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Norvège

 1. Aperçu historique. — La Norvège, indépendante durant le moyen âge, fut réunie au Danemark et à la Suède à la fin du quatorzième siècle par l'union de Calmar. Cette union, brisée et renouvelée plusieurs fois, fut rompue définitivement en 1527, mais la Norvège resta unie au Danemark. En 1814, elle recouvra un certain degré d'autonomie : elle fut séparée du Danemark et devint un Etat constitutionnel uni à la Suède par la personne du souverain, mais possédant un Parlement national et une législation propre. En 1905, à la suite d'un conflit avec le gouvernement du roi Oscar sur la question de la représentation de la Norvège à l'étranger, le Storthing norvégien dénonça l'union entre les deux royaumes, et la rupture fut décidée à la suite d'un plébiscite fait en Norvège. Un fils du roi de Danemark fut élu souverain de la Norvège, sous le nom de Haakon VII.

Des trois royaumes Scandinaves, la Norvège est celui dont les institutions sont le plus démocratiques. Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement ou Storthing, qui procède d'une élection à deux degrés. Le Storthing est divisé en deux sections : le Lagthing (le Sénat), formé d'un tiers des représentants désignés par le vote du Storthing, et l'Odelsthing (la Chambre populaire), qui comprend deux autres tiers. Le roi n'a pas le droit de dissoudre le Storthing ; il ne possède, relativement aux décisions de celui-ci, qu'un véto suspensif. La noblesse a été abolie en 1821. Il y a une religion d'Etat, qui est le protestantisme luthérien.

Pendant la période danoise, il ne fut fait en Norvège que peu de chose pour l'instruction populaire. Cependant une ordonnance de 1739 (Voir Danemark) avait rendu l'instruction primaire obligatoire et prescrit la création d'écoles dans tout le pays. Après rétablissement du régime constitutionnel en 1814, les hommes politiques norvégiens commencèrent à se préoccuper sérieusement de l'organisation des écoles primaires. Une première loi sur l'instruction publique fut volée par le Storthing en 1827. Comme en Danemark, les écoles primaires (Almueskoler) furent divisées en écoles des campagnes et en écoles des villes ; et comme en Danemark aussi, chacune de ces deux catégories d'écoles eut sa législation particulière. Le Storthing vota successivement la loi du 12 juillet 1848 sur l'enseignement du peuple dans les villes, la loi du 16 mai 1860 sur l'enseignement du peuple à la campagne, et la loi complémentaire du 22 mai 1869. Le parti libéral étant arrivé au pouvoir en 1884, une commission, nommée en 1885, prépara une loi nouvelle qui, votée en 1889, a réorganisé tout l'enseignement primaire. L'enseignement secondaire, régi d'abord par l'a loi du 17 juin 1869 et celle du 15 juin 1878, l'est aujourd'hui par celle du 27 juillet 1896. Une loi du 6 juin 1896 a édicté des mesures pour le traitement des enfants moralement abandonnés. L'université de Kristiania, fondée par un rescrit du 2 septembre 1811, a été régie jusqu'à la fin de 1906 par une loi du 28 juillet 1824 ; au 1er janvier 1907 est entrée en vigueur une loi nouvelle sur l'enseignement supérieur, du 9 octobre 1905.

La population de la Norvège, qui était de 1 806 900 habitants en 1875, s'élevait en 1880 à 1 913 000 habitants, et en 1908 à 2 352800 habitants. La langue écrite, qui est en même temps la langue officielle de l'enseignement, est le danois-norvégien ; mais dans les campagnes on parle un dialecte appelé Landsmaal ou « langue paysanne », et il existe un parti qui réclame pour ce dialecte une place à l'école à côté de la langue littéraire. On trouve dans le diocèse de Tromsö quelques milliers de Lapons et de Kvaener ou Finnois, qui parlent des langues appartenant à la famille ouralo-altaïque ; l'enseignement, dans les écoles primaires établies au milieu de ces populations, se donne en langue laponne ou en langue finnoise.

2. Organisation de l'instruction primaire. — ECOLES DES VILLES. — La Norvège compte 61 communes urbaines (Kjöbstaeder og Ladesteder, villes et ports) ; c'est à ces communes que s'appliqua la loi du 12 juillet 1848, dont nous résumons ci-après les dispositions principales.

Dans chaque ville il devait y avoir au moins une école organisée conformément aux dispositions de la loi. Les matières d'enseignement dans ces écoles furent : 1° lecture et exercices intellectuels ; 2° religion et histoire sainte d'après les livres d'instruction autorisés, lecture de la Bible, récitation de psaumes ; 3° chant ; 4° écriture, lecture de morceaux écrits, et calcul. La commission scolaire put ajouter à l'enseignement d'autres branches, notamment l'orthographe et la rédaction ; elle devait, si faire se pouvait, annexer à l'école primaire des classes de travail manuel, surtout pour les jeunes filles, et organiser pour les garçons un enseignement de la gymnastique. L'école devait commencer et finir chaque jour par des prières et des psaumes. L'école devait être ouverte tous les jours non fériés pendant six heures, à l'exception de l'après-midi du samedi. Tout enfant devait être admis à prendre part aux leçons pendant deux jours par semaine au moins. Il y avait six semaines de vacances par an.

Chaque école, ou, lorsque l'école était divisée en plusieurs classes avec des instituteurs différents, chaque classe devait avoir un local particulier, suffisamment spacieux et pourvu du matériel nécessaire à l'enseignement. Dans la règle, un seul instituteur ne devait pas être chargé d'enseigner plus de soixante élèves.

Le traitement minimum des instituteurs était de 150 speciedalers (840 francs), plus le logement et les accessoires ; celui des adjoints, de 100 speciedalers (560 francs).

Les dépenses des écoles primaires étaient payées par la caisse de la commune, si les autres revenus alloués dans chaque localité pour cet objet ne suffisaient pas pour les couvrir. Il n'était exigé des élèves aucune rétribution scolaire.

