bannière

p

Philipon de la Madelaine

Louis Philipon de la Madelaine, littérateur français, né à Lyon en 1734, mort à Paris en 1818, est l'auteur de plusieurs ouvrages d'éducation. Destiné d'abord à l’état ecclésiastique, il refusa, ses classes achevées, de s'engager dans les ordres, et se rendit à Besançon, où il étudia le droit et se maria. Lorsque la Chambre des comptes de Dôle fut transférée à Besançon, sous le nom de Bureau des finances, il obtint la charge d'avocat du roi prés cette cour, et la conserva jusqu'en 1786. Pendant cette période de sa carrière, il fit paraître divers mémoires sur des questions de jurisprudence ; c'est alors aussi qu'il publia (1783) son principal ouvrage, les Vues patriotiques sur l'éducation du peuple, tant des villes que des campagnes, Lyon, Bruyset-Ponthus, 1 vol. in-12 de 340 pages. Ce livre fut remarqué des contemporains ; il concourut pour le prix fondé par le comte de Valbelle en faveur de l'ouvrage le plus utile qui aurait paru dans l'année ; l'Ami des enfants de Berquin l'emporta sur lui, mais d'une voix seulement.

Les Vues patriotiques sur l'éducation du peuple sont l'oeuvre d'un homme instruit ; l'auteur est au courant de tout ce qu'on a écrit de son temps sur l'éducation: il cite non seulement Montaigne, Fénelon, Rollin, Montesquieu, mais des auteurs comme l'abbé Gédoyn, Lecterc, le comte de Thélis, Fourcroy, Deleyre ; c'est de Locke, de Rousseau et de La Chalotais qu'il s'est surtout inspiré. Il y a un rapprochement curieux à faire entre son plan d'éducation et celui que Michel Lepeletier proposa sept ans plus tard à la Convention nationale: Lepeletier, qui avait certainement lu Philipon, semble n'avoir guère fait qu'habiller à la façon républicaine quelques-unes des idées du magistrat de Besançon.

L'ouvrage de Philipon de la Madelaine est divisé en sept parties. C'est dans les deux premières que se trouve l'exposé général du système que l'auteur propose. Les trois suivantes contiennent des préceptes spéciaux, relatifs à l'éducation physique, à l'éducation intellectuelle et à l'éducation morale. L'avant-dernière traite de l'éducation des adolescents, et la dernière de celle des femmes.

Au début de la première partie, l'auteur explique dans quelle acception il emploie le mot de «peuple» ; il entend par là, dit-il, « le dernier rang des citoyens, la classe de ces hommes à qui la nécessité impose la loi de se dévouer, pour vivre, à des travaux mercenaires, manuels et serviles ». Cette « portion de nos semblables» sera toujours « la plus précieuse aux yeux du sage, et la plus intéressante aux yeux du législateur ». Comme le peuple «peut également servir beaucoup, ou beaucoup nuire », il y a pour l'Etat « une double nécessité de veiller sur son éducation». Et non seulement l'Etat doit y veiller avec le plus grand soin, mais « il doit seul en supporter le fardeau » ; car « si le gouvernement n'y subvient pas, qui en fera la dépense » ? C'est donc à l'Etat seul de s'occuper de l'éducation des enfants du peuple ; c'est à lui « de les nourrir et de les entretenir pendant tout le cours de cette éducation » ; en effet, ainsi que l'ont sagement reconnu les législateurs de l'antiquité, « les enfants appartiennent plus à la république qu'à leurs parents ».

