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Obédience (lettre d’)

La définition administrative de la lettre d'obédience était celle-ci : « Ordre donné à un congréganiste, par son supérieur, de se rendre dans une commune pour y prendre la direction de l'école ». La question de la lettre d'obédience, qui joua un si grand rôle dans l'enseignement primaire en France, de 1819 à 1881, n'a plus aujourd'hui qu'un intérêt historique.

Lorsque l'article 109 du décret du 17 mars 1808 eut affilié les Frères des Ecoles chrétiennes à l'Université impériale, en disant que les Frères « seraient brevetés et encouragés par le grand-maître », on put se demander si chaque frère devait recevoir du grand-maître un brevet individuel, ou si c'était la congrégation en bloc qui serait brevetée. Fontanes résolut la question dans le second sens, ainsi que l'expliqua plus tard (7 juillet 1818) le supérieur général des Frères dans une lettre au ministre de l'intérieur Lainé : « Son Excellence [le grand-maître Fontanes] comprit que le diplôme pour une congrégation devait être unique, et le donna tel ; . car vouloir obliger chaque frère à un diplôme particulier, ce serait séparer les membres de leur chef et détruire la congrégation ».

Mais l'ordonnance du 29 février 1816 stipula l'obligation, pour tout instituteur, de se munir d'un brevet de capacité délivré par le recteur, et la Commission de l'instruction publique fit alors remettre individuellement des brevets aux Frères des écoles chrétiennes, sans les astreindre à passer un examen. Après deux ans de réflexion, toutefois, les frères qui avaient reçu ces brevets les renvoyèrent, sur l'ordre de leur supérieur général, en alléguant qu'ils n'en avaient pas besoin. Cette attitude des congréganistes détermina le gouvernement à fermer quelques-unes de leurs écoles. Le conflit entre la congrégation et le ministre se termina l'année suivante (1819) par un arrangement « conciliant tous les intérêts » (Ambroise Rendu) : les droits de l'autorité furent reconnus, et celle-ci « consentit à des dispenses » (Voir Frères des Ecoles chrétiennes).

La même année 1819, une circulaire du ministre de l'intérieur (3 juin] étendit les dispositions de l'ordonnance du 29 février 1816 aux écoles de filles, et une seconde circulaire (29 juillet) ajouta que les institutrices congréganistes seraient dispensées de se pourvoir de brevets de capacité. « Vous pourrez, écrit le ministre, leur délivrer l'autorisation d'enseigner, d'après l'exhibition de leur lettre d'obédience. Ces institutrices seront ainsi assimilées aux Frères des Ecoles chrétiennes. »

Bientôt de nouvelles congrégations enseignantes d'hommes se formèrent pour profiter de la facilité que leur accordait l'ordonnance du 29 février 1816 d'obtenir l'autorisation en vertu d'une simple ordonnance royale. La première de ces congrégations nouvelles qui sollicita et obtint une autorisation fut celle des Frères de l'Instruction chrétienne, dits de Lamennais ; l'ordonnance royale qui l'autorisa (1er mai 1822) stipula, à l'art. 3, que « le brevet de capacité serait délivré à chaque frère de l'Instruction chrétienne sur le vu de la lettre particulière d'obédience qui lui aurait été délivrée par le supérieur général de la société ». La même disposition fut reproduite, à partir de ce moment, dans les ordonnances ultérieures qui autorisèrent les autres congrégations enseignantes d'hommes.

La loi du 28 juin 1833 obligea tout individu qui voudrait « diriger» un établissement d'instruction primaire à présenter un brevet de capacité « obtenu après examen ». Le privilège des instituteurs congréganistes se trouva donc aboli, mais seulement pour les directeurs d'école : les adjoints ou sous-maîtres purent exercer sans brevet. Quant aux institutrices, leur privilège avait été maintenu, par prétérition seulement (le titre V, qui devait rendre les dispositions de la loi applicables aux écoles de filles, ayant été retiré par le gouvernement) ; mais l'ordonnance du 23 juin 1836 le maintint en termes exprès: elle dit, à l'article 13 : « Les institutrices appartenant à une congrégation religieuse. pourront être autorisées par le recteur à tenir une école primaire élémentaire, sur le vu de leur lettre d'obédience ».

La loi du 15 mars 1850 transforma en un droit absolu ce qui était resté, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, une tolérance facultative, subordonnée à l'autorisation du recteur ; elle dit, à l'art. 49 : « Les lettres d'obédience tiendront lieu de brevet de capacité aux institutrices appartenant à des congrégations religieuses vouées à l'enseignement et reconnues par l'Etat ». En ce qui concerne les congréganistes hommes, on n'osa pas rétablir leur privilège sous la forme de la lettre d'obédience ; mais on créa à leur usage le certificat de stage (art. 47) : « le stage, si facile à faire accomplir par les jeunes gens appartenant aux congrégations religieuses, les dispense de tout examen et brevet de capacité, » écrivait l'abbé Dupanloup dans une brochure anonyme.

Lors de la discussion de la loi du 10 avril 1867, Jules Simon, Eugène Pelletan, Léonor Havin et quelques autres membres du Corps législatif présentèrent un amendement tendant à la suppression de la lettre d'obédience : cet amendement fut écarté par le motif qu'il aurait eu pour résultat de rendre à peu près impossible le recrutement des institutrices, au moment où la loi nouvelle allait doter le pays de plusieurs milliers d'écoles de filles.

La loi du 16 juin 1881 sur les titres de capacité de l'enseignement primaire a fait de la possession du brevet de capacité une condition absolue de l'admission aux fonctions d'instituteur et d'institutrice, soit titulaire, soit adjoint ou adjointe, et a aboli toutes les équivalences admises par la loi de 1850.