Les écoles normales sont des établissements publics où les jeunes gens qui se destinent aux fonctions d'instituteur ou d'institutrice viennent compléter leur instruction et s'initier aux meilleures méthodes d'enseignement. Ces établissements ont donc un double caractère : ce sont, à la fois, des maisons d'instruction proprement dite et des maisons d'éducation professionnelle.
S'il est vrai que tant vaut le maître, tant vaut l'école, il est non moins vrai que tant vaut l'école normale, tant valent les instituteurs. C'est ce qui faisait dire à Guizot : « L'instruction primaire est tout entière dans les écoles normales ; ses progrès se mesurent à ceux de ces établissements » : et à Jules Ferry : « Il n'y a pas d'enseignement public sans les écoles normales ». Aussi n'est-il pas étonnant que l'idée de fonder des établissements où se formerait et se recruterait le personnel enseignant des écoles primaires soit née le jour où, pour la première fois, on songea à répandre l'instruction primaire, en la rendant accessible a tous. C'est à la Convention nationale que revient en France le mérite d'avoir conçu cette généreuse pensée. Mais, avant d'entrer dans le domaine des faits, cette conception devait avoir plus d'un obstacle à surmonter, plus d'une résistance à vaincre, et il ne fallut pas moins d'un siècle pour résoudre le grand problème posé par la Révolution. Etroitement associées aux destinées de l'enseignement primaire, les écoles normales eurent, comme cet enseignement, comme la liberté elle-même, leurs luttes à soutenir et des défaites à essuyer, avant de rencontrer leur triomphe. A ce point de vue, on peut dire que l'histoire des écoles normales se confond, dans notre pays, avec l'histoire de l'instruction publique et même avec celle des idées libérales.
A. — HISTORIQUE.
L'histoire des écoles normales françaises peut se partager en cinq périodes : 1° de l'an III à 1830 ; 2° de 1830 à 1850 ; 3° de 1850 à 1870 ; 4° de 1870 a 1884 ; 5° de 1884 à l'époque actuelle.
I. — De l'an III à 1830.
Le Comité d'instruction publique avait conçu, avant le 9 thermidor, le projet d'organiser à Paris un cours normal, d'une durée de deux mois, pour préparer aux fonctions d'instituteurs deux mille citoyens appelés de toutes les parties de la France, et qui, de retour dans leurs districts, ouvriraient dans chacun d'eux quatre écoles publiques d'instruction d'une durée de deux mois, où ils répéteraient, devant les citoyens et citoyennes désireux de se vouer à l'enseignement, la méthode d'enseignement reçue par eux à Paris. La pensée du Comité, approuvée par le Comité de salut public, fut réalisée quelques mois plus tard. Sur le rapport de Lakanal la Convention rendit le 9 brumaire an III (30 octobre 1794) un décret aux termes duquel, « voulant accélérer l'époque où elle pourra faire répandre d'une manière uniforme l'instruction nécessaire à des citoyens français », elle décidait la création, à Paris, d'une « école normale où seront appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l'art d'enseigner » (art. 1er). Cette école devait recevoir 1400 élèves, désignés par les administrateurs de chaque district, à raison d'un élève pour 20 000 habitants. Tous les élèves devaient être externes et âgés de vingt et un ans au moins. La durée des cours serait de quatre mois, après quoi « les élèves formés à cette école républicaine rentreraient dans leurs districts respectifs et ouvriraient, dans les trois chefs-lieux de canton désignés par l'administration du district, des écoles normales dont l'objet serait de transmettre aux citoyens et citoyennes qui voudraient se vouer à l'enseignement public la méthode d'enseignement qu'ils auraient acquise à l'Ecole normale de Paris » (art. 11).
Cette tentative échoua. Le but de l'Ecole normale de Paris — ouverte le 1er pluviôse an III et fermée le 30 floréal suivant — fut, dit Homme, « absolument manqué », et l'on renonça à essayer d'ouvrir les écoles normales de second ordre qui eussent pu répandre dans les districts les bonnes méthodes. — Voir Normale (Ecole) de l'an III.
Treize années s'écoulèrent. Napoléon venait de créer l'Université. Le décret organique du 17 mars 1808 ordonna (articles 107 et 108) « qu'il serait pris par l'Université des mesures pour que l'art d'enseigner à lire, à écrire et les premières notions du calcul dans les écoles primaires ne fût exercé désormais que par des maîtres assez éclairés pour communiquer facilement et sûrement ces premières connaissances nécessaires à tous les hommes. A cet effet, il sera établi auprès de chaque académie, et dans l'intérieur des collèges et des lycées, une ou plusieurs classes normales destinées à former des maîtres pour les écoles primaires. On y exposera les méthodes les plus propres à perfectionner l'art de montrer à lire, à écrire et à. chiffrer. » Lire, écrire et chiffrer! le programme était modeste, et nous sommes bien loin des vues de la Convention ; mais l'intention était bonne. Malheureusement rien ne fut fait par le gouvernement impérial pour assurer l'exécution des articles 107 et 108 du décret de 1808. Un autre décret, rendu pendant les Cent-Jours sous l'inspiration de Carnot (27 avril 1815), portait qu' « il serait ouvert à Paris une école d'essai d'éducation primaire, organisée de manière à pouvoir servir de modèle et à devenir école normale pour former des instituteurs primaires ». Waterloo emporta le décret et le ministre.
Sur un seul point du territoire, le décret de 1808 avait reçu un commencement d'exécution. En 1810 fut ouvert à Strasbourg, par les soins du préfet Lezay-Marnésia et du recteur Levraud, la première école normale primaire de France, la première par la date et longtemps aussi la première par sa valeur pédagogique et les services qu'elle rendit. Cette école, organisée sur le plan des séminaires allemands, reçut tout d'abord soixante boursiers de seize à trente ans et un nombre illimité de pensionnaires libres. Le montant des bourses était reparti entre les communes du département proportionnellement à leur population, à leurs revenus et à l'importance de leurs écoles. Le budget de l'école normale de Strasbourg fut à l'origine de 30 000 francs. La durée des cours, primitivement fixée à quatre années, fut dans la suite réduite à trois. L'enseignement comprenait la langue française, la langue allemande, l'arithmétique, les éléments de physique, la calligraphie, la géographie, le dessin, la musique, le chant, des notions d'agriculture et de gymnastique. On devait y étudier également les meilleures méthodes d'enseignement, c'est-à-dire la pédagogie ou plutôt la méthodologie, qui constituait toute la pédagogie d'alors. A l'exception de l'histoire, qu'on s'étonne de ne pas voir figurer dans ce programme, nous ne faisons pas beaucoup mieux de nos jours.
L'école normale de Strasbourg prospéra rapidement, et sa bonne renommée détermina le département du Haut-Rhin à y envoyer des boursiers, à l'entretien desquels il consacra tout d'abord une somme de 6000 francs. En peu d'années les deux départements alsaciens furent pourvus d'un personnel enseignant d'élite, et c'est grâce à ce personnel que l'Alsace se distingua bientôt par la bonne tenue de ses écoles. Aussi Guizot a-t-il pu dire dans son Rapport au roi du 2 mars 1833 : «Sous tous les rapports, la supériorité de l'école populaire dans l'académie de Strasbourg est frappante, et la conviction aussi juste que générale du pays l'attribue surtout à l'existence de l'école normale primaire». Cette supériorité, l'Alsace l'a longtemps gardée, et, comme le bon exemple est contagieux, celui que donnaient les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ne fut pas perdu.
Le gouvernement de la Restauration ne devait pas voir de bon oeil la création d'écoles normales : aussi ne fit-il rien pour la provoquer. La célèbre ordonnance du 29 février 1816 se borne à recommander (art. 39) de « favoriser autant qu'il sera possible, dans les grandes communes, les réunions de plusieurs classes sous un seul maître et plusieurs adjoints, afin de former un certain nombre de jeunes gens dans l'art d'enseigner ». Mais si ' le gouvernement demeurait indifférent, et parfois même se montrait hostile, les efforts d'hommes dévoués réussirent cependant à réaliser quelques progrès. Deux départements, voisins de l'Alsace, créèrent des écoles normales en 1820 : le département de la Moselle à Heldefange, celui de la Meuse à Bar-le-Duc. La première de ces écoles, qui fut transférée à Metz en 1833, reçut une dotation annuelle de 10000 francs, fournie par les cotisations du Conseil général et des communes. La seconde obtint une allocation départementale de 4000 francs, et le surplus de la dépense fut couvert par les subventions communales, par le montant des portions de bourse laissées à la charge des familles, et par le prix des pensions des pensionnaires libres. Le gouvernement entretint aussi quelques bourses dans ces établissements. A Heldefange et à Bar-le-Duc, on imita ce qui avait été fait à Strasbourg. Seulement la durée des cours fut réduite à deux années. Quant aux programmes de l'enseignement, ils présentaient quelques différences 'entre eux et avec ceux de l'école qu'on avait prise pour modèle. A Heldefange, on étudiait à peu près tout ce qui s'enseignait à Strasbourg, et, de plus, des notions d'histoire naturelle et d'hygiène, la géométrie, et aussi la tenue des livres et des registres de l'état civil, mais toujours pas l'histoire. C'est dans le programme de l'école de Bar-le-Duc qu'on voit apparaître, pour la première fois, cette branche de l'enseignement ; en revanche, on n'y trouve plus ni l'allemand, ni la physique, ni l'histoire naturelle, ni la gymnastique, ni la rédaction des actes de l'état civil. Comme on le voit, l'Etat n'intervient en aucune façon dans la direction des études ; il laisse ce soin aux autorités locales, qui s'inspirent des besoins de la région. Quoi qu'il en soit, les nouvelles écoles gagnèrent vite les sympathies du public : à Heldefange, on compta bientôt quatre-vingts élèves, et soixante à Bar-le-Duc. Les écoles primaires des deux départements se peuplèrent rapidement de maîtres instruits et préparés à communiquer leurs connaissances, et Guizot pouvait, dans le rapport que nous avons déjà cité, leur rendre ce témoignage : « Les départements de la Meuse et de la Moselle se distinguent par le petit nombre des communes privées d'écoles (il n'y en a que quatre dans la Moselle), par l'emploi de bonnes méthodes d'enseignement, et par l'abandon presque complet de la méthode individuelle. »
Le rapport continuait ainsi : « L'ouverture des écoles normales de Strasbourg, Heldefange et Bar-le-Duc forme, en quelque sorte, une première époque dans l'histoire de l'instruction populaire, depuis les promesses, peu accomplies, du décret du 17 mars 1808. Après la fondation de ces trois établissements, on ne rencontre, de 1820 à 1828, qu'une longue et triste lacune. D'honorables citoyens, des associations persévérantes travaillaient encore soit à multiplier, soit à perfectionner les simples écoles primaires. Mais les écoles normales étaient des établissements trop considérables et d'une exécution trop difficile pour surmonter les méfiances et la mauvaise volonté du pouvoir. Toute création de ce genre demeura donc suspendue. Il faut toutefois mentionner, comme se rapportant à cette époque, l'établissement formé à Paris par les soins d'une société pour l'enseignement élémentaire, soutenu par le préfet de la Seine, et spécialement destiné à propager la méthode, d'enseignement mutuel. »
L'établissement dont parle Guizot était le cours normal créé en 1815 par la Société pour l'instruction élémentaire et placé d'abord sous la direction de M. Martin. C'est l'école dont le décret du 27 avril 1815 avait promis l'ouverture, et qui, après Waterloo, fut fondée par l'initiative privée. Le préfet de la Seine, le comte de Chabrol de Volvic, maintenu en fonctions par Louis XV1H, s'intéressa à cet établissement et le prit sous sa protection. En juin 1816, un arrêté du préfet nomma l'instituteur Nyon, auteur du Manuel pratique ou Précis de la méthode d'enseignement mutuel, « professeur » de ce cours normal, qui avait son siège à l'école mutuelle de garçons de la rue Carpentier. L'année suivante, le préfet fonda un cours normal pour les institutrices, et mit à sa tête Mme Quignon, institutrice de l'école mutuelle de filles de la Halle-aux-Draps. En 1820, le jeune instituteur Sarazin, directeur de l'école mutuelle de Popincourt, succéda à Nyon comme directeur de l'école normale élémentaire des instituteurs. Mais peu d'années après, l'une et l'autre école dut suspendre son activité.
En 1828 arrive aux affaires le ministère libéral présidé par M. de Martignac, et le nouveau ministre de l'instruction publique, le comte de Vatimesnil, s'honore en encourageant les efforts, jusque-là isolés, des particuliers et des départements. Le 6 mai 1828, le grand-maître de l'Université, s'adressant aux recteurs, leur tient ce langage absolument nouveau de la part d'un ministre de la Restauration : « Je ne saurais trop vous recommander de travailler à former, dans une des principales communes de votre académie, une classe normale, à l'imitation de celle qui a si bien réussi à Strasbourg. Je ne doute pas que vous ne soyez secondé, en cela, par les maires et par les préfets, qui verront dans une pareille mesure le moyen de donner à l'enseignement primaire tout le développement et toute la perfection dont il est susceptible. » Quelques semaines plus tard, le 19 août 1828, le même ministre revenait sur ce sujet, et, prenant pour exemple ce qui se faisait en Alsace et en Lorraine, il donnait, pour l'organisation des futures écoles dont il recommandait la création, les plus sages conseils, les plus utiles indications. Et, comme si les écoles normales n'avaient attendu que la permission de naître, il s'en ouvre coup sur coup onze nouvelles, dans l'Est d'abord, puis sur différents points du territoire : à Mirecourt dans les Vosges, à Toul dans la Meurthe, à Charleville dans les Ardennes, à Dijon dans la Côte-d'Or, à Orléans dans le Loiret, à Bourges dans le Cher, à Rouen dans la Seine-Inférieure, à Saint-Remy dans la Haute-Saône, à Courte-fontaine dans le Jura (ces trois dernières dirigées par des congrégations religieuses : celle de Rouen par les frères des Ecoles chrétiennes, celles de Saint-Remy et de Courtefontaine par les frères Maristes), à Salers dans le Cantal, et à Ajaccio en Corse.
Cette énumération est empruntée au rapport Guizot du 2 mars 1833 : mais, chose singulière, le rapport parle ensuite des écoles normales départementales créées antérieurement à 1830 comme étant au nombre de treize seulement, tandis que les onze écoles ouvertes en 1828 et 1829, jointes aux trois écoles (Strasbourg, Heldefange et Bar-le-Duc) datant de 1810 et de 1820, forment manifestement un total de quatorze établissements. (Dans ce total ne sont pas comprises les deux écoles normales d'enseignement mutuel de Paris.)
La chute du ministère Martignac arrêta un moment l'impulsion donnée ; mais, quand les idées libérales triomphèrent en 1830, le mouvement en faveur des écoles normales s'étendit de proche en proche et gagna rapidement toute la France.
II. — De 1830 à 1850.
Le rapport de Guizot que nous avons déjà cité contient une énumération des écoles normales fondées depuis la révolution de Juillet jusqu'au commencement de 1833. Voici la liste donnée par ce document : Brignoles (Var), Amiens, Laon, Angers, Bordeaux, Angoulême, Caen, Saint-Lô, Alençon, Cahors, Auch, Clermont-Ferrand, Le Puy, Grenoble, Limoges, Tulle, Guéret, Villefranche (Rhône), Bourg, Montbrison (Loire), Montpellier, Nîmes, Privas, Avignon, Châtillon-sur-Loire (dans le Loiret ; école fondée et dirigée par un pasteur calviniste pour former des institutrices protestantes), Versailles (pour les départements de l'académie de Paris), Mont-de-Marsan, Poitiers, Rennes, Nantes, Evreux, Colmar, Toulouse, Albi. Cela forme un total de trente-quatre établissements s'ajoutant aux quatorze dont la liste a été donnée dans la section précédente.
