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Post-scolaires (œuvres)

Les OEuvres complémentaires de l'école, plus connues sous le nom d'OEuvres post-scolaires, constituent un ensemble d'institutions annexes fortifiant ou prolongeant l'action de l'école publique. Elles se réclament, comme doctrine, de la solidarité. Elles ont pris de l'importance et acquis une progressive extension depuis 1894-1895, à la suite d'un appel lancé par la Ligue de l'Enseignement, qui signalait la lacune existant entre la sortie de l'école et l'entrée au régiment.

On reprit d'abord le Cours d'adultes tel que Victor Duruy l'avait réalisé de 1863 à 1870, mais avec un caractère plus pratique. La classe du soir, qui en 1909-1910 a réuni en cinquante mille cours, professés par soixante-cinq mille instituteurs environ, sept cent mille jeunes filles et jeunes gens, a été placée sous le régime de la liberté subsidiée et contrôlée par l'Etat. Mais à l'heure actuelle, après une expérience de quinze années, comme l'on a reconnu qu'un quart seulement de la jeunesse populaire participait aux avantages de la seconde instruction, un mouvement d'opinion se dessine en faveur du cours d'adultes obligatoire. La sanction en serait un examen des recrues institué comme en Suisse. Un vote en faveur de l'examen a été émis à la Chambre des députés, le 4 mars 1909, sur la proposition de M. Ferdinand Buisson.

Si le cours d'adultes reste à la base des OEuvres post-scolaires, s'il en assure les assises, il ne constitue plus en France la forme vraiment originale et vivante que l'éducation populaire a su revêtir à la fin du dix-neuvième siècle et au commencement du vingtième. Il a surgi toute une floraison d'oeuvres à caractère social qui donnent à l'école publique, avec une influence de jour en jour grandissante, une physionomie tout à fait nouvelle. Ces OEuvres sociales, à l'encontre du cours d'adultes qui s'oriente vers l'obligation, se réclament de l'initiative des libres collectivités.

Parmi ces oeuvres, et formant la transition entre le cours d'adultes et les groupements solidaristes, il faut noter les Lectures populaires, soit à une voix, soit dialoguées, selon la méthode indiquée par le poète Maurice Bouchor, qui ont conquis droit de cité dans les préaux d'école. La lecture, soit au début, soit à la fin de la leçon, soit retenant pour elle une séance tout entière, est très goûtée. Elle permet de révéler aux auditoires populaires les chefs-d'oeuvre de la littérature classique, et contribuera à la formation du goût.

La Conférence, surtout celle qui est accompagnée de projections lumineuses, a pénétré dans les villages comme dans les villes. Les vues fixes projetées sur l'écran ont obtenu un plein succès jusqu'en ces derniers temps ; mais il va diminuant, car les vues mobiles du cinématographe commencent à leur faire concurrence. Les conférences les plus réclamées ont trait à la géographie, aux voyages, aux découvertes scientifiques, aux actualités de la politique étrangère. La conférence devient le journal parlé commentant les grands événements qui s'imposent à l'attention publique. Il n'a pas été fait, dans les dix dernières années, moins de cent mille conférences de vulgarisation par an, soit dans les écoles, soit dans les casernes où les officiers abordent les causeries pour l'instruction des soldats. Il a fallu, pour alimenter la curiosité toujours en éveil du public, improviser une organisation qui permet à la Ligue de l'Enseignement, à la Société nationale des Conférences populaires, au Musée pédagogique de fournir les conférenciers populaires de vues, de notices, de plans, de sujets tout traités.

En marge des Cours d'adultes, qui ont un caractère officiel, des Lectures et des Conférences populaires, qui sont données en majorité par des professeurs et instituteurs, il convient de ranger parmi les OEuvres post-scolaires les Sociétés d'instruction populaire. Dans les agglomérations urbaines, ce sont des enseignants volontaires qui assument la charge d'instruire les étudiants volontaires (Association Polytechnique, Association Philotechnique, Union française de la Jeunesse, Association Philomathique, Société d'Enseignement moderne, etc., à Paris ; Société d'Enseignement professionnel du Rhône, à Lyon ; Société Philomathique à Bordeaux ; Filiales de la Philotechnique, de la Polytechnique dans les grandes villes de province). Il faut ajouter les Cours des Chambres de commerce, des Syndicats patronaux et ouvriers. D'abord la tendance des Sociétés d'instruction inclina à la culture générale. Depuis une dizaine d'années environ, l'orientation dans le sens des cours professionnels, pratiques, utilitaires, est nettement accusée.