La fréquentation de l'école était obligatoire pour tous les enfants, de l'âge de sept ans jusqu'à la confirmation, à moins que les parents ou tuteurs ne fissent donner aux enfants dont ils ont la charge un enseignement équivalent à celui de l'école publique. Lorsqu'il était constaté que le besoin empêchait les parents ou tuteurs d'envoyer à l'école leurs enfants ou pupilles, ceux-ci étaient mis en état de la fréquenter aux frais de la caisse des pauvres. Des peines étaient prononcées contre les parents qui négligeaient de veiller à l'instruction de leurs enfants.

Les autorités préposées à la direction et à la surveillance des écoles primaires étaient les autorités ecclésiastiques : les évêques ou surintendants, les doyens ou prévôts (les diocèses sont subdivisés en décanats ou prévôtés), les pasteurs et les vicaires. Il y avait en outre dans chaque ville une commission scolaire (Skolekommission) composée du pasteur (ou des pasteurs) et des vicaires de la paroisse, d'un membre du collège échevinal, et de délégués du conseil communal ; le pasteur de la paroisse était président de la commission ; lorsqu'il y avait plusieurs pasteurs, l'évêque en désignait un comme président. L'administration immédiate des écoles et leur inspection appartenaient à cette commission. Le doyen devait inspecter les écoles de toutes les villes faisant partie de son ressort ; c'est à lui que la commission scolaire devait s'adresser pour toutes les affaires à soumettre à une autorité supérieure. L'évêque était chargé de l'inspection générale de l'enseignement public dans toutes les villes de son diocèse ; il rédigeait un règlement pour les instituteurs de chaque ville. La direction du diocèse (Stiftsdirektion) formait l'autorité administrative supérieure pour les écoles de son ressort.

Les instituteurs étaient nommés par l'évêque, les adjoints par le doyen. L'évêque pouvait, avec le consentement de la commission scolaire et du doyen, congédier les instituteurs et les adjoints, moyennant trois mois d'avertissement.

Lorsque la commission scolaire le trouvait utile et que le conseil communal y consentait, il pouvait être annexé aux écoles primaires une classe supérieure, dont l'organisation était fixée par la direction du diocèse sur la proposition de la commission scolaire. Le conseil communal décidait si les élèves admis dans cette classe supérieure auraient à payer une rétribution ou non.

La loi de 1889 a introduit dans les écoles urbaines un certain nombre d'améliorations.

Chaque école a été partagée en trois divisions, pour les enfants de sept à dix ans, de dix à douze ans, et de douze à quatorze ans. Dans la première division, les branches d'enseignement sont la religion, la langue norvégienne, l'histoire, la géographie, le calcul, l'écriture, le chant, la gymnastique, le travail manuel (obligatoire seulement pour les filles) ; dans la seconde division, on y ajoute le travail manuel (slöjd) pour les garçons, l'histoire naturelle, la géométrie et le dessin ; dans la troisième, les matières obligatoires sont la religion, la langue norvégienne, l'histoire, l'histoire naturelle ; quant aux autres branches, il dépend de l'autorité scolaire locale de les inscrire ou non sur le plan d'études.

Le nombre maximum des élèves par classe est fixé à quarante ; si des circonstances économiques impérieuses l'exigent, il pourra être plus élevé, mais ne pourra en aucun cas dépasser cinquante.

Dans toute école primaire, il doit y avoir au moins un instituteur et une institutrice. Ne peuvent être nommés à titre définitif que des instituteurs et des institutrices qui ont satisfait à l'examen dit supérieur.

Les instituteurs et les institutrices sont nommés par le directoire scolaire avec l'assentiment du conseil préfectoral de surveillance ; en cas de dissentiment, le conseil de surveillance fait trancher le différend par l'autorité municipale. Ce sont les mêmes autorités qui prononcent sur le renvoi d'un instituteur ou d'une institutrice.

La loi n'a pas fixé une échelle de traitements. C'est l'administration municipale qui détermine dans chaque ville les traitements du personnel enseignant, sous réserve de l'approbation du conseil préfectoral de surveillance.

La totalité des instituteurs et des institutrices d'une ville, si leur nombre ne dépasse pas soixante, forme un conseil scolaire qui délibère sur les questions relatives aux écoles. Si le nombre des instituteurs et des institutrices dépasse soixante, le directoire scolaire peut décider que le conseil scolaire sera composé des directeurs des différentes écoles et de délégués des instituteurs et des institutrices, de façon que le nombre total des membres ne dépasse pas soixante.

Le directoire scolaire peut aussi nommer un inspecteur chargé de l'administration des écoles de la ville.

Le directoire scolaire (Skoledirektoriat), qui a remplacé l'ancienne commission scolaire de la loi de 1848, est composé d'un ou de plusieurs pasteurs, du président de la municipalité, et d'un certain nombre de membres désignés par l'autorité : un quart au moins de ces membres doit être pris parmi les parents des enfants qui fréquentent les écoles ; en outre, si le nombre des instituteurs et institutrices titulaires dépasse trente, un instituteur et une institutrice peuvent faire partie du directoire ; si ce nombre est inférieur a trente, il ne sera placé dans le directoire qu'un membre du personnel enseignant, soit instituteur, soit institutrice.

Les dépenses des écoles urbaines sont à la charge des municipalités ; toutefois, l'Etat y contribue jusqu'à concurrence d'un tiers des traitements du personnel enseignant.

ECOLES DES CAMPAGNES. — En dehors des villes, le territoire de la Norvège est divisé, au point de vue de l'administration civile, en bailliages (Fogderier), au nombre de cinquante-huit. L'ensemble du territoire du royaume, c'est-à-dire les 58 bailliages et les 61 communes urbaines, est partagé en vingt préfectures (Amter). Dans les communes rurales (Herreder), l'autorité exécutive appartient en première ligne au préfet (Amtmand) et à son subordonné le bailli (Foged) ; mais il y a aussi un conseil communal, qui possède certaines attributions.

Chaque commune rurale forme une ou plusieurs communes scolaires (Skolekommuner). Les communes scolaires sont divisées en arrondissements scolaires (Skolekredse), dont l'étendue est fixée par une commission scolaire communale.

La loi du 16 mai 1860 avait organisé les communes scolaires et leurs écoles de la manière qui suit.