Nous sommes arrivés au moment où le gouvernement va prendre en main la direction du mouvement et intervenir directement dans la fondation et l'organisation des écoles normales. Avant de le suivre dans cette voie nouvelle, il convient de jeter un coup d'oeil en arrière et de préciser le caractère des écoles créées jusqu'alors grâce à l'initiative des autorités locales. Evidemment, en vertu même de leur origine, ces écoles ne se ressemblent point ; nées d'un même besoin, elles s'étaient formées sous des influences diverses et dans des conditions plus ou moins heureuses, suivant l'importance des départements, suivant les ressources dont elles pouvaient disposer, suivant l'idée que les autorités départementales se faisaient d'un tel établissement. A Heldefange, l'école normale avait été installée dans un vieux château ; à Toul, à Charleville, et sans doute ailleurs, elle fut annexée au collège ; à Dijon, on lui donna une installation spéciale, avec un internat ; à Versailles, on l'établit dans les dépendances du palais. Souvent l'école occupe des bâtiments communaux ou des bâtiments loués, à moins que, comme à Saint-Remy et à Courtefontaine, elle ne soit établie dans des immeubles appartenant à une congrégation. Souvent aussi, ce n est qu'une « classe normale » annexée à un collège. Diverse également était leur organisation : ici, l'internat prévalait ; là, c'était l'externat ; d'ordinaire il y avait internes et externes. Dans certains endroits, l'école était en régie, ailleurs elle était au compte du directeur, qui traitait à forfait avec le département. En général, le montant des bourses et le prix de la pension ne dépassait pas 300 francs. Les bourses étaient entretenues par le département, les communes ou des fondations particulières. L'Etat en accordait quelques-unes ici ou là. La durée des études était généralement de deux années ; mais il y avait des exceptions, et les deux années étaient parfois réduites à une, ou portées à trois. La plupart des écoles étaient des établissements laïques ; mais il y en avait aussi aux mains des congrégations. Le programme variait de même ; mais il semble que partout on se préoccupât de donner aux études une direction pédagogique. Cependant les écoles normales n'avaient pas toutes des écoles annexes ; en général les élèves-maîtres allaient se former à la pratique de l'enseignement soit dans les petites classes des collèges, soit dans les écoles de la ville, soit même, comme à Versailles, dans les cours d'adultes. Le personnel enseignant paraît, à l'origine, avoir été réduit à sa plus simple expression : un directeur et deux ou trois professeurs, empruntés au collège et choisis par le directeur, avec l'agrément du recteur. Le directeur lui-même appartenait, d'ordinaire, à l'enseignement secondaire : c'était un ancien principal ou un ancien régent. Il était, dans les écoles laïques, nommé par le ministre de l'instruction publique, sur la proposition du préfet et du recteur. Partout il y avait un aumônier, le plus souvent externe, et l'instruction religieuse et morale occupait la première place dans l'enseignement. Partout enfin, à côté des écoles laïques, fonctionnait une commission de surveillance dont le directeur faisait partie et dont les autres membres, au nombre de quatre généralement, étaient nommés soit par le préfet, soit par le recteur. Cette commission avait les pouvoirs les plus étendus sur la gestion économique, comme sur le personnel des élèves et des maîtres. Nous ignorons quels étaient à cette époque les traitements des fonctionnaires attachés aux écoles normales ; nous savons que onze ans plus tard, en 1843, le directeur de l'école normale de Bar-le-Duc touchait 1500 francs par an! Quant aux élèves boursiers, ils étaient tenus de s'habiller eux-mêmes, de fournir un trousseau et de se procurer eux-mêmes les livres et autres objets à leur usage. L'âge d'admission variait de dix-huit à trente ans et même à trente-cinq. Nous omettrions de signaler un des côtés les plus originaux des écoles normales de cette époque, si nous ne disions qu'elles étaient ouvertes aux instituteurs en exercice. Pendant les vacances, ils y venaient suivie de véritables conférences pédagogiques, qu'on appelait dans certains endroits l'école des méthodes ; parfois même ils y entraient comme élèves pendant toute une année, à la condition de se faire suppléer à leurs frais à la tête de leurs écoles. Comme on le voit, s'il y avait des points communs dans l'organisation des écoles normales d'alors, il y avait aussi des différences profondes. Mais le moment approchait où le nombre des écoles allait se multiplier et où une main ferme allait les rattacher plus directement à l'Etat, en leur donnant une réglementation uniforme dans ses lignes générales. Au régime d'indépendance relative sous lequel elles avaient vécu jusque-là allait succéder un régime de centralisation qui, à certains égards, aura les conséquences les plus heureuses : c'est toute une révolution qui va s'opérer.
Au mois d'octobre 1832, Guizot était arrivé au ministère de l'instruction publique. Il ordonna aussitôt une enquête sur la situation des écoles normales, et les résultats de cette enquête étaient à peine recueillis que parut le règlement du 14 décembre 1832, qu'on pourrait appeler la charte des écoles normales. Des modifications, dont quelques-unes importantes, ont été apportées depuis à ce règlement : le fond est resté le même.
Jusqu'à cette époque, les écoles normales avaient été des établissements exclusivement départementaux ; le règlement du 14 décembre ne rompt pas complètement cette attache ; mais, reliées au pouvoir central, ces écoles deviennent en même temps des établissements de l'Etat. Elles ont conservé depuis ce double caractère ; mais tandis que le lien qui les unit au département, très fort à l'origine, a été en se relâchant de plus en plus, celui qui les unit au pouvoir central s'est resserré progressivement jusqu'au jour où la loi du 19 juillet 1889, en ne laissant à la charge des départements que l'entretien ou la location des bâtiments, a fait des écoles normales presque uniquement des établissements de l'Etat.
Le règlement du 14 décembre 1832 a une telle importance dans l'histoire des écoles normales qu'il nous paraît indispensable de l'analyser sommairement. Cette étude, en marquant mieux le point de départ, permettra de se rendre plus facilement compte des changement survenus dans la suite.
Les matières de l'enseignement sont déterminées par les articles 1 et 3. Elles comprennent « l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, l'arithmétique, y compris le système légal des poids et mesures, la grammaire française, le dessin linéaire, l'arpentage et les autres applications de la géométrie pratique, des notions de sciences physiques applicables aux usages de la vie, la musique, la gymnastique, les éléments de l'histoire et de la géographie de la France ». Il faut y joindre « l'apprentissage des meilleures méthodes, auxquelles les élèves seront exercés dans une ou plusieurs classes primaires annexées à l'école normale, la rédaction des actes de l'état-civil, la greffe et la taille des arbres ». Si l'on compare ce programme avec celui qui est actuellement en vigueur, et même avec les programmes déjà adoptés dans les grandes écoles normales de l'Est, on ne peut s'empêcher de remarquer combien il est modeste. Nous ne parlons pas de la pédagogie ni des sciences sur lesquelles la pédagogie repose, la psychologie et la morale. Nous ne parlons pas non plus, et pour cause, des travaux manuels, ni des langues vivantes, ni du dessin d'imitation ; mais nous constatons que l'étude de la langue française se réduit à la grammaire, que la géométrie est à peine indiquée, que les notions les plus élémentaires d'algèbre sont passées sous silence, que les sciences physiques n'apparaissent en quelque sorte que pour mémoire, que les sciences naturelles ne sont pas mentionnées, et que l'enseignement de l'histoire et de la géographie est réduit à un minimum. Si nous relevons ces lacunes, c'est moins pour faire la critique du règlement de 1832, que pour montrer combien furent peu fondées les plaintes qui devaient retentir un peu plus tard contre le développement exagéré des études normales. Il est juste de rappeler aussi que, dans l'instruction qui accompagnait l'envoi de ce règlement, Guizot disait : « S'il arrivait que quelques articles de ce règlement général fussent contraires aux règlements spéciaux déjà en vigueur dans certaines écoles normales et institués par leurs fondateurs, mon intention n'est pas d'abolir ces dernières dispositions ; elles devront, au contraire, être observées jusqu'à plus ample examen, car on doit les supposer mieux appropriées aux circonstances et aux nécessités locales ». Et, de fait, en ce qui concerne les programmes d'enseignement, bon nombre d'écoles normales conservèrent ceux qu'elles avaient adoptés, à la condition de les faire approuver par le Conseil royal. Le programme nouveau ne devait être obligatoire que pour les écoles qui allaient se créer, et il convenait, en somme, à des études dont la durée était fixée à deux années.
Le directeur était nommé par le ministre de l'instruction publique, sur la présentation du recteur et du préfet (art. 5). Il continuait à être chargé « d'une partie importante de l'enseignement ». Il était secondé par des maîtres « choisis par le recteur, sur la proposition de la commission spéciale chargée de la surveillance de l'école et sauf l'approbation du ministre » (articles 6 et 7). Une circulaire du 23 juillet 1835 fixa à deux le nombre de ces maîtres (auxquels s'ajoutaient, pour certaines matières, des maîtres spéciaux). Il n'était pas question d'âge ni de capacité. Directeurs et maîtres-adjoints furent encore pendant longtemps choisis parmi les fonctionnaires de l'enseignement secondaire. Ce n'est qu'en 1845 (Ordonnance du 18 novembre) que les directeurs furent « pris dans le service de l'instruction primaire ». On le voit, Guizot, si novateur sur d'autres points, ne songea même pas à réserver complètement à son représentant direct la nomination des fonctionnaires de l'école : pour les directeurs, le préfet intervient conjointement avec le recteur ; pour les maîtres-adjoints, c'est la commission de surveillance qui exerce le droit de présentation. Cette commission reçut des attributions nombreuses autant qu'importantes : elle devint pour longtemps un des organes principaux de toute école normale. Le règlement du 14 décembre la chargeait de la surveillance « sous tous les rapports d'administration, d'enseignement et de discipline » (art. 17). Ses membres étaient nommés, comme le directeur, sur la présentation du préfet et du recteur. Le règlement de 1832 n'en fixait pas le nombre. Le directeur assiste aux séances de la commission avec voix délibérative, « hors les cas où il s'agit de statuer sur des questions intéressant sa personne ou sa gestion » (art. 18). La commission exerce donc une sorte de pouvoir disciplinaire sur le directeur lui-même. Elle détermine, chaque année, le nombre des élèves-maîtres à recevoir, d'après les besoins présumés de l'instruction primaire (ce droit a été dévolu, comme l'on sait, au Conseil départemental, à partir de 1854). Elle examine, chaque année, le compte et le budget qui lui sont présentés par le directeur (art. 20). Elle visite les classes, interroge les élèves sur tous les objets de l'enseignement et tient note des réponses. Elle reçoit, tous les ans, du directeur un rapport sur tout ce qui concerne la discipline et les études (art. 21). D'après ce rapport, elle désigne les élèves-maîtres qui seront admis à passer en deuxième année (art. 22). A l'expiration de la seconde année, tous les élèves subissent devant elle un dernier examen, à la suite duquel ils sont inscrits sur un tableau dont copie est adressée au recteur, au préfet et aux comités d'arrondissement (art. 23). Signalons encore l'article 24, aux termes duquel elle délivre à ceux des élèves qui ont satisfait à l'examen un certificat qu'ils doivent produire devant le jury chargé de délivrer les brevets de capacité. On voit, par ces citations, de quel pouvoir considérable était investie la commission de surveillance. Son action s'étendait sur toutes les parties du service, sur tout le personnel enseignant et sur tout le personnel des élèves depuis leur entrée à l'école jusqu'à leur sortie, et même au delà, puisque ses notes les suivaient jusque devant les comités d'arrondissement à qui appartenait alors la nomination des instituteurs.
Les écoles normales pouvaient recevoir des élèves internes et des externes. Les internes étaient seuls appelés à profiter des bourses entières ou partielles fondées par les départements, par les communes, par l'Université, par les donations particulières ou par des associations charitables (art. 8). Aucun élève, interne ou externe, ne pouvait être admis avant l'âge de seize ans et s'il n'avait subi un examen préalable (art. 11). Les connaissances exigées des candidats se réduisaient à peu de chose : ils étaient tenus de prouver « qu'ils savaient lire et écrire correctement, qu'ils possédaient les premières notions du calcul et de la grammaire française, et qu'ils avaient une connaissance suffisante de la religion qu'ils professaient ». Mais le principe énoncé à l'article 2 de la loi de 1833 ne devait pas tarder à s'appliquer aux écoles normales, et le voeu des pères de famille fut désormais « consulté et suivi en ce qui concerne l'instruction religieuse de leurs enfants ». Une autre disposition qu'il convient de signaler invitait les examinateurs, qui furent à partir de la loi de 1833 les mêmes que pour le brevet de capacité, à s'assurer « des dispositions des candidats, de leur caractère et de leur aptitude ». Enfin les candidats étaient tenus de produire un certificat de bonne conduite, délivré par le maire de leur commune, et de prendre l'engagement de servir pendant dix ans au moins dans l'instruction publique comme instituteurs communaux. Notons, pour terminer, l'article 16, aux termes duquel, conformément à un usage que nous avons déjà signalé, « des instituteurs primaires en exercice pouvaient être admis dans le cours de l'année et particulièrement pendant le temps où vaquent les écoles, à suivre, comme externes, les cours de l'école normale, afin de se fortifier dans les connaissances qu'ils possèdent et d'apprendre à pratiquer les méthodes perfectionnées ». C'est à cette mesure, qui répondait à un besoin urgent en un temps où le nombre des instituteurs capables était si restreint, qu'il faut faire remonter l'origine des conférences départementales organisées, non sans succès, dans diverses régions de la France.
Malgré son importance, le règlement du 14 décembre 1832 n'est pas l'acte de Guizot qui eut l'influence la plus décisive sur l'avenir des écoles normales. C'est dans la loi du 28 juin 1833 qu'il faut chercher l'origine des développements ultérieurs qu'a pris cette institution. Dans l'exposé des motifs (rédigé)
par Victor Cousin) de cette loi mémorable, après avoir indiqué à grands traits l'organisation nouvelle qu'il préparait pour l'enseignement primaire, le ministre s'exprimait ainsi : « Tous ces soins, tous ces sacrifices seraient inutiles, si nous ne parvenions pas à procurer à l'école publique un maître capable, digne des nobles fonctions d'instituteur du peuple ». Puis, ayant tracé de cet instituteur l'admirable portrait qu'on connaît, il concluait ainsi : « Faire des maîtres qui approchent d'un pareil modèle est une tâche difficile, et, cependant, il faut y réussir, ou nous n'aurions rien fait pour ('instructions primaire, et pour cela, des écoles normales primaires sont indispensables : aussi nous vous proposons d'en établir une par département ». En effet, l'article 11 du projet de loi déposé par Guizot était ainsi conçu : « Tout département sera tenu d'entretenir une école normale primaire. Le Conseil général délibérera sur les moyens d'entretenir cette école. » Les Chambres se montrèrent moins libérales que le ministre, et l'article 11 de la loi de 1833 fut amendé de la façon suivante : « Tout département sera tenu d'entretenir une école normale primaire, soit par lui-même, soit en se réunissant à un ou plusieurs départements voisins ». Sans doute, il est regrettable que la rédaction de Guizot n'ait pas prévalu, car autoriser plusieurs départements à se réunir pour entretenir, à frais communs, une école normale, c'était fournir aux adversaires de la loi un moyen de l'éluder. Mais, cette fois encore, l'opinion publique eut raison des résistances qu'elle rencontrait, et, malgré les efforts qui furent faits alors et l'encre qui fut dépensée pour célébrer les mérites des écoles régionales, les départements ne profitèrent pas de l'offre qu'on leur faisait, et la seule tentative de ce genre, qui eut lieu dans l'Ouest, ne réussit pas. Chaque département voulut, et avec raison, avoir son école normale. Aussi voyons-nous ces établissements se multiplier rapidement à partir de 1833. Dans cette seule année, dix-huit départements répondent à l'appel qui leur a été adressé, et l'Aisne, l'Allier, les Basses-Alpes, l'Ariège, l'Aude, l'Aveyron, la Haute-Garonne, le Gers, l'Hérault, la Gironde, les Landes, la Loire, la Haute-Loire, la Marne, la Mayenne, les Basses-Pyrénées, les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales sont pourvus d'une école normale d'instituteurs. L'année suivante, huit autres départements suivent cet exemple : ce sont les Hautes-Alpes, l'Aube, le Calvados, le Loir-et-Cher, le Nord, la Sarthe, le Tarn-et-Garonne et la Vienne. En même temps, la Haute-Saône et la Meurthe ramenaient leur école normale au chef-lieu. Enfin, dans le cours de l'année 1835, trois nouvelles écoles normales s'ouvraient dans l'Yonne, la Dordogne et le Doubs. Il ne restait plus qu'un effort à faire pour que les quatre-vingt-six départements en fussent tous pourvus : il faudra près de cinquante ans pour accomplir ce dernier effort!
Il ne pouvait pas se faire qu'une institution dont les services étaient si unanimement appréciés ne fût pas jugée indispensable pour le recrutement des institutrices. Tant que l'instruction des filles fut négligée et que les congrégations religieuses en détinrent le monopole, ce besoin ne se fit pas impérieusement sentir ; mais lorsque l'ordonnance du 23 juin 1836, appliquant aux écoles des filles la plupart des dispositions de la loi du 28 juin 1833, donna une première impulsion à cet enseignement, de nouvelles écoles publiques s'ouvrirent et il fallut pourvoir à leur direction. Les congrégations religieuses s'emparèrent d'abord du mouvement ; mais soit qu'elles ne pussent suffire aux besoins d'un recrutement qui devenait chaque jour plus considérable, soit que certaines communes ne voulussent pas de l'enseignement congréganiste, on dut s'occuper de former un personnel laïque. Il se passa alors ce qui était arrivé lors de la création des premières écoles normales d'instituteurs : à côté d'une pension ou d'une école primaire supérieure de filles, on ouvrit une classe que l'on appela cours normal et où furent reçues les jeunes filles qui se destinaient à l'enseignement. Il va sans dire que ces classes normales, à l'origine surtout, furent annexées à des écoles dirigées par des communautés religieuses. Les premiers départements où se fondèrent des cours normaux furent ceux de la Gironde (1834), des Basses-Pyrénées (1838), des Hautes-Alpes (1840), de l'Ille-et-Vilaine, des Côtes-du-Nord, de la Lozère, de la Nièvre (1841), de la Manche, de la Sarthe (1844), de la Drôme, de l'Aisne, du Nord (1845), de la Charente-Inférieure (1847), des Landes, et de la Loire-Inférieure (1849). On peut remarquer, en passant, que ce sont les départements les moins empressés à se pourvoir d'une école normale d'instituteurs qui se donnèrent les premiers un cours normal d'institutrices. La raison s'en devine aisément. Quoi qu'il en soit, ce fut là l'origine des écoles normales d'institutrices, et il fallait la noter.
Malheureusement le temps de l'enthousiasme était passé, et déjà commençaient à se faire entendre contre les écoles normales de sourdes accusations, prélude de l'orage qui devait s'amonceler sur elles et éclater en 1850. Ce qu'on commençait à leur reprocher, c'était de sortir des limites que leur avait assignées le règlement de 1832, d'étendre outre mesure les programmes de leur enseignement, et de former ainsi des instituteurs superficiels, impatients de leur sort, remplis d'eux-mêmes et mal préparés à l'humble condition qui les attendait. Peut-être, en effet, y eut-il des imprudences commises ici ou là ; peut-être, dans la ferveur du premier moment, dépassa-t-on quelque peu le but ; mais quoi! ne sont-ce pas là des erreurs excusables, et fallait-il partir en guerre contre les écoles normales pour corriger de tels abus ? La vérité, c'est que les idées libérales perdaient du terrain ; le parti qui avait inspiré au gouvernement de Juillet les lois répressives de 1835, et qui profilait des émeutes de la rue, aussi bien que des attentats dirigés contre la personne du roi, pour ramener le pouvoir en arrière, au lieu de chercher la cause de l'état troublé des esprits dans l'insuffisance de la liberté et dans l'insuffisance des lumières, la vit ou feignit de la voir dans l'école. C'était l'école qui, avec sa demi-science, éveillait les convoitises, aiguisait les appétits, faisait des déclassés, et des déclassés des mécontents et des perturbateurs de l'ordre social. Et les ouvriers de cette oeuvre de désorganisation, c'étaient les instituteurs, ces instituteurs que formaient maintenant les écoles normales !