Les OEuvres post-scolaires que la théorie du « devoir social » domine et pénètre sont : la Mutualité scolaire, les Patronages, les Associations d'anciennes et d'anciens élèves. A la différence de l'entreprise uniquement intellectuelle qu'avait tentée Duruy, ces oeuvres s'orientent de l'intellectualisme au solidarisme.

La Mutualité scolaire, l'OEuvre des dix centimes (cinq centimes pour l'épargne, avec placement sur livret individuel à la Caisse nationale des retraites, cinq centimes pour l'entr'aide fraternelle, pour le paiement de journées de maladie), groupe, en 1910, 820 000 sociétaires d'âge scolaire. Mais elle devient, sous l'influence de la loi du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes, une OEuvre post-scolaire, car elle englobe déjà 80 000 adolescents ou adultes. Elle apparaît comme la préface nécessaire, le support solide de la loi des retraites, grâce à l'avance que donnent les années d'enfance et d'adolescence. Elle est destinée à procurer à ses adhérents une pension de retraite pour la cinquante-cinquième année, âge où, aux termes de la loi nouvelle, l'assujetti peut cesser ses versements. La mutualité scolaire, étendant chaque jour sa propagande, inscrit sur ses registres les enfants assistés de 65 départements. Elle commence à pénétrer dans les lycées et les collèges de jeunes filles et de garçons. Elle fait économiser quatre millions et demi par an aux ayants-droit, qui affectent environ un million au service-maladie. Elle s'occupe de reboisement, en fondant des Sociétés scolaires forestières qui emploient une partie des fonds en achat, en location de terrains et en plantations de pins, mélèzes, épicéas, surtout dans le Jura, le Doubs, les Vosges, où la jeunesse associée se constitue ainsi un capital collectif grâce à la Forêt-Retraite.

Les 3000 Sociétés de mutualité scolaire et postscolaire formées dans les écoles publiques se sont constituées en Union nationale (juin 1906).

Les Patronages laïques recueillent, surtout les jeudis, les dimanches dans l'après-midi, les enfants des écoles que guettent les dangers de la rue. Ce sont oeuvres péri-scolaires, mais qui ont des sections post-scolaires pour les adolescents. Les patronages suppléent, à l'abandon familial dont souffrent dans les villes écolières et écoliers. Ils rendent de précieux services à la jeunesse ouvrière, qui a besoin d'être conseillée et guidée à l'heure critique de l'apprentissage professionnel et de l'entrée dans la vie civique.

Les Patronages d'écolières et de jeunes filles ont particulièrement réussi. Des comités de dames (Paris, Marseille, Dijon, Draguignan, Lyon, etc.), qui se généralisent de plus en plus, assurent le fonctionnement des patronages, où le gardiennage se complète par le placement, par la surveillance et la protection maternelle et morale. Les séances sont remplies par des jeux, des lectures, des causeries, etc. Des fêtes sont données, l'hiver, et réunissent pupilles, familles, amis de l'oeuvre.

L'on comptait, en 1894-1895, 34 patronages, 1276 en 1900. Le total monte en 1910 à 2468.

Les Associations d'anciens et d'anciennes élèves rapprochent de l'école et des institutrices et des instituteurs les disciples d'hier. Elles constituent comme une garde d'honneur, une sorte de comité de protection autour de l'enseignement primaire. Elles établissent un lien entre les « nouveaux » et les « aînés ».

Elles se proposent un triple objet : récréation, instruction, aide mutuelle.

Elles organisent des concerts, des soirées théâtrales, des bals et sauteries, à la saison d'hiver. A la saison d'été elles organisent des sorties, des excursions. Les « Petites A » citadines vont aux champs, à la mer. Les « Petites A » rurales visitent musées et monuments des villes.