Dans chaque arrondissement scolaire il dut y avoir une école d arrondissement (Kredsskole). Si les habitations étaient assez rapprochées les unes des autres pour qu'un nombre de trente enfants soumis à l'obligation scolaire pussent chaque jour se rendre de leur domicile à l'école, celle-ci devait être installée dans une maison convenablement disposée, construite ou louée à cet effet ; si le nombre des élèves augmentait ; ils devaient être divisés en plusieurs classes, qui fréquenteraient l'école à des heures différentes, ou bien il serait nommé des instituteurs supplémentaires. Si les habitations étaient trop disséminées ou si d'autres considérations s'opposaient à l'établissement de l'école dans une maison spéciale, l'école pouvait être ambulante (Omgangskole).

La commission scolaire communale arrêtait, de concert avec la direction du diocèse, les mesures à prendre pour l'établissement et la fréquentation des écoles dans les localités où il y aurait quelques habitations isolées qu'il ne serait pas possible de comprendre dans la distribution générale des arrondissements scolaires.

Les matières d'enseignement dans les écoles d'arrondissement étaient : lecture ; religion: morceaux choisis du livre de lecture, notamment sur la géographie, les premiers éléments des sciences naturelles et l'histoire: chant ; écriture ; calcul. Lorsque les circonstances le permettaient, les garçons devaient recevoir des leçons de gymnastique et d'exercices militaires. L'école commençait et finissait chaque jour par des prières et des psaumes.

L'année scolaire était de douze semaines ou, si les enfants étaient distribués en classes qui fréquentaient l'école séparément, de neuf semaines seulement. Chaque semaine comprenait six jours d'école, chaque jour d'école se composait de six heures, à l'exception de l'après-midi du samedi.

La commission scolaire communale pouvait, avec le consentement du conseil communal, ajouter aux heures obligatoires ci-dessus des heures supplémentaires, consacrées à donner aux enfants dont les parents ou tuteurs le désireraient une instruction plus étendue. Lorsque dans un arrondissement scolaire cet enseignement plus complet n'aurait pas été introduit à l'école, les enfants dont les parents ou tuteurs le désireraient seraient admis à y prendre part dans l'école d'un arrondissement voisin. Il pouvait être exigé une rétribution des élèves qui prenaient part à cet enseignement volontaire.

La commission scolaire communale pouvait créer aussi, avec le consentement du conseil communal, des écoles enfantines, des écoles de travaux à l'aiguille pour les jeunes filles, et des écoles de travail manuel ordinaires.

Le conseil communal fixait le budget des écoles. Les dépenses de construction et d'entretien ou de location des bâtiments scolaires étaient payées par la caisse scolaire communale ; toutefois le conseil communal, avec le consentement de la direction du diocèse, pouvait décider que ces dépenses retomberaient en tout ou en partie à la charge des arrondissements scolaires respectifs. Les dépenses de chauffage, d'éclairage et de nettoyage, les frais de déménagement du matériel, les frais de nourriture et de logement des instituteurs pendant la durée de l'enseignement, étaient à la charge des arrondissements scolaires.

Dans les communes où il y avait des écoles ambulantes, le conseil communal désignait parmi les habitants ceux qui étaient tenus de procurer le local de l'école et la nourriture et le logement à l'instituteur pendant la période scolaire, ainsi que la part de ces prestations à la charge de chacun. Les imposables qui ne pourraient pas procurer de local convenable devaient racheter leur obligation par une contribution à la caisse scolaire. Si, sans raison valable, quelqu'un refusait de recevoir à son tour l'école ambulante, il devait payer chaque fois une amende de deux speciedalers (11 fr. 20) ; de plus, l'inspecteur devait louer sans retard un autre local pour l'école et fournir à l'instituteur la nourriture et le logement au compte de la caisse scolaire : ces dépenses devaient être remboursées par celui qui était tenu de recevoir l'école. A défaut d'inspecteur sur les lieux ou dans le voisinage, l'instituteur était chargé de prendre lui-même les mesures nécessaires.

Si les écoles de travail manuel ou les écoles enfantines étaient organisées de manière à être tenues à tour de rôle dans les familles, les mêmes dispositions devaient être appliquées.

Toute commune était obligée de fournir, avec ou sans subvention de la caisse scolaire préfectorale, pour un des instituteurs au moins, un logement de famille avec des terres suffisantes pour nourrir deux vaches et pour planter un jardin. Les communes devaient s'efforcer de procurer de la terre à autant d'instituteurs qu'il leur serait possible, avec ou sans subvention de la caisse scolaire préfectorale.

Pour chaque préfecture, le conseil préfectoral, composé du préfet et des présidents des communes, fixait le minimum du traitement des instituteurs, sous l'approbation de la direction du diocèse.

Dans les localités où la chose paraîtrait possible, la commission scolaire devait provoquer la création d'une école primaire supérieure (hoiere Almueskole). Un établissement de ce genre pouvait être entretenu par plusieurs arrondissements scolaires, ou même par plusieurs communes scolaires ; des écoles primaires supérieures pouvaient aussi être créées aux frais de la caisse scolaire préfectorale. Si la durée de l'enseignement dans une école primaire supérieure était fixée à plus de deux ans, il devait être établi deux divisions, dont l'inférieure comprendrait les deux premières années et la supérieure les années suivantes. L'enseignement de la division inférieure devait être organisé de telle sorte que les connaissances enseignées formassent un fout complet et achevé, en même temps qu'elles serviraient de préparation à l'enseignement de la division supérieure. Lorsque les circonstances le permettraient, chacune des deux divisions pouvait être établie en deux lieux différents du ressort de l'école.

Le cours d'études de l'école primaire supérieure comprenait une étude plus complète des matières enseignées dans les écoles d'arrondissement, et en outre les branches suivantes : langue maternelle, géographie, histoire, premiers éléments des sciences naturelles, dessin, arpentage. L'enseignement de la division supérieure pouvait comprendre, en plus, les mathématiques, l'économie politique, et une langue étrangère. Il était donné également un enseignement religieux.

L’âge d'admission à l'école primaire supérieure était fixé à douze ans.