Ces craintes, vraies ou simulées, gagnèrent les régions officielles, et l'on vit, en 1838, l'Académie des sciences morales et politiques, cette même Académie que Guizot venait de relever de ses ruines, se prendre à douter de l'oeuvre de son fondateur et mettre au concours la question suivante : « Quels perfectionnements pourrait recevoir l'institution des écoles normales primaires, considérée dans ses rapports avec l'éducation morale de la jeunesse? » Il n'y avait pas à s'y méprendre : aux yeux de l'Académie, les écoles normales, telles que les avait conçues Guizot, n'étaient pas capables de concourir efficacement à «l'éducation morale de la jeunesse » : il fallait réformer l'institution! Plusieurs concurrents se présentèrent ; mais ils avaient recherché les causes du malaise dont souffrait l'enseignement primaire dans la condition même de l'instituteur, dans l'insuffisance de son traitement, dans sa dépendance vis-à-vis des comités locaux, des maires, des curés, dans le manque de direction et de protection : ils n'avaient pas répondu à l'attente de l'Académie, le concours fut ajourné. En 1840, l'Académie fut plus heureuse : on avait compris ses secrètes préoccupations. Le prix fut décerné à M. Barrau, principal du collège de Chaumont, un parfait honnête homme, à coup sûr. et un homme dévoué, à sa façon, à l'enseignement primaire, mais dont, à ce moment, le jugement était véritablement troublé, comme celui de beaucoup d'autres. M. Barrau n'était pas l'ennemi de l'Université, ni même des écoles normales : il ne demandait que la conversion du pécheur. Tout son mémoire n'est qu'un long réquisitoire contre l'organisation des écoles normales, contre les programmes, contre les maîtres et contre les élèves, et le remède qu'il propose pour opérer la guérison, c'est, naturellement, d'abaisser aussi bas que possible le niveau des études, de réserver, dans les écoles normales, le premier rang à l'aumônier, la première place à l'enseignement religieux, de recruter les élèves, non parmi les plus capables, mais parmi les plus dociles et les plus soumis, parmi ceux qui « se passionnent pour cette vie saintement cachée qui s'écoule dans l'église et dans l'école », de choisir toujours le directeur parmi les membres de l'enseignement secondaire, et de lui donner « des aides qui soient entre ses mains des instruments dociles », d'inculquer enfin aux élèves ces sentiments d'humilité, de résignation et de renoncement qui lui feront « trouver plus tard le contentement dans peu ». Et l'Académie de proclamer par la voix de son rapporteur, Jouffroy, que l'auteur de ce mémoire a résolu le problème social et politique qui était proposé. « Ce problème », s'écrie Jouffroy, avec un lyrisme qui dépassait, lui aussi, la mesure, « l'auteur du mémoire le pose avec une singulière et effrayante énergie, déduisant un à un et comptant tous les périls dont il est plein. Et c'est alors, quand il a ainsi tout exposé, en présence du danger dont menace la société la demi-science orgueilleuse, l'ambition éveillée et trompée de cette nuée d'instituteurs imprudemment initiés dans nos écoles normales à une instruction trop haute, à des habitudes trop raffinées., c'est alors que l'auteur proclame le seul remède qu'il aperçoive à un état de choses aussi menaçant. Ce remède, c'est de ramener les écoles normales au véritable but de leur mission, dont elles commencent à s'écarter, et qui est de former des instituteurs pour la campagne, des instituteurs qui trouvent très beau d'arriver à une si belle position ; qui non seulement s'en contentent, mais s'en félicitent ; des instituteurs qui, par conséquent, n'aient rien de commun avec ces demi-savants, vains et vides, pleins de mots et d'orgueil, que se font gloire de former certaines écoles normales. C'est au nom de cette solution que l'auteur, entrant dans les écoles normales, y crie anathème contre toutes les superfluités, tout le luxe matériel et intellectuel qu'il y rencontre, supprime, efface jusqu'au dernier vestige de ce luxe, et que, nouvel abbé de Rancé, il en écrit l'austère réforme d'une main ferme et inflexible. » Voilà donc ce qu'on pensait en haut lieu des écoles normales! Et voilà ce qu'en pouvait dire un philosophe de la valeur de Jouffroy !
Nous avons cru devoir faire cette longue citation, parce qu'elle indique admirablement, à notre avis, les préjugés et les préoccupations de cette époque. Et si nous avions besoin d'autres preuves de l'esprit de prévention auquel étaient alors en butte les écoles normales, nous rappellerions qu'en 1840 le département de la Loire-Inférieure et — qui le croirait? — le département des Vosges fermèrent leurs écoles normales. Nous citerions enfin ce fait significatif, qui se passa, vers le même temps, dans le département de Loir-et-Cher. Ce département, qui n'avait point encore d'école normale, envoyait ses boursiers dans celle de Versailles : or, une année, les jeunes gens désignés pour entrer dans cette école refusèrent de s'y rendre, son enseignement étant entaché de « philosophisme » ('), et, le préfet de Seine-et-Oise ayant fait savoir qu'il y avait une chapelle et un aumônier dans cette école de perdition, cinq ou six seulement des élèves désignés osèrent affronter l'opinion publique! Disons cependant qu'il se trouva des voix autorisées pour prendre la défense des écoles normales, et qu'à l'époque même où l'Académie des sciences morales couronnait le mémoire de M. Barrau, un homme considérable et justement considéré, un membre du Conseil royal, Ambroise Rendu, se faisait l'avocat d'office des écoles menacées, et dans un plaidoyer habile et modéré établissait, avec pièces à l'appui, que la grande majorité des écoles normales avaient bien mérité du pays.
Les choses durèrent ainsi jusqu'en 1848. Quand la seconde République fut proclamée, le pays conçut des espérances qu'un prochain avenir ne devait pas tarder à détruire cruellement. Hippolyte Carnot, Jules Barthélémy Saint-Hilaire et Jules Simon avaient préparé des projets de loi libéraux sur l'instruction primaire : ce fut le projet Falloux qui fut voté. Bans les débats qui eurent lieu, à l'occasion de ce projet de loi, devant l'Assemblée législative, on ne pouvait manquer de parler des écoles normales et de rééditer contre elles toutes les accusations, disons mieux, toutes les calomnies dont elles étaient depuis longtemps l'objet. L'auteur du projet de loi s'en chargea. « Quelle est la valeur morale des écoles normales primaires? » dit M. de Falloux dans son exposé des motifs. « Des voix sérieuses, impartiales, politiques, se sont élevées pour demander la suppression absolue de ces écoles. On n'a pas refusé de sincères hommages à un grand nombre de directeurs de ces établissements, fonctionnaires éminents et dévoués ; on a rendu justice à beaucoup d'instituteurs sortis de leurs mains ; mais l'institution a été attaquée en elle-même comme essentiellement vicieuse : on a dit que des jeunes gens au-dessous de vingt ans ne devaient pas passer dans une fermentation commune leurs plus difficiles années ; qu'ils ne pouvaient voir de près les villes que la plupart n'habiteront pas, toucher à toutes les connaissances et n'en approfondir aucune, sans prendre un sentiment exagéré de leur situation, une trompeuse idée de leurs devoirs ; qu'ils ne se voyaient pas décorés de titres superficiellement acquis, sans en garder une ambition inquiète, et qu'il était d'une souveraine imprudence de ramener à la vie des champs des esprits qu'on avait préparés d'avance à la prendre eu dégoût et en haine. Ces objections sont graves, ajoutait le ministre, cependant nous avons cru que l'épreuve pouvait être continuée. » Le projet de loi ne demandait donc pas la suppression des écoles normales ; on leur faisait grâce ; nous allons voir à quel prix. Certains membres de la commission chargée d'examiner le projet de loi Falloux ne se crurent pas tenus à tant de ménagements, et proposèrent la mort sans phrase. Heureusement la commission n'osa pas les suivre jusqu'au bout, et l'article 35 de la loi du 15 mars 1850 fut adopté dans les termes suivants par l'Assemblée : « Tout département est tenu de pourvoir au recrutement des instituteurs communaux en entretenant des élèves-maîtres, soit dans les établissements d'instruction primaire désignés par le Conseil académique [plus lard, par le Conseil départemental], soit aussi dans l'école normale établie à cet effet par le département. — Les écoles normales peuvent être supprimées par le Conseil général du département ; elles peuvent l'être également par le ministre, en Conseil supérieur, sur le rapport du Conseil académique. » L'Ami de la religion, dans des articles inspirés, dit-on, par l'abbé Dupanloup, put s'écrier : « Les écoles normales, si dangereuses, si puissantes pour le mal et qui ont si déplorablement dénaturé le caractère et la mission des instituteurs, sont supprimées ». Alors commence la troisième période de l'histoire des écoles normales.
III. — De 1850 à 1870.
La loi du 15 mars 1850 ne détruisait pas les écoles normales, mais elle offrait à leurs nombreux ennemis trois moyens de les détruire : une décision du Conseil général, un arrêté ministériel, les écoles stagiaires. Les écoles stagiaires eurent le sort qu'elles méritaient : elles vécurent sans gloire et moururent obscurément. Aucun ministre n'usa du droit que lui conférait la loi ; et il ne se trouva, dans toute la France, que deux Conseils généraux, ceux du Lot et du Lot-et-Garonne, qui supprimèrent leurs écoles normales. Le Conseil général du Loiret, appelé à délibérer sur cette question, osa même faire entendre une énergique protestation, en demandant « le maintien de l'école normale primaire d'Orléans, le maintien de ces établissements partout où ils existaient, et la création de nouveaux établissements dans les départements où il n'en existait pas » ; et par l'organe de son rapporteur, il déclara que « nos écoles normales sont l'honneur de la France et qu'il regarde comme malheureuse la pensée de les supprimer ».
L’événement trompa donc les espérances des adversaires des écoles normales. Bien plus, une fois le premier moment de réaction passé, les avantages qu'offraient ces établissements apparurent si clairement, que plusieurs départements, qui n'en étaient pas encore pourvus, reconnurent la nécessité d'en créer une. C'est ainsi que nous voyons des écoles normales s'ouvrir successivement dans les Alpes-Maritimes et la Savoie (1860), dans la Nièvre (1861), dans la Drôme (1862), dans l'Indre-et-Loire (1863), dans la Charente-Inférieure et en Algérie (1865).
La loi de 1850 était muette à l'égard des cours normaux ; ils se développaient à l'ombre des couvents : il n'y avait pas à s'en inquiéter. A cette époque, ils étaient déjà au nombre de 21. Il y en avait 50 en 1879. Si la loi du 15 mars 1850 ne détruisit pas les écoles normales, elle n'en eut pas moins, pour ces établissements, les plus fâcheuses conséquences. Le troisième paragraphe de l'article 35 portait que « le programme de l'enseignement, les conditions d entrée et de sortie, celles qui sont relatives à la nomination du personnel, et tout ce qui concerne les écoles normales, serait déterminé par un règlement délibéré en Conseil supérieur ». Ce règlement parut le 24 mars 1851. Le programme de 1832, déjà si modeste, était encore réduit : obligatoirement, on ne devait plus enseigner que l'intruction religieuse et morale, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française, l'arithmétique, le système métrique et le chant religieux. Facultativement, on pouvait enseigner l'arithmétique appliquée aux opérations pratiques, les éléments d'histoire et de géographie, des notions de sciences physiques et d'histoire naturelle applicables aux usages de la vie, les éléments de l'agriculture, de l'industrie et de l'hygiène, le dessin linéaire, l'arpentage, le nivellement et la gymnastique (art. 1er). Le 31 juillet 1851, un arrêté détermina les limites et l'esprit dans lesquels cet enseignement devait être donné, et pour faire connaître cet esprit il suffit de citer le titre des ouvrages « de lecture et de récitation » qui pouvaient seuls être mis entre les mains des élèves : c'étaient les Fables de Fénelon, un Choix de fables de La Fontaine, les Moeurs des Israélites et des Chrétiens, de Fleury, la Doctrine chrétienne, l'Histoire de la religion et l'Histoire de l'Eglise, de Lhomond, la première partie du Discours sur l'histoire universelle, de Bossuet, un recueil de Morceaux choisis dans les bons auteurs, des Manuscrits autographiés, dûment autorisés, le Psautier, le Diurnal, etc. C'était là l'enseignement d'un petit séminaire et non d'une école normale, et il était clair que cette réglementation minutieuse n'avait qu'un but, déprimer le plus possible l'enseignement et former des instituteurs selon le coeur du clergé. « Il importe, dit une circulaire du 31 octobre 1854, que les instituteurs sachent parfaitement enseigner les matières comprises dans la partie obligatoire du programme, mais ne les excitez pas à sortir de ce cercle. »
Comment, d'ailleurs, eût-on pu enseigner avec quelque profit les matières facultatives avec le nombre de maîtres que le décret attribuait à chaque école normale? Le directeur est chargé de « la principale partie de l'enseignement », dit l'article 7 ; le nombre des maîtres-adjoints sera de deux au plus, non compris l'aumônier (art. 8). Le directeur et les maîtres-adjoints sont nommés par le ministre, sur la proposition du recteur. Cette disposition, avec celle qui fixe à trois années la durée des études, est la seule que nous trouvions à louer dans ce règlement. Non seulement le directeur doit prendre pour lui « la principale partie de l'enseignement" », mais il est chargé, en outre, de la surveillance générale, de l'économat, etc. Les maîtres-adjoints doivent résider dans l'établissement. Ils sont admis à la table commune, à la condition de payer une pension égale au prix des bourses. La table commune est servie dans le réfectoire commun et de la même façon que celle des élèves. Disons cependant qu'à partir de 1855 (décret du 26 décembre) un dessert fut ajouté à l'ordinaire. Le directeur et le maître chargé de l'école annexe, s'ils n'étaient pas mariés, ainsi que l'aumônier, pouvaient être autorisés à prendre leurs repas à la table commune.
Les pouvoirs attribués à la commission de surveillance par le règlement de 1832 sont confirmés. L'âge d'admission des élèves-maîtres est fixé à dix-huit ans ; le concours est supprimé ; il n'est pas même question d'examen préalable. La commission de surveillance dresse une liste d'admissibilité, d'après les résultats d'une enquête faite par les soins du recteur (de l'inspecteur d'académie, à. partir de 1854) et des inspecteurs de l'enseignement primaire, sur la conduite et les antécédents des candidats, et c'est dans cette liste que le recteur (plus tard, le préfet) choisit les élèves-maîtres et nomme les boursiers (articles 17 et 18). On né tarda pas à s'apercevoir qu'un tel mode de recrutement laissait tout au hasard, quand ce n'était pas à la faveur ; et une circulaire du 2 février 1855 enjoignit aux inspecteurs primaires de s'assurer, au cours de leur enquête, non seulement de la moralité des candidats, mais encore de leur degré d'instruction. Il fallait qu' « ils sussent au moins lire et écrire couramment, observer les règles principales de la grammaire, qu'ils possédassent la pratique des. quatre règles, et qu'ils fussent en état de répondre sur le catéchisme et l'histoire sainte ». Quant aux certificats que les candidats devaient fournir pour attester leur moralité, il va sans dire que c'était celui du curé qui était le plus essentiel. Ajoutons que, pour ne pas exposer à des contacts dangereux les bons principes qui allaient être inculqués dans les écoles normales régénérées, tout congé, toute sortie particulière étaient formellement interdits (art. 21), et que les vacances ne devaient pas durer plus de quinze jours. Et, comme la tâche des directeurs et des maîtres-adjoints paraissait sans doute fort légère, le règlement décidait qu'il pourrait leur être accordé un congé d'un mois « lorsque les besoins du service le permettraient, sans que ce congé pût être accordé à plusieurs maîtres à la fois » (art. 21). Inutile de dire que les journées commençaient et finissaient par une prière, que la prière était suivie d'une lecture de piété, et que les élèves étaient conduits aux offices publics par le directeur et par les maîtres-adjoints. C'était bien un couvent laïque qu'on s'efforçait d'organiser : on n'y réussit que trop en certains endroits. La loi du 14 juin 1854, qui remit aux préfets la plupart des attributions conférées aux recteurs, ne fit qu'aggraver la situation, et le ministre Fortoul pouvait écrire, le 31 octobre 185 : « Tout le monde s'accorde à reconnaître que le régime des écoles normales et la direction de leurs études ont été considérablement améliorés par le décret du 2, 4 mars 1851 ». A force de soumission et d'humilité, les écoles normales avaient acquis le droit de vivre.
