Bernard Overberg est l'un des principaux représentants de la pédagogie catholique en Allemagne, à l'époque antérieure à Pestalozzi. Né en 1754, dans un village près d'Osnabrück en Westphalie, il étudia la théologie, fut consacré prêtre en 1780, et exerça d'abord comme vicaire dans une paroisse rurale ; il s'y distingua par sa charité, sa douceur, son amour pour les enfants, et les succès qu'il obtint dans sa tâche de catéchiste. En 1783, le baron de Fürstenberg, administrateur de la principauté de Munster, le plaça à la tête de la Normal-Schule qu'il avait récemment fondée dans cette ville ; Overberg dut faire chaque année un cours normal de deux à trois mois à un certain nombre d'instituteurs, et s'occuper en outre d'inspecter les écoles primaires pour y améliorer la méthode d'enseignement. C'est dans ce poste qu'il s'acquit promptement la réputation d'un éducateur hors ligne.
« Les fonctions d'instituteur, au pays de Munster, dit un de ses biographes, étaient en général remplies, dans les paroisses importantes, par des hommes qui avaient suivi les cours du gymnase avec l'idée d'embrasser l'état ecclésiastique, mais qui ensuite, soit par défaut de capacité, soit pour toute autre raison, n'avaient pas achevé leurs études. Dans les villages moins considérables et dans les hameaux, c'étaient des manouvriers qui gagnaient leur pain en hiver à donner des leçons, et en été à travailler aux champs. Le plus grand nombre de ces maîtres étaient fort ignorants et hors d'état de donner une instruction convenable. Leur salaire, du reste, était aussi pauvre que leur enseignement, et plusieurs se voyaient réduits à faire la classe dans une boulangerie ou dans quelque vieille chapelle, sans poêle, exposés à toute la rigueur du froid. Fürstenberg chercha d'abord à gagner les maîtres par l'amélioration matérielle de leur sort, pour opérer ensuite chez eux une réforme intellectuelle et morale. Overberg fut chargé d'inspecter toutes les écoles de campagne ; on abolit alors, d'après ses conseils, une partie des chétifs établissements dont nous venons de parler, et de la réunion de plusieurs places improductives on en forma une seule, à laquelle fut affecté un traitement suffisant ; puis on assura aux maîtres qui se soumettraient à un examen de capacité et le subiraient avec succès un supplément annuel de vingt, trente et quarante thalers, selon l'importance des communes. Cet examen devait se faire tous les trois ans : ceux qui voulaient s'y préparer avec plus de soin étaient invités à venir à l'école normale de Munster. L'augmentation de frais occasionnée par cette mesure fut mise à la charge du trésor public, et, afin que les enfants n'eussent point à souffrir de l'absence de leurs maîtres, les cours destinés à ceux-ci n'avaient lieu que pendant le temps ordinaire des vacances, c'est-à-dire depuis le 21 août jusqu'au commencement de novembre. En conséquence, il y eut bientôt chez Overberg de vingt à trente vieux magisters. Ils exercèrent largement sa patience angélique et sa généreuse confiance en Dieu, par l'indicible pesanteur et la dureté de leur esprit. De neuf heures à midi, et de deux heures à cinq heures, le digne prêtre leur donnait des leçons de pédagogie, de religion, d'histoire sainte, de lecture, d'écriture et de calcul. Overberg faisait ses leçons avec un soin extrême : il consacrait une heure et demie à la préparation de chacune, puis il employait le reste de sa journée à instruire et à aider en particulier, dans sa chambre, les maîtres les plus faibles. Ces infatigables efforts n'eurent pas tout d'abord des résultats sensibles ; mais au bout d'un petit nombre d'années on en ressentit l'heureuse influence. Le généreux enthousiasme d'Overberg pour la jeunesse pauvre et délaissée éveilla dans d'autres âmes des sentiments semblables : le zèle des meilleurs entraîna une partie des plus indolents et des moins capables ; et plusieurs d'entre eux, non contents de suivre le cours d'Overberg une ou deux années, s'y rendirent dix ou douze fois à leurs propres frais. Quoiqu'un grand nombre de ses auditeurs, surtout au commencement, fussent des gens grossiers et sans éducation, jamais le professeur n'avait besoin d'en rappeler un seul à l'ordre. La haute dignité de son caractère, jointe à la candeur enfantine et à la bienveillance cordiale qui rayonnaient dans toute sa personne, inspiraient à chacun l'amour et le respect. »