Pour chaque école primaire supérieure, il devait être rédigé un règlement fixant le plan d'études et arrêtant les dispositions relatives à la rétribution scolaire et aux bourses ; ce règlement devait être soumis à l'approbation de la direction du diocèse.

L'obligation scolaire, dans les communes rurales, s'étendait de l'âge de huit ans jusqu'à la confirmation.

La dispense de la fréquentation pouvait être accordée à l'âge de treize ans, si l'enfant possédait des connaissances suffisantes. Lorsque les circonstances le permettaient, les enfants pouvaient être admis à l'école dès l'âge de sept ans. Les parents qui négligeraient de veiller à l'instruction de leurs enfants étaient passibles d'une amende.

Pour être nommé instituteur d'une école d'arrondissement, il fallait dans la règle avoir passé avec succès l'examen de sortie d'une école normale, ou avoir subi une épreuve équivalente. A défaut de candidats dûment qualifiés, le choix pouvait porter sur des candidats ayant suivi les classes de la division inférieure d'un établissement d'enseignement moyen, et ayant assisté pendant un an à un cours pratique comme élève-instituteur.

Les instituteurs des écoles d'arrondissement étaient nommés par la direction du diocèse, sur la proposition de la commission scolaire de la commune. Si un instituteur était également chargé des fonctions de chantre, il était nommé à ce dernier emploi par l'évêque. Pour congédier un instituteur d'école d'arrondissement, il fallait l'avis réuni de la commission scolaire locale, du doyen, et de la direction du diocèse.

Les adjoints, ainsi que les instituteurs d'écoles enfantines, étaient nommés par la commission scolaire locale, et pouvaient être congédiés par elle.

Les instituteurs des écoles primaires supérieures étaient nommés par la direction du diocèse, sur la proposition de la commission scolaire locale.

La commission scolaire à laquelle était confiée l'administration des écoles d'une commune scolaire était composée du pasteur, président ; du vicaire ; du président de la municipalité, de délégués du conseil communal, et d'un instituteur choisi par ses collègues. La commission scolaire pouvait nommer un ou plusieurs inspecteurs chargés de veiller à la fréquentation régulière des écoles.

Chaque doyen (prévôt) était chargé d'inspecter les écoles de son ressort.

La direction du diocèse formait l'autorité scolaire supérieure de la préfecture ; elle était assistée par un directeur scolaire nommé par le roi. Ce directeur scolaire devait visiter les différentes parties de la circonscription pour étudier la situation de l'enseignement public, assister de ses conseils les instituteurs et les commissions scolaires, et prendre part aux délibérations du conseil préfectoral. Les commissions scolaires devaient envoyer un rapport annuel à la direction du diocèse, qui de son côté adressait un rapport à l'autorité supérieure centrale.

Dans chaque préfecture, il y avait une caisse scolaire préfectorale alimentée par une taxe levée sur les contribuables et par les subventions que votait le Storthing. Cette caisse servait à payer aux instituteurs des suppléments de traitement pour ancienneté de services, et à aider les communes dans les dépenses d'entretien de leurs écoles.

La loi du 22 mai 1869 permit de confier à des institutrices l'enseignement dans les classes inférieures des écoles primaires. Lorsque l'école était partagée en divisions suivant le sexe des enfants, l'enseignement dans toutes les classes de filles put être remis à des institutrices. Les institutrices eurent les mêmes droits et les mêmes obligations que les instituteurs ; toutefois, le chiffre du traitement minimum put être réglé séparément pour les institutrices des écoles des campagnes.

Les changements apportés en 1889 dans l'organisation des écoles rurales sont les suivants :

Chaque école d'arrondissement doit se composer de deux divisions : l'inférieure comprenant les enfants de sept à dix ans, la supérieure les enfants de dix à quatorze ans. Les écoles primaires supérieures prévues par la loi de 1860, et destinées à des élèves âgés de douze à quatorze ans et au-dessus, n'avaient pas réussi : il n'en avait été fondé qu'une trentaine ; on a pensé que par la création d'une division supérieure dans chaque école d'arrondissement, on obtiendrait un meilleur résultat. Les matières d'enseignement, dans cette division, en plus des branches enseignées dans la division inférieure, sont : l'histoire (avec l'économie sociale), la géographie, l'histoire naturelle, les éléments de l'hygiène, avec chapitre spécial sur les dangers de l'alcoolisme.

L'année scolaire est de douze semaines, et peut être portée à quinze semaines. Le nombre des heures de leçon par semaine est de trente dans la division inférieure, de trente-six dans la division supérieure.

Chaque commune peut en outre créer une ou plusieurs écoles complémentaires pour les jeunes gens de quatorze à dix-huit ans, pour continuer et développer l'enseignement donné à l'école d'arrondissement ; le cours de l'école complémentaire peut durer de un mois à six mois chaque année.

Pour pouvoir être nommé instituteur, il faut appartenir à l'Eglise nationale et avoir atteint l'âge de vingt ans accomplis. Pour enseigner dans la division inférieure, il faut avoir satisfait à l'examen théorique et pratique déterminé par la loi sous le nom d'examen de l'école préparatoire ; pour enseigner dans la division supérieure, il faut avoir passé avec succès l'examen de sortie d'une école normale, ou subi une épreuve équivalente, ou avoir satisfait à l'examen d'admission à l'université. La nomination et la révocation ont lieu de la même manière que pour les écoles urbaines.

L'autorité scolaire locale est le directoire scolaire, qui a remplacé la commission scolaire : il se compose du pasteur, du président de la commune, d'un instituteur ou d'une institutrice élu par ses collègues, et d'un certain nombre de membres désignés par l'autorité communale. Il y a en outre dans chaque arrondissement d'école un comité de surveillance, composé d'un membre du directoire scolaire, comme président, et de trois membres élus par les parents. Tous les habitants âgés de plus de vingt-cinq ans et les parents des enfants fréquentant l'école peuvent se réunir en assemblée générale pour émettre des avis et prendre des décisions sur des questions relatives à l'école de l'arrondissement.