Ces principes posés, Philipon se demande « s'il est avantageux à l'Etat que le peuple soit instruit »? Et il répond : « Oui, si l'on entend par là qu'il faut lui apprendre à connaître les choses qui peuvent influer sur son bien-être, façonner son âme à la vertu, former ses organes aux diverses professions qui lui sont propres. Mais si à ce mot d'instruction l'on attache l'idée d'étude des langues, des sciences, des lettres, des beaux-arts, sans contredit on doit l'éloigner du peuple ; l'ignorance est préférable. Je ne connais pas d'arme plus dangereuse que le savoir entre les mains du peuple. » Il ne faut donc rien enseigner au peuple qui puisse lui donner le désir de s'élever au-dessus de sa condition : « tout homme qui voit au delà de son métier, a dit La Chalotais, ne s'en acquittera jamais avec patience». Aussi Philipon signale-t-il, comme La Chalotais l'avait l'ait avant lui, « le danger de ces écoles dont fourmillent nos bourgs et nos villages ; il n'est pas un hameau qui n'ait son grammairien», et ces grammairiens n'enseignent rien de bon à leurs élèves: «Je le dis hardiment, il n'y aura jamais de bonne éducation pour le peuple, si l'on ne commence à faire disparaître du milieu des bourgs et des campagnes ces recteurs d'écoles qui dépeuplent également nos champs et nos ateliers». L'objet de l'éducation des enfants du peuple doit être, suivant le mot d'Agésilas, « de les instruire de ce qu'ils doivent savoir et faire quand ils seront grands». Il examine ensuite diverses objections. Vous voulez donc assujettir les enfants du peuple à suivre la profession de leur père? Non ; il faut, au contraire, que le peuple sache qu'il a la liberté de quitter sa profession quand il le voudra, ou quand il le pourra ; «il faut, pour lui faire supporter avec facilité les fardeaux qu'on lui impose, qu'il conserve cette idée consolante, que la fortune un jour le dédommagera » ; mais gardons-nous de lui donner des lumières qui le dégoûteraient de son état, et mettons tout en oeuvre pour lui faire aimer son sort. En privant les bourgs et les campagnes d'un maître de latin, objectera-ton, vous ôtez peut-être à de très grands génies la facilité de se développer? Non ; car « le feu du génie, lorsqu'il dévore une âme, n'a besoin, pour éclater, ni d'académies, ni de collèges ». Mais comment se rempliront les monastères? Comme ils pourront ; «si l'on veut, ils resteront déserts». Comment avoir des curés pour les campagnes? « Les villes en fourniront», et ces curés, n'étant pas fils de paysans, seront plus respectés de leurs paroissiens. A la question: Laquelle est préférable, l'éducation publique ou l'éducation privée? l'auteur répond en se déclarant, comme Locke, partisan théorique de l'éducation privée ; mais, ajoute-t-il, celle question est ici déplacée ; il ne s'agit pas de préférences, mais de nécessités ; « où seraient élevés les enfants du peuple, s'ils ne l'étaient pas dans les écoles publiques ? » Une dernière question enfin doit être résolue : Est-ce à des corps ou à des particuliers que doit être confiée l'éducation des citoyens ?Tout en reconnaissant qu'on peut invoquer contre les corps d'excellentes raisons, Philipon se prononce — et c'est là le trait le plus original de son plan — en faveur des « corps réguliers», et propose que les couvents deviennent les écoles de la jeunesse. Il voit à cette combinaison toute sorte d'avantages : les maîtres auront pour frein et pour aiguillon la gloire de leur ordre, cet esprit de corps « qui peut créer une âme à ceux qui n'en ont pas » ; en cas de maladie, ils seront plus faciles à remplacer ; choisis sur toute une corporation, ils auront communément plus de capacité ; un moindre salaire leur suffira ; ils ne seront pas distraits par les soins d'un ménage ; enfin « les monastères offriront aux enfants du peuple des salles et des terrains propres aux différents exercices de leur éducation ; et l'Etat y trouvera encore cet avantage précieux, que les écoles ne lui coûteront rien à construire». Quant au choix des corps religieux, c'est une question indifférente : « Le monastère de l'arrondissement sera toujours le meilleur, et il n'est pas d'ordre religieux qui ne puisse fournir les maîtres nécessaires». Le gouvernement prendra d'ailleurs ses précautions ; la vigilance de l'administration saura écarter tout le péril que peut présenter un semblable emploi des ordres religieux, elle empêchera ceux-ci de répandre les doctrines qui lui paraîtront dangereuses ; il n'y a pas à craindre non plus que les ordres religieux profitent de cette occasion pour peupler leurs cloîtres : car leurs novices doivent posséder quelques notions de latin et de philosophie scolastique, et les enfants du peuple n'acquerront jamais ces sortes de connaissances ; enfin, s'il faut assurer aux monastères des revenus nouveaux pour les mettre en état de se charger de ce service, on prendra la précaution de ne les leur distribuer que sous forme de pensions annuelles. Mais cette dépense ne sera pas même nécessaire. « A dire le vrai, pourquoi des fonds ? Je ne fais pas ici d'établissement nouveau ; je ne charge les couvents d'aucun nouveau sujet ; j'applique simplement à quelque chose des hommes qui, la plupart du temps, ne s'appliquent à rien. Les monastères n'auront que le même nombre de religieux: ce qu'il y aura de plus, c'est que ces religieux travailleront. Quand l'Etat les a reçus, quand, aux dépens de l'Etat, la subsistance leur a été assurée, n'ont-ils pas contrai té l'engagement de servir l'Etat? Où est le mal de les ramener à des obligations qu'ils n'auraient jamais dû méconnaître? Au lieu de les réformer, qu'on fasse de leur assiduité à ce genre de travail la caution de leur existence civile ; je garantis qu'ils ne le dédaigneront pas. » Si, dans quelques endroits, il se présente des difficultés qui empêchent de placer les écoles du peuple dans les monastères, on aura recours à des maîtres séculiers: mais Philipon les voudrait ecclésiastiques, ou du moins il demande qu'ils ne soient pas engagés dans les liens du mariage. Ces maîtres ne recevront leur traitement que de l'Etat, et on les entourera de la considération qui doit s'attacher à l'importance de leurs fonctions. « Un maître d'école dans un village n'est que le premier valet du curé. Au lieu de cela, qu'il ait dans la nef une place distinguée ; qu'aux processions il en ait une ; qu'il jouisse de quelques exemptions, et bientôt la place des instituteurs du peuple sera recherchée. Leurs idées s'élèveront Ils regarderont leur profession comme la première de toutes ; et mettant leur gloire à la bien remplir, ils se diront, avec cet enthousiasme de l'amour-propre si excusable quand on fait le bien: « C'est par nous que la lie des nations se change en une liqueur précieuse. C'est nous qui créons une âme à des milliers de malheureux qui n'avaient que des sens. Ils semblaient n'être nés que pour souffrir ; grâce à nous, ils ne descendront pas dans la tombe sans avoir connu la félicité. »