Mais le temps des épreuves pour l'enseignement primaire et pour les écoles normales touchait à sa fin, En 1856, Rouland, un esprit libéral autant qu'il s'en pouvait rencontrer au pouvoir en ce temps-là, fut appelé au ministère de l'instruction publique. Son administration fut marquée, en ce qui concerne les écoles normales, par deux mesures qui annoncent qu'une ère nouvelle commençait pour elles, non pas une ère d'émancipation et de réorganisation vraiment libérale, mais de bienveillance relative, nous dirions presque de pardon. Les deux actes dont nous voulons parler sont le décret du 7 août 1861, qui autorisait la création d'un troisième emploi de maître-adjoint dans les écoles normales où la présence de ce nouvel auxiliaire serait reconnue nécessaire, et celui du 2 août 1862, qui accordait à tout élève-maître sortant des écoles normales une allocation de 100 francs à titre de frais de première installation comme instituteur public. Au sujet du premier de ces deux décrets, on ne peut s'empêcher de remarquer avec quelle timidité le ministre entrait dans une pareille voie. « Satisfaire à toutes les exigences d'un programme qu'on a parfois trop étendu, disait-il, et qui n'est cependant partout que le développement naturel du programme légal de l'instruction primaire, donner tous les soins désirables à la préparation de cours nombreux et variés, exercer sur les élèves-maîtres une surveillance incessante, tenir journellement au courant les écritures d'administration et de comptabilité, c'est là une tâche à laquelle, aujourd'hui, trois fonctionnaires ne peuvent suffire. » (Circulaire du 25 sept. 1861.) C'était l'évidence même, et l'on s'étonne qu'après un exposé si vrai de la situation, lé ministre recommande aux recteurs de ne proposer qu'avec la plus extrême réserve la création d'un nouvel emploi de maître-adjoint. Quoi qu'il en soit, il ne fut pas difficile aux recteurs de bonne volonté de trouver d'excellentes raisons pour justifier la présence d'un troisième adjoint, et à partir de ce jour seulement la position des directeurs et des maîtres-adjoints devint moins intolérable.
Le ministère de Rouland (1856-1863) avait été une période de paix pour les écoles normales. Le ministère de Duruy (1863-1869) fut une période de réparation.
Un décret du 26 décembre 1855 avait, pour la première fois, fixé les traitements des directeurs et des maîtres-adjoints des écoles normales et les avait répartis en trois classes. Le traitement minimum des directeurs avait été fixé à 2200 francs et celui des maîtres-adjoints à 1 000 francs ; le traitement maximum des directeurs à 3000 francs et celui des maîtres-adjoints à 1800 francs. Un des premiers actes de Duruy fut de faire signer le décret du 4 septembre 1863, qui relevait le traitement minimum des directeurs et des maîtres-adjoints. C'était là comme le don de joyeux avènement du ministre. Quelques semaines plus tard (17 octobre), apprenant que des élèves-maîtres sortis des écoles normales attendaient vainement un emploi, il insiste auprès des préfets pour que les premiers postes d'instituteurs leur soient réservés, et, à défaut de postes de titulaires, les emplois d'adjoints ; et, parlant des élèves-maîtres, il s'exprime ainsi : « Ces jeunes gens présentent d'incontestables garanties de capacité et de moralité. Ils forment, l'expérience l'a démontré, l'élite de nos instituteurs. » Cet éloge des écoles normales, cette sollicitude pour les élèves et pour leurs maîtres annonçaient un revirement rassurant dans l'opinion du gouvernement.
Pendant les six années du ministère Duruy, l'intérêt qu'inspiraient les écoles normales au ministre ne se démentit pas. Il reste en communication constante avec elles. Le 13 août 1864, il demande aux élèves et aux maîtres de seconder l'heureuse initiative de l'Observatoire de Paris et de relever exactement les observations météorologiques. Le 24 décembre suivant, il recommande l'enseignement de l'arboriculture ; le 30 juin 1865, l'enseignement de la musique est rendu obligatoire ; le 2 août suivant, l'école normale d'Alger est créée et reçoit une organisation spéciale ; le 1" septembre sont instituées les conférences pédagogiques de sortie « sur la mission et les devoirs des instituteurs », et les recteurs sont invités à présider ces réunions ; le 17 mai 1866, nouvelle et pressante recommandation sur le même sujet ; le 27 août 1867, l'enseignement agricole est fondé dans les écoles normales et un certain nombre de professeurs départementaux d'agriculture sont nommés ; le 30 décembre paraît un arrêté réglant le programme de cet enseignement.
Mais de toutes les mesures prises par Duruy, celle qui a exercé l'influence la plus décisive sur l'avenir des écoles normales, c'est le décret du 2 juillet 1866, relatif à la réorganisation de ces établissements. Le but principal de ce décret est de relever le niveau des études et d'élargir le cercle où les avait enfermées le règlement du 24 mars 1851. Déjà la loi du 25 juillet 1865, portant création de l'enseignement secondaire spécial, avait permis (art. 9) d'ajouter au programme de l'enseignement primaire diverses matières, telles que le dessin d'ornement, le dessin d'imitation, la tenue des livres, les éléments de la géométrie, et les langues vivantes. Il fallait donc munir les élèves-maîtres en vue de ce nouvel enseignement : aussi la ligne de démarcation que le règlement de 1850 avait établie entre les matières obligatoires et les matières facultatives fut-elle supprimée, et l'enseignement des matières dites facultatives, relégué dans la troisième année, fut réparti sur les trois années du cours. Il ne sera pas établi de programmes nouveaux ; mais ceux qui viennent d'être rédigés pour l'enseignement secondaire spécial permettent aux maîtres des écoles normales de donner à leur enseignement, sous l'approbation du recteur, tous les développements que les circonstances comporteront. A l'histoire et à la géographie de la France s'ajoutent des notions d'histoire et de géographie générales ; les conférences de sortie sont converties en un cours régulier de pédagogie ; des notions d administration communale et la gymnastique deviennent matières obligatoires. La répartition des matières de l'enseignement dans les trois années est judicieusement fixée par un tableau qui accompagne le décret, tandis qu'une instruction détaillée indique dans quel esprit et dans quelle mesure l'enseignement sera donné désormais.
D'autre part, l'âge d'admission des élèves-maîtres est abaissé de dix-huit à seize ans, au 1er janvier de l'année où a lieu l'examen, et, un peu plus tard (19 mai 1868), au 1er octobre de l'année où les candidats se présentent ; en sorte qu'on ne verra plus les jeunes gens qui ont passé par les écoles normales être en retard de deux ou trois années sur leurs concurrents du dehors. L'enquête sur les antécédents du candidat est maintenue, mais, du moins, c'est au maire seulement qu'il appartiendra de délivrer des certificats de bonne conduite. Chose plus importante, le concours d'admission est rétabli et les conditions du concours sont déterminées avec soin par l'arrêté du 31 décembre 1867. On ne se bornera plus à s'informer si les candidats savent lire, écrire, calculer et orthographier à peu près ; on leur fera subir un examen sérieux dans lequel seront compris les éléments de l'histoire et de la géographie ; de plus, ils pourront demander à être interrogés sur des matières facultatives, chant et dessin. Enfin, pour assurer le recrutement des élèves-maîtres et pour perpétuer dans les familles d'instituteurs les traditions qui font les maîtres d'élite, le ministre songe à créer (circulaire du 20 octobre 1868), auprès des écoles normales, une classe préparatoire où seraient admis gratuitement les fils d'instituteurs qui montreraient d'heureuses dispositions.
La condition des directeurs et des maîtres-adjoints est aussi améliorée. Ils restent soumis à l'obligation de suivre la plupart des exercices ; mais il faut leur donner plus de temps et de liberté, et le ministre imagine un moyen qui a été remis en honneur depuis, et qui consiste à associer les élèves-maîtres de troisième année à la surveillance : outre qu'on soulagera ainsi les maîtres, on accoutumera les élèves à « un usage honnête de la liberté et au sentiment d'une responsabilité sérieuse ». Le ministre se réserve le droit de nommer le directeur, non plus seulement sur la proposition du recteur, mais en le choisissant dans tout le personnel enseignant. Les maîtres-adjoints peuvent, avec l'autorisation du recteur, résider hors de l'établissement, et les vacances des élèves et des maîtres sont fixées à six semaines, non compris le congé de Pâques. Enfin les exercices de l'école annexe sont recommandés d'une façon toute particulière, et le maître chargé de la direction de cette école, qui avait été jusque-là considéré comme un sous-maître (décision du Conseil du 3 juillet 1839), est assimilé aux autres maîtres-adjoints. Quant à la commission de surveillance, elle garde les attributions étendues que lui avait conférées le décret du 24 mars 1851, et l'on ne peut que regretter de lui voir conservé le droit de donner, dans son rapport annuel, des notes sur le personnel de l'école.
Sans doute, on peut relever plus d'une lacune dans le règlement du 2 juillet 1866, mais, tel qu'il est, il constitue un progrès considérable sur la législation antérieure, et il put rester en vigueur, à peu près sans modifications, jusqu'en 1881. Un des derniers actes du ministère de Duruy fut la circulaire du 6 juillet 1869, dans laquelle le ministre, qui avait tant fait pour relever le niveau de l'enseignement des filles, marquait son intention de convertir les cours normaux en écoles normales d'institutrices. Mais les événements politiques l'empêchèrent de réaliser ce projet. Il quitta le ministère le 18 juillet 1869. Un an plus tard, l’Empire disparaissait.
Ce qu'avait voulu faire Duruy pour les écoles normales d'institutrices, l'initiative privée l'avait déjà commencé. La loi de 1850 avait rendu obligatoire l'entretien d'une école primaire de filles pour toutes les communes de 800 habitants auxquelles « leurs ressources le permettraient ». La loi du 10 avril 1867 avait étendu cette obligation aux communes de 500 habitants. De là des besoins nouveaux. Mais on s'était déjà aperçu, même dans les départements les moins hostiles à l'enseignement congréganiste, que les cours normaux n'offraient pas de sérieuses garanties. Bien qu'il entretint dans ces établissements un nombre relativement important de bourses, l'Etat parvenait difficilement à y faire accepter son contrôle ; les lionnes méthodes y étaient inconnues, l'enseignement y était médiocre, et l'orientation des esprits en désaccord avec le but qu'on se proposait. Quant à l'éducation professionnelle, elle était à peu près nulle, ces cours étant dépourvus d'école annexe. On compara ces résultats avec ceux que donnaient les écoles normales d'instituteurs, et les départements où l'instruction était le plus en honneur commencèrent à convertir leur cours normal en école normale ou à créer de toutes pièces un de ces derniers établissements. Le Jura et l'Orne avaient donné l'exemple en 1842. Le Doubs, les Bouches-du-Rhône et le Loiret en 1843, les Ardennes en 1845, la Corse en 1854, la Haute-Savoie en 1861, les avaient suivis. L'ordonnance du 30 août 1842 avait régularisé la situation de ces nouveaux établissements et les avait assimilés aux écoles normales d'instituteurs. Presque tous d'ailleurs étaient, à cette époque, dirigés par des communautés religieuses.
IV. — De 1870 à 1884.
Pendant les premières années de son établissement, la troisième République, aux prises avec des périls et des difficultés de toute nature, attaquée par la coalition des partis monarchiques, menacée deux fois dans son principe (24 mai 1873 et 16 mai 1877), eut assez à faire de défendre son existence et de panser les plaies de la France ; elle ne put rien entreprendre de définitif en faveur de l'instruction primaire et par conséquent des écoles normales. Ce n'est pas que cette grave question ne préoccupât les esprits ; jamais, au contraire, les questions d'enseignement n'inspirèrent de plus universelles sympathies, et diverses tentatives furent faites pour secouer le joug de la loi de 1850 ; mais ces efforts échouèrent, à l'Assemblée nationale, devant, les résistances d'une majorité mal disposée pour l'instruction primaire. Signalons, cependant, durant ces premières années, une lettre éloquente de Jules Simon, qui, en plein siège (13 octobre 1870), écrivait au maire de Paris pour le supplier de doter enfin la capitale des deux écoles normales primaires qui lui manquaient ; la circulaire du 4 mai 1872, dans laquelle le même ministre annonce aux recteurs qu'il se préoccupe de fortifier les études dans les écoles normales et d'y introduire l'enseignement des langues vivantes ; l'arrêté du 30 septembre de la même année et le décret du 20 novembre suivant, qui, complétant l'oeuvre commencée par les décrets de 1855 et de 1863, fixent les traitements des directrices et des maîtresses-adjointes des écoles normales et relèvent ceux des directeurs et des maîtres-adjoints.
En 1874, sous le ministère de M. de Fourtou, fut prise, à la date du 21 février, une mesure destinée à renforcer l'enseignement dans les écoles normales, mesure qui a soulevé plus d'une objection, qui a été atténuée dans ses effets par la circulaire du 12 juin 1883, et qui était appelée d'ailleurs à disparaître un peu plus tard. Nous voulons parler de l'introduction, dans les écoles normales, de professeurs externes empruntés aux lycées et aux collèges, et chargés d'enseigner les matières les plus difficiles du programme. Cette mesure, « qui n'était que transitoire et qui n'était prise qu'à titre d'essai », pouvait avoir sa raison d'être en 1874 ; elle la perdit quand les écoles de Fontenay et de Saint-Cloud eurent pourvu les écoles normales primaires d'un nombre suffisant de professeurs.
Les années qui suivent sont à peu près dénuées d'intérêt pour l’objet qui nous occupe, et il nous faut arriver à l'année 1879, c'est-à-dire au premier ministère de Jules Ferry (4 février 1879-14 novembre 1881), pour trouver des faits nouveaux et, cette fois, de la plus haute portée, dans l'histoire que nous avons entrepris de raconter. A cette époque, la République est à l'abri de toute atteinte et les finances de la France sont prospères : c'est le moment de se mettre à l'oeuvre. Avec une élévation d'idées et une sûreté de méthode que nous n'avons pas à louer, Jules Ferry profila de ces circonstances favorables pour reprendre et mener à bonne fin la réorganisation de notre enseignement primaire, sur les bases posées par la Révolution et depuis longtemps abandonnées, l'obligation, la gratuité, la laïcité. Les écoles normales ne pouvaient manquer d avoir leur part dans cette oeuvre de réorganisation. Aussi voyons-nous, pendant ces années fécondes, se succéder presque sans interruption, outre les grandes lois dont nous n'avons pas à parler ici, mais dont l'exécution devait exercer une si profonde influence jusque dans les écoles normales, les décrets, les arrêtés, les circulaires qui intéressent directement ces établissements. Nous ne pourrons qu'esquisser à grands traits celle page si intéressante des annales des écoles normales, et sur plusieurs points spéciaux nous renverrons le lecteur à d'autres articles.
Dès son entrée au ministère, Jules Ferry prescrivit une enquête sur l'état de l'enseignement scientifique dans les écoles normales, et, cette enquête ayant révélé l'insuffisance des instruments de travail mis entre les mains des maîtres et des élèves, des mesures furent prises pour pourvoir, dans le plus bref délai, les collections, les cabinets de physique et les laboratoires de chimie des écoles normales. Le 18 février 1880, le ministre annonçait que les ressources mises à sa disposition lui permettaient de créer immédiatement un quatrième emploi de maître-adjoint dans douze écoles normales ; la mesure ne devait pas tarder à s'étendra à toutes les autres écoles. Quelques semaines plus tard, — chose nouvelle et bien digne d'un gouvernement démocratique! — il réunissait en un congrès pédagogique les directeurs et un certain nombre de maîtres-adjoints, et les consultait sur les questions qui touchent de plus près au régime des écoles normales. Le 7 mai 1880, il décidait que l'indemnité de 100 francs accordée aux élèves-maîtres pourvus du brevet supérieur serait portée à 200 francs, et que des voyages d'études en France et à l'étranger seraient organisés en faveur des plus distingués de ces élèves. Le 5 juin suivant, le certificat d'aptitude à la direction et à l'enseignement des écoles normales était créé et les conditions de l'examen réglées : désormais les établissements auront un personnel enseignant à la hauteur de ses fonctions. Les maîtres pourvus de ce certificat prendront le titre de professeur. Ce titre est conféré aux maîtres-adjoints et aux maîtresses-adjointes qui, au moment de la promulgation du décret du 5 juin 1880, comptaient dix ans d'exercice et quarante ans d'âge (décret du 16 décembre 1882), et pour rehausser la valeur de ce titre, il fut décidé, sauf exceptions, que les candidats aux fonctions de directeur, de directrice d'école normale et d'inspecteur primaire devraient en être pourvus (décret du 23 décembre 1882). Le 22 juillet 1881, un décret préludait à la réorganisation des écoles normales en introduisant dans le programme des études l'instruction morale et civique, la pédagogie, les travaux manuels, pour les élèves-maîtres, et l'économie domestique, pour les élèves-maîtresses. Ce même décret, reprenant le texte même de l'article 2 de la loi du 28 juin 1833, garantissait la liberté de conscience des élèves-maîtres. Le 16 juin 1880 avait été votée la grande loi de la gratuité de l'enseignement primaire, et ses bienfaits s'étendirent aux écoles normales : il n'y eut plus des lors de boursiers, de demi-boursiers, de pensionnaires libres, mais des jeunes gens que l'Etat prépare à l'enseignement et qu'il instruit gratuitement, assurant ainsi le recrutement des écoles normales non parmi les plus aisés, mais parmi les plus dignes. Ces candidats les plus dignes, il faut le reconnaître, ce n'est ni l'enquête confiée aux inspecteurs primaires, ni les épreuves d'un rapide concours qui peuvent suffire à les désigner : on réunira donc à l'école normale même, selon le voeu formulé par le congrès de 1880, tous les candidats déclarés admissibles, et là, pendant huit ou dix jours, une enquête sérieuse s'ouvrira sous les yeux du directeur et de ses collaborateurs, sur « les qualités d'esprit et de caractère qui sont les indices sérieux de ce qu'on est convenu d'appeler la vocation » (Circulaire du 17 juin 1880).
Enfin paraissent les décrets du 29 juillet 1881, du 1er août 1881 et du 3 août 1881, dont l'ensemble forma la constitution des écoles normales. Nous ne parlerons pas du décret du 1er août, qui d'ailleurs fut abrogé par ceux du 29 juillet 1882 et du 16 avril 1883. Nous nous arrêterons un peu longuement sur les deux autres décrets, et, en montrant en quoi ils diffèrent de celui de 1866, nous nous efforcerons d'en faire ressortir le caractère et la portée.