Dans chaque préfecture il y a un conseil supérieur de surveillance, à la tête duquel est placé le directeur scolaire nomme par le roi. L'évêque (surintendant) et les doyens (prévôts) surveillent l'enseignement religieux. Il existe en outre une direction scolaire préfectorale (Amlskoledirektion) nommée par le conseil de préfecture (Amtsthing) pour quatre ans : c'est elle qui administre le budget de la caisse scolaire préfectorale.

ECOLES NORMALES. — La loi du 16 mai 1860 ordonna qu'il y aurait dans chacun des six diocèses un séminaire d'instituteurs (Serninarium) entretenu par le gouvernement. Une ordonnance du 31 juillet 1869 fixa comme suit le programme de l'enseignement dans ces établissements : religion, langue norvégienne, arithmétique, musique, géographie, histoire naturelle, écriture, dessin, gymnastique et exercices militaires. A chacune de ces écoles normales fut annexée une école d'application.

Outre ces six séminaires, la même loi prescrivit la création de petites écoles normales dites « écoles d'instituteurs » (Lsererskoler), attachées comme classes parallèles aux écoles primaires supérieures, ou comme classes supérieures aux écoles d'arrondissement. Ces petites écoles normales, dont les dépenses furent aussi à la charge de l'Etat, furent placées sous la direction de l'administration du diocèse, et sous l'inspection du doyen et du pasteur de la paroisse.

Une réforme des séminaires fut tentée par une loi de 1890. L'organisation actuelle a été fixée par une loi de 1902. Les écoles normales, toutes appelées désormais Loererskoler, sont ouvertes aux institutrices comme aux instituteurs. On y est admis à l'âge de dix-huit ans ; le cours d'étude dure trois ans. Les élèves des écoles normales ont à subir deux examens : l'examen d'entrée, appelé examen inférieur, et l'examen de sortie ou examen supérieur.

ECOLES PRIVEES. — Les lois du 12 juillet 1848 et du 16 mai 1860 contiennent l'une et l'autre les dispositions suivantes relativement aux écoles privées :

« Personne ne peut établir une école particulière dont l'enseignement embrasse les connaissances formant le programme des écoles primaires, à moins d'avoir fourni à la commission scolaire des témoignages authentiques de bonnes moeurs.

« Les écoles primaires établies et entretenues par la charité privée seront administrées conformément aux statuts qui sont ou seront donnés pour elles. »

3. Statistique de l'enseignement primaire. — STATISTIQUE DE 1880. — Nous reproduisons d abord la statistique de l'enseignement primaire en 1880, telle qu'elle se trouve dans la première édition de ce Dictionnaire d'après un document publié par le gouvernement norvégien en 1885.

Ecoles rurales. — Il y avait en 1880 630 communes scolaires rurales, divisées en 6350 arrondissements scolaires ; de ces arrondissements, 5110 avaient une école fixe, et 1240 une école ambulante. En 1876, le nombre des arrondissements scolaires était de 6406, dont 4715 avec une école fixe, et 1691 avec une école ambulante.

Le nombre des écoles de travail manuel pour les filles, après être tombé de 147 en 1870 à 123 en 1875, s'est relevé à 170 en 1880. Celui des écoles de travail manuel pour les garçons était seulement de 18 en 1880.

Le nombre des écoles enfantines est monté de 28 en 1876 à 126 en 1880.

Le nombre des enfants en âge scolaire, qui était de 218 886 en 1876, n'était plus que de 211 709 (108 337 garçons et 103 372 filles) en 1880. Cette diminution ne tient pas à un abaissement du chiffre de la population générale du royaume, qui a au contraire augmenté, mais au mouvement d'émigration qui dépeuple les campagnes au profit des villes. Sur ce chiffre de 211 709 enfants, 185 258 étaient inscrits comme élèves des écoles fixes, et 19 668 comme élèves des écoles ambulantes ; 4017 recevaient l'instruction ailleurs que dans les écoles primaires, et 2706 ne recevaient aucune instruction. Le nombre moyen des enfants d'âge scolaire était de 33 par arrondissement scolaire, celui des élèves fréquentant l'école de 32 par arrondissement scolaire : c'est dans la préfecture de Smaalenene que le nombre moyen des enfants d'âge scolaire par arrondissement était le plus grand (56), dans la préfecture de Tromsö qu'il était le plus petit (22).

Le nombre des instituteurs était de 3390 (3312 en 1876), celui des institutrices de 140 (8b en 1876). Les trois quarts du personnel enseignant rural touchaient des suppléments pour ancienneté de services, payés par la caisse scolaire préfectorale (594 touchaient le supplément accordé après cinq ans, et 1944 le supplément accordé après dix ans de services). Les deux tiers des instituteurs avaient un logement fourni par la commune, et sur ce nombre 1018 avaient en outre des terres à cultiver ; 836 instituteurs remplissaient les fonctions de chantre et touchaient de ce chef des indemnités dont la somme totale s'élevait à 167 383 couronnes (la couronne vaut 1 fr. 40).

Les instituteurs et institutrices touchent en outre une subvention de l'Etat, qui a été fixée en 1879 à 2 couronnes pour chaque semaine d'enseignement ; l'Etat accorde de plus une subvention de 3 couronnes par semaine d'enseignement aux instituteurs qui ont plus de quinze ans de services, et une subvention de 2 couronnes par semaine d'enseignement aux instituteurs qui reçoivent des communes un traitement s'élevant à plus de 8 couronnes par semaine d'enseignement : le total des subventions payées par l'Etat à un même instituteur peut donc s'élever à 7 couronnes par semaine d'enseignement En 1880, l'Etat avait dépensé de ce chef 395 000 couronnes, qui font une moyenne de 114 couronnes par tête d'instituteur.

Le chiffre moyen des traitements réellement touchés par les instituteurs norvégiens en 1880 (en faisant entrer en ligne de compte les suppléments de traitement pour ancienneté de services, les indemnités en nature, les indemnités pour le service de chantre, et les subventions de l'Etat) a été de 1414 couronnes (chiffre maximum) dans la préfecture de Jarlsberg, de 661 couronnes (chiffre minimum) dans la préfecture de Stavanger ; le chiffre moyen pour tout le royaume avait été de 972 couronnes.

