintenir ou à la lever. Ils n'ont pas à la maintenir pour un délai déterminé. Ils n'ont pas davantage à prescrire comme condition de la levée de l'opposition tels ou tels travaux. Il résulte des décisions du Conseil supérieur que l'opposition faite par l'autorité compétente doit être jugée en elle-même et dans les conditions où elle a été faite. Si certaines modifications aux plans produits, si certains travaux dans les locaux déclarés sont de nature à permettre l'ouverture de l'école, l'intéressé les fera exécuter et fera ensuite une nouvelle déclaration d'ouverture.

Il n'appartient pas au Conseil départemental d'abréger ou de simplifier les formalités prescrites par les règlements, même à la demande des intéressés. Il faut que toutes les formalités qui sont des garanties soient strictement accomplies. (Circulaire du 31 mai 1889.)

La décision du Conseil départemental est notifiée dans les huit jours par les soins du préfet tant au déclarant qu'à l'auteur de l'opposition.

Toutefois, le Conseil supérieur a jugé que le retard apporté à la notification des décisions des Conseils départementaux, si regrettable qu'il soit, ne suffirait pas à infirmer ces décisions.

Appel peut être interjeté de la décision du Conseil départemental, dans les dix jours à partir de la notification de cette décision.

Le préfet est tenu d'avertir les parties qu'elles ont le droit de se pourvoir devant le Conseil supérieur dans ce délai. (Loi du 30 octobre 1886, art. 39 ; Décret du 18 janvier 1887, art. 164.)

Mention doit être faite dans le libellé du jugement de la présence des deux membres de l'enseignement privé ou de leur convocation ; mention doit être faite aussi de la présence de la moitié plus un des membres du Conseil. (Circulaire du 31 mai 1889.)

Appel devant le Conseil supérieur. — Le recours de l'instituteur ou du maire contre la décision du Conseil départemental est reçu au bureau de l'inspecteur d'académie ; il en est donné récépissé.

Le recours de l'inspecteur d'académie est formé par une décision qu'il notifie à la partie intéressée.

L'inspecteur d'académie fait parvenir au préfet, dans le plus bref délai, la déclaration d'appel qu'il a reçue ou la décision qu'il a prise lui-même. Le préfet adresse ces pièces, avec le dossier de l'affaire, au ministre de l'instruction publique, qui en saisit le Conseil supérieur. (Décret du 18 janvier 1887, art. 165.)

Les pièces essentielles des dossiers à transmettre au Conseil supérieur en cas d'appel sont les suivantes : 1° la déclaration d'ouverture ; 2° le plan du local ; 3° l'opposition du maire, s'il y a lieu ; 4° l'opposition de l'inspecteur d'académie, portant indication du jour de la remise par le déclarant du dossier complet à l'inspecteur d'académie, s'il y a lieu ; 5° la copie de la notification de l'opposition à l'intéressé ; 6° la copie des notifications de l'opposition faites aux autorités compétentes: 7° l'arrêté préfectoral désignant le rapporteur de l'affaire ; 8° le rapport du rapporteur au Conseil départemental ; 9° l'avis de la commission sanitaire ; 10° la copie de la citation à comparaître devant le Conseil départemental ; 11° la copie de la convocation des deux membres de l'enseignement privé ; 12° les mémoires et certificats produits devant le Conseil départemental, s'il y a lieu ; 13° la délibération du Conseil départemental, avec mention des membres présents à la séance ; 14° la copie de la notification à l'intéressé de la décision du Conseil départemental ; 15° l'appel au Conseil supérieur ; 16° les mémoires et certificats produits à l'appui de l'appel, s'il y a lieu.

L'appel est soumis au Conseil supérieur de l'instruction publique dans sa plus prochaine session et jugé contradictoirement dans le plus bref délai possible.

L'instituteur appelant peut se faire assister ou représenter par un conseil devant le Conseil supérieur comme devant le Conseil départemental. En aucun cas, l'ouverture ne peut avoir lieu avant la décision d'appel. (Loi du 30 octobre 1886, art. 39.) — Voir pour la procédure devant le Conseil supérieur l'article Conseil supérieur de l'instruction publique.