L'instruction comprend les matières d'enseignement qui n'ont pu être professées à l'école primaire, les connaissances « à côté » : chant, diction, danse, escrime, tir. Les « Petites A » féminines instituent des cours d'enseignement ménager, d'économie domestique, de puériculture. Parfois, comme à Toulouse, comme à Lyon, des concours sont ouverts pour la diction, pour le chant. Même des cours techniques sont organisés par les« Petites A ». Il est à souhaiter que l'enseignement professionnel, l'apprentissage deviennent l'objet d'une spéciale attention. L'adolescence ouvrière et rurale se doit à elle-même de tirer parti des organisations post-scolaires fondées par elle, pour se perfectionner dans les métiers qu'elle choisit.

La solidarité se manifeste par des fondations de Mutualités de l'adolescence, surtout féminine, dans les « Petites A », partout où il n'existe pas de mutualité d'adultes.

Des comités de placement sont établis. Des prêts d'honneur, un inter-échange de sociétaires (soldats admis aux séances), sont également pratiqués.

Les « Petites A » ont des fédérations locales (Lyon, Saint-Etienne, Reims, Toulouse, etc.), — départementales (Aisne, Somme, Oise, Ardennes, Cher, etc.), — régionales comme la Fédération des « Petites A » de Normandie. Elles tendent à posséder des « maisons de l'adolescence »et les acquièrent en émettant des actions de 25 ou 50 francs et en formant des Sociétés anonymes à capital variable. Le type le mieux caractérisé de ce genre d'organisation est celui de Lens (Pas-de-Calais) : la maison des « Petites A » y a coûté 125 000 francs. Elle a salle de théâtre, bibliothèque, dispensaire, etc.

Les « Petites A » tiennent des Congrès régionaux comme la Fédération de Normandie (Honfleur, Alençon, Lisieux), nationaux comme ceux de Paris, Lyon, Saint-Etienne, Montpellier, et, en 1909, du Havre, dont la séance de clôture a été présidée par le président de la République.

Les « Petites A », .qui sont les cadres mêmes de la jeune démocratie qui s'organise, étaient au nombre de 56 en 1894-1895. On en compte 6278 en 1910.

Il faut y ajouter 331 Sociétés de tir post-scolaires et 1472 Sociétés mixtes de tir, ce qui porte le total des groupements associés à 8181.

Dans une catégorie d'OEuvres post-scolaires se superposant aux institutions annexes de l'école publique, il faut ranger les Universités populaires, qui à Paris passent par une crise, mais qui dans les départements (surtout dans le Gard, l'Hérault) sont encore au nombre de 110 ; — les Jeunesses laïques, les Jeunesses républicaines, groupées en Fédération ; — l'Association Ernest Renan, composée d'étudiants populaires ; — enfin, imprimant unité et cohésion aux oeuvres laïques d'éducation sociale, la Ligue française de l'Enseignement, qui a un Comité de dames pour les oeuvres féminines et une Commission des patronages. La Ligue de l'Enseignement exerce son action par son organe, la Correspondance hebdomadaire, par des conférences, par des congrès annuels. Elle a organisé en 1908, à Paris, le second Congrès international de l'Education populaire.

Le budget des OEuvres post-scolaires est représenté Far environ deux millions que fournit annuellement initiative privée (Sociétés d'instruction, « Petites A», Patronages, etc.), un million et demi consenti par les conseils municipaux, 800 000 francs donnés par l'Etat, qui soutient l'effort par des récompenses honorifiques (médailles avec primes, livres, promotions de palmes académiques) et par un supplément de vacances accordé aux instituteurs.

Les OEuvres post-scolaires existent également autour des écoles libres, et la lutte est vive entre les institutions à tendances confessionnelles et les organisations d'inspiration laïque. Si les cours d'adultes sont encore rares qui sont ouverts par le clergé, les mutualités scolaires et post-scolaires commencent à se développer sous le nom de Jeunesses prévoyantes. Les Patronages catholiques sont très prospères, fortement organisés, richement dotés ; ils sont au nombre de 6000. Les OEuvres de Jeunesse se développent également, ainsi que les Instituts populaires, les Secrétariats du peuple, les Cercles d'études. Les groupes de gymnastique et les sociétés de sports sont unis dans la Fédération gymnastique et sportive des Patronages de France, qui a créé des unions régionales et qui organise des con cours nationaux. Quatre cents Sociétés catholiques ont adhéré à la F. G. S. P. F., qui compte 50 000 jeunes gens comme pupilles.

Édouard Petit