Les dépenses faites par les communes rurales pour l'instruction primaire élémentaire (y compris les dépenses des caisses préfectorales) s'étaient élevées à 2 214 654 couronnes, soit 10 couronnes et 46 öre (l'öre est la centième partie de la couronne) par enfant d'âge scolaire.

Le nombre des écoles primaires supérieures rurales était en 1876 de21 avec 520 élèves ; en 1880 il était de 22, avec 553 élèves (390 garçons et 163 filles). L'enseignement y était donné par 29 instituteurs et 4 institutrices ; le nombre total des semaines d'enseignement avait été de 968. Les revenus du personnel enseignant s'étaient élevés (y compris les indemnités de chantre) à 23 229 couronnes, soit une moyenne de 750 couronnes par tête.

Il y avait en outre 42 écoles privées recevant une subvention, avec 1230 élèves ; 32 cours de jeunes filles, recevant une subvention, avec 627 élèves ; et 4 écoles privées ne recevant pas de subvention, avec 117 élèves.

Le nombre des écoles du soir avait été de 1480, avec 18 958 élèves inscrits au commencement des cours (13 971 garçons, 4987 filles) ; les dépenses avaient été de 70 157 couronnes. En 1876, le nombre des écoles du soir avait été de 2100, celui des élèves de 30 628 ; le mouvement de recul qui s'est produit depuis lors tient surtout à ce que les subventions de l'Etat ont subi une réduction.

Ecoles urbaines. — Le nombre des enfants en âge scolaire dans les villes, qui était de 53 951 en 1876, s'élevait en 1880 à 60 863 (31 052 garçons, 29 811 filles). Sur ce chiffre total, 42 377 enfants étaient élèves des écoles primaires publiques, 2749 fréquentaient des écoles primaires privées, 14 542 recevaient l'instruction dans leurs familles, et 552 ne recevaient aucune instruction.

Le nombre des écoles primaires publiques urbaines était de 140, avec 1198 classes (496 classes de garçons, 470 classes de filles, et 332 classes mixtes). Dans les grandes villes, les garçons et les filles sont en général instruits dans des classes séparées ; dans les petites villes, les deux sexes sont réunis.

La durée de l'enseignement avait été en moyenne de 42 semaines, et chaque élève avait fréquenté l'école en moyenne pendant 172 jours.

Dans 13 villes, il y avait des classes payantes annexées aux écoles primaires et donnant un enseignement plus étendu : ces classes avaient été fréquentées par 3059 élèves, dont 1498 à Kristiania.

Le nombre des instituteurs dans les écoles primaires urbaines avait été de 390 (327 en 1876), celui des institutrices de 438 (258 en 1876) C'est surtout dans les grandes villes que les institutrices sont de plus en plus substituées aux instituteurs, pour les classes de garçons dans les trois premières années scolaires, et pour toutes les classes de filles : à Kristiania il y avait 80 instituteurs et 204 institutrices.

Les plus hauts traitements étaient ceux de Kristiania, qui variaient de 1300 à 3100 couronnes pour un instituteur, et de 720 à 1000 couronnes pour une institutrice. Il y avait 65 instituteurs remplissant les fonctions de chantre ou d'organiste et ayant louché de ce chef des indemnités dont le total s'élevait à 42 476 couronnes.

Le total des dépenses des écoles primaires urbaines s'était élevé en 1880 à 1054 448 couronnes (772 788 couronnes en 1876) ; ces dépenses avaient été supportées entièrement par les communes, sans subvention de l'Etat.

Ecoles normales. — Le nombre des séminaires de diocèse était de 6 ; celui des petites écoles normales était de 5. Le nombre des élèves était en 1880-1881, dans les séminaires, de 423(292 en 1876-1877), dans les petites écoles normales de 106 (158 en 1876-1877). Le personnel enseignant des séminaires comprenait 25 maîtres (dont 13 ayant étudié à l'université), et celui des petites écoles normales 13 maîtres (dont 5 ayant étudié à l'université). Les dépenses des séminaires s'étaient élevées à 103 868 couronnes (dont 92299 avaient été payées par l'Etat), et celles des petites écoles normales à 11 482 couronnes (dont 11 085 payées par l'Etat).

En exécution de la loi du 22 mai 1869 et du règlement du 16 novembre 1871, des cours pratiques pour préparer les institutrices à l'examen du degré supérieur avaient été faits à Kristiania, Kristianssand, Bergen et Trondhjem ; des cours préparatoires à l'examen élémentaire des institutrices avaient eu lieu dans tous les diocèses.

STATISTIQUE DE 1906. — Ecoles rurales. — Il y avait, en 1906, 5961 arrondissements scolaires. Le nombre des enfants en âge scolaire, dans ces arrondissements, était de 285 422 ; sur ce nombre, 269 100 fréquentaient une école fixe, 2291 une école ambulante ; 14 031 ne fréquentaient aucune école. Il y avait 3986 instituteurs et 1355 institutrices. Le total des dépenses faites au profit de l'enseignement primaire dans les communes rurales a été de 6 691 210 couronnes, provenant des caisses communales, des caisses des mines et fabriques, des caisses des arrondissements scolaires, et des caisses préfectorales ; sur ce chiffre, 3 619 016 couronnes ont été affectées au traitement du personnel enseignant.

Ecoles urbaines. — Dans les 61 villes de toute catégorie, il y avait 107 876 enfants en âge scolaire, savoir 54 251 garçons et 53 625 filles. De ce nombre 89 620 étaient inscrits comme élèves dans les écoles publiques, savoir 45 146 garçons et 44 474 filles. Il y avait, dans les écoles publiques, 957 classes de garçons, 934 classes de filles, et 882 classes mixtes, avec 815 instituteurs et 1577 institutrices. Les dépenses faites pour les écoles urbaines ont été de 4 802 672 couronnes.

