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Pratiques de commerce et d?industrie (écoles)

Historique. ? Les écoles pratiques de commerce et d'industrie ont été créées par la loi du 26 janvier 1892, à l'effet de former des employés de commerce et des ouvriers habiles et instruits.

Antérieurement à cette loi, les pouvoirs publics s'étaient déjà préoccupés de remédier à la décadence de l'apprentissage et d'orienter les enfants vers les carrières industrielles et commerciales. La loi du 11 décembre 1880 avait créé les « écoles manuelles d'apprentissage », à l'effet de « développer chez les jeunes gens qui se destinent aux professions manuelles la dextérité nécessaire et les connaissances techniques », et le décret du 17 mars 1883 avait placé ces écoles sous la double autorité du ministre de l'instruction publique et du ministre du commerce et de l'industrie. C?est ce qu'on a appelé le régime du condommium ; il fonctionna jusqu'en 1892.

Cette organisation provoqua bientôt de vives critiques. D'une part, les écoles manuelles d'apprentissage avaient seulement pour objet de préparer à l'apprentissage, et non à l'exercice d'une profession, de telle sorte qu'elles ne répondaient qu'imparfaitement aux besoins du commerce et de l'industrie. D'autre part, le régime du condominium avait pour effet de laisser ces écoles sans direction, ou, ce qui est pis, tiraillées entre deux directions souvent opposées, et il suscitait ainsi des conflits qui paralysaient leur développement.

Une réforme s'imposait. Elle fut réalisée par la loi de finances du 26 janvier 1892, dont l'article 69 est ainsi conçu : « Les écoles primaires supérieures professionnelles, dont l'enseignement est principalement industriel ou commercial, relèveront à l'avenir du ministère du commerce, de l'industrie et des colonies, auquel elles seront transférées par décret, et prendront le nom d'Ecoles pratiques de commerce et d'industrie. Ces écoles et les écoles pratiques analogues, dont le ministère du commerce pourra autoriser la création dans des conditions à déterminer par un règlement d'administration publique et dans la limite des crédits budgétaires ouverts à cet effet, seront entretenues conformément aux dispositions de la loi du 19 juillet 1889. »

L'année suivante, le ministre du commerce adressait aux préfets, à la date du 20 juin 1893, une importante circulaire qui déterminait de la manière suivante le caractère des nouvelles écoles pratiques et les services qu'elles étaient appelées à rendre : « Les écoles pratiques diffèrent essentiellement des écoles primaires supérieures dans lesquelles une part est faite à l'enseignement professionnel et qui ont simplement pour objet la préparation à l'apprentissage. Pour éviter toute confusion, il importe de préciser le caractère des premières : elles sont destinées à former des employés de commerce et des ouvriers aptes à être immédiatement utilisés au comptoir ou à l'atelier.

« On ne saurait, assurément, contester les bienfaits de l'enseignement général. Aussi ne s'agit-il pas de le proscrire de l'école pratique. Mais il convient de se préoccuper aussi des besoins du commerce et de l'industrie. Chaque jour, en effet, la lutte commerciale entre les peuples devient plus ardente et la difficulté des affaires plus grande. L'industrie a subi une transformation profonde. L'apprentissage à l'atelier n'existe plus guère aujourd'hui qu'à l'état d'exception. Jamais, cependant, en raison des changements fréquents qui doivent être apportés dans l'outillage, n'a été plus clairement démontrée la nécessité de posséder des ouvriers ayant des connaissances théoriques suffisantes et rompus à la pratique de l'atelier. Il y a un intérêt qu'on ne peut méconnaître à combler la lacune qui, par la force des choses, existe dans notre organisation commerciale et industrielle, et il est devenu indispensable de mettre à la disposition de nos commerçants des auxiliaires bien préparés et de fournir à nos industriels des ouvriers d'élite : c'est à l'école pratique qu'il appartient de remplir cette tâche. »

Création des écoles pratiques : leur nombre. ? Les écoles pratiques peuvent être créées par les départements ou les communes, soit directement, soit par voie de transformation d'une école primaire supérieure déjà existante. Lorsqu'un Conseil général ou un conseil municipal veut fonder une école pratique, il prend une délibération spéciale, dans laquelle il indique les dépenses d'installation et d'instruction qui seront à la charge du département ou de la commune et s'engage pour cinq ans au moins à subvenir aux dépenses de l'école. Le dossier est alors transmis au ministre du commerce, qui autorise, s'il y a lieu, la dépense projetée.

Les écoles pratiques de commerce et d'industrie sont actuellement au nombre de 66, dont 53 pour les garçons et 13 pour les filles.