Dans la seconde partie de son livre, Philipon de la Madelaine expose l'organisation des écoles qu'il propose de fonder. S'il faut faire des constructions nouvelles, on les placera hors des villes, dans un endroit bien aéré, non loin des bois, et surtout aux bords d'une rivière. Les monastères des campagnes, transformés en écoles, offriront dans leurs cloîtres, leurs dortoirs, leurs corridors, leurs réfectoires, des appartements aussi sains que spacieux. Les enfants du peuple entreront dans les écoles à six ans ; ils y seront logés, nourris et habillés aux frais de l'Etat ; leurs aliments seront « en hiver, du pain, de l'eau et quelques farines bouillies, telles que le gruau d'orge, d'avoine, de blé de Turquie ; en été, du pain, de l'eau et quelques fruits. jamais de viande » ; quant aux vêtements, « un sarrau et des culottes de toile grossière, voilà pour les enfants du peuple l'habit de tous les temps ; chacun en aura deux ; jamais de chaussures, la tète toujours rasée et toujours nue ». Les lits sont une superfluité : « M. Rousseau veut pour son Emile un lit très dur ; moi, dont les élèves sont condamnés par la fortune à manquer souvent de lits, je ne leur en donne pas du tout : ils dormiront habillés, sur la banquette qui garnira le pourtour de la salle, ou même sur le pavé ». A l'âge de onze ou douze ans, les enfants seront rendus à leurs pères ; en outre, chaque année, on les leur rendra pendant les quatre mois d'été, de la fauchaison à la vendange, afin qu'ils puissent prendre leur part des travaux de la famille. Chaque école correspondra à un arrondissement embrassant vingt ou trente communes ; quatre maîtres suffiront, et chaque semaine il en couchera un tour à tour dans la salle des enfants ; leur traitement annuel pourra être de trois cents livres, avec promesse d'une pension viagère après trente ou trente-cinq ans de travail. Ces écoles ne coûteront rien, ou bien peu de chose, selon l'auteur, si on les confie aux réguliers. Si cependant il fallait leur trouver des revenus, on pourrait y affecter, en première ligne, les sommes payées par les communes pour les traitements des maîtres d'école supprimés, et en outre diverses autres ressources, telles que « la dépouille des jésuites », le produit de certaines amendes, des impôts sur quelques objets de luxe, sur les baptêmes des enfants riches ; on y joindrait au besoin « le superflu de l'Eglise ». Quant à l'administration et à la surveillance des écoles, elles seraient exercées de la manière suivante : chaque diocèse aurait dans sa capitale un bureau d'administration des écoles du peuple ; il serait composé de dix personnes notables ; l'évêque en serait le président ; c'est à ce bureau que serait confiée la gestion de la caisse du revenu des écoles ; deux fois par an, un des membres du bureau visiterait les écoles du ressort ; et ces visites se feraient sans frais, parce que les administrateurs seraient choisis parmi les citoyens que la fortune met au-dessus du besoin ; les services de ces hommes dévoués seraient d'ailleurs récompensés par l'Etat « avec une monnaie bien plus précieuse que l'or ».