Enseignement complémentaire. — Il y avait dans le royaume 381 écoles du soir, avec 5454 élèves (3565 garçons et 1889 filles) au commencement du cours d'études, et 4760 élèves (3088 garçons et 1672 filles) à la fin du cours ; et 176 écoles de continuation, avec 2511 élèves (1682 garçons, 829 filles) au commencement du cours d'études, et 2347 élèves (1555 garçons, 792 filles) à la fin du cours ; il y avait en outre un certain nombre d'écoles préfectorales (amtskoler) donnant un enseignement primaire supérieur. Des écoles populaires supérieures (folkshoeieskoler), qui sont des internats privés, sont subventionnées par l'Etat et par les caisses préfectorales.

Ecoles normales. — Il y avait 6 écoles normales publiques avec 969 élèves, et 4 écoles normales primaires avec 484 élèves. Le nombre des maîtres était de 50 (37 hommes, 13 femmes) dans les écoles publiques, de 46 (30 hommes, 16 femmes) dans les écoles privées.

4. Quelques détails sur les écoles primaires norvégiennes. — Nous ajoutons, aux indications officielles reproduites ci-dessus, quelques observations d'un visiteur français, M. J. Lescoffier, qui ont été publiées dans la Revue pédagogique de novembre 1904 :

« Personne ne s'étonnera qu'un Etat démocratique comme la Norvège ail de bonnes écoles de campagne. Telle école, vue en passant dans la montagne, a un aspect très agréable. C'est une petite ferme, car il faut bien que le maître emploie les longues vacances de l'été et arrondisse son traitement. La salle de classe est confortable, et le règlement interdit de réunir plus de quarante élèves, un chiffre que nous dépassons trop souvent en France. Les tables sont neuves, et, avec quelques planches, forment un établi sommaire pour le travail manuel. Le programme offre encore des traces du rôle primitif de l'école : sept heures sur trente-six sont consacrées à l'enseignement religieux ; mais voici des matières nouvelles : des éléments d'histoire naturelle, et le travail manuel, qui est très en honneur. La fréquentation est excellente malgré la haute neige et les longues distances : mais le temps de l'enseignement est limité. Les élèves, répartis en deux séries, viennent en classe un jour sur deux, et la bonne saison leur apporte, avec les travaux des champs, trois à quatre mois de vacances. Toutefois, si l'on songe aux nombreuses associations de jeunes gens, au goût très répandu pour la lecture, à l'influence éducatrice de la politique, on comprendra que les paysans norvégiens, développant au lieu de les oublier les connaissances qu'ils ont reçues à l'école, laissent à l'étranger une impression très favorable.

« Cependant les essais originaux, les créations intéressantes, n'ont guère lieu que dans les villes, où l'on peut opérer en grand et avec plus d'argent. Il ne faut pas oublier non plus que la part considérable d'initiative laissée par la loi aux communes a donné à la population l'amour de ses écoles. Les écoles primaires sont proprement des écoles communales, et les grandes villes de Norvège n'y ont rien épargné. Il faut voir une des écoles modernes de Kristiania, le charmant groupe scolaire qui domine Trondhjem, les vrais monuments qui, à Bergen, se dressent près du fjord, dans un site admirable, pour juger des sacrifices consentis. Ce sont d'imposantes masses qui peuvent contenir dans leurs flancs de brique rouge de mille à douze cents élèves. Ce système des grandes écoles a permis de munir chacune économiquement de tous les organes indispensables, et même de quelques organes de luxe, du moins en apparence. Partout on trouve les salles hautes et les larges couloirs ; un calorifère, des lavabos et des fontaines ; des salles spéciales pour les maîtres, d'autres pour les collections, le travail manuel, la cuisine, les bains, et j'allais oublier la salle de gymnastique qui se dresse à part, dans la cour, avec un air de chapelle ou de salle de fêtes. Cette organisation très compliquée est en réalité très pratique et exactement démocratique. Tels sont les soins d'hygiène, par exemple. Tous les quinze jours les enfants peuvent prendre un bain et une douche ; les filles viennent en assez grand nombre, me dit un directeur à Bergen, les garçons plus volontiers. C'est quelquefois la pauvreté qui retient les enfants d'ouvriers, honteux de leurs loques. Passons à la salle de gymnastique. Tous les enfants, sauf les filles vers l'âge de quatorze ans, viennent une ou deux heures par semaine dans la grande salle claire, planchéiée, revêtue d'appareils et d'échelles, pour s'exercer suivant la méthode suédoise simplifiée. On nous présente, à Kristiania, une division de fillettes. Elles ont mis des chaussons ; au commandement de la maîtresse de gymnastique, elles se rangent, doublent et croisent leurs rangs, font des flexions multiples du corps. On installe une poutre au travers de la salle ; les élèves s'y accrochent et font des tractions ; ces fillettes sont chétives, et pourtant j'ai la surprise de voir que la plupart réussissent. Puis la scène change : voici qu'elles forment une ronde et se balancent en chantant une vieille mélodie islandaise. Ensuite les exercices recommencent. Ceci a duré un quart d'heure à peine.

« J'arrive à l'enseignement proprement dit. La méthode et l'esprit de l'enseignement sont entièrement modernes, on s'efforce avant tout d'éveiller l'intelligence des enfants et de parler à leurs yeux au moyen (le cartes, de tableaux et de collections. En tète des matières du programme se place l'enseignement religieux ; il est moins absorbant qu'à la campagne et se trouve réduit à trois ou quatre heures par semaine. On commence volontiers la classe par un psaume, et, quand nous passons à la salle de musique, ce sont encore des psaumes que nous entendons, psaumes à deux voix où les garçons et les filles s'exercent alternativement à la première et à la deuxième partie. Nous assistons à une classe d'histoire, et le hasard 'ait bien les choses : il s'agit de Napoléon ; l'institutrice interroge, et nous entendons un récit exact de sa vie et de ses campagnes. Les garçons surtout veulent répondre. Napoléon est leur héros, ils savent des chansons où l'on parle de lui. Plus tard, s'ils continuent leurs études, l'intérêt passera à la Révolution, et beaucoup sauront la Marseillaise. »

M. Lescoffier dit, en passant, quelques mots de la co-éducation des sexes, puis parle de la discipline et des punitions :

« Cette question (la co-éducation) se pose de façon beaucoup plus intéressante dans l'enseignement secondaire ; il y a en Norvège des lycées mixtes, et les jeunes filles sont admises dans les lycées de garçons. Les moeurs le permettent, et on semble, en général, satisfait du système, malgré le surmenage évident des jeunes filles. Mais dans l'enseignement primaire, chose curieuse, la majorité des maîtres est hostile à la co-éducation, sans doute pour des raisons d'ordre, d'habitude, et pour les commodités du programme. Cependant le directeur d'une école mixte de Kristiania, qui fonctionne depuis cinq ans, se déclare enchanté des résultats. D'autres écoles suivent cet exemple dans l'espoir d'enhardir les filles et de civiliser les garçons.