Sanctions judiciaires en cas d'ouverture irrégulière. — Ces sanctions sont prévues par l'art. 40 de la loi du 30 octobre 1886 ainsi conçu : « Quiconque aura ouvert ou dirigé une école sans remplir les conditions prescrites par les articles 4, 7 et 8 {âge, nationalité, capacité), ou sans avoir fait les déclarations exigées par les articles 37 et 38, ou avant l'expiration du délai spécifié à l'art. 38, dernier paragraphe (voir ci-dessus), ou enfin en contravention avec les prescriptions de l'art. 36 (titres exigés des directeurs d'écoles primaires supérieures privées, voir ci-après), sera poursuivi devant le tribunal correctionnel du lieu du délit et condamné à une amende de 100 à 1000 francs.

« L'école sera fermée.

« En cas de récidive, le délinquant sera condamné à un emprisonnement de six jours à un mois et à une amende de 500 à 2000 francs.

« Les mêmes peines seront prononcées contre celui qui, dans le cas d'opposition formée à l'ouverture de son école, l'aura ouverte avant qu'il ait été statué sur cette opposition ou malgré la décision du Conseil départemental qui aura accueilli l'opposition, ou avant la décision d'appel.

« L'art. 463 (circonstances atténuantes) du Gode pénal pourra être appliqué.» — Voir aussi Incapacités, Congréganistes.

FONCTIONNEMENT DES ECOLES PRIVEES. — Les conditions requises du personnel des écoles publiques (âge, nationalité, capacité, etc.) sont également exigées du personnel des écoles privées. En conséquence, nul ne peut enseigner dans une école privée avant l'âge de dix-huit ans pour les instituteurs et de dix-sept ans pour les institutrices. Les uns et les autres doivent justifier au moins de la possession du brevet élémentaire de l'enseignement primaire.

En ce qui regarde l'enseignement, les directeurs et directrices d'écoles primaires privées sont entièrement libres dans le choix des méthodes, des programmes et des livres, réserve faite pour les livres qui ont été interdits par le Conseil supérieur de l'instruction publique. (Loi du 30 octobre 1886, art. 35.)

L'enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées. (Loi du 28 mars 1882, art. 2.)

L'âge d'admission des élèves dans les écoles privées est le même que celui qui est fixé pour l'admission dans les écoles publiques (Décret du 18 janvier 1887, art. 158). Il est à remarquer toutefois qu'aucune disposition légale n'a fixé l'âge au delà duquel des élèves ne peuvent plus être reçus dans une école primaire privée. La loi du 30 octobre 1886 porte seulement (art. 36) qu' « aucune école privée ne peut recevoir des enfants au-dessous de six ans, s'il existe dans la commune une école maternelle publique ou une classe enfantine publique, à moins qu'elle-même ne possède une classe enfantine ».

L'annexion d'une classe enfantine à une école privée n'est d'ailleurs pas assujettie aux formalités exigées pour l'ouverture d'une école. Une simple déclaration à l'inspecteur d'académie suffit.

D'autre part, aucune école privée ne peut, sans l'autorisation du Conseil départemental, recevoir d'enfants des deux sexes, s'il existe au même lieu une école publique ou privée spéciale aux filles.

Les écoles mixtes privées doivent, comme les écoles mixtes publiques, être dirigées par des institutrices.

Cependant les dispositions du titre 1er de la loi du 30 octobre 1886 étant communes aux écoles publiques et aux écoles privées, le Conseil départemental pourrait, par application de l'art. 6 de ladite loi, autoriser un instituteur privé à diriger une école mixte, à la condition qu'il lui fût adjoint une maîtresse de coulure. Cette interprétation résulte d'une déclaration du rapporteur de la loi à la Chambre des députés dans la séance du 13 novembre 1883.

Enfin, une école privée ne peut prendre le titre d'école primaire supérieure que si le directeur ou la directrice est muni des brevets exigés pour les directeurs et directrices des écoles primaires supérieures publiques, c'est-à-dire du brevet supérieur et du certificat d'aptitude au professorat des écoles normales. (Loi du 30 octobre 1886, art. 36.)

Les établissements privés d'enseignement primaire supérieur désignés par le ministre peuvent recevoir des boursiers nationaux, s'ils remplissent, au point de vue du personnel, de l’installation matérielle et des études, toutes les conditions exigées des établissements publics (Décret du 18 janvier 1887, art. 169).

A quelque catégorie qu'elles appartiennent, les écoles privées sont soumises à l'inspection des autorités préposées par la loi à l'inspection des établissements d'instruction primaire (inspecteurs généraux, recteurs, inspecteurs d'académie, inspecteurs primaires (Décret du 18 janvier 1887, art. 167).