« Les écoles normales relèvent du recteur, sous l'autorité du ministre de l'instruction publique « (art. 1er du décret du 29 juillet 1881). Ce premier article est toute une révolution dans le régime des écoles normales. Sans doute, par certains côtés, les écoles normales sont encore des établissements départementaux, puisque leurs dépenses d'entretien sont prélevées sur les quatre centimes spéciaux des départements. A ce point de vue, les écoles normales relèvent encore du Conseil général et du préfet. Mais le recteur en a la haute direction, il dirige les études, contrôle tout le personnel enseignant, nomme les élèves-maîtres et, à l'aide des inspecteurs d'académie, exerce une autorité toujours présente. La commission de surveillance est maintenue ; elle peut continuer « à remplir une mission toute paternelle d'inspection et de surveillance ayant trait à la discipline, à la tenue générale de l'établissement, à l'ordre intérieur, à la situation morale des élèves et des maîtres, à tout ce qu'on appelle d'un mot si juste l'esprit de la maison » (Circulaire du 18 octobre 1881) ; mais elle n'a plus qualité « pour intervenir dans le règlement des études, pour noter la valeur professionnelle de chaque cours et de chaque professeur ». Toutes choses sont donc remises à leur place.
Le directeur est toujours nommé par le ministre, mais il doit, comme nous l'avons dit plus haut, offrir des garanties de capacité qu'on n'avait pas jusqu'alors exigées de lui. Il reste chargé d'une partie de l'enseignement, mais de la partie la plus élevée, de celle par laquelle s'exerce sur les élèves l'influence la plus profonde, c'est-à-dire la pédagogie, la psychologie et la morale. De plus, la création d'économes spéciaux le débarrasse, non du souci de la direction et de la surveillance générale de la maison, mais du tracas des menues affaires de détail et de la gestion économique ; il peut ainsi se donner tout entier à ce qui est sa mission véritable, former des instituteurs et des hommes. Sa situation, améliorée au point de vue matériel, l'est donc encore au point de vue moral, et son autorité s'en accroît.
Le personnel enseignant grandit, lui aussi, en indépendance et en dignité. Les maîtres, qui ont fait leurs preuves devant des jurys d'examen ou dans le service des écoles normales, reçoivent un titre qui les relève aux yeux de leurs élèves et du public. Dès le mois de juillet 1879, le ministre, se préoccupant de ces modestes fonctionnaires, si oubliés et même sacrifiés jusque-là, écrivait aux recteurs de prendre les mesures nécessaires pour que les conditions de leur vie matérielle, dans l'intérieur de l'école, fussent améliorées, pour qu'on mît à leur disposition une salle commune de travail, pour qu'on leur accordât des prestations en nature et que l'on se départît du règlement qui leur mesurait si parcimonieusement le vivre et le couvert. Ce n'était qu'un commencement : le 21 octobre de la même année, une nouvelle circulaire définissait, avec une grande largeur de vues, la mission et le rôle des maîtres-adjoints, et invitait les recteurs à rechercher les moyens de diminuer pour eux le poids de la surveillance et particulièrement de la surveillance de nuit « qui les rebute », soit en confiant ce service à des maîtres célibataires, soit en augmentant le personnel, soit, comme le voulait Duruy, en associant les élèves eux-mêmes à la surveillance. Le décret du 29 juillet 1881, en autorisant les recteurs à nommer, là où besoin serait, des surveillants spéciaux, alla plus loin encore dans cette voie, et l'on put craindre un instant que les maîtres-adjoints et les professeurs ne se désintéressassent plus que de raison, en dehors des heures de classe, du travail des élèves, de la formation de leurs habitudes et de leur caractère. D'autre part, on s'imagina, bien à tort, que le ministre avait entendu créer, dans chaque école normale, un service spécial de surveillance, analogue à celui qui existe dans les établissements d'enseignement secondaire, alors qu'il s'agissait seulement de débarrasser le personnel enseignant de la tâche ingrate de surveiller les élèves dans un moment où il ne peut exercer sur eux aucune action éducatrice, et de former, en les associant à l'enseignement, une pépinière de jeunes maîtres que leur aptitude professionnelle aurait désignés au choix des recteurs et qui, ayant des loisirs, pourraient travailler à leur instruction personnelle et se préparer à subir des examens plus sérieux. La pensée du ministre ne fut pas comprise, l'institution dévia, et il fallut revenir en arrière. La circulaire du 12 juin 1883 signala l'abus et invita les recteurs à ne confier désormais le service de la surveillance intérieure à des maîtres spéciaux qu'autant qu'il ne se trouverait pas dans l'établissement de maître-adjoint ou de professeur célibataire pouvant s'occuper de ce soin matériel. Enfin la circulaire du 5 février 1884 régla ce service sur les bases suivantes : Les professeurs et les maîtres adjoints ne sont pas tenus d'intervenir « dans les soins domestiques qui sont nécessaires au bon ordre de la maison, au bon entretien des objets, au bon emploi du temps, à la ponctualité des exercices, à l'uniformité des heures de travail, de repos, d'étude » ; c'est affaire de l'économe et du directeur ; mais ils doivent rester les amis et les guides des élèves, se préoccuper de leurs travaux et de leur éducation, comme un père vigilant se préoccupe des travaux et de l'éducation de ses enfants ; ils visiteront les études, non pour y faire régner le silence, mais pour y distribuer des conseils et apporter une aide ; ils se mêleront à la vie active des élèves, aux promenades, aux récréations, non pour y montrer le visage d'un surveillant morose, mais pour y exercer « cette succession d'influences intimes et "pénétrantes qui constitue vraiment la discipline des esprits ». Quant à l'ordre matériel, il faut s'en remettre aux élèves pour l'établir eux-mêmes, sous la surveillance éloignée, mais toujours présente, du directeur. Par la mise en vigueur de ce régime nouveau, d'un caractère à la fois « libéral et familial », le personnel enseignant des écoles normales fut enfin délivré de la lourde chaîne qui pesait sur lui depuis de longues années ; la muraille que le règlement du 24 mars 1851 avait élevée autour des écoles normales, et dans laquelle le règlement de 1866 avait fait une première brèche, était définitivement renversée. Le couvent laïque qu'on s'était ingénié à organiser avait cessé d'exister non seulement pour les maîtres, mais aussi pour les élèves.
Les sorties, proscrites avec tant de soin par les règlements antérieurs, furent établies, et les élèves-maîtres cessèrent d'être séparés du reste du monde. Les pratiques religieuses, qui leur étaient imposées, devinrent facultatives, «t leur liberté de conscience reçut une nouvelle consécration. L'aumônier ne résida plus dans l'école, et, la loi sur la laïcité ayant été promulguée peu de temps après, cette charge fut supprimée (décret du 9 janvier 1883). L'enseignement religieux ne fut plus donné dans l'établissement, mais toute liberté fut accordée aux élèves pour remplir au dehors leurs devoirs religieux. La retenue fut supprimée ; l'exclusion définitive ne put être prononcée que par le ministre ; le secret de la correspondance dut être respecté (cire, du 26 décembre 1882) ; les années passées à l'école normale comptèrent, à partir de dix-huit ans, si l'élève était pourvu du brevet élémentaire, pour la réalisation de l'engagement décennal et pour l'avancement dans les fonctions d'enseignement primaire.
L'âge d'admission était abaissé à quinze ans au 1" janvier de l'année où les candidats se présentent et, quelques mois plus tard, cette limite fut reportée, par mesure provisoire, à quinze ans au 1er octobre, La production des certificats délivrés par les autorités locales fut supprimée, comme une formalité inutile, mais les inspecteurs primaires restèrent chargés de s'enquérir des antécédents des candidats, et la nouvelle forme de concours instituée par le décret du 21 janvier 1881 fut confirmée.
Enfin, comme l'avait déjà fait prévoir le décret du 21 janvier 1881, le cadre de l'enseignement fut définitivement élargi par le décret du 29 juillet 1881, Depuis longtemps, on réclamait de toutes parts des programmes détaillés qui fixassent l'étendue et les limites de l'enseignement dans les écoles normales. Dès le mois de janvier 1881, le programme le plus impatiemment attendu, parce qu'il concernait des matières nouvelles et délicates, le programme de l'instruction morale et civique, ainsi que celui des cours de pédagogie, fut arrêté en Conseil supérieur et porté à la connaissance du personnel enseignant. Le 3 août suivant, tous les autres programmes furent publiés et accompagnés d'une instruction générale sur la méthode à suivre pour les appliquer. Désormais le champ de l'enseignement était nettement circonscrit ; la matière des études était judicieusement répartie entre les trois années du cours, et le nombre de leçons que chaque enseignement comporte était déterminé. Les maîtres savaient où ils devaient aller et jusqu'où ils devaient aller, et par quelles méthodes : l'unité succédait à la diversité des interprétations ; la règle, à l'incohérence. Peut-être fallait-il regretter qu'une trop large place eût été faite dans ces programmes à l'enseignement scientifique ; qu'on eût réservé trop peu de temps pour les études littéraires, si étrangères aux élèves jusqu'à leur entrée à l'école. L'expérience le dira, et, quand elle aura suffisamment parlé, rien ne sera plus facile que de rétablir un équilibre qui nous paraît rompu.
Nous ne pouvons donner ici le texte des programmes du 3 août 1881. Mais nous croyons devoir reproduire in-extenso l'Emploi du temps et le Tableau de la répartition des matières d'enseignement. L'Emploi du temps étant le même, sauf quelques légères différences, pour les écoles normales d'institutrices, nous donnerons le texte relatif aux écoles d'instituteurs, en signalant au passage les points où le texte relatif aux écoles d'institutrices diffère de celui-là :
« 1° EMPLOI DU TEMPS.
« ARTICLE PREMIER. — L'emploi des journées, autres que les jeudis, dimanches et jours de fête, est réglé ainsi qu'il suit dans les écoles normales primaires d'instituteurs [d'institutrices] :
« Il sera donné huit heures au moins au sommeil.
« Sur les heures de la journée, six environ seront employées aux soins de propreté, repas, récréations et exercices corporels.
« Des heures réservées au travail, cinq au moins seront consacrées au travail personnel, aux lectures et à la préparation des classes en étude.
« Aucun cours n'aura lieu le dimanche, non plus que dans l'après-midi du jeudi ; l'emploi de ces journées sera réglé par le directeur [la directrice] conformément aux prescriptions des articles 31, 32 et 33 du décret du 20 juillet 1881. (L'art. 31 a été modifié par le décret du 9 janvier 1883.)
« ART. 2. — Les élèves-maîtres [élèves-maîtresses] sont, à tour de rôle, exercés à la pratique de l'enseignement, sous la direction du maître [des maîtresses] chargé [chargées] de l'école annexe [et de l'école maternelle], conformément aux dispositions de l'article 6 du décret du 29 juillet 1881.
« Les élèves de première année assistent à ces exercices ; les élèves de deuxième année remplissent les fonctions d'instituteurs adjoints [institutrices adjointes] ; ceux [celles] de troisième année peuvent être plus particulièrement associés à la direction de la classe [ou de l'école maternelle].
« Le nombre des élèves-maîtres [élèves-maîtresses] détachés à l'école annexe [et à l'école maternelle] est proportionné à l'effectif de l'école normale et calculé de manière que chaque élève fasse au moins vingt jours [trente jours] d'enseignement pratique par an.
« La répartition des cours à l'école normale est faite de telle sorte que les leçons les plus importantes soient placées en dehors des heures que les élèves-maîtres [élèves-maîtresses] passent à l'école annexe [ou à l'école maternelle].
« ART. 3. — Les élèves de troisième année et, pendant le second semestre, ceux [celles] de deuxième année, sont fréquemment exercés, soit en classe, soit dans des conférences, à l'enseignement oral sur chacune des matières du programme d'études. Sous la direction de leurs professeurs, ils [elles] rendent compte d'une leçon ou d'une lecture, expliquent un texte français, corrigent un devoir, exposent une question du cours ou les résultats d'un travail personnel.
« Les élèves de troisième année font, en outre, à tour de rôle, des leçons devant leurs professeurs et les élèves-maîtres [éléves-maîtresses]. Cet exercice a lieu de préférence le jeudi ou le dimanche. La leçon dure une demi-heure au plus. Elle porte sur un sujet d'enseignement ou de méthode choisi par l'élève et agréé par le directeur [la directrice]. Elle donne lieu, de la part des élèves, à des observations critiques qui sont complétées ou rectifiées par les professeurs et le directeur [la directrice].
« ART. 4. — Le directeur [la directrice] veillera à ce que l'enseignement de l'école normale ne soit, dans aucune de ses parties, détourné du but auquel il doit tendre ; il [elle] veillera particulièrement à ce que les différents professeurs ne cèdent pas à la préoccupation exclusive de préparer leurs élèves aux examens du brevet, mais s'efforcent de leurs faire acquérir les qualités intellectuelles et morales indispensables à l'instituteur [à l'institutrice].
« Il [elle] recommandera d'éviter la recherche des détails, des subtilités et des curiosités qui feraient perdre à l'enseignement des écoles normales son caractère pratique et professionnel. Il [elle] s'assurera que les devoirs écrits des élèves-maîtres [élèves-maîtresses] sont corrigés et annotés avec soin par les professeurs et qu'il est donné un temps suffisant, dans tous les cours, aux interrogations et aux récapitulations.
« Il [elle] proscrira l'usage des manuels faits en vue de l'examen, l'abus des cours dictés, des copies, des cahiers dits de mise au net, de tout procédé qui encouragerait le travail machinal et tendrait à substituer un effort de mémoire à un effort de réflexion.
« Il [elle] prendra soin que, dans tous les cours professés à l'école et dans les exercices de l'école annexe [ou de l'école maternelle], il soit fait une large part à l'étude des méthodes et des procèdes propres à l'enseignement primaire. [Enfin, en dehors des heures de classe et d'étude, elle s'efforcera, par des conseils et des directions pratiques, d'initier les élèves-maîtresses à tout ce qui concerne les travaux et les soins du ménage.]
« ART. 5. — La répartition des matières d'enseignement dans les écoles normales d'instituteurs [d'institutrices] est réglée par année et par cours, conformément au tableau ci-après. »
2° REPARTITION DES MATIERES D'ENSEIGNEMENT
A. — DANS LES ECOLES NORMALES D'INSTITUTEURS.
1. Une heure pendant un semestre. — 2. Une heure pendant un semestre. — 3. Deux heures pendant un semestre, une heure pendant l'autre. — 4. Une heure pendant un semestre.
L'institution des écoles annexes, si intéressante au point de vue de l'éducation professionnelle des élèves-maîtres, ne pouvait manquer d'être, elle aussi, l'objet de la sollicitude de l'administration. Les directeurs de ces écoles ne sont plus considérés comme des fonctionnaires d'ordre inférieur ; ils sont déchargés de toute participation à la surveillance, et ils ont rang de professeur, s'ils en ont le titre.
Nous avons omis, à dessein, de parler jusqu'ici de l'importante loi du 9 août 1879, parce que cette loi, en raison de son importance même, méritait une place à part.
On sait quelle en est la portée et l'économie. Elle rendit obligatoire pour tous les départements « l'installation première et l'entretien » d'une école normale primaire d'instituteurs et d'une école normale d'institutrices. Un délai de quatre années était accordé aux départements pour exécuter la loi (articles 1er et 2). Les autres articles réglaient les voies et moyens d'exécution.
En ce qui concerne les écoles normales d'instituteurs, la loi de 1879 ne fit que confirmer ce qui avait été fait dans la plupart des départements, grâce à l'initiative des Conseils généraux et malgré la faculté redoutable que leur avait accordée la loi de 1850. Quand la loi de 1879 fut promulguée, il y avait en France 79 écoles normales d'instituteurs, recevant une population de 3483 élèves. Huit départements en manquaient encore ; mais le Lot-et-Garonne, le Morbihan, le Pas-de-Calais et l'Oise satisfirent, en 1879, en 1883 et en 1884 à l'obligation que leur imposait la loi, et ceux de la Haute-Savoie, de la Charente, des Côtes-du-Nord et du Lot s'y conformèrent peu après. Ajoutons que l'Algérie compte deux écoles normales d instituteurs, et que les trois dernières écoles normales qui fussent encore dirigées par des congréganistes (Cantal, Finistère et Seine-Inférieure) sont aujourd'hui laïcisées.
Rappelons, pour finir sur ce point, que des associations protestantes ont ouvert à Mens, dans l'Isère, en 1833, à Dieulefit dans la Drôme, en 1834, et à Montbéliard, dans le Doubs, en 1838, des établissements destinés à recruter le personnel des instituteurs protestants, et connus sous le nom d'écoles modèles : Voir : Modèles protestantes (Ecoles).
Les conséquences de la loi de 1879 furent bien autrement importantes pour les écoles normales d'institutrices. Nous les avons vues naître vers 1840 et s'organiser sous la protection de l'ordonnance du 30 août 1842. Le mouvement ne s'accentua pourtant qu'à partir de 1870. Aux huit écoles normales que nous avons nommées, onze nouvelles s'ajoutèrent d'abord, de cette date à 1879, dans les départements de l'Isère, de l'Eure-et-Loir, de Saône-et-Loire et de l'Yonne (1872) ; de l'Allier (1873) ; de la Seine et de l'Algérie (1874) ; de l'Hérault, du Rhône et de la Somme (1876) ; et de la Côte-d'Or (1879). Ces dix-neuf écoles normales recevaient six cents élèves et elles s'étaient peu à peu dégagées des liens qui les unissaient aux congrégations. En 1879, il n'y en avait plus que huit qui ne tussent pas laïcisées : elles l'ont été toutes depuis. Grâce à la loi du 9 août 1879, les écoles normales d'institutrices se sont développées rapidement : leur nombre était en 1884 de soixante-trois. L'année 1885 devait voir s'ouvrir cinq de ces établissement dans les Basses-Alpes, l'Eure, le Finistère, l'Ille-et-Vilaine et le Vaucluse. Dans les Alpes-Maritimes, l'Aveyron, le Calvados, les Côtes-du-Nord, la Creuse, l'Indre, les Landes, le Lot, le Maine-et-Loire, la Manche, la Mayenne, la Meuse, la Savoie, le Tarn, le Var et la Vienne, la question était résolue en principe. Ajoutons que, médiocrement installées au début, les anciennes écoles normales d'institutrices ont reçu, comme les écoles normales d'instituteurs, de nombreuses et importantes améliorations matérielles, tandis que les écoles nouvelles étaient construites dans des conditions tout à fait favorables. Disons enfin qu'après un essai pour organiser, dans les départements, des cours spéciaux où se formeraient les directrices d'écoles maternelles, les écoles normales d'institutrices ont été chargées de ce soin, et qu'elles sont en état de rendre très utilement ce nouveau service, puisque, en vertu du décret du 29 juillet 1881, elles doivent être pourvues d'une école maternelle.