« Il règne dans les écoles une discipline sans raideur. On n'y constate pas cet ordre militaire qui frappe si vivement dans une école de Stockholm. Bien de pareil ici, et cependant point de désordre. En cas de faute grave, on a recours, comme en Suède, au fouet, sauf pour les filles au-dessus de dix ans. Le directeur doit toujours être averti. C'est le maître qui donne la correction en présence de deux collègues. Sur un total de six cents garçons, on a donné dans une école, au cours de l'année, deux cents corrections, moins d'une par jour. On songe à les supprimer. »

Voici quelques détails sur le slöjd (travail manuel) et sur les leçons de cuisine :

« Le slöjd est une saine distraction pour les enfants, et les maîtres sont très satisfaits de leur zèle. L'organisation des salles, la progression et le choix des travaux sont absolument remarquables. Les élèves sont peu nombreux, car il faut surveiller leur travail de. près. Le maître a donné au tableau toutes les indications nécessaires pour exécuter la monture d'une scie. Les élèves ont eux-mêmes dessiné l'objet sur le bois, ils ont coupé, raboté, ajusté, et, au bout de six semaines, à deux heures de travail par semaine, ils achèvent une scie très présentable, faite à petits coups, mais bien faite. A la fin de l'année, ils sont très fiers d'emporter leurs travaux à la maison. Un maître m'explique qu'on ne peut faire coïncider l'enseignement de la géométrie et du dessin avec le travail manuel ; on apprend surtout aux élèves à travailler et à fabriquer des objets utiles : planchette à découper, portemanteau, sèche-assiettes, etc. Il est seulement regrettable que les enfants ne puissent continuer à travailler à la maison, faute d'outils. A la ville, le slöjd est ainsi un luxe ; à la campagne c'est une nécessité, et les maîtres, après les tâtonnements du début, adaptent de plus en plus le travail manuel aux exigences de la vie paysanne.

« Les filles suivent le cours de cuisine pendant leur dernière année de présence à l'école. Ce cours fonctionne régulièrement à Kristiania et gagne peu à peu les autres villes, bien qu'il soit coûteux. Rien de plus intéressant que de monter un instant sous les combles pour assister à cette classe. La maîtresse est au tableau ; les fillettes, en tabliers blancs, sont disposées par équipes auprès des fourneaux et des tables. Voici les harengs qu'on nettoiera et hachera pour faire un gâteau de poisson, voici les pommes de terre, et voici de quoi faire la soupe et la sauce. La maîtresse, au moyen d'un système ingénieux de quadrillage et de couleurs, fait voir les proportions à observer : ce bleu représente l'eau ; ces carrés verts sont les légumes, pommes de terre, etc. ; une courte échelle indique la valeur nutritive des aliments ; à l'autre bout du tableau on fait les calculs et on établit le prix du dîner. Là-dessus les élèves préparent la soupe et le poisson, qu'elles mangeront elles-mêmes dans trois heures. Et quand elles rentrent à la maison et mettent en pratique leurs connaissances, elles reçoivent, nous dit-on, les compliments de leur père, tandis que la mère, un peu humiliée, se demande à quoi bon tant de science. »

Terminons ces extraits par cette appréciation du rôle que jouent aujourd'hui en Norvège les institutrices, qui, du nombre de 85 en 187b' et de 140 en 1880, ont passé en 1906 à celui de 2913 :

« Il est impossible de visiter une école à la ville sans être aussitôt frappe par le grand nombre des institutrices. Elles forment environ les deux tiers du personnel, et sont, pour des raisons diverses, une classe à part. On sait, en effet, que le féminisme pratique est très développé en Scandinavie, que les moeurs permettent et imposent aux femmes une plus grande liberté d'action. La dot est à peu près inconnue, et les familles sont nombreuses. Il en résulte que la plupart des jeunes filles de la bourgeoisie doivent travailler et souvent vivre de leur travail. Beaucoup sont employées et gagnent au plus 100 francs par mois. C'est donc une position recherchée que celle d'une institutrice qui peut gagner facilement jusqu'à 140 francs. On ne s'étonnera donc plus de constater que les institutrices norvégiennes, à l'inverse des instituteurs qui sont pour la plupart d'origine paysanne, sortent des classes dites cultivées, et que telle d'entre elles soit fille d'un préfet, ou d'un général, ou d'un ministre. Elles ont ainsi une culture générale appréciable, qui n'est pas sans exercer une heureuse influence sur l'enseignement. Elles ont un pied dans le monde. Elles s'intéressent, par dessus les questions scolaires, au théâtre et à la musique. Plus âgées, elles formeront les rangs serrés de l'armée féministe qui, malgré les critiques de conservateurs moroses, marche à la conquête des droits politiques. »

5. Budget de l'instruction publique. — Le total des dépenses de l'instruction publique a été, en 1906, de 17 230 482 couronnes, dont 7 119 302 ont été fournies par l'Etat. Sur le total des dépenses, 6 691 210 couronnes concernent les écoles primaires rurales, 4 802 672 les écoles primaires urbaines, 364 846 les écoles préfectorales, les écoles du soir et les écoles de continuation ; 189 367 les écoles normales publiques ; 779 331 les écoles secondaires dites publiques, 986 885 les écoles secondaires communales ; 903 759 les écoles pour les enfants anormaux ; 324 547 les écoles techniques ; 592 613 les pensions de retraite ; 294 206 les enfants moralement abandonnés ; et 804 769 l'université.