Mais l'inspection dans les écoles privées porte exclusivement sur la moralité, l'hygiène, la salubrité et sur l'exécution des obligations imposées à ces écoles par la loi du 28 mars 1882 (Voir Obligation). Elle ne peut porter sur l'enseignement que pour vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la constitution et aux lois. (Loi du 30 octobre 1886, art. 9.)

Pour exercer leur contrôle à ce point de vue, les inspecteurs ont le droit de se faire présenter, dans les écoles privées, les livres en usage et les cahiers des élèves.

Ils dressent procès-verbal de toutes les contraventions qu'ils reconnaissent.

Si la contravention consiste dans l'emploi d'un livre interdit conformément à l'art. 5 de la loi du 27 février 1880, ce livre peut être saisi ; il est joint au procès-verbal. (Décret du 18 janvier 1887, art. 167.)

Afin d'assurer une surveillance efficace du personnel, il doit être ouvert dans toute école primaire privée un registre spécial destiné à recevoir les noms, prénoms, la date et le lieu de naissance des maîtres et employés, l'indication des emplois qu'ils occupaient précédemment et des lieux où ils ont résidé, ainsi que la date des brevets et diplômes dont ils sont pourvus.

Les autorités préposées à la surveillance de l'instruction publique doivent toujours se faire représenter ces registres quand elles inspectent les écoles. (Décret du 18 janvier 1887, art. 168.)

Les prescriptions relatives à la tenue d'un registre du personnel ont été renouvelées et étendues à tous les établissements d'enseignement privé par le règlement d'administration publique du 16 août 1901, rendu en exécution de la loi du 1er juillet de la même année, relative au contrat d'association. (Voir Congréganistes.)

L'art. 29 de ce règlement porte que « le registre est représenté sans déplacement aux autorités administratives, académiques ou judiciaires, sur toute réquisition de leur part ».

D'après l'art. 31 du même règlement ; le registre doit être « coté par première et par dernière, et paraphé sur chaque feuille par l'inspecteur d'académie ou par son délégué. Les inscriptions sont faites de suite et sans aucun blanc. »

Certaines précisions ont encore été apportées sur cette matière par les circulaires ministérielles des 18 décembre 1901 et 31 mai 1902. La première indique que « par employé on ne doit entendre que le personnel chargé, soit de l'enseignement, soit de la direction et de l'administration de l'enseignement, et de la surveillance des études, et, en aucune façon, le personnel attaché aux services domestiques ».

La seconde spécifie que « le registre doit fournir, pour chacun des intéressés, l'indication des divers emplois qu'il a occupés et des lieux où il a résidé depuis sa majorité ».

Pénalités qui peuvent atteindre un directeur d'école privée. — Tout directeur d'école privée qui refuse de se soumettre à la surveillance et à l'inspection des autorités scolaires dans les conditions indiquées ci-dessus est traduit devant le tribunal correctionnel et condamné à une amende de 50 à 500 francs.

En cas de récidive, l'amende est de 100 à 1000 francs.

L'art. 463 du Code pénal (circonstances atténuantes) peut être appliqué.

Si le refus a donné lieu à deux condamnations dans l'année, la fermeture de l'établissement est ordonnée par le jugement qui prononce la seconde condamnation. (Loi du 30 octobre 1886, art. 48.)

Les termes de la loi sur ce dernier point sont formels. Ils ne laissent pas au juge la latitude de décider si l'école sera ou non fermée. La fermeture doit, en pareil cas, être ordonnée par le second jugement emportant condamnation.

En dehors des pénalités judiciaires prononcées par les tribunaux correctionnels à l'encontre des directeurs d'écoles privées qui refusent de se soumettre aux prescriptions légales, des peines disciplinaires peuvent être prononcées contre les instituteurs privés par les juridictions universitaires. Les cas les plus généraux sont prévus par l'art. 41 de la loi du 30 octobre 1886, ainsi conçu :

« Tout instituteur privé peut, sur la plainte de l'inspecteur d'académie, être traduit, pour cause de faute grave dans l'exercice de ses fonctions, d'inconduite ou d'immoralité, devant le Conseil départemental, et être censuré ou interdit de l'exercice de sa profession, soit dans la commune où il exerce, soit dans le département, selon la gravité de la faute commise. (Voir, pour la jurisprudence du Conseil supérieur, le recueil de M. Schmit, cité plus haut.)

« Il peut même être frappé d'interdiction à temps ou d'interdiction absolue par le Conseil départemental, dans la même forme et selon la même procédure que l'instituteur public (Voir l'article Conseil départemental).