Ainsi, on peut dire qu'après bien des vicissitudes, le grand service de l'instruction primaire a été muni de ses organes les plus indispensables, et que désormais le recrutement des instituteurs et des institutrices est assuré dans les conditions les plus conformes à l'es prit moderne.
[E. JACOULET, avec corrections et additions]
V. — De 1884 à l'époque actuelle.
Les décrets du 29 juillet, du 1er et du 3 août 1881, ont été abrogés, mais leurs principales dispositions se retrouvent dans la loi du 30 octobre 1886, le décret et l'arrêté du 18 janvier 1887, actuellement en vigueur.
Avec ces règlements organiques, la constitution des écoles normales était définitivement fixée. Les retouches qui y furent apportées dans les années suivantes laissèrent intactes les grandes lignes de l'organisation administrative et pédagogique.
Toutefois des modifications importantes, dont on trouvera plus loin le détail, ont été introduites dans le plan d'études, par le décret et l'arrêté du 4 août 1905, en vue de fortifier l'éducation professionnelle des élèves-maîtres. L'objet de la réforme est ainsi défini dans les instructions adressées aux recteurs pour l'application des décret et arrêté du 4 août 1905 : « Réduire les heures de leçons magistrales données aux élèves, augmenter les heures consacrées au travail et à la réflexion personnelle ; proscrire toute méthode qui ne mette en exercice les facultés actives de l'esprit, multiplier, surtout dans l'enseignement des sciences, les contacts avec la réalité ; élaguer des programmes, par un sacrifice nécessaire, les matières de surcharge qui les encombrent, pour faire place à des enseignement et à des notions répondant plus exactement à la mission actuelle de nos instituteurs et de nos institutrices : telle a été notre ambition et notre but. Il nous a paru que la fonction essentielle de nos écoles normales consistait moins à préparer des brevetés qu'à former par une culture spéciale les futurs éducateurs de la démocratie. Après une expérience poursuivie avec succès pendant plusieurs années et étendue peu à peu à vingt de nos écoles, il a été établi que deux années suffisaient, surtout avec des programmes remaniés et réduits, pour l'obtention du brevet supérieur ; et que la troisième année, affranchie des préoccupations trop exclusives d'un examen toujours aléatoire, devait être entièrement consacrée, d'une part, à des études plus désintéressées et d'une portée sociale plus directe, ne comportant pas la sanction d'un examen ; d'autre part, à une connaissance plus complète et plus approfondie des procédés et des méthodes pédagogiques, jointe à des exercices pratiques plus variés et plus longtemps prolongés. C'est ainsi que les programmes de troisième année, outre une révision plus rapide des grands faits de l'histoire humaine, qui en établissent la continuité et l'enchaînement, comportent, pour les garçons : des notions pratiques de droit usuel, de cosmographie, un enseignement sérieux et scientifique de l'hygiène, les principales applications de la physique et de la chimie a. l'agriculture, aux industries de chaque région ; pour les jeunes filles, un enseignement ménager pratiquement organisé, des notions d'hygiène, de puériculture, de médecine usuelle. Nous estimons que l'enseignement de l'école ne doit jamais perdre de vue, comme un pôle dirigeant, l'apprentissage de la vie, et que le progrès scientifique, éclos dans les laboratoires du haut enseignement, si lent à se répandre et à pénétrer les couches profondes du peuple, ne peut avoir de plus utiles intermédiaires et de vulgarisateurs plus écoutés que les jeunes maîtres et maîtresses, formés à loisir dans nos écoles normales, sur les plans et d'après les directions formulées par les maîtres les plus éminents de la science contemporaine. » (Circulaire du 7 octobre 1905.)
B. — ETAT ACTUEL
I. — Organisation générale.
Les écoles normales primaires sont des établissements publics destinés à former des instituteurs et des institutrices pour les écoles publiques : écoles maternelles, écoles primaires élémentaires, et écoles primaires supérieures. (Décret du 18 janvier 1887, article 56.)
Aux termes de la loi du 9 août 1879 (article 1er), tout département doit être pourvu d'une école normale d'instituteurs et d'une école normale d'institutrices suffisantes pour assurer le recrutement de ses instituteurs communaux et de ses institutrices communales.
Toutefois un décret du président de la République peut, sur l'avis conforme du Conseil supérieur de l'instruction publique, autoriser deux départements à s'unir pour entretenir en commun soit l'une ou l'autre de leurs écoles normales, soit toutes les deux.
Jusqu'ici les départements du Gers et des Hautes-Pyrénées, des Basses-Alpes et de Vaucluse, des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône, de Tarn-et-Garonne et de Lot-et-Garonne, ont seuls profité de cette latitude. En outre, l'école normale d'instituteurs du Tarn a été fusionnée sans réciprocité avec celle de la Haute-Garonne, et l'école normale d'institutrices de Vesoul est commune au département de la Haute-Saône et au territoire de Belfort.
Les traitements du personnel des écoles normales et les frais d'entretien des élèves sont à la charge de l'Etal, mais l'entretien, et, s'il y a lieu, la location des bâtiments des écoles normales, de même que l'entretien et le renouvellement du mobilier de ces écoles et du matériel d'enseignement, sont à la charge des départements. (Loi du 19 juillet 1889, article 2, paragraphes 4 et 7, et article 3, paragraphes 2 et 3.)
Les écoles normales relèvent du recteur sous l'autorité du ministre de l'instruction publique.
Le régime de ces écoles est l'internat. L'internat est gratuit. Cependant, sur la proposition du recteur et avec l'approbation du ministre de l'instruction publique, les écoles normales peuvent recevoir des demi-pensionnaires et des externes, à titre également gratuit et aux mêmes conditions d'admission. (Décret du 18 juillet 1887, articles 57 et 58.)
La durée du cours d'études est de trois ans. (Même décret, article 59.) Chaque année, le 15 mai au plus tard, le Conseil départemental de l'instruction publique est consulté par le préfet sur le nombre des élèves-maîtres et des élèves-maîtresses qu'il y a lieu d'admettre en première année, dans chaque école normale, en qualité d'internes, de demi-pensionnaires ou d'externes.
L'extrait de la délibération du Conseil départemental est, dans le plus bref délai, adressé par le préfet au recteur.
Le recteur doit, avant le 1er juin, adresser au ministre, avec ses propositions et l'avis du Conseil départemental, un état faisant connaître le nombre d'instituteurs ou d'institutrices publics nécessaires chaque année dans le département, ainsi que le nombre d'élèves-maîtres ou d'élèves-maîtresses présents à l'école normale.
La décision du ministre, fixant le nombre des candidats à admettre en qualité d'élèves internes, demi-pensionnaires ou externes, est notifiée au préfet du département et au recteur de l'académie. (Arrêté du 18 janvier 1887, articles 68 et 69.)
Les écoles normales constituent des établissements publics. Toutefois les Conseils généraux donnent leur avis sur les budgets et les comptes de ces établissements.
Chaque école normale est administrée par un directeur et un conseil d'administration nommé pour trois ans.
Ce conseil est composé : de l'inspecteur d'académie, président, de quatre membres désignés par le recteur, et de deux conseillers généraux élus par leurs collègues. (Loi du 19 juillet 1889, art. 47 ; décret du 29 mars 1890, art. 1er.)
Le directeur ne fait pas partie de droit du conseil d'administration, mais il peut assister aux séances avec voix consultative. Rien n'empêche même le recteur de comprendre le directeur de l'école au nombre des quatre membres qu'il a à choisir sous sa responsabilité, avec cette réserve que le directeur doit s'abstenir lorsqu'il est délibéré sur son compte administratif. (Circulaire du 6 décembre 1889.) — Voir plus loin la section Administration économique.
Une école primaire dans laquelle les élèves s'exercent à la pratique de l'enseignement, sous la direction d'un maître spécialement nommé à cet effet, est annexée à chaque école normale.
Il doit y avoir, en outre, annexée à chaque école normale d'institutrices, une école maternelle. (Décret du 18 janvier 1887, art. 61.) — Voir Application (Ecoles d').
Les deux écoles normales de la Seine sont soumises, en ce qui concerne l'organisation, a des conditions spéciales : Voir Seine (Ecoles normales de la).
II. — Personnel administratif et enseignant
Les directeurs des écoles normales sont nommés par le ministre de l'instruction publique. Ils doivent être âgés de trente ans au moins et être pourvus du certificat d'aptitude au professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures, ou de la licence ès lettres ou ès sciences, et du certificat d'aptitude à l'inspection et à la direction des écoles normales. (Décret du 18 janvier 1887. art. 62.)
Le directeur réunit chaque mois les professeurs et examine avec eux toutes les questions qui intéressent l'enseignement et la discipline de l'école. Les comptes-rendus de ces réunions sont envoyés à l'inspecteur d'académie dans le délai de huit jours.
Indépendamment de la direction matérielle et morale de l'établissement, des cours et des conférences de morale et de pédagogie, le directeur est chargé de la surveillance de l'enseignement et de la direction de l'éducation professionnelle des élèves-maîtres.
Il prend soin que dans tous les cours de la troisième année et dans les exercices des écoles annexes et des écoles d'application, il soit fait une large place à l'étude des méthodes et des procédés propres à l'enseignement. (Arrêté du 4 août 1905, articles 15 et 16.)
Un fonctionnaire, spécialement chargé du service de l'économat et pourvu du titre d'économe, est attaché aux écoles normales les plus importantes soit d'instituteurs, soit d'institutrices.
Dans les écoles normales dont l'effectif ne dépasse pas 60 élèves et dans celles qui n'ont que des élèves externes, les fonctions d'économe sont confiées à un des maîtres de l'école, qui conserve son traitement avec une allocation supplémentaire de 500 francs. Cette indemnité n'est pas soumise aux retenues pour pensions civiles.
Dans les écoles normales d'instituteurs, l'économe est chargé de l'enseignement de la tenue des livres. Dans les écoles normales d'institutrices, l'économe est chargée de l'enseignement de la tenue des livres et de l'économie domestique. L'un et l'autre peuvent en outre être chargés d'autres cours suivant leurs aptitudes, sauf dans les écoles normales comptant plus de 60 élèves. (Décret du 18 janvier 1887, art. 63: Loi du 19 juillet 1889, art. 21.)
Les économes sont nommés par le ministre. Ils doivent fournir un cautionnement dont le chiffre est fixé par le ministre de l'instruction publique, de concert avec le ministre des finances.
Les candidats à l'économat doivent être pourvus du brevet supérieur et du certificat d'aptitude pédagogique. Ils doivent être âgés de vingt et un ans au moins et avoir accompli une année de stage auprès de l'économe d'une école normale. Ils ne reçoivent, pendant la durée de leur stage, aucune indemnité, mais ils peuvent être logés et nourris à l'école. Ils subissent, à la fin de leur stage, un examen spécial. (Décret du 18 juillet 1887, art. 64.)
L'économe reçoit ampliation de l'arrêté ministériel qui le nomme par l'intermédiaire du recteur de l'académie dans le ressort de laquelle est située l'école normale où il doit remplir ses fonctions. Une autre ampliation de ce même arrêté est adressée au préfet du département dans lequel se trouve l'école. Le préfet est chargé de donner au trésorier-payeur général avis de la nomination du nouvel économe.
L'économe est installé par l'inspecteur d'académie, entre les mains duquel il doit au préalable prêter serment. La prestation de serment et l'installation ne peuvent avoir lieu qu'après justification du versement du cautionnement.
Les pièces relatives à la prestation du serment, à l'installation et au versement du cautionnement sont transmises au ministre de l'instruction publique par le recteur.
Le service est remis au nouvel économe le jour même de son installation. (Arrêté du 18 janvier 1887, articles 72, 73 et 74.)
Le directeur et l'économe habitent dans rétablissement.
Ils ne sont pas nourris, mais ils ont droit aux prestations en nature.
La question du logement des économes a fait l'objet d'un avis du Conseil d'Etat en date du 4 juin 1891, d où il résulte que les départements sont tenus d'installer dans l'école un logement destiné, soit aux économes titulaires, soit aux professeurs chargés de l'économat, et qu'il appartient au gouvernement, dans le cas où un Conseil général refuserait de pourvoir à cette dépense, de l'inscrire d'office au budget départemental. Par contre, aucune disposition de loi n'oblige les départements à allouer aux fonctionnaires chargés de l'économat, à défaut de logement, une indemnité représentative.
Dans les écoles normales d'instituteurs, tous les autres fonctionnaires sont externes. Toutefois, les professeurs et maîtres délégués qui en font la demande peuvent, sur la proposition du recteur, être autorisés par le ministre à habiter dans l'école et à prendre leurs repas à la table commune. En échange de ces avantages, ils sont chargés de diriger les différents services de surveillance intérieure.
Dans les écoles normales d'institutrices, les professeurs et les maîtresses déléguées ne peuvent habiter hors de l'établissement qu'avec l'autorisation du recteur. (Arrêté du 18 janvier 1887, art. 77.)
L'enseignement est donné par des professeurs nommés par le ministre, et, à défaut, par des instituteurs délégués par le ministre à titre provisoire en qualité de maîtres-adjoints et qui doivent être pourvus du brevet supérieur et du certificat d'aptitude pédagogique.
Pour les traitements du personnel, voir Classement, Avancement et Traitements, et en outre Seine {Ecoles normales de), Des maîtres spéciaux, nommés ou délégués par le ministre, suivant qu'ils sont ou non pourvus du titre de capacité correspondant à la fonction qu'ils exercent, peuvent être chargés, à défaut de professeurs pourvus des mêmes titres, de l'enseignement des langues vivantes, du dessin, du chant et de la musique, de la gymnastique, des travaux manuels.
Leur rétribution annuelle, non soumise à retenue, est fixée pour chaque heure d'enseignement par semaine de la manière suivante :
Langues vivantes, 150, 175, 200 francs ;
Dessin, 150, 175, 200 francs ;
Chant et musique, 100, 125, 150 francs ;
Travaux manuels, 100, 125, 150 francs ;
Gymnastique et exercices militaires, 80, 100 et 120 fr.
Les augmentations prévues ci-dessus ne peuvent être accordées qu'après cinq ans de jouissance du taux inférieur.
Les maîtres et les maîtresses non pourvus du titre de capacité correspondant à l'enseignement donné ne sont chargés de cet enseignement qu'à titre provisoire. Dans ce cas, le taux de leur rétribution est fixé au minimum ci-dessus indiqué. (Décret du 4 octobre 1894, art. 2.)
L'enseignement de l'agriculture, dans les écoles normales d'instituteurs, est confié au professeur départemental ou, à défaut, à un maître désigné par le ministre.
Dans toute école normale d'instituteurs, un des maîtres est spécialement chargé de la direction de l'école annexe.
Dans les écoles normales d'institutrices, deux maîtresses sont chargées de diriger, l'une, l'école primaire, l'autre, l'école maternelle, annexées à l'établissement.
Des maîtres ouvriers peuvent, avec l'approbation du ministre, être employés dans les écoles normales d'instituteurs, à titre d'auxiliaires du professeur de travail manuel ; ils reçoivent un salaire dont le chiffre est fixé par le ministre sur la proposition du recteur. (Décret du 18 janvier 1887, articles 65, 66 et 67.)
Ce salaire ne peut dépasser 150 francs par an pour les écoles de moins de 70 élèves et 200 francs pour les autres (Décret du 4 octobre 1894, art. 3).
Chaque année, le recteur, sur la proposition du directeur et après avis de l'inspecteur d'académie, arrête la répartition du service entre les membres du personnel enseignant.
Le ministre fixe, sur la proposition du recteur, le nombre d'heures supplémentaires qu'il y a lieu d'attribuer à chacun des professeurs ou maîtres. (Arrêté du 18 juillet 1887, articles 78 et 83.)
Le nombre d'heures de service exigibles du personnel ainsi que le mode de rétribution des heures supplémentaires ont été réglés de la façon suivante par le décret du 19 juillet 1890 :
« ARTICLE PREMIER, — Dans les écoles normales primaires, le nombre maximum d'heures de service exigibles par semaine des directeurs, directrices, économes et professeurs chargés de l'économat, en dehors du temps réservé à leurs fonctions administratives, professeurs et maîtres-adjoints délégués, en dehors du temps consacré à la correction des devoirs, est fixé ainsi qu'il suit :
« Directeurs et directrices chargés de l'enseignement de la morale et de la pédagogie : six heures ;
« Economes chargés de l'enseignement de l'écriture et de la tenue des livres dans Tes écoles de plus de soixante élèves : cinq heures ;
« Professeurs chargés de l'économat dans les écoles de moins de soixante élèves : dix heures ;
« Professeurs et maîtres-adjoints délégués, sauf l'exception prévue au paragraphe précédent : vingt heures, sur lesquelles ils ne peuvent être tenus de consacrer plus de seize heures aux enseignements qui donnent lieu à des corrections de devoirs.