Abordant, dans les trois parties suivantes, l'exposé de son programme d'éducation physique, il recommande de « fortifier le tempérament » des enfants, par les bains froids, la propreté, le grand air, les exercices du corps ; la gaieté aussi est nécessaire : « au lieu des pleurs qui font de la plupart des collèges un lieu d effroi, les écoles du peuple ne retentiront que des cris de l'allégresse », les enfants chanteront et danseront ; à chaque école sera attaché un maître de musique. Les châtiments corporels seront interdits : « si les élèves ont besoin d'être punis, frappez sur l'amour-propre, jamais sur le corps ». Quant aux connaissances à enseigner aux enfants, elles comprendront la lecture, surtout la lecture des manuscrits, le calcul, la géométrie pratique, le dessin, le chant, des instructions relatives à l'hygiène, à la médecine pratique, et à l'art vétérinaire, et quelques notions de physique ; chose assez singulière, l'écriture est à peu près exclue du programme : « Je n'en parle, dit Philipon, que pour l'interdire presque entièrement aux enfants du peuple ; il suffit qu'ils en aient une notion superficielle, et qu'ils sachent signer leur nom. A cela près, de quelle utilité peut devenir, pour les gens du peuple, une plus grande connaissance de l'art d'écrire ? Ou ils se rendent criminels, en falsifiant des écritures ; ou ils négligent leurs travaux, et passent leur temps à transcrire des livres d'amusement, à faire des lettres, à copier des chansons, à suivre une intrigue amoureuse ; ou ils se dégoûtent de leur profession et la quittent, enivrés de cette idée que, sachant écrire, ils sont au-dessus de leur état. » Les leçons seront courtes et coupées par des exercices en plein air. « Dans nos salles vastes et bien aérées, le dégoût de l'étude ne se fera pas sentir. Les élèves n'y seront jamais enfermés qu'une heure de suite, pour y recevoir debout les instructions qui leur seront destinées. Cet intervalle expiré, ils en sortiront pour aller, pendant deux heures au moins, se livrer, en plein air, aux exercices du corps, ou à de nouvelles études. » L'éducation morale aura pour objet d'écarter du coeur les affections désordonnées, telles que la peur, produit de l'ignorance et de la superstition, la crainte, qui fait reculer devant les périls réels, le goût du larcin, celui des boissons fortes, le penchant à tromper au jeu, la fainéantise, et d'y faire germer les sentiments honnêtes, en particulier la douceur, la commisération, le sentiment de l'honneur. Un traité de morale, sous la forme d'un recueil de proverbes expliqués, pourra être mis entre les mains des élèves. Sur le point de la religion, Philipon s'explique avec quelque embarras ; il tient à passer pour philosophe ; mais, ajoute-t-il, « si quelques hommes pouvaient, absolument parlant, vivre sans religion, ce ne serait pas le peuple. La religion est pour le peuple d'une indispensable nécessité. » Elle est sa seule consolation : « Le riche se console avec ses jouissances, le sage avec la philosophie, l'érudit avec ses livres, l'homme sensible avec l'amitié. Que reste-t-il au peuple? Dieu. » La religion du peuple doit être simple, dégagée de pratiques dévotes, étrangère à l'intolérance et au fanatisme, et ramenée sans cesse à la morale ; les enfants n'apprendront du dogme que les principaux articles, tels que le catéchisme du diocèse les leur enseignera : « Il importe encore plus qu'ils soient soumis qu'éclairés ».