Les écoles pratiques de garçons comprennent 36 écoles pratiques de commerce et d'industrie, 16 écoles pratiques d'industrie, et l?école pratique de commerce. Les dates de leur création sont les suivantes:

Ecoles pratiques de commerce et d'industrie : 1892, Agen, Fourmies, Nîmes et Reims ; ? 1894, Brest, le Mans, Limoges et Romans ; ? 1897, Béziers et Grenoble ; ? 1898, Mazamet ; ? 1899, Cette, Narbonne et Pont-de-Beauvoisin ; ? 1900, Vienne ; ? 1901, Marmande et Mende ; ? 1902, Clermont-Ferrand, Dijon, le Puy, Maubeuge, Roanne et Thiers ; ? 1903, Cluny ; ? 1904, Charleville et Nantes ; ? 1905, Aire-sur-l'Adour ; ? 1906, Roubaix, Tourcoing et Valenciennes ; ? 1907, Denain et Tarbes : ? 1908, Bordeaux ; ? 1909, Oyonnax ; ? 1910, Angoulême et Epinal :

Ecoles pratiques d'industrie : 1892, Boulogne-sur-mer, le Havre, Montbéliard. Rennes et Saint-Etienne ; ? 1893, Rouen ; ? 1894, Saint Chamond ; ? 1895, Morez ; ? 1898, Lille ; ? 1899, Firminy et Marseille ; ? 1900, Elbeuf ; ? 1901, Brive ; ? 1902, Rive-de-Gier et Saint-Nazaire ; ? 1910, Auxerre ;

Ecole pratique de commerce : 1892, Boulogne-sur-mer.

Les écoles pratiques de jeunes filles sont toutes des écoles de commerce et d'industrie. Elles ont été créées : en 1892, au Havre et à Saint-Etienne ; ? en 1894, à Nantes ; ? en 1898, à Boulogner-sur-mer ; ?

en 1899, à Marseille et à Rouen ; ? en 1901, à Dijon ; ? en 1902, à Reims ; ? en 1905, à Cherbourg ; ? en 1907, au Pont-de-Beauvoisin ; ? en 1908, à Firminy et à Tourcoing ; ? en 1910, à Brest.

L'effectif scolaire, au mois d'octobre 1909, était : pour les écoles pratiques de garçons, de 10 350 élèves, et pour les écoles pratiques de jeunes filles, de 2858 élèves.

Fonctionnement des écoles pratiques. ? Le personnel administratif ou enseignant des écoles pratiques comprend : un directeur ou une directrice, des professeurs, des chefs de travaux pratiques, des chefs d'ateliers, des maîtres et des maîtresses auxiliaires pour certains enseignements spéciaux, des maîtres adjoints et des maîtresses adjointes, et enfin des préposés à l'apprentissage.

Pour assurer le recrutement du personnel, il a été créé des sections normales préparatoires au professorat, qui sont actuellement annexées au Conservatoire national des Arts et Métiers. Nul ne peut être nommé professeur s'il n'est pourvu du certificat d'aptitude au professorat commercial ou industriel. Nul ne peut être nommé directeur, s'il n'est pourvu du certificat d'aptitude & la direction.

D'autre part, il est institué auprès de chaque école pratique un conseil de perfectionnement qui a pour attribution de surveiller le fonctionnement de l'école et de donner son avis, notamment, sur les modifications qu'il y a lieu d'apporter à l'enseignement et sur toutes les questions qui lui sont soumises par le ministre ou par le maire.

L'enseignement et les programmes. ? L'enseignement des écoles pratiques est déterminé par des horaires types et des programmes-types qui sont arrêtés par le ministre du commerce. Mais ces programmes et ces horaires ne sont pas strictement obligatoires : ils sont plutôt destinés à servir de guide aux conseils de perfectionnement et, par suite, ils peuvent recevoir, avec l'approbation du ministre, toutes les modifications qui sont reconnues justifiées par les circonstances locales.

Les horaires-types actuels des écoles pratiques de garçons datent du 28 août 1909. L'enseignement technique y occupe la plus grande place : dans les écoles pratiques de commerce, 9 heures par semaine sont consacrées à la comptabilité, et 9 heures également aux langues étrangères ; dans les écoles pratiques d'industrie, les travaux pratiques et la technologie occupent 21 heures et demie en première année, 25 heures en deuxième année, 30 heures en troisième année et même 38 heures pendant le dernier trimestre de cette troisième année.

Les travaux pratiques dans les écoles d'industrie comprennent principalement le travail du fer et du bois, ajustage, mécanique, tournage, forge, serrurerie, menuiserie et modelage. C'est là le point commun de l'enseignement donné dans ces écoles. Mais cet enseignement n'en présente pas moins une grande variété suivant les localités. C'est ainsi qu'il existe en outre des sections spéciales : pour l'ébénisterie, à Montbéliard, Pont-de-Beauvoisin, Morez, etc. ; ? pour l'électricité, à Grenoble, Saint-Etienne, Marseille, etc. ; ? pour la filature et le tissage, à Saint-Etienne, Elbeuf, Roanne et Reims ; ? pour l'horlogerie et la lunetterie, à Morez ; ? pour l'armurerie, à Saint-Etienne ; ? pour la coutellerie, à Thiers ; ? pour l?imprimerie et la typographie, à Lille et à Nîmes, etc., etc. Les écoles pratiques répondent ainsi aux besoins spéciaux des industries locales et régionales.

Les horaires-types des écoles pratiques de filles font également la plus large part aux travaux pratiques : 24 heures par semaine sont consacrées aux ateliers en première année, 27 en deuxième année et 30 en troisième année. Ces écoles comprennent diverses sections : elles forment des couturières, des corsetières, des fleuristes, des modistes et des brodeuses.

La durée des études dans les écoles pratiques est de trois ans : à l'expiration de ces trois ans, les élèves qui subissent avec succès l'examen de sortie obtiennent un certificat d'études pratiques commerciales ou industrielles.

Émile Cohendy