« ARTICLE '2. — Les professeurs munis d'un des diplômes spéciaux prévus par l'article 21 de la loi du 30 octobre 1886 pour les enseignements accessoires qui, en dehors de l'enseignement général dont ils sont chargés et dans les limites des heures réglementaires de service déterminées par l'article 1er, donnent un de ces enseignements, reçoivent les allocations suivantes, annuelles, et non soumises à retenue .
Francs.
Pour les langues vivantes………………………….. 300
Pour le travail manuel……………………………… 300
Pour le dessin………………………………………. 300
Pour le chant et la musique………………………… 200
Pour la gymnastique……………………………….. 100
« Dans le cas où les professeurs chargés d'un de ces enseignements sont obligés d'y consacrer un certain nombre d'heures en sus des heures réglementaires, ils reçoivent, outre l'indemnité ci-dessus prévue, une rétribution calculée à raison de 100 francs par an pour chaque heure d'enseignement par semaine, sans toutefois que ces deux allocations réunies puissent en aucun cas dépasser les maxima suivants :
Francs.
Pour l'enseignement des langues vivantes…………. 600
Pour l'enseignement du dessin……………………... 600
Pour l'enseignement du travail manuel…………….. 600
Pour l'enseignement du chant et de la musique……. 400
Pour l'enseignement de la gymnastique……………. 300
« ARTICLE 3. — Aucune des heures supplémentaires prévues au paragraphe 2 de l'article précédent ne peut être attribuée à un professeur que par une décision ministérielle prise sur la demande du directeur et sur la proposition du recteur.
« ARTICLE 4 (modifié par le décret du 23 décembre 1909). — Dans les écoles normales d'instituteurs, les professeurs et maîtres-adjoints délégués qui sont chargés d'assurer l'ordre intérieur de l’école reçoivent, en raison des heures supplémentaires que leur impose ce service, et quel qu'en soit le nombre, une allocation annuelle et non soumise à retenue, fixée ainsi qu'il suit : 500 francs si un seul maître est chargé de la surveillance ; 300 francs si ce service est assuré par deux maîtres.
« Dans les écoles normales d'institutrices, la surveillance de nuit est faite soit par deux professeurs, deux déléguées, deux institutrices qui en sont chargées alternativement, soit, à défaut, par une ou deux auxiliaires, moyennant une allocation annuelle et non soumise à retenue, calculée à raison de 500 ou de 300 francs selon que le service sera assuré par deux personnes ou par une seule.
« La surveillance de jour incombe au personnel de l'école et de l'école annexe sans toutefois que le nombre des heures d'enseignement et de surveillance totalisées puisse dépasser de plus de cinq heures par semaine, pour le personnel externe, et de dix heures par semaine pour le personnel interne, les maxima prévus en ce qui concerne les heures d enseignement par les articles 1er, dernier paragraphe, et 5 du décret du 19 juillet 1890.
« ARTICLE 5. — Lorsqu'un professeur de l'école normale est chargé de la direction d'une école annexe, il est tenu de fournir dix heures d'enseignement en sus du temps de service exigible en vertu de l'article 1er. La rémunération de ces heures supplémentaires est fixée à la somme annuelle de 300 francs, non soumise à retenue. »
Dans toute école normale, le nombre des professeurs, non compris l'économe et le directeur de l'école annexe, est fixé à cinq si l'école reçoit plus de 70 élèves ; à quatre (deux pour les lettres et deux pour les sciences) si le nombre d'élèves est compris entre 36 et 70. Dans les écoles qui ne reçoivent pas plus de 36 élèves, le nombre des professeurs (lettres et sciences) est fixé à trois ; le directeur est chargé, sans rétribution spéciale, en outre des cours de pédagogie et de morale, d'une partie de l'enseignement correspondant au diplôme du professorat dont il est pourvu, sans que le total des heures d'enseignement qui lui sont confiées puisse dépasser 16 s'il est de l'ordre des sciences et 18 s'il est de l'ordre des lettres. (Loi de finances du 30 mai 1899, art. 35.)
III. — Elèves-maîtres.
Tous les ans le ministre fixe, sur la proposition du recteur et après avis du Conseil départemental, le nombre d'élèves à admettre en première année dans chacune des écoles normales.
Tout candidat doit :
1° Avoir seize ans au moins, dix-huit au plus au 1er octobre de l'année durant laquelle il se présente ;
2° Etre pourvu du brevet élémentaire ;
3° S'être engagé à servir pendant dix ans dans l'enseignement public ;
4° N'être atteint d'aucune infirmité ou maladie le rendant impropre au service de l'enseignement.
Des dispenses d'âge peuvent être accordées par le recteur, pourvu qu'elles ne dépassent pas une durée de six mois.
Le recteur peut autoriser à se présenter ceux des candidats inscrits conditionnellement qui ont subi sans succès l'examen du brevet élémentaire à la session de juin.
L'admission définitive de ces candidats n'a d'effet que s'ils obtiennent ledit brevet à la session d'octobre.
Nul ne peut se présenter au concours plus de deux fois, à moins d'une autorisation spéciale accordée par le recteur.
Un mois au moins avant l'examen, l'inspecteur d'académie communique au recteur les résultats d'une enquête faite par ses soins sur les antécédents et la conduite des candidats.
Au vu du dossier et d'après les résultats de l'enquête, le recteur arrête la liste des candidats admis à concourir.
Les candidats sont examinés par une commission nommée par le recteur. L'inspecteur d'académie en est le président. Le directeur, les professeurs ou maîtres de l'école normale et un inspecteur primaire en font nécessairement partie. (Décret du 18 janvier 1887, articles 69-74.)
L'admission des élèves-maîtres a lieu dans les formes et conditions suivantes (Arrêté du 18 janvier 1887, articles 86-95) :
« Il est ouvert à la fin de chaque année scolaire, dans tous les départements de France et d'Algérie, un concours d'admission aux écoles normales primaires dont la date est fixée par le ministre. En cas d'insuffisance du nombre des candidats déclarés admissibles, un second concours peut être ouvert par le ministre, sur la proposition du recteur, avant la rentrée des classes.
« L'inscription des candidats a lieu du 1er mars au 30 avril, sur un registre ouvert à cet effet dans les bureaux de l'inspecteur d'académie.
« Aucune inscription n'est reçue qu'autant que le candidat a déposé les pièces suivantes :
« 1° Sa demande d'inscription portant indication de l'école ou des écoles qu'il a fréquentées depuis l'âge de douze ans ;
« 2° Son acte de naissance ;
« 3° Son brevet de capacité ;
« 4° L'engagement de servir pendant dix ans dans l'enseignement public.
« Cette pièce est accompagnée d'une déclaration par laquelle le père ou le tuteur du candidat l'autorise à contracter cet engagement et s'engage lui-même à rembourser les frais d'études de son fils ou pupille, dans le cas où celui-ci quitterait volontairement l'école ou en serait exclu, comme dans le cas où il renoncerait aux fonctions d'enseignement avant la réalisation de son engagement.
[Cet engagement lie le mineur lui-même qui peut, le cas échéant, être tenu personnellement de toutes les restitutions exigées par les règlements (Arrêt de la Cour de cassation, 26 janvier 1891).]
« L'acte de naissance, l'engagement décennal, la déclaration du père ou du tuteur doivent être rédigés sur papier timbré et dûment légalisés. La déclaration peut être rédigée sur la même feuille que l'engagement.
« Les candidats non pourvus du brevet peuvent être inscrits provisoirement, sous la condition formelle de le produire avant le concours d'admission.
« Les candidats sont soumis, avant l'examen, à la visite du médecin de l'école, assisté d'un médecin assermenté ; ils ne peuvent prendre part aux épreuves que s'il est constaté qu'ils ont été vaccinés ou qu'ils ont eu la petite vérole, qu'ils ont été revaccinés, et qu'ils ne sont atteints d'aucune infirmité, maladie ou vice de constitution qui les rende impropres aux fonctions d'enseignement.
« Le concours d'admission aux écoles normales primaires comprend deux séries • d'épreuves ayant pour objet d'arrêter : la première, la liste d'admissibilité ; la seconde, la liste d'admission définitive.
« Les épreuves de la première série comprennent :
« 1° Une dictée d'orthographe de vingt lignes environ ; le texte, lu d'abord à haute voix, est ensuite dicté posément, puis relu ; la ponctuation n'est pas dictée.
« La dictée est suivie de questions (cinq au maximum) relatives à l'intelligence du texte : explication du sens d'un mot, d'une expression, ou d'une phrase, analyse d'un ou de plusieurs mots, etc.
« il est accordé aux candidats une demi-heure au plus pour relire la dictée et répondre aux questions ;
« 2° Une épreuve d'écriture comprenant une ligne en grosse bâtarde, une ligne en grosse ronde et en cursive, deux lignes en gros, deux en moyen et quatre en fin.
« Il est accordé trois quarts d'heure pour cette épreuve.
« Il est tenu compte, en outre, pour le jugement de cette épreuve, de la valeur de l'écriture expédiée dans la composition d'orthographe ;
« 3° Un exercice de composition française consistant en un récit ou une lettre d'un genre simple, l'explication d'un précepte de morale ou d'éducation, d'un proverbe, d'une maxime ou une question d'instruction morale et civique ;
« 4° Une composition d'arithmétique comprenant, outre la solution d'un ou de deux problèmes, l'explication raisonnée d'une règle.
« Deux heures sont accordées pour chacune des épreuves de composition française et d'arithmétique ;
« 5° Une composition de dessin consistant en un exercice de dessin à vue, ou un arrangement décoratif tiré du programme du cours supérieur des écoles primaires.
« Il est accordé deux heures pour cette épreuve.
« Les épreuves écrites ont lieu au cours d'une même journée, dans le lieu fixé par l'inspecteur d'académie et, de préférence, au siège même de l'école normale. « Les trois premières se font le matin, les deux autres l'après-midi, dans l'ordre déterminé par l'article précédent.
« La commission d'examen, sous la présidence de l'inspecteur d'académie, arrête les textes des sujets de composition.
« La liste des candidats déclarés admissibles aux épreuves de la deuxième série est dressée par ordre alphabétique.
« Les candidats compris sur cette liste sont immédiatement convoqués par l'inspecteur d'académie : les aspirants au siège de l'école normale d'instituteurs ; les aspirantes au siège de l'école normale d'institutrices.
« Pendant la durée des épreuves de la deuxième série, laquelle ne doit pas dépasser une semaine, les candidats sont logés et nourris à l'école normale.
« La dépense est à la charge des familles. Chaque année, le recteur détermine le montant de ces frais par candidat. La somme ainsi fixée doit être versée entre les mains de l'économe par chacun des concurrents au moment où il est interné.
« Les épreuves de la deuxième série consistent en :
« I. Des interrogations : 1° sur la langue française ; 2° l'arithmétique et le système métrique ; 3° l'histoire de la France ; 4° la géographie de la France et des notions de géographie générale ; 5° des notions élémentaires de sciences physiques et naturelles. Chacune de ces épreuves dure, pour chaque candidat, une demi-heure au moins ;
« II. Les résumés de deux leçons : 1° l'une sur un sujet d'ordre littéraire ; 2° l'autre sur un sujet d'ordre scientifique, faites par des professeurs de l'école. Ces résumés doivent être rédigés chacun en une demi-heure, immédiatement après la leçon ;
« III. Un examen sur le chant et la musique comprenant une interrogation sur les matières du cours supérieur des écoles primaires, la lecture d'un morceau de solfège facile, et une dictée orale très simple. Il sera tenu compte au candidat de l'exécution du chant avec paroles et de la connaissance d'un instrument.
« IV. Des exercices de gymnastique compris dans le programme du cours supérieur des écoles primaires, et, pour les aspirants, des exercices militaires ; pour les aspirantes, des travaux de couture.
« Chacune des épreuves, tant de la première que de la deuxième série, doit être appréciée par des chiffres de 0 à 20.
« Quand les épreuves de la deuxième série sont terminées, la commission arrête le classement, par ordre de mérite, des candidats qu'elle juge devoir être admis d'après l'ensemble de l'examen.
« Cette liste est divisée en deux parties. Dans la première sont inscrits les candidats classés les premiers, jusqu'à concurrence du nombre de places vacantes à l'école normale du département dans lequel a eu lieu l'examen. Dans la seconde, la commission comprend tous les candidats admissibles excédant ce nombre, quel que soit le rapport du chiffre ainsi obtenu avec celui des places vacantes à l'école normale du département.
« Les candidats compris dans cette seconde partie de la liste d'admission font connaître, par une déclaration écrite qui est jointe au dossier transmis au ministère, quels sont les académies ou les départements dans lesquels ils accepteraient une place à l'école normale, s'ils ne pouvaient être reçus dans celle du département où ils ont concouru.
« Les résultats du concours sont proclamés avant le départ des candidats par le président de la commission d'examen. »
Les candidats admis sont classés par ordre de mérite sur une liste qui est transmise au recteur, avec les procès-verbaux de l'examen.
Le recteur prononce l'admission des élèves-maîtres d'après l'ordre du mérite.
A la liste primitive est jointe, s'il y a lieu, une liste supplémentaire, également dressée par ordre de mérite et suivant laquelle le recteur prononce, en cas de vacances, les admissions ultérieures. (Décret du 18 janvier 1887, art. 74.)
Les élèves des écoles normales sont tenus de se présenter à la fin de la deuxième année à l'examen du brevet supérieur. En cas d'échec à la session de juillet, ils renouvellent l'épreuve à la session d'octobre. Ils ne sont admis en troisième année que s'ils justifient de la possession du brevet supérieur. Cette règle comporte cependant certaines exceptions dont nous parlons plus loin (voir VI. Enseignement).
Les élèves de troisième année sont tenus de se présenter à la fin de cette année à l'examen de fin d'études normales.
En cas de maladie prolongée, un élève-maître peut, sur la proposition du directeur et après avis de l'inspecteur d'académie, être autorisé par le recteur à redoubler une année. Le recteur informe le ministre des autorisations qu'il a accordées.
Chaque année, au mois d'août, sur le vu des notes obtenues par les élèves pendant le cours de la première année et sur la proposition du directeur, le conseil des professeurs entendu, le recteur, après avis de l'inspecteur d'académie, arrête la liste des élèves admis à passer de première en deuxième année.
Toutefois l'exclusion des élèves reconnus incapables de suivre avec profit les cours de l'école peut être prononcée dans les mêmes formes au cours de la première et de la seconde année, après un avertissement donné trois mois à l'avance à l'élève et à sa famille. Le recteur avise le ministre des exclusions qu'il prononce. (Décret du 4 août 1905, articles 2, 3, 4 et 5.)
Tout élève qui quitte volontairement l'école ou qui en est exclu, ou tout ancien élève-maître qui rompt l'engagement prescrit par l'art. 70 du décret du 18 janvier 1887, est tenu de restituer le prix de la pension dont il a joui.
La somme à restituer comprend exclusivement :
1° Les frais de nourriture ;
2° Les frai3 de blanchissage ;
3° Le prix des fournitures classiques.
Toutefois, sur la proposition du recteur, après avis du conseil des professeurs et de l'inspecteur d'académie, le ministre peut accorder des sursis pour le paiement des sommes dues, ainsi qu'une remise partielle ou totale de ces mêmes sommes. (Décret du 18 janvier 1887, art. 78.)
Les élèves-maîtres qui, ayant échoué à l'examen du brevet supérieur, et n'ayant pas été admis à passer en troisième année, se trouvent exclus des écoles normales par application de l'art. 2 du décret du 4 août 1905, tombent sous le coup des sanctions prévues à l'art. 78 du décret du 18 janvier 1887, et l'administration doit établir l'état des sommes dont ils sont redevables au Trésor pour leur entretien à l'école normale pendant deux années. (Circulaire du 4 novembre 1907.)
Ils n'ont d'autre ressource que de solliciter les délais nécessaires pour être pourvus d'emplois et mis à même de poursuivre ainsi la réalisation de leur engagement décennal.
Il peut être alloué à tout élève sorti d'une école normale, après les trois années d'études et avec le brevet supérieur, quand il est appelé pour la première fois aux fonctions d'instituteur public titulaire ou stagiaire, une provision de livres d'études qu'il désigne lui-même, pour une somme dont le montant est fixé par le conseil d'administration de l'école normale. La dépense est supportée par le budget extraordinaire de l'école. (Décret du 18 janvier 1887, art. 79.)
Les élèves-maîtres qui sortent de l'école normale après trois ans d'études ont droit, selon les titres dont ils sont pourvus, aux premiers emplois d'instituteur public qui se trouvent vacants dans le département.
Des bourses de quatrième année peuvent être accordées aux élèves qui se préparent aux écoles normales supérieures d'enseignement primaire. (Décret du 4 août 1905, articles 6 et 7.)
L'engagement de servir pendant dix ans dans l'enseignement public peut être accompli dans tout département, toute possession française ou tout pays soumis au protectorat de la France.
Tout élève-maître qui quitte le département où se trouve l'école normale dans laquelle il a fait ses études doit être muni d'un exeat délivré par l'inspecteur d'académie. (Décret du 18 janvier 1887, art. 81.) L'article 60 du décret du 18 janvier 1887 portait que les années passées à l'école normale à partir de dix-huit ans pour les jeunes gens, de dix-sept ans pour les jeunes filles, comptent pour la réalisation de l'engagement de servir pendant dix ans dans l'enseignement public ; mais la loi du 19 juillet 1889 (art. 2) ayant mis les dépenses d'entretien des élèves-maîtres à la charge de l'Etat, la disposition suivante a été insérée dans l'instruction du 30 décembre 1890 pour l'application du décret du 29 mars de la même année: « Les élèves-maîtres et les élèves-maîtresses doivent, à la sortie de l'école, se consacrer, pendant une période dont la durée a été fixée à dix ans, à l'enseignement public». En conséquence, les services effectifs seuls comptent pour la réalisation de l'engagement décennal.