Overberg s'occupa aussi de former des institutrices ; chaque année il donnait, à l'école gratuite du couvent de Lorraine, un cours que venaient suivre des jeunes filles qui se destinaient à la carrière de l'enseignement. Des personnes de toutes conditions se pressaient au catéchisme qu'il faisait le dimanche, dans l'église de ce couvent. Un passage du journal dans lequel il avait l'habitude de consigner ses réflexions et ses pensées intimes fera voir avec quel sérieux il envisageait sa tâche d'éducateur, et combien était élevé l'idéal auquel il s'efforçait d'atteindre. « Ce matin, écrivait-il dans ce journal à la date du 15 janvier 1790, je suis encore allé faire mon instruction sans l'avoir convenablement préparée. O Dieu, aide-moi pour que ceci ne m'arrive plus. C'est une illusion de me dire à moi-même : Sois tranquille, tu es maître de ton sujet, telle affaire est plus importante. Nulle affaire n'est aussi importante, du moment qu'elle peut être différée. Le manque de préparation entraîne beaucoup de fautes : la leçon devient obscure, incertaine, diffuse ; l'esprit des enfants se trouble, ils écoutent mal, ils sont à la gêne et j'y suis avec eux. Aide-moi, ô mon Dieu, pour que j'imite de plus en plus dans mes leçons la manière divinement simple, courte et saisissable de ton bien-aimé Fils. Fais que je me demande toujours avant de commencer une instruction : Est-elle nécessaire, est-elle utile? N'y en a-t-il pas une autre qui doive passer auparavant? Est-elle à leur portée? Quel est le but que je me propose? Ne donnera-t-elle aux enfants qu'une apparence de savoir (dans ce cas il faudrait y renoncer)? Est-elle présentement la plus profitable? »
En 1793, Overberg publia, à l'usage des instituteurs, un manuel dans lequel il résumait les directions et les conseils pédagogiques que lui avaient suggérés dix années d'expérience. Cet ouvrage, intitulé Anweisung zum zweckmässigen Schulunterricht für die Schullehrer ira Fürstenthum Munster, a eu de nombreuses éditions du vivant de l'auteur et après sa mort (la 8° est de 1844), et il compte, malgré sa forme un peu vieillie et sa tendance au mysticisme religieux, parmi les livres classiques de la pédagogie allemande au dix-huitième siècle. Les autres écrits d'Overberg sont un abécédaire, publié en 1788, une histoire biblique (1799), un manuel de religion (1804), et deux catéchismes.
Lorsque Georges Cuvier fut chargé en 1810 d'inspecter les établissement d'instruction publique des départements de la Basse-Allemagne, il s'exprima en ces termes sur Overberg et son école normale dans le rapport qu'il adressa à l'empereur : « Les maîtres et maîtresses sont obligés de se rendre tous les automnes à une école normale où l'on perfectionne leur instruction et où l'on s'assure qu'ils se maintiennent dans leurs connaissances et qu'ils mettent en pratique les méthodes dont ils ont été imbus. Cette école est tenue à Munster par un ecclésiastique respectable nommé M. Overbeck (Cuvier écrit « Overbeck » pour « Overberg »), auteur d'ouvrages intéressants sur l'éducation. Il reçoit quatre cent cinquante risdales de traitement et réunit ordinairement trente ou quarante maîtres chaque année. »
Overberg avait vécu depuis 1789 dans la maison de la princesse Galitzine, qui s'était déclarée sa protectrice. Après la mort de celle-ci (1806), il continua à habiter chez elle jusqu'au moment où il fut nommé directeur du séminaire épiscopal (1809). Ces nouvelles fonctions ne l'empêchèrent pas de continuer à consacrer chaque année une partie de son activité au cours normal ; sans se laisser arrêter par l'âge et la fatigue, il persista à réunir comme autrefois les instituteurs autour de lui pour les initier à la méthode. Le 7 novembre 1826, il donna sa dernière leçon et prit congé de ses élèves ; deux jours après, il expirait à l'âge de soixante-douze ans.
Il existe une traduction française de l'ouvrage principal d'Overberg ; elle a été publiée à Liège en 1844, sous ce titre : « Manuel de pédagogie et de méthodique-générale, ou Guide de l'instituteur primaire, par B. Overberg, traduit de l'allemand par N.-J. Cornet » (2e édition. 1845, 1 vol. in-8). Une Vie de Bernard Overberg, par G.-H. Schubert, professeur de sciences naturelles à l'université de Munich, a été traduite par M. Léon Boré (Paris, 1842 ; 2° édition, 1843, 1 vol. in-8).