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Pologne

 Qu'il ait ou non existé dans la Pologne païenne une civilisation religieuse et sociale primitive que nous n'avons pas à étudier ici, il n'en est pas moins vrai que la culture intellectuelle proprement dite, l'instruction par l'école, date évidemment et exclusivement de l'introduction du christianisme en 965 par le roi Miecistas Ier et sa femme la princesse tchèque Dombrowka.

Première époque, — Moyen âge. — Ecoles ecclésiastiques et monastiques. — Partout où pénétrait le christianisme latin, il introduisait avec lui des écoles qui, en Pologne, se subdivisèrent en trois catégories: 1° les écoles cathédrales, 2° les écoles bénédictines, et 3° les écoles paroissiales. Les bénédictins étaient déjà établis en Pologne en 1005 : Boleslas le Grand en fit venir encore du Mont-Cassin (1010) et fonda pour eux le monastère du Mont-Chauve (Lysa Gora). Chassés par les discordes civiles qui suivirent la mort de Miecislas II, ils furent ramenés par Casimir Ier, surnommé le Moine, qui établit, au monastère de Tyniec, en 1044, des moines venus de Cluny, où Casimir avait, dit-on, fait lui-même ses études. Les rois suivants fondèrent d'autres monastères dans la Grande-Pologne. Mais des préoccupations d'une autre nature les détournèrent bientôt de l'enseignement ; et, à la fin du treizième siècle, les écoles bénédictines avaient complètement disparu.

Outre les bénédictins, des chanoines réguliers tenaient école à Trzemeszno : mais ni les moines de Citeaux, ni plus tard les norbertains, les camaldules, les dominicains et les fransciscains n'adjoignirent d'écoles à leurs nombreux monastères polonais.

En revanche, les écoles cathédrales, avec leurs scholastici ou magistri et leurs submagistri, florissaient dans toute la Grande et la Petite-Pologne et plus tard dans la Prusse polonaise.

Les écoles paroissiales sont postérieures, et contemporaines des migrations allemandes dans les villes de Pologne ; elles avaient principalement des Allemands pour instituteurs. C'est au treizième siècle qu'elles commencent à s'établir, et au quatorzième siècle toutes les villes importantes ont leur école paroissiale ; dans les campagnes on n'en voit presque aucune avant le seizième siècle.

L'enseignement était le même que dans les écoles de l'Europe occidentale. Le Trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) et le Quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie, musique) étaient partout enseignés en latin, et dans les écoles cathédrales on y ajoutait l'Ecriture sainte, les Pères, les psaumes, la liturgie et le catéchisme. Les livres les plus employés étaient la grammaire latine d'Alexandre de Villedieu : Alexandri Galli de Villa Dei Doctrinale puerorum. et celle de Donat, qui fut usitée jusqu'à la fin du dix-huitième siècle.

Il est probable que la langue polonaise servait à l'enseignement du catéchisme et était même enseignée conjointement avec le latin, ce qui expliquerait en partie la ressemblance étonnante qui existe entre la syntaxe des deux langues. A la langue polonaise se joignit aussi, au milieu du treizième siècle, la langue allemande dans les écoles paroissiales des villes colonisées par des Allemands.

De plus, à partir du douzième siècle les jeunes nobles commencent à fréquenter les universités étrangères, celles d'Italie et surtout celles de Paris, où les Polonais étaient si nombreux au treizième et au quatorzième siècle qu'ils y formaient une nation à part.

Deuxième époque. — Depuis la fondation de l'académie de Cracovie jusqu'à l'introduction des Jésuites (1364-1564). — Ce fut le roi législateur Casimir III (le Grand) qui, frappé du manque de légistes, conçut le premier l'idée de fonder une université à trois facultés, ou plutôt une école de droit sur le modèle de celle de Bologne : à l'exemple de l'empereur Charles IV qui avait créé l'université de Prague, et de Rodolphe d'Autriche qui projetait celle de Vienne, il établit à Cracovie une académie (studium générale) dont le statut fut publié le jour de la Pentecôte 1364. Néanmoins l'académie ne fut guère fondée alors que sur le papier, de même que celle de Chelmno (Culm) dont le grand-maître teutonique Konrad Zöllner avait voulu doter la Prusse polonaise. La gloire de créer définitivement l'université de Cracovie devait revenir à Ladislas Jagellon, le grand-duc lithuanien devenu roi de Pologne en 1386, ou plutôt à sa femme la reine Hedwige d'Anjou, fille du roi Louis le Grand de Hongrie et de Pologne, qui légua par testament une partie de sa fortune à la future université. Avec l'autorisation du pape Boniface IX, Jagellon publia le statut de l'académie le 14 août 1400. La nouvelle institution, modelée [sur l'université de Paris, c'est-à-dire surtout théologique, fut richement dotée par le roi et par l'évêque de Cracovie, et l'inauguration en Tut faite en grande pompe en 1402.

L'organisation de l’académie fut entièrement ecclésiastique, comme celle des écoles de l'époque précédente. Elle ne compta primitivement que quatre facultés (théologie, droit, médecine et philosophie). La première eut d'abord quatre professeurs ; en 1422 elle en comptait déjà onze, et plus tard ce nombre s'augmenta encore. On y enseignait l'Ancien et le Nouveau Testament, ainsi que le livre des Sentences de Pierre Lombard ; le cours durait deux ans. Au seizième siècle on y ajouta un cours d'hébreu. La faculté de droit, qui comprenait d'abord huit professeurs, n'en eut bientôt plus que quatre, auxquels fut adjoint, au commencement du seizième siècle, un professeur de droit romain. La faculté de médecine ne comptait que deux professeurs. On y étudiait Avicenne, Galien, Hippocrate et Rases : le cours durait quatre ans. La faculté de philosophie eut d'abord un seul professeur ; mais bientôt on en compta jusqu'à quatorze partages entre les six « lectoreries » d'Aristote, de Socrate, de Virgile, de Galien, de Ptolémée et de Platon.

L'académie de Cracovie donna tout d'abord une puissante impulsion aux études dans toute la Pologne ; et, bien que son enseignement encore insuffisant dût être complété par un voyage aux universités d'Italie et de Paris, elle n'a pas peu contribué à donner à la Pologne du quinzième siècle de savants historiens comme Jean Dlugosz, des philosophes comme Grégoire de Sanok et des mathématiciens comme Albert de Brudzew et son immortel disciple, l'astronome Kopernik.

Le seizième siècle fut pour l'académie une époque de décadence. Trop confinée dans la scolastique et la théologie, elle se borna à lutter contre les novateurs religieux au lieu de profiter de leur exemple et de celui des quelques universités d'Occident qui s'étaient alors transformées sous l'influence de la Renaissance et de la Réforme.

Mais les écoles supérieures et élémentaires se multipliaient dans toutes les provinces, surtout dans la Grande et la Petite-Pologne et dans la Prusse polonaise, où le rite romain était en vigueur, tandis que la Volhynie, la Podolie et l'Ukraine, où dominait le rite grec, restaient en arrière. Des écoles supérieures, où l'on enseignait entre autres le grec et la rhétorique, 6'étaient établies à Pultusk, à Posen, à Lwow (Lemberg), à Elbing, à Thorn, à Dantzig ; les autres villes, les bourgades mêmes et, sous Sigismond-Auguste (1548-1572), les villages, avaient leurs églises paroissiales, toutes d'ailleurs placées sous la surveillance de l'autorité ecclésiastique, qui s'efforçait d'en écarter l'influence des nouvelles doctrines religieuses.

Aussi les protestants avaient-ils leurs propres écoles à Pinczow, à Lancut, à Secymin, etc., où l'enseignement était tout différent. L'école de Pinczow, qui servait de modèle aux autres, comprenait quatre classes : en quatrième on apprenait aux jeunes enfants la lecture en polonais, l'écriture au tableau et le catéchisme ; en troisième on étudiait la grammaire latine d'Enoch, on traduisait en polonais les Disticha moralia de Caton, les Dialogues sacrés du Français Sébastien Castellion ou l'ouvrage de l'Espagnol Vivès De verâ sapientiâ ; en seconde on expliquait Térence, Cicéron et le catéchisme latin de Calvin : enfin en première on enseignait la dialectique et la rhétorique ; on traduisait en polonais les ouvrages de Cicéron sur la morale et la rhétorique, et les oeuvres de Virgile, d'Horace et de Justin. Pour le grec on se servait de la grammaire de Clenard ; on expliquait Xénophon, Lucien et Démosthène, ainsi que le catéchisme grec publié chez Robert Estienne. L'analyse grammaticale grecque et des compositions de style en polonais, en latin et en grec complétaient l'ensemble de ces exercices. L'arithmétique, la musique et l'allemand étaient trop négligés : mais renseignement philologique, classique, était bien supérieur à celui des écoles catholiques.

En outre, les universités étrangères (allemandes, italiennes et parisiennes) regorgeaient de plus en lus d'étudiants polonais : à Prague, à Leipzig, à Vienne, à Tubingue, à Râle, à Liège, à Paris, à Strasbourg, à Koenigsberg, à Padoue surtout, ils se distinguaient tant par leur zèle pour la science que par leur générosité pour les savants.

L'instruction des femmes, à peu près nulle dans la première époque, avait fait de grands progrès : les jeunes filles de la noblesse et de la bourgeoisie étaient mises en pension dans les couvents, où elles apprenaient la lecture, l'écriture et les travaux d'aiguille. Les écoles paroissiales étaient ouvertes aux filles en même temps qu'aux garçons. Les protestants fondèrent même plusieurs écoles supérieures pour les femmes.

Troisième époque. — Depuis l'introduction des jésuites jusqu'à la réforme de Stanislas Konarski (1564-1740). — C'est la décadence de l'académie de Cracovie dans la première moitié du seizième siècle, et son impuissance à lutter contre l'influence toujours croissante du protestantisme, qui déterminèrent l'évêque de Varmie (le cardinal Hosius) à introduire en Pologne la Société de Jésus nouvellement fondée. Il établit d'abord les jésuites dans son diocèse à Brünsberg (1564), où s'ouvrit leur premier collège ; bientôt l'évêque Noskowski fonde un second collège de jésuites à Pultusk (1565) ; en 1569 l'évêque Protaszewiez les installe à Vilna ; puis ils forment de nouveaux collèges à Jaroslaw et à Posen, et l'académie de Cracovie, ne comprenant pas encore à quel redoutable rival elle fraie la voie, encourage les progrès de l'ordre et lui fournit des novices. Le roi Etienne Batory, à l'instigation du nonce du pape Possevini, favorise aussi l'établissement des nouveaux collèges de jésuites à Polock, à Ryga, à Lublin, à Nieswiez, etc., et il autorise la transformation du collège de Vilna en académie (1578). C'est aussi sous son règne que les pères s'établissent à Cracovie même, afin de lutter avec l'académie de Cracovie sur son propre terrain, tandis qu'ils minent son influence dans tout le pays avec l'appui du nouveau roi Sigismond III, leur ancien élève (1586-1632). Les colonies de l'académie de Cracovie tombent l'une après l'autre ; et c'est alors seulement, mais un peu tard, que l'académie reconnaît sa faute. La guerre est déclarée entre les deux puissances : les jésuites de Posen veulent ériger leur collège en académie, mais ils échouent par trois fois devant les réclamations de l'académie de Cracovie ; ils sont même obligés de fermer leurs écoles cracoviennes. Ils ne réussissent pas mieux à Lwow, où ils introduisent néanmoins dans leur collège l'enseignement de l'anatomie, dans le dessein d'en faire peu à peu une faculté de médecine.

Cependant cette concurrence profite au pays : le nombre des écoles supérieures s'accroît ; Jean Zamoyski, le grand hetman, fonde à Zamosc une nouvelle académie (1595), et un ordre nouveau, l'ordre des Piaristes, vient disputer aux jésuites l'éducation de la jeunesse : c'est le fils et successeur de Sigismoud III, Ladislas IV, qui en 1642 les fait venir d'Olmütz afin de contrebalancer l'influence déjà redoutable des jésuites. La lutte commence en effet entre les deux ordres à Piotrkow et à Vilna.

Il y a donc à ce moment à distinguer plusieurs sortes d'écoles : 1° l'académie de Cracovie et les écoles secondaires qui en dépendent ; 2° les collèges des jésuites et leur académie de Vilna ; 3° les écoles piaristes, auxquelles il faut ajouter les séminaires. L'instruction élémentaire se donne dans les écoles paroissiales. L'éducation des jeunes filles est confiée aux religieuses et principalement aux visitandines et aux dames du Saint-Sacrement.

Outre ces écoles catholiques, les dissidents, si bien accueillis par la tolérance des rois de Pologne, ont aussi les leurs : 1° les grecs-désunis (Lwow, Ostrog, Kiev), 2° les sociniens (Lewartow, Rakow, Kisielin, Luclawice), 3° les calvinistes et des frères bohêmes (Belzyce, Vilna, Kieydany, Sluck, Korminek, Leszno) ; 4° les luthériens (Wschowa, Rawiez, Leszno, le gymnase de Thorn, le gymnase de Dantzig, le gymnase d'Elbing).

En résumé il y avait en 1740 en Pologne :

Académies catholiques (Cracovie, Zamosc, Vilna). . 3

Ecoles académiques 10

— des ésuites 67

— piaristes 27

— protestantes 5

Ensemble 112

Ces 112 écoles supérieures et secondaires comptaient au moins 22 400 élèves.

Quant aux écoles élémentaires, elles s'élevaient au moins, comme sous le régne de Sigismond III, au nombre de 1 500 : en attribuant à chacune une moyenne de 20 élèves, on obtient 30 000 élèves pour les écoles élémentaires. En tout, pour l'enseignement supérieur, secondaire et élémentaire, on peut compter de 50 000 à 60 000 élèves des deux sexes.

Examinons brièvement l'organisation de ces différentes écoles.

L'académie de Cracovie et les écoles académiques. — L'académie de Cracovie, sauf quelques maladroites imitations des jésuites, était restée stationnaire, hostile aux réformes et aux découvertes, cantonnée dans Aristote et saint Thomas, ne voulant rien savoir des systèmes de Descartes, de Spinoza, de Leibnitz et de Locke, ignorant à dessein Galilée, Kepler et Newton, sorte de Sorbonne au petit pied, ne produisant parmi ses docteurs ni un orateur, ni un poète, ni un philosophe original. Quant aux écoles secondaires de son ressort et à l'académie de Zamosc, elles étaient encore plus dégénérées que leur alma mater. L'école secondaire de Posen, par exemple, comprenait cinq classes : 1° classe de grammaire ; 2° classe de rhétorique ; 3° classe de mathématiques ; 4° classe de philosophie ; 5° classe de droit. Mais on y apprenait surtout aux élèves à composer en polonais et en latin, en vers et en prose, des panégyriques déclamatoires ou des dissertations scolastiques sur l'essence et l'existence.

Les collèges des jésuites et l'académie de Vilna. — Les collèges des jésuites en Pologne avaient la même organisation que partout ailleurs. Nous n'insisterons donc pas sur les attributions du général de l'ordre et du provincial, qui avaient la haute main sur tous les collèges de leur ressort, ni sur celles du recteur, du préfet et des professeurs. Les cinq classes que comprenait chaque collège étaient les trois classes de grammaire appelées infîma, grammatica, syntaxis, et les deux classes d'humanités portant les noms de poesis et de rhetorica. Nous ne dirons rien des exercices, des représentations théâtrales, de la fameuse grammaire latine d'Alvar, de la rhétorique de Suarès et de la poétique de Jouvency.

Quelques collèges seulement possédaient, outre les cinq classes nommées plus haut, des cours de philosophie et de théologie.

L'enseignement des jésuites, dont on ne saurait d'ailleurs nier la supériorité à beaucoup d'égards sur celui qui les avait précédés, était surtout pernicieux par sa tendance exclusivement religieuse et fanatique. De plus on y développait moins le jugement que l'imagination et la mémoire ; la forme y passait toujours avant la pensée. Les sciences exactes y étaient ou entièrement supprimées ou étrangement sacrifiées. Les cérémonies religieuses, les pratiques de dévotion, les processions, les confréries de toutes sortes prenaient aux élèves les trois quarts de leur temps. Enfin l'intérêt de l'ordre passait pour les jésuites avant toutes choses, et ils s'efforçaient d'inspirer à leurs élèves la même tendance. L'indiscipline, toujours très grande en dépit des punitions corporelles, était en quelque sorte encouragée, toutes les fois qu'il s'agissait de tourmenter les juifs ou les protestants.

L'académie de Vilna ne différait des collèges supérieurs des jésuites, ceux où l'on enseignait la théologie et la philosophie, que par le privilège de conférer des grades universitaires. Le droit y fut enseigné peu de temps, la médecine jamais. Les langues vivantes qui figuraient au programme sont l'italien, le français et l'allemand, et dans les premiers temps l'anglais.

Les écoles piaristes. — Comme les écoles des jésuites, celles des piaristes étaient sous la direction suprême du général de l'ordre et des provinciaux assistés de visitateurs. A la tête de chaque collège était un recteur aidé et parfois complètement remplacé par le préfet, qui était d'ordinaire en même temps professeur de rhétorique ou de philosophie. Les classes étaient au nombre de sept : 1° pro formâ ou parva infima (sorte de préparatoire) ; 2° inflma major ; grammatica ; 4° syntaxis ; poetica ; rhetorica ; philosophia, comprenant les mathématiques. Dans les deux classes élémentaires ou infimae on apprenait à lire, à écrire, les éléments de l'arithmétique et du latin, et le catéchisme de Canisius, Summa doctrinse christianae. Dans la classe de grammaire : les déclinaisons, les conjugaisons, le calcul, le style épistolaire, et l'on traduisait Phèdre et Cornelius Nepos Dans la classe de syntaxe on apprenait les règles de la syntaxe et l'on traduisait Eutrope et César ; les exercices de stylo étaient des lettres et des discours. Dans la classe de poésie on enseignait la prosodie, on lisait Ovide, Lucain, Claudien, Horace, et l'on composait des vers et des discours. Les auteurs de la classe de rhétorique étaient Suétone, Claudien, les lettres de Cicéron, les odes d'Horace, l'histoire de Pologne de M. Kromer, le Panegyrique de Trajan, etc. En philosophie on enseignait la logique, la métaphysique et la morale d'après les principes des thomistes. Le jeudi était jour de congé ; les vacances duraient du 25 juillet au 1er septembre.

L'enseignement était donc alors dans ces écoles sensiblement le même que dans les collèges des jésuites ; mais la tendance était meilleure. On apprenait aux élèves leurs devoirs de citoyens. L'enseignement était entièrement gratuit, tandis que les jésuites, en proclamant la gratuité en principe, percevaient réellement des redevances assez fortes, mais d'une façon détournée. La discipline était assez bonne, sauf dans les villes où 6e trouvaient en même temps des établissements tenus par les jésuites : là, les rivalités amenaient souvent des rixes ou des désordres.

Les écoles primaires. — C'était le clergé séculier qui dirigeait les écoles primaires ou paroissiales. Les instituteurs étaient pris en partie parmi les bacheliers de l'université de Cracovie On enseignait dans ces écoles à lire, un peu d'écriture, très peu de calcul, et beaucoup de prières. Les curés étaient chargés de surveiller les instituteurs. Ces écoles étaient donc aussi en décadence, puisque au quinzième siècle on y avait enseigné l'arithmétique et l'histoire naturelle. Certaines de ces écoles avaient une classe supérieure, dite des donatistes, parce qu'on y apprenait les éléments de la grammaire latine de Donat. Les écoles primaires étaient, la plupart du temps, entretenues aux frais des curés ; quelques-unes avaient leurs capitaux, provenant de donations ou de legs. L'instituteur vivait de ce que lui payaient les élèves ; et de plus la paroisse lui donnait le chauffage, l'habillement, un morceau de terre : il recevait aussi quelque argent quand il prenait part aux cérémonies du culte, enterrements, etc. Outre la grammaire de Donat, on se servait du livre intitulé : Elementa puerilis institutionis. Les trois premières pages comprennent l'alphabet majuscule et minuscule, le ba, be, bi, bo, bu, etc. Ensuite venaient les prières ; enfin les noms des mois et des proverbes en polonais et en latin. Le livre se terminait par l'alphabet majuscule et minuscule écrit. Le catéchisme employé dans ces écoles était celui du jésuite Canisius, traduit en polonais par Jacques Wujek, le traducteur de la Bible polonaise catholique.

L'instruction des jeunes filles. — Les jeunes filles nobles continuent à recevoir leur instruction soit dans la maison maternelle, soit dans les couvents de femmes. C'est une Française, la reine Marie de Gonzague, femme de Ladislas IV, puis de Jean-Casimir, qui introduisit en Pologne l'ordre des Visitandines et établit ces religieuses à Varsovie avec l'obligation d'entretenir et d'instruire à leurs frais douze jeunes filles polonaises sans fortune. Une autre Française, la reine Marie-Casimire d'Arquien, femme de Jean Sobieski, fit à son tour venir à Varsovie des religieuses du Saint-Sacrement, qui y fondèrent un nouveau pensionnat.

Les visitandines eurent en outre des établissements à Cracovie, à Lublin et à Vilna. Elles y enseignaient « la piété, la politesse et les bonnes moeurs» ; elles apprenaient à lire, à écrire, à parler français, et à faire toutes sortes d'ouvrages, des dentelles, etc., et la coulure. Cet enseignement, d'ailleurs entièrement emprunté à celui des couvents français, avait l'inconvénient d'être trop exclusivement religieux. C'était encore pis chez les bernardines, fréquentées par les filles de la bourgeoisie, où, au lieu de former des mères de famille, on ne faisait que des dévotes ou des religieuses.

Comme pendant l'époque précédente, les écoles primaires étaient communes aux filles et aux garçons.

Les écoles du rite grec oriental. — Les écoles primitives de la Ruthénie indépendante (Ukraine, Podolie, Volhynie, Russie-Rouge) avaient disparu pendant l'invasion tartare. Lorsque les grands-ducs de Lithuanie eurent réuni ces provinces à leurs Etats, ils n'y introduisirent pas plus d'écoles que dans leur propre pays. Ce n'est qu'après la réunion à la Pologne vers la fin du seizième siècle que le métropolitain Arsenius fonda une première école ruthénienne à Lwôw (1585). Après l'union religieuse du rite grec et du rite latin à Brzesc, le principal adversaire de cette union, le prince Constantin Ostrogski, fonda deux nouvelles écoles, l'une à Kiev, l'autre à Ostrog. Cette dernière tomba bientôt, les Ostrogski ayant embrassé la religion catholique. Celle de Kiev eut de plus brillantes destinées. On y enseignait la théologie, la philosophie, la rhétorique, la syntaxe, la grammaire, le grec et la langue slave. Les autres écoles du rite grec orthodoxe sont sans importance ; celles du rite grec-uni furent surtout religieuses, comme le collège des Théatins, sorte de séminaire grec-uni fondé à Lwow par le pape Grégoire XV.

Les écoles protestantes, a) Les sociniens. — L'école de Pinczow. si florissante dans la première moitié du seizième siècle, ayant disparu, les sociniens fondèrent celle de Lewartow aux frais de Nicolas «Kazimirski. Son premier recteur fut le célèbre Albert de Kalisz. Elle fut organisée sur le modèle de l'école de Pinczow. Meilleure que les écoles jésuites, elle n'était pas non plus exemple de fanatisme, mais en sens opposé. Elle ne compta que douze ans d'existence, son fondateur s'étant converti au catholicisme (1597). Elle fut remplacée par l'école socinienne de Rakow, fondée par Jacques Sieninski en 1602. Surnommée par les sociniens l'Athènes polonaise, cette école eut les mêmes mérites et les mêmes défauts que la précédente : son fanatisme anticatholique la fit supprimer par arrêt de la diète en 1638. Les sociniens relevèrent alors l'école de Kisielin en Volhynie, qui fut florissante jusqu'en 1644, époque où la diète la supprima à son tour. Les maîtres sociniens se transportent alors à Luclawice, et cette nouvelle école disparaît après une vingtaine d'années d'existence, lors du bannissement des sociniens. Les écoles sociniennes étaient soumises à l'autorité des synodes, qui nommaient les scholarques (c'est-à-dire les surveillants), les recteurs et les professeurs.

b) Les calvinistes et les frères bohêmes. — Plus nombreuses encore étaient les écoles des calvinistes et des frères bohêmes réunis. Les plus célèbres étaient celle de Dubiecko, dirigée par le fameux François Stankar, celle de Secymin, dont le recteur était le Français Poitevin, ensuite professeur à Lewartow, et celle de Belzyce, qui eut successivement pour recteurs Mathieu Makovius, J. Biskupski, J. Milius, et les deux Tchèques Et. Svietlicky et Jean Borovsky. Cette dernière, fondée au commencement du dix-septième siècle, comprenait quatre classes. Sans cesse en butte aux persécutions de ses voisins les jésuites de Lublin, elle exista cependant jusqu'en 1680. Les synodes calvinistes nommaient dans toutes ces écoles les recteurs et les professeurs, réglaient les programmes, la pension des maîtres, etc. L'esprit de secte dominait là comme partout ailleurs.

Les calvinistes de Lithuanie avaient d'autre part trois écoles supérieures à Vilna, à Kieydany et à Sluck. Celle de Vilna, fondée en 1590, fut supprimée en 1640 ; celle de Kieydany, protégée par les Radziwill. a duré jusqu'à nos jours, ainsi que celle de Sluck, également patronnée par les Radziwill.

Les frères bohèmes avaient en Grande-Pologne deux écoles supérieures, celle de Kozminek, fondée par les Ostrorog (1552 à 1600), et celle de Leszno (Lissa), dotée par les Leszczynski en 1626 et qui existe encore. La première eut pour recteur principal le savant Stanislas Grzebski ; la seconde fut dirigée par des hommes non moins illustres, et entre autres Rybinski, Wegierski, et le célèbre Jean-Amos Comenius, qui composa pour cette école deux de ses ouvrages, le Vestibulum et la Janua linguarum reserata (vers 1636). Ces écoles avaient l'inconvénient d'être trop peu polonaises et d'enseigner un mysticisme sectaire.

c) Les luthériens. — Le luthéranisme eut peu de partisans parmi les Polonais proprement dits ; mais la population d'origine allemande, habitant surtout les deux provinces de Prusse et une partie de la Grande-Pologne, l'adopta presque tout entière, grâce à la tolérance du roi Sigismond-Auguste. Les écoles luthériennes furent donc très nombreuses dans ces provinces. Nous ne parlerons que des principales, à savoir les trois gymnases de Thorn (Torun), de Dantzig (Gdansk) et d'Elbing (Elblag).

Le gymnase de Thorn fut fondé en 1557. Il eut pour premier recteur Mathieu Breu. Outre les autres matières de l'enseignement, il y avait une chaire de langue polonaise. Le gymnase compta jusqu'à onze classes en 1594, époque où il fut réformé par Stroband sur les conseils du Strasbourgeois Jean Sturm. Le plus célèbre recteur du gymnase réformé fut Konrad Graser, qui pendant ses dix-neuf ans de rectorat porta l'établissement à son apogée : il y avait, en 1630, 165 élèves. Le gymnase de Thorn compta parmi ses illustrations l'historien Christophe Hartknoch, qui y fut professeur entre 1666 et 1681 sous le rectorat d'Ernest Koenig.

Les programmes, la discipline, l'enseignement étaient bien supérieurs à ceux des autres écoles tant protestantes que catholiques ; et ce gymnase, bien qu'allemand par la langue, à partir du dix-huitième siècle contribua beaucoup à répandre en Pologne le goût des études historiques polonaises. Le statut du gymnase de Thorn publié en 1660 par Karnall est un modèle et un chef-d'oeuvre pédagogique.

Le gymnase évangélique de Dantzig, contemporain de celui de Thorn, fut fondé en 1557 dans l'ancien couvent des franciscains passés à la Réforme. Le premier recteur fut Jean Hoppius ; plus tard Jacques Fabricius (1580) lui donna un nouvel éclat et joignit à l'enseignement secondaire des cours de théologie, de législation, de médecine de philologie et de mathématiques supérieures. Ces cours supérieurs étaient malheureusement un peu trop superficiels. De plus ce gymnase, exclusivement allemand et n'ayant pas, comme celui de Thorn, d'élèves d'origine polonaise, eut moins d'influence sur la civilisation en Pologne. On y enseigna pourtant le polonais à partir de 1589, et, parmi les professeurs de polonais on peut citer le poète Jean Rybinski et l'illustre savant Célestin Mrongovius.

Le gymnase de Dantzig compte parmi ses élèves le géographe Philippe Kluwer, les astronomes Krüger et Hewelius, les naturalistes J. Breyn et Forster, l'historien Godefroi Lengnich, etc. Parmi les professeurs, citons encore l'historien J. Pastorius, J.-Pierre Titius, Gabriel Groddeck, etc.

Le gymnase d'Elbing date de 1598. Le premier recteur fût le Morave Jean Mylius, auquel succéda en 1629 son fils Michel Mylius, mort en 1652. Il avait la même organisation que celui de Thorn, Les élèves polonais y étaient cependant moins nombreux. On y enseigna toujours la langue polonaise.

Telles étaient les écoles en Pologne pendant le dix-septième siècle. Ajoutons que la meilleure éducation était encore celle que recevaient les jeunes nobles dans leur famille, surtout lorsqu'ils allaient la terminer à Padoue, à Bologne, à Florence, à Rome, à Paris (comme Jean Sobieski), ou dans les universités allemandes tant catholiques (Ingolstadt, Gratz, Prague) que protestantes (Francfort, Leipzig, Strasbourg, Bâle. etc.).

Remarquons aussi qu'il n'y avait encore aucune école spéciale. Le roi Ladislas IV eut un instant l'idée de fonder une école militaire, mais l'exécution de ce projet fut remise à plus tard, et ce fut le dernier roi de Pologne, Stanislas-Auguste, qui le réalisa, lorsqu'il n'était plus temps.

Quatrième époque. Depuis la réforme de Konarski jusqu'à la suppression des Jésuites (1740-4773). — Le besoin d'une réforme politique suscita les efforts de nombreux patriotes pendant le règne d'Auguste III. Mais la base de toute réforme est la réforme de l'instruction, et c'est ce que comprit mieux que personne Stanislas Konarski, qui fut pour la Pologne un Rollin et quelque chose de plus encore. Né en 1700, Konarski était entré dans l'ordre des piaristes à Podoliniec. Après un séjour de quatre ans en Italie, où il enseigna à Rome l'éloquence et l'histoire, il revint fonder à Varsovie un collège pour les nobles (convictus nobilium) sur le modèle du collège nazaréen de Rome. Ses nombreux ouvrages contribuèrent puissamment à développer l'esprit de réforme. Il protesta contre les punitions corporelles et interdit les représentations théâtrales au collège. Le but principal de l'enseignement était pour lui de former tout ensemble des chrétiens et des citoyens. Il introduisit dans son programme la langue, la littérature et l'éloquence polonaises, l'histoire nationale et universelle, l’arithmétique, l'algèbre et la géométrie, l'histoire naturelle, la physique et la politique.

Sur le conseil et avec l'aide de Konarski, Samuel Glowinski tenta de fonder un collège de nobles à Lwow et de le confier aux piaristes. Mais les jésuites réussirent alors à paralyser ses efforts en renouvelant leur projet de transformer leur collège de Lwow en académie : d'où une lutte nouvelle entre eux et l'académie de Cracovie, qui parvint une fois de plus à triompher de ses adversaires. Les jésuites se bornèrent alors à ouvrir à leur compte un collège de nobles.

Cependant Stanislas-Auguste Poniatowski était monté sur le trône (1764), et peu de temps après son couronnement il ouvrit l'école militaire des cadets, qui compta 200 élèves. L'enseignement de cette école fut bien supérieur à celui des autres collèges, et c'est de là que sortit entre autres Kosciuszko. À l'exemple du roi, le prince Radziwill à Nieswiez et Potocki à Niemirow fondèrent aussi des écoles militaires, qui ne purent subsister longtemps faute de ressources.

Les collèges des théatins, l'un à Varsovie, l'autre à Lwow (celui-ci destiné au clergé uniate), rendirent aussi de grands services en remplaçant la scolastique par la philosophie nouvelle, et en enseignant avec soin les sciences mathématiques.

Les écoles paroissiales et élémentaires sentirent également l'heureuse influence des réformes de Konarski ; leur nombre s'augmenta et leur mode d'enseignement s'améliora.

Quant à l'académie de Cracovie, elle ne s'occupa guère à cette époque que de la canonisation d'un de ses anciens professeurs du quinzième siècle, Jean Kanty. En vain l'évêque Gaetan Soltyk essaya de la réformer de fond en comble ; tout se borna à quelques changements insignifiants, à l'achat d'instruments d'astronomie et de physique, à la fondation d'un jardin botanique et à l'introduction d'un cours de philosophie éclectique confié à Joseph Putanowiez. En 1755, l'académie de Cracovie comprenait la faculté de théologie (douze professeurs), la faculté de droit (huit professeurs), la faculté de philosophie (vingt-quatre professeurs, y compris ceux des langues vivantes et orientales) et la faculté de médecine (six professeurs).

L'académie de Zamosc eut aussi sa réforme partielle, ou du moins son recteur Albert Laskarys tâcha de la relever, mais sans succès. En 1755, elle avait cinq professeurs dans la faculté de théologie, six dans la faculté de droit, cinq dans la faculté de philosophie ; la faculté de médecine n'avait plus de professeurs.

L'académie jésuite de Vilna se réveilla aussi : l'astronomie lit de grands progrès grâce au savant jésuite Zébrowski et à son collègue Poczobut.

Les colonies académiques firent une plus grande part dans leurs programmes à l'enseignement du français : d'ailleurs, rien ne fut modifié dans leur organisation.

Il n'en était pas de même dans les écoles des piaristes complètement réformées par Konarski. Elles eurent désormais six classes. Dans la première (la plus basse), on enseignait les déclinaisons latines, les deux premières opérations de l'arithmétique, les divisions de l'histoire universelle, et l'histoire sainte jusqu'à la captivité de Babylone, la géographie générale en abrégé. En seconde, la suite de la grammaire latine jusqu'à la syntaxe inclusivement ; on traduisait le Selectae (ad usum scholarum piarum) en polonais, on faisait des thèmes du polonais en latin ; en arithmétique, la multiplication et la division ; en géographie, l'Europe et particulièrement la Pologne en détail ; en histoire, l'histoire de France (dynasties des Valois et des Bourbons) en insistant sur les hommes illustres (Du Guesclin, Bayard, Sully, Richelieu, Mazarin, Colbert, Turenne, etc., sans oublier les hommes illustres des autres nations, comme Montecuculli, le prince Eugène, Marlborough, etc.). En troisième : syntaxe et prosodie latines, suite du Selectae, antiquités et institutions romaines, progressions arithmétiques et géométriques, règle de trois et règle de société, la géométrie plane et la géométrie appliquée ; la géographie détaillée de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique. En quatrième, on traduisait le Jugurtha de Salluste, certains discours de Tite-Live et de Quinte-Curce, quelques passages d'Ovide, de Virgile (1er livre de l'Enéide), d'Horace. On enseignait la théorie des tropes et des figures. Pour le polonais, on composait des vers et des lettres, on traduisait en polonais certaines lettres de Muret et les lettres de Cicéron. Pour les mathématiques : les éléments de l'algèbre, équations du premier degré ; trigonométrie et stéréométrie. En cinquième année, la physique (mouvement, statique, le feu, l'air, l'hydrostatique, l'électricité, la dioptrique) ; l'astronomie (le globe, les corps célestes). En sixième année, on enseignait l'art oratoire d'après la rhétorique de Konarski. On étudiait et l'on imitait les discours de Démosthène, de Cicéron, de Tite-Live, de Salluste, de Quinte-Curce, de Tacite, de Kromer, d'Orzechowski et de Gornicki. On y enseignait de plus le droit naturel, le droit politique et particulièrement le droit polonais. Le français et l'allemand étaient distribués entre les trois dernières classes. Les arts d'agrément (danse, escrime, équitation, dessin, musique) se payaient à part.

C’est aussi à cette époque que se rapporte la fondation en Pologne de la première école pratique des arts et métiers à Opole (1761), par Ignace Konarski, le frère du grand réformateur.

Cinquième époque. Depuis la suppression des Jésuites jusqu'au troisième partage (1773-1795). — En 1773, la suppression de l'ordre des jésuites fournit l'occasion d'une réorganisation totale des écoles. Sur la motion de Joachim Chreptowiez, vice-chancelier de Lithuanie, on nomma une commission dite Commission d'éducation, et on destina à l'instruction publique tous les biens confisqués aux jésuites.

La Commission d'éducation commença son oeuvre par les professeurs et les livres scolaires. La rédaction des livres d'enseignement fut confiée à la Société élémentaire, dont les principaux membres étaient le prédicateur Piramowiez, l'abbé Hugues Kollontay et le grammairien Kopezynski. Cette société établit des prix pour les meilleurs ouvrages d'enseignement ; elle donna aux concurrents les instructions suivantes : ne pas faire passer les idées et les expressions générales avant les particulières, les abstractions avant les choses sensibles ; ne pas employer les locutions figurées ; exposer clairement les matières de l'enseignement, en faisant sortir les vérités les unes des autres. Une partie seulement de l'ouvrage était destinée aux élèves ; l'autre (et la plus considérable) devait contenir des conseils pour les maîtres.

Pour avoir de bons professeurs, on transforma la faculté de philosophie de l'académie de Cracovie. Hugues Kollontay, à qui fut confiée cette tâche, recommanda aux professeurs de renoncer à l'habitude de dicter les leçons, de suivre toujours une méthode analytique, d'appliquer toujours la théorie aux divers besoins de la vie, de faire connaître aux élèves leurs devoirs d'hommes et de citoyens ; d'insister en histoire naturelle sur la faune, la flore et les richesses minérales de la Pologne, en physique sur l'application aux métiers et sur l'explication des phénomènes naturels ; d'appeler l'attention des élèves, dans la lecture des poètes, plus sur la grandeur des pensées que sur la beauté des expressions ; d'inculquer aux jeunes gens le bon goût et les bonnes moeurs, d'enrichir leur esprit de connaissances utiles, mais en développant surtout leurs facultés intellectuelles.

Les cours de ces séminaires de professeurs (nous dirions de ces écoles normales), dont l'un était joint à l'académie de Cracovie et l'autre à l'académie de Vilna, duraient trois ans. Les élèves des séminaires étaient entretenus aux frais de la Commission d'éducation. Quiconque voulait être professeur devait d'abord enseigner dans une école paroissiale, et ne pouvait qu'après ce stage prétendre aux emplois universitaires.

Les instructions de la Commission d'éducation relatives à ces écoles paroissiales ou primaires sont extrêmement intéressantes, et l'on y trouve sur la lecture, l'écriture, le calcul, les leçons de choses, comme aussi sur la discipline, sur l'éducation physique, sur l'hygiène, sur l'enseignement moral, des conseils dont pourraient profiter les pédagogues actuels. Voici du reste, sur l'oeuvre si originale et si nouvelle de cette Commission d'éducation, l'opinion du président du département de l'instruction publique dans la Prusse méridionale, W. Klewitz, qu'on ne peut soupçonner de partialité à l'égard des Polonais. Il écrivait en 1805 :

« Rien de plus admirable que les prescriptions du gouvernement polonais pour l'organisation des écoles de 1783 à 1790 : quel malheur qu'elles n'aient pu être exécutées ! Le caractère principal de cette organisation était que les professeurs formaient un corps spécial, une hiérarchie régulière et subordonnée à la Commission d'éducation (et par conséquent à l'Etat), dont relevaient les écoles supérieures et les écoles de district. Le pays était divisé tout entier en circonscriptions scolaires, dont chacune comprenait une école supérieure et plusieurs écoles de district, sans compter les écoles paroissiales des villes et des villages et les pensions de garçons et de filles. Chaque district avait son recteur et son procureur, chargés de surveiller les écoles au point de vue de l'instruction et de l'éducation morale et physique en même temps que sous le rapport de l'économie.

« L'éducation avait pour but d'éclairer l'esprit ; elle développait la moralité, la véritable piété, la force et l'adresse corporelles, l'ordre et la propreté. L'instruction apprenait à penser, à mettre en pratique les connaissances acquises : ni l'agriculture, ni l'art vétérinaire, ni l'industrie locale n'y étaient négligés. On s'efforçait de tremper le corps et de l'habituer au travail. L'éducation des jeunes tilles tendait à en faire des épouses, des mères, des maîtresses de maison. » Et Klewitz ajoute dans ce rapport officiel adressé au gouvernement prussien : «Quel gouvernement nouveau refuserait de se ranger au programme de ces écoles ? »

La Commission d'éducation ne put mettre la dernière main à son oeuvre, le troisième partage ayant mis fin, en 179b, à l'existence légale de la Pologne. Voici quelle était à cette époque, autant qu'on peut le savoir approximativement, le nombre des écoles en Pologne et celui des élèves qui les fréquentaient :

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En tout, sous les ordres de la Commission d'éducation, 74 écoles supérieures ou secondaires. Ajoutons, en dehors de cette hiérarchie

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C'est donc un total de 97 écoles supérieures ou secondaires. Or. la population de la Pologne en 1792 étant de 8 millions d'habitants, on peut compter une école supérieure pour 82 000 habitants. Aucune nation de l'Europe ne pouvait alors rivaliser à cet égard avec la Pologne. Ces écoles comptaient environ 20 000 élèves.

Quant aux écoles élémentaires ou primaires, il est impossible d'en évaluer le nombre même approximativement. Cependant, d'après les renseignements que l'on possède sur certaines provinces, on peut affirmer qu'il y avait environ quatre hommes lettrés sur cent dans la Pologne de 1795.

Nous n'avons point à parler ici des écoles de la Pologne russe, prussienne et autrichienne depuis 1795: on trouvera des renseignements à cet égard dans les articles relatifs à chacun de ces trois Etats.

(V. GASZTOWTT.)

A consulter. Histoire des écoles dans le royaume de Pologne et le grand-duché de Lithuanie depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'année 1794 (eu polonais), par Joseph LUKASZEWICZ (tome Ier), Posen, 1848 ; — L'Ecole au point de vue de son développement historique et des principes de l'éducation (en polonais ; par Antoine LUCZKIEWICZ, LWOW, 1872 ; — Chowanna ou système de Pédagogie nationale (en polonais), par Br. Ferd. TRENTOWSKI, t. II, fasc. 2, Posen, 1842 ; — Nouvel Organum didactique d'après la méthode de Bacon (en polonais), par Stan. ZARANSKI, Cracovie, 1882. — Konarski considéré comme réformateur des écoles publiques (en polonais), par Fl. LAGOWSKI, Varsovie, 1884. — De incrementis studiorum per Polonos ac Prussos, Jacobus Woit et Johannes Jungschultz: Lipsiae, MDCCXXIII ; — Essai sur l'histoire religieuse des nations slaves, par Valérien KKASINSKI, Paris, 1853.