La durée des congés accordés pour quelque raison que ce soit, sauf pour cause de maladie constatée par un médecin assermenté, aux anciens élèves-maîtres qui n'ont pas encore accompli intégralement leur engagement décennal, ne doit pas excéder trois ans.
Ce terme expiré, les intéressés sont mis en demeure de solliciter leur réintégration dans l'enseignement public ou de rembourser le prix de la pension dont ils ont joui à l'école normale. (Circulaire du 15 février 1897.)
IV. — Régime intérieur et discipline.
L'emploi des journées autres que les jeudis, dimanches et jours de fête est réglé de la façon suivante:
Il est donné huit heures au sommeil, en toute saison, dans les écoles normales d'instituteurs ; huit heures et demie en hiver dans les écoles normales d'institutrices.
Sur les heures de la journée, il est employé aux soins de propreté, repas, récréations, jeux, ménage de l'école et exercices corporels : cinq heures environ dans les écoles normales d'instituteurs, cinq heures et demie dans les écoles normales d'institutrices.
Aucun cours n'a lieu le dimanche, non plus que dans l'après-midi du jeudi.
Des heures réservées au travail, cinq au moins sont données chaque jour au travail personnel, aux lectures, à la préparation des classes.
La répartition des matières d'enseignement est faite de telle sorte que les heures de classe, en dehors des heures attribuées à la gymnastique et au travail manuel, n'excèdent pas cinq heures par jour et trois le jeudi.
L'emploi du temps est réglé par le directeur, assisté du conseil des professeurs, et soumis à l'approbation du recteur.
Les cours portant sur les matières d'enseignement qui demandent l'effort intellectuel le plus considérable ont lieu le matin ; on réserve l'après-midi aux travaux manuels, au dessin, au chant, etc. (Arrêté du 4 août 1905, articles 8, 9 et 10.)
Dans les écoles normales d'instituteurs, les élèves-maîtres ont toute facilité pour suivre les pratiques de leur culte.
Dans les écoles normales d'institutrices, les élèves-maîtresses sont, sur la demande des parents, conduites le dimanche aux offices. (Décret du 18 janvier 1887, art. 83.)
Les seules punitions que les élèves-maîtres peuvent encourir sont :
1° La privation de sortie prononcée par le directeur ;
2° L'avertissement donné par le directeur ;
3° La réprimande devant les élèves réunis, infligée, suivant la gravité de la faute, par le directeur ou par l'inspecteur d'académie ;
4° L'exclusion temporaire, pour un temps qui ne peut excéder quinze jours, prononcée par le recteur, sur le rapport de l'inspecteur d'académie, après avis du conseil d'administration ;
5° L'exclusion définitive, prononcée par le ministre, sur la proposition du recteur.
Tout élève qui s'est rendu coupable d'une faute grave peut être remis immédiatement à sa famille par le directeur. Celui-ci doit alors, sans délai, en référer à l'inspecteur d'académie, qui saisit de l'affaire le conseil d'administration. (Même décret, articles 84 et 85.)
Les jours règlementaires de sortie sont les dimanches et les jours de fête.
Dans les écoles normales d'institutrices, les élèves-maîtresses ne sortent que sur la demande de leurs parents ou de leurs correspondants. Celles qui restent à l'école sont conduites en promenade.
Des sorties individuelles peuvent être autorisées par le directeur ou la directrice.
Les vacances de Pâques commencent le Jeudi-Saint et finissent le lundi qui suit la semaine de Pâques.
Les grandes vacances durent sept semaines ; les dates de la sortie et de la rentrée sont fixées par le recteur.
Tous les élèves doivent avoir un costume d'uniforme pour les sorties et les promenades.
Dans les écoles normales d'institutrices, la directrice demande aux parents, au commencement de l'année scolaire, la liste des personnes avec lesquelles ils autorisent leur fille à correspondre. Les lettres écrites aux élèves-maîtresses doivent porter sur l'enveloppe la signature de la personne de qui elles émanent. Celles qui ne portent pas cette signature sont envoyées par la directrice aux parents de l'élève.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux écoles normales d'instituteurs ; la correspondance des élèves est libre, à moins d'intention contraire expressément manifestée par les familles. (Arrêté du 18 janvier 1887, articles 102 à 105.)
Dans les écoles normales d'instituteurs, les différents services intérieurs d'ordre matériel sont confiés aux élèves de troisième année dans les conditions déterminées par le règlement intérieur de l'école.
Dans les écoles normales d'institutrices, la surveillance intérieure est dirigée par les professeurs et les maîtresses internes, qui y font participer à tour de rôle les élèves de troisième année.
En outre, pendant les grandes vacances, les écoles normales ne doivent jamais être abandonnées complètement par les fonctionnaires. La répartition dû service, tant entre le directeur et l'économe qu'entre les professeurs et maîtres, est, pour cette époque de l'année, fixée par le recteur dans la première quinzaine de juillet, sur la proposition du directeur et après avis de l'inspecteur d'académie. (Même arrêté, articles 84 et 85.)
V. — Auditeurs et auditrices libres.
Depuis la rentrée d'octobre 1906, des auditeurs et des auditrices libres peuvent être admis dans les écoles normales aux conditions ci-après :
Le régime de l'auditorat libre est, sans exception, l'externat. Seuls peuvent être admis à suivre les cours d'une école normale en qualité d'auditeurs ou d'auditrices libres, les aspirants et aspirantes classés par ordre de mérite sur la liste supplémentaire, c'est-à-dire ceux qui ont été reconnus aptes à recevoir l'instruction donnée à l'école et auxquels il eût suffi, pour être définitivement admis, que l'établissement disposât d'un nombre de places en rapport avec les nécessités du service.
Cette liste doit être dressée par la commission d'examen en faisant état de trois éléments principaux :
1° La valeur intrinsèque des candidats ;
2° Les besoins éventuels du recrutement régional ;
3° Les ressources offertes par chaque école au point de vue de l'installation matérielle.
Les auditeurs et auditrices libres admis dans ces conditions suivent les mêmes cours et participent aux mêmes exercices que les élèves-maîtres.
Les facilités qui leur sont ainsi ménagées de poursuivre leurs études ne leur confèrent d'autre prérogative que celle de prendre rang, le cycle de leurs études terminé, à la suite immédiate des élèves-maîtres et d'être placés de préférence aux postulants qui n'auraient à aucun titre fréquenté l'école normale. (Circulaire du 18 juin 1906.)
Il est à noter que les élèves-maîtres et élèves-maîtresses qui, ayant échoué à l'examen du brevet supérieur, doivent quitter l'école normale, ne sauraient être autorisés à terminer leurs études en qualité d'auditeurs libres externes. Le ministre a estimé que cette autorisation serait à la fois en contradiction directement avec les dispositions du règlement relatif à l'auditorat libre et indirectement avec les prescriptions mêmes du décret du 4 août 1905. (Circulaire du 4 novembre 1907.)
VI. — Enseignement.
Aux termes de l'article 1er du décret du 4 août 1905, l'enseignement dans les écoles normales comprend :
1° L'instruction générale, qui occupe plus spécialement les deux premières années d'études:
2° L'instruction pratique et professionnelle, à laquelle est plus particulièrement affectée la troisième année.
Il a déjà été dit plus haut que l'innovation principale réalisée par le plan d'études de 1905 a été de consacrer les deux premières années au travail d'acquisition des connaissances nécessaires à l'obtention du brevet supérieur, et de réserver la troisième année à des études plus désintéressées, ainsi qu'à des exercices pratiques et à la préparation professionnelle. Ce caractère de la troisième année est défini de la manière suivante dans une note placée en tête des programmes :
« La troisième année de l'école est réservée à l'éducation professionnelle et à une certaine culture générale libre et désintéressée capable d'inspirer aux élèves le besoin de continuer à se développer intellectuellement lorsqu'ils auront quitté l'école.
« La culture générale se fera surtout au moyen des lectures : lectures littéraires, historiques, morales, destinées à étendre l'horizon de la pensée, à ouvrir l'esprit sur les grandes questions qui intéressent particulièrement le temps actuel ou la vie humaine : histoire de la civilisation, de la colonisation, chefs-d'oeuvre de l'esprit humain, principales doctrines morales, etc.
« Les élèves seront exercés à prendre des notes sur leurs lectures ; à faire des comptes-rendus, soit oraux, soit par écrit, à développer, d'une façon un peu étendue et personnelle, une question qui les aura davantage intéressés.
« Cinq heures de classe — une heure en chaque matière, — et environ quinze heures d'étude seront consacrées par semaine à cette culture générale.
« On y ajoutera des compléments de mathématiques et de physique appliquées, ainsi que des conférences sur l'histoire de l'art avec projections des chefs-d'oeuvre de l'architecture, de la sculpture et de la peinture, et audition des plus belles pages musicales.
« Pendant cette troisième année, on attachera la plus grande importance au travail personnel des élèves. La réduction des heures de classe et des objets d'étude n'est qu'un moyen d'atteindre à cette fin, mais il ne suffit pas. C'est la méthode de direction qui doit changer. Il faut que chaque élève, prenant de plus en plus conscience de ses goûts naturels, travaille de lui-même selon son choix. Qu'on le laisse se livrer à telle étude favorite au risque de lui voir sacrifier telle autre matière portée au programme général. S'il désire suivre à nouveau une classe de deuxième ou de première année pour reprendre une étude qu'il aime et dans laquelle il se trouve ignorant, ou s'il préfère à l'aide de livres et des conseils particuliers des maîtres travailler sans le secours d'une classe, qu'on le laisse libre. L'essentiel est qu'il amasse des matériaux pour l'avenir et qu'il prenne le goût et l'habitude des études personnelles.
« L'éducation professionnelle se fera de plusieurs manières : 1° Par des exposés de morale, d'histoire, de géographie, de sciences usuelles, etc., à l'usage de l'école primaire (leçons choisies, préparées et exposées en vue de l'école primaire), faits par les élèves, corrigés par les professeurs ; 2° Par l'examen critique des méthodes, des procèdes d'enseignement et des moyens d'éducation, dans les leçons et conférences pédagogiques de l'école normale ; 3° Par les exercices pratiques que chaque élève-maître [élève-maîtresse] doit faire aux écoles d'application pendant deux mois au minimum. »
L'enseignement général porte sur les matières suivantes :
1° L'instruction morale et civique ;
2° La lecture ;
3° L'écriture ;
4° La langue et les éléments de la littérature française ;
5° L'histoire et principalement l'histoire de France jusqu'à nos jours ;
6° La géographie et particulièrement celle de la France ;
7° Le calcul, le système métrique, l'arithmétique élémentaire avec applications aux opérations pratiques ; des notions de calcul algébrique ; des notions de tenue des livres ;
8° La géométrie élémentaire ;
9° L'arpentage et le nivellement, pour les élèves-maîtres seulement ;
10° Les éléments des sciences physiques et des sciences naturelles avec leurs principales applications ;
11° L'agriculture, pour les élèves-maîtres ; l'horticulture ;
12° L'économie domestique, pour les élèves-maîtresses ;
13° Le dessin ;
14° Le chant et la musique ;
15° La gymnastique et, pour les élèves-maîtres, les exercices militaires ;
16° Les travaux manuels, pour les élèves-maîtres ; les travaux à l'aiguille, pour les élèves-maîtresses ;
17° La pédagogie ;
18° L'étude d'une langue étrangère. (Décret du 18 janvier 1887, art. 82.)
L'enseignement est donné conformément aux programmes annexés à l'arrêté du 4 août 1905. La répartition des matières est réglée par année et par cours conformément aux tableaux annexés à ce même arrêté, et que voici :
1. Leçons d'écriture pour les élèves qui n'ont pas une bonne écriture courante (heures non additionnées pour les élèves).
2. Leçons de gymnastique pendant les récréations, une heure dans chaque année, une heure en plus pour les élèves des 2° et 3° années réunies.
3. Non compris la direction des lectures personnelles (une heure par groupe de 10 élèves).
Ainsi que nous l'avons déjà dit, les élèves sont tenus de se présenter à la fin de la deuxième année à l'examen du brevet supérieur. En cas d'échec à la session de juillet, ils renouvellent l'épreuve à la session d'octobre.
Le décret du 4 août 1905 faisait aux élèves-maîtres une obligation stricte d'être pourvus du brevet supérieur pour passer en troisième année. Cette mesure avait soulevé de très vives protestations, et, comme elle n'empêchait pas d'ailleurs les normaliens ainsi éliminés d'obtenir des emplois d'instituteurs stagiaires, le décret du 29 août 1909 est venu tempérer la rigueur des dispositions contenues dans l'article 2 du décret du 4 août 1905, en stipulant que les élèves-maîtres qui ne justifient pas de la possession du brevet supérieur peuvent être admis, sur la proposition du conseil des professeurs, à passer en troisième année, pour en suivre les exercices, s'ils ont obtenu au moins la moyenne (10 sur 20) dans l'ensemble de leurs notes de première et deuxième année.
Cette moyenne doit figurer sur le livret de scolarité remis à l'inspection académique au moment de l'inscription pour l'examen du brevet supérieur.
En conséquence des réformes introduites dans le régime pédagogique des écoles normales, le programme de l’examen du brevet supérieur a dû lui-même être modifié.
Les épreuves portent actuellement sur les matières d'enseignement de la première et de la deuxième année d'école normale.
Les études de troisième année ne sont cependant pas dépourvues de toute sanction. Le décret du 4 août 1905 a institué par son article 3 un examen de fin d'études normales, auquel les élèves de troisième année sont tenus de se présenter à la fin de cette année.
Cet examen porte sur les études et les exercices professionnels et comprend :
1° Un travail écrit sur une question de pédagogie.
Le sujet à traiter est choisi par chaque élève deux mois avant l'examen sur une liste de sujets arrêtés par le recteur en comité des inspecteurs d'académie du ressort ;
2° Une leçon faite aux élèves de l'école annexe ou de l'école d'application sur une des matières du programme des écoles primaires élémentaires, tirée au sort par l'aspirant (durée de la préparation : une heure) ;
3° Des interrogations sur l'organisation d'une classe, le programme des écoles, les méthodes et les procédés d'enseignement, et particulièrement sur le travail présenté par l'aspirant.
Ces différentes épreuves sont notées comme il suit : Insuffisant, passable, assez bien, bien, très bien. Une note insuffisante est éliminatoire si elle n'est pas compensée par une note très bien.
Les élèves qui ont subi avec succès les épreuves de l'examen de fin d'études normales reçoivent un certificat délivré par le recteur de l'académie.
Une mention spéciale concernant l'instruction ménagère est inscrite au certificat de toute élève qui a obtenu, pendant l'année, de bonnes notes dans les travaux domestiques, couture, cuisine, ménage.
Les institutrices chargées de la direction des classes ménagères sont choisies de préférence parmi celles qui ont obtenu cette mention.
Le procès-verbal de l'examen est envoyé au recteur, qui le transmet au ministre. A ce procès-verbal est annexée la liste des travaux présentés par les candidats.
D'autre part, les candidats au certificat d'aptitude pédagogique qui ont subi avec succès l'examen de fin d'études normales sont dispensés des épreuves autres que l'épreuve pratique. (Arrêté du 4 août 1905, articles 3 à 7.)
L'examen de fin d'études normales est subi à l'école normale d'instituteurs et à l'école normale d'institutrices de chaque département.
La commission d'examen est composée ainsi qu'il suit :
L'inspecteur d'académie, président ; — le directeur de l'école normale, vice-président, ou la directrice, vice-présidente ; — les professeurs de l'école normale d'instituteurs ou de l'école normale d'institutrices ; — les directeurs ou directrices des écoles annexes ou d'application ; — un inspecteur de l'enseignement primaire.
La Commission ne peut délibérer régulièrement sur l'admission définitive qu'autant que les deux tiers des membres sont présents. Des sous-commissions peuvent être constituées pour chacune des épreuves ; elles doivent comprendre au moins trois membres. (Décret du 4 août 1905, articles 8, 9 et 10.)
Pour faciliter la préparation professionnelle des élèves-maîtres, le décret du 4 août 1905 prévoit (art. 12) qu'en dehors des écoles annexes ou des écoles d'application, une ou plusieurs écoles primaires publiques peuvent être désignées par l'inspecteur d'académie pour recevoir les élèves-maîtres et les élèves-maîtresses pendant leur stage professionnel.
Dans ces dernières écoles, les directeurs et directrices d'écoles normales sont autorisés à suivre les exercices pratiques de leurs élèves. (Même décret, article 13.)
Le nombre des élèves détachés dans ces diverses écoles est calculé de manière que chacun fasse au moins deux mois d'enseignement pratique pendant l'année. Au début de chaque année scolaire, le directeur, assisté du conseil des professeurs, détermine, sous réserve de l'approbation de l'inspecteur d'académie, les conditions dans lesquelles les élèves-maîtres de troisième année sont envoyés aux écoles annexes, aux écoles d'application ou dans certaines écoles primaires publiques.
Pendant cette dernière année d'études, les élèves font à tour de rôle, chaque semaine, une conférence. Elle consiste, soit en une leçon faite à des enfants qui sont amenés à cet effet, soit dans la discussion d'une question de méthode ou de discipline, soit dans l'examen et la critique d'ouvrages scolaires, de devoirs écrits, soit enfin dans la lecture expliquée d'une page de pédagogie. Les directeurs des écoles annexes ou des écoles d'application et les professeurs intéressés assistent à ces conférences. Elles donnent lieu de la part des élèves à des critiques appréciées par les professeurs et les directeurs.
Dans les écoles normales d'institutrices, comme application aux leçons d'économie domestique, les élèves-maîtresses de troisième année sont exercées régulièrement aux travaux de cuisine, de savonnage et de repassage, aux soins d'hygiène et de jardinage. (Arrêté du 4 août 1905, articles 11 à 14.)
VII. — Répétiteurs et répétitrices de langues
étrangères dans les écoles normales.
A la suite de quelques essais tentés au cours de l'année