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Parieu

 Louis-Pierre-Félix Esquirou de Parieu, né à Aurillac en 1815, avocat, fut membre de l'Assemblée constituante en 1848 et de l'Assemblée législative en 1849. A la chute du cabinet Odilon Barrot, il devint ministre de l'instruction publique et des cultes (31 octobre 1849) en remplacement de M. de Falloux. Celui-ci avait déposé, le 18 juin 1849, un projet de loi remaniant de fond en comble l'organisation de l'instruction publique : c'est sous le ministère de M. de Parieu que ce projet allait devenir la loi du 15 mars 1850.

Le 6 octobre 1849, Beugnot déposa le rapport de la Commission chargée par l'Assemblée d'examiner le projet de loi. Le représentant Lherbette s'empressa de rappeler (Voir Falloux) qu'il y avait une question à vider au préalable, — question dont la Commission avait été saisie en juillet et sur laquelle elle avait négligé, à dessein, de présenter le rapport qu'elle devait faire, — celle de savoir si le projet serait d'abord renvoyé au Conseil d'Etat. Cette question vint à l'ordre du jour le 7 novembre. Beugnot déposa des conclusions négatives, et les appuya d'un argument qui fait comprendre pourquoi la Commission avait tenu à gagner du temps. « Cette question, dit-il, qui pouvait d'abord offrir des doutes, n'en offre plus depuis que la Commission a terminé et déposé son travail ; et le droit du Conseil d'Etat, s'il existait, se trouve périmé, car il s'exercerait sur un projet amendé, ce qui serait une atteinte grave aux droits de la Commission qui représente l'Assemblée. » La majorité refusa d'admettre un raisonnement pareil, et le nouveau titulaire du portefeuille de l'instruction publique, M. de Parieu, ayant annoncé que le gouvernement ne s'opposait pas au renvoi au Conseil d'Etat, ce renvoi fut prononcé. Le vote de l'Assemblée fut regardé comme un échec pour le parti catholique, qui voyait déjà sa loi en péril.

La Commission parlementaire avait encore aggravé certaines dispositions du projet Falloux. En effet, elle supprimait complètement l'enseignement primaire supérieur, que le projet primitif avait laissé subsister ; elle abaissait à dix-huit ans l'âge exigé des instituteurs adjoints, afin de favoriser les congréganistes ; enfin elle faisait disparaître les écoles normales. Voici, sur ce dernier point, le texte du projet primitif : « Tout département pourvoit au recrutement des instituteurs communaux en entretenant des élèves-maîtres dans les établissements d'instruction primaire désignés par le Conseil académique, ou créés à cet effet par le département, sur l'avis de ce Conseil ». Ce texte ne prononçait pas contre les écoles normales la condamnation absolue qu'avait désirée Thiers. Le projet Beugnot, par contre, disait : « Les départements pourvoient au recrutement des instituteurs communaux en entretenant des élèves-maîtres dans les écoles primaires désignées par le Conseil académique. Le ministre de l'instruction publique, après avoir consulté le Conseil supérieur et le Conseil général, pourra autoriser un département qui a fondé une école normale primaire à la conserver provisoirement et pour un temps déterminé. »

Le Conseil d'Etat, une fois saisi de la question, formula ce que M. de Falloux appelle « un véritable contre-projet ». Ce contre-projet était pourtant bien insuffisant au point de vue des garanties qu'il eût fallu assurer. Il maintenait les académies existantes, que le projet Falloux-Beugnot détruisait et remplaçait par des académies départementales ; il instituait des comités cantonaux, et au-dessus d'eux un comité départemental dans lequel aucun ecclésiastique n'était appelé ; enfin il remettait la nomination des instituteurs aux préfets. « Ce travail, ajoute M. de Falloux, exerça très peu d'influence» ; Beugnot en lit l'objet d'un rapport supplémentaire, et annonça que la Commission maintenait son projet, sauf quelques modifications sur des points tout à fait accessoires.

Avant de s'occuper de la loi organique de l'enseignement, l'Assemblée vota la « petite loi » du 11 janvier 1850, loi d'exception dont le ministre ne demandait la mise en vigueur que pour une durée de six mois. Le but de cette loi était de permettre au gouvernement de faire révoquer par ses préfets les instituteurs républicains, que la droite accusait d'être des agents de désordre et d'immoralité. Un mot suffit pour indiquer clairement l'esprit qui animait la majorité de l'Assemblée. Quelques membres de la gauche ayant réclamé contre les paroles de M. de Parieu, qui affirmait que les instituteurs faisaient « la propagande au profit de doctrines insensées », une voix à droite s'écria, en s'adressant aux membres de la gauche : « Il est évident que les instituteurs sont coupables, puisque vous les défendez ». (Compte-rendu officiel de la séance du 2 janvier 1850.)

On trouvera le texte de cette « petite loi » à l'article Lois scolaires, p. 1079.

La discussion de la loi organique s'ouvrit à l'Assemblée le 14 janvier 1850, et se continua les jours suivants. Les principaux orateurs de la gauche, Victor Hugo, Crémieux, Charras, Edgar Quinet, furent bafoués par une majorité intolérante qu'encourageait l'attitude du président, Dupin ; un orateur d'extrême droite, l'abbé de Cazalès, soutint que la part faite à l'Eglise dans le projet de loi n'était pas suffisante ; M. de Montalembert affirma que l'Université avait causé tous les malheurs du pays, et que le remède était « de faire rentrer la religion dans l'éducation par la liberté » ; enfin Thiers (séance du 18 janvier) glorifia en ces termes l'alliance conclue entre les orléanistes du centre gauche et leurs anciens adversaires de la droite cléricale : « Quand toutes les dynasties ont été emportées, je n'ai plus vu aucune différence entre les partisans de l'Eglise et les partisans de l'Etat ; tous ne sont plus à mes yeux que les défenseurs de la société. J'ai tendu la main à ceux que je combattais la veille ; ma main est dans la leur, et elle y restera pour la défense de la société. » Les trois débats réglementaires ne furent terminés que le 15 mars, et ce jour-là l'ensemble de la loi fut voté par 399 voix contre 237.

En janvier 1851, le président Louis-Napoléon fut forcé d'abandonner le cabinet de ses préférences, et M. de Parieu céda son portefeuille à Ch. Giraud (24 janvier). Après le coup d'Etat du 2 décembre, Esquirou de Parieu entra au Conseil d'Etat, où il resta jusqu'en 1870. En 1876, il fut élu sénateur, mais ne fut pas réélu en 1885. Il est mort l'année suivante.