« L'instituteur frappé d'interdiction peut faite appel devant le Conseil supérieur, dans la même forme et selon la même procédure que l'instituteur public (Voir l'article Conseil supérieur).

« Cet appel n'est pas suspensif. »

Rappelons, d'autre part, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 28 mars 1882, tout directeur d'école privée qui ne se conforme pas aux prescriptions de ladite loi (Voir Obligation) peut être déféré au Conseil départemental en vue de l'application d'une des peines suivantes: 1° l'avertissement ; 2° la censure ; 3° fa suspension pour un mois au plus et, en cas de récidive dans l'année scolaire, pour trois mois au plus.

RÈGLES SPÉCIALES A L'ÉTABLISSEMENT DES PENSIONNATS PRIMAIRES PRIVES. — Les dispositions relatives aux conditions d'ouverture et de fonctionnement des écoles privées, telles que nous venons de les exposer, sont applicables aux pensionnats primaires privés. (Décret du 18 janvier 1887. art. 172.)

Toutefois les directeurs et directrices de pensionnats sont tenus à l'observation de certaines prescriptions spéciales : on conçoit, en effet, que le contrôle de l'Etat s'exerce d'une façon plus minutieuse lorsqu'il s'agit d'établissements qui reçoivent des élèves internes.

En premier lieu, le plan que l'instituteur privé qui veut ouvrir un pensionnat est tenu de produire doit être certifié conforme au local par le maire de la commune. Il doit indiquer avec précision la destination de chacune des pièces affectées au pensionnat, ainsi que les dimensions desdites pièces : longueur, largeur et hauteur. (Décret du 18 janvier 1887, art. 170.)

Il n'est pas nécessaire d'ailleurs de faire deux déclarations distinctes quand l'instituteur veut ouvrir à la fois une école privée et un pensionnat primaire. Il peut accomplir simultanément les formalités prescrites tant pour le pensionnat que pour l'école. (Même décret, art. 178.)

A défaut d'opposition, ou dans le cas où il a été donné mainlevée de l'opposition qui aurait été formée, le Conseil départemental détermine le nombre maximum d'élèves qui peuvent être admis dans le local affecté au pensionnat et le nombre des maîtres nécessaires pour la surveillance de ces élèves. Mention en est faite par l'inspecteur d'académie sur le plan du local. Ce plan est renvoyé à l'instituteur, qui est tenu de le représenter aux autorités préposées à la surveillance des écoles chaque fois qu'il en est requis. (Même décret, art. 173.)

Notons toutefois qu'aux termes d'un arrêt de la Cour de cassation du 16 août 1879 visant des dispositions antérieures analogues à celles qui sont contenues dans le décret du 18 janvier 1887, l'impossibilité où se trouve un instituteur libre de représenter le plan du local affecté à son pensionnat ne suffit pas pour faire naître contre lui la présomption légale qu'il n'a pas produit ce plan à l'époque de la déclaration d'ouverture de son établissement.

D'après le même arrêt, le refus ou l'impossibilité de représenter le plan des lieux aux autorités chargées de l'inspection ne constitue pas un délit, ce fait ne comporte que l'application de peines disciplinaires.

Le décret du 18 janvier 1887 spécifie, d'autre part, dans son article 174, que l'instituteur qui ne s'est pas conformé aux mesures prescrites par le Conseil départemental, dans l'intérêt des moeurs et de la santé des élèves, peut être traduit devant ledit Conseil pour subir l'application des dispositions de l'article 41 de la loi du 30 octobre 1886, c'est-à-dire pour être frappé de la peine de la censure ou de l'interdiction.

Relativement à la tenue matérielle, aucun pensionnat primaire ne peut être établi dans des locaux dont le voisinage serait reconnu dangereux pour la moralité et la santé des élèves (Même décret, art. 176). Comme nous l'avons dit plus haut à propos des écoles privées en général, la jurisprudence du Conseil supérieur peut seule fournir des indications précises sur les cas dans lesquels ces conditions sont ou non remplies. Mais il est de règle absolue qu'aucun pensionnat ne peut être annexé à une école primaire privée qui reçoit des enfants des deux sexes. (Même décret, art. 177.)

L'aménagement des dortoirs est de même l'objet de prescriptions particulières. Ils doivent être spacieux, aérés et dans des dimensions qui soient en rapport avec le nombre des pensionnaires. Ils doivent contenir au moins quinze mètres cubes d'air par élève.

Ils doivent être surveillés et éclairés pendant la nuit.

Enfin, dans tout pensionnat, une pièce spéciale doit être affectée au réfectoire. (Même décret, art. 178.)

Indépendamment du registre du personnel, dont nous avons parlé plus haut, tout instituteur qui reçoit des pensionnaires doit tenir un registre sur lequel il inscrit les noms, prénoms, le lieu et la date de naissance de ses élèves pensionnaires, la date de leur entrée et celle de leur sortie.

Chaque année, il transmet, avant le 1er novembre, à l'inspecteur d'académie un rapport sur la situation et le personnel de son établissement. (Même décret, art. 176.)

Lorsque, par application des articles 40 et 42 de la loi du 30 octobre 1886, un pensionnat primaire se trouve dans le cas d'être fermé, le préfet, l'inspecteur d'académie et le procureur de la République ont le devoir de se concerter pour que les parents ou tuteurs des élèves soient avertis sans retard, et pour que les élèves pensionnaires dont les parents ne résident pas dans la localité soient provisoirement recueillis dans une maison convenable jusqu'à ce qu'il ait été possible de les rendre à leurs familles (Même décret, art. 179).

ECOLES DANS LES HOPITAUX, HOSPICES, COLONIES AGRICOLES, etc. — Les écoles ouvertes dans les hôpitaux, hospices, colonies agricoles, ouvroirs, orphelinats, maisons de pénitence, de refuge ou autres établissements analogues administrés par des particuliers sont assujetties aux mêmes conditions que les écoles privées relativement au programme, au personnel et aux inspections.

Les administrateurs ou directeurs peuvent être passibles des peines édictées par la loi à l'encontre des directeurs d'écoles privées. (Loi du 30 octobre 1886, art. 43.)

Dans le cas d'ouverture d'une de ces écoles, les déclarations doivent être faites par l'instituteur à qui la direction de cette école est confiée (Décret du 18 janvier 1887, art. 166).

SUBVENTIONS AUX ECOLES PRIVEES. — Le Conseil d'Etat, consulté sur la question de savoir si les communes peuvent s'autoriser de l'article 14b de la loi municipale du 5 avril 1884 pour subventionner des écoles privées, s'est prononcé pour la négative.

Un avis de la haute assemblée, en date du 19 juillet 1888, est fondé principalement sur les considérants, suivants :

« L'article 2 de la loi du 30 octobre 1886 a distribué les établissements d'enseignement primaire de tout ordre en deux groupes distincts, et, par les dispositions de ses titres II et III, elle a pris soin d'édicter, pour le personnel, le régime d'études et la discipline de chacun d'eux, des règles particulières, sans admettre en aucun lieu l'existence d'un troisième groupe formé par le concours des communes, des associations et des particuliers.

« Il ne peut appartenir aux conseils municipaux de créer ce troisième groupe en employant le budget communal de telle sorte qu'une partie de ses ressources soit obligatoirement destinée à seconder les intentions de l'Etat, tandis qu'une autre partie serait destinée, sous quelque appellation que ce soit, à favoriser l'effort des associations ou des particuliers. »

Cet avis du Conseil d'Etat rappelle qu'au cours des discussions qui ont eu lieu au Sénat et à la Chambre des députés dans les séances des 18 mars et 21 octobre 1886, des amendements ayant pour objet d'obtenir en faveur des communes le droit de fonder, d'entretenir ou de subventionner des écoles privées, ont été rejetés après mûr examen.

Cette jurisprudence a été confirmée par des arrêts en date des 20 février et 17 avril 1891, qui s'appuient sur les mêmes motifs.

De même le Conseil d'Etat a émis l'avis qu'une commune ne saurait, sans violer les dispositions de cette loi, se prévaloir de l'article 145 de la loi du 5 août 1884 pour subventionner des classes d'adultes privées, attendu que les classes d'adultes doivent être considérées comme de véritables établissements d'enseignement primaire, dans le sens des articles 1 et 2 de la loi du 30 octobre 1886 (Avis du Conseil d'Etat du 29 novembre 1898).

Mais, d'autre part, le Conseil d'Etat a reconnu par un autre arrêt, également en date du 20 février 1891, que l'allocation d'une certaine somme qui doit, aux termes de la délibération du conseil municipal, être distribuée en nature par les soins du maire aux enfants pauvres fréquentant les écoles privées, n'a pas, dans ces conditions, le caractère d'une subvention accordée aux écoles privées et ne constitue qu'un secours à des élèves pauvres.