La sixième partie, où l'auteur traite de « l'éducation du peuple depuis la sortie de l'école jusqu'au mariage », n'est pas la moins intéressante. Au sortir de l'école, les jeunes gens de chaque village seraient placés sous l'autorité d'un de leurs camarades plus âgé, qui remplirait les fonctions de « général de la jeunesse », et dirigerait leurs exercices et leurs jeux ; les inspecteurs de l'éducation du peuple continueraient à surveiller la conduite de ces jeunes gens et les passeraient en revue de temps à autre ; des fêtes fourniraient des occasions de réunion et de spectacles publics. Pendant l'hiver, des cours d'adultes seraient organisés dans les villes, une bibliothèque y serait mise à la disposition de la jeunesse populaire dans une salle de l'hôtel municipal ; à la campagne, on pourrait aussi trouver facilement dans chaque village une salle où seraient réunis quelques livres utiles ; le curé pourrait remplacer, tous les mois, un prône ou un catéchisme par des instructions relatives soit à l'agriculture, soit aux objets d'industrie et de commerce qui occupent ses paroissiens ; des sociétés distribueraient des prix d'agriculture. Cette partie se termine par deux chapitres sur les moyens « de conserver les moeurs parmi les jeunes gens du peuple, depuis la sortie des écoles ». et de mieux régler et assortir les mariages du peuple.

La septième et dernière partie, relative à « l'éducation des femmes du peuple », n'offre pas d'idées nouvelles. « Tout ce que |'ai dit sur l'administration, la manutention, la police des écoles destinées aux garçons, je le dis pour les écoles des filles. Même soumission aux inspecteurs de l'éducation du peuple, même gouvernement intérieur, même nourriture, mêmes vêtements, mêmes précautions pour la santé, etc. Je ne fais que deux changements : l'un, de confier les écoles des filles à des personnes de leur sexe ; l'autre, de ne laisser les filles dans les écoles que l'espace de trois années, savoir depuis sept ou huit ans jusqu'à dix ou onze. »

Après avoir achevé l'exposé de ses vues, Philipon de la Madelaine cherche à peindre, dans sa conclusion, le bonheur qu'une éducation pareille assurerait au peuple, qu'on verrait « employer toute la semaine à des occupations utiles, et partager ensuite le dimanche entre des exercices de religion qui lui font chérir ses devoirs, et des jeux qui lui font oublier ses peines ». Il aime à se représenter ce peuple régénéré, « exempt des maladies du corps, parce que l'éducation aura fortifié son tempérament ; exempt des inquiétudes de l'esprit, parce que l'éducation, en lui étant l'ignorance, ne lui aura pas donné le savoir » ; il le montre « vivant au sein des fatigues, sans craindre le remords » ; et enfin, dernier trait qui indique suffisamment les tendances de l'auteur, « portant le poids des impôts, sans se permettre le murmure ».

L'année suivante parut, sans nom d'auteur, un autre ouvrage du même écrivain : c'est une critique très vive du système d'éducation en usage dans les collèges (De l'éducation dans les collèges, Paris, 1784 ; réimprimé en 1785 sous le titre de Discours sur les moyens de perfectionner l'éducation des collèges de France). En 1786, Philipon fut nommé intendant des finances du comte d'Artois ; mais la Révolution lui fit perdre sa place. Il montra, sous la République, les sentiments d'un patriote ; on a de lui une pièce de circonstance, jouée en l'an II, qui célèbre la mort héroïque d'Agricol Viala. En l'an III, il écrivit au Comité d'instruction publique pour solliciter un emploi : il eût désiré « être attaché à quelque bibliothèque ou à quel que établissement littéraire » ; le Comité le fit comprendre, pour une somme de deux mille livres, sur la première liste des savants, artistes et gens de lettres auxquels la Convention alloua des secours ou récompenses. Sous l'empire, il obtint la place de bibliothécaire du ministère de l'intérieur. Au retour des Bour bons, il redevint intendant de Monsieur. Parmi les nombreux écrits qu'il fit paraître dans la seconde moitié de sa vie, nous citerons les suivants : Dictionnaire des homonymes, Paris, 1799 ; Choix de remarques sur la langue française, 1802, réimprimé en 1807 sous le titre de Grammaire des gens du monde ; Manuel épistolaire à l'usage de la jeunesse, 1804 (cet ouvrage, qui a été adopté pour les lycées, a été fréquemment réimprimé ; nous avons sous les yeux la 17e édition, Paris, Garnier frères, 1860) ; Dictionnaire portatif des poètes français, 1805 ; Dictionnaire portatif des rimes, 1806 ; Dictionnaire portatif de la langue française, 1809. Philipon de la Madelaine a fait jouer, seul ou en collaboration, un certain nombre d'ouvrages dramatiques, pour la plupart des vaudevilles.

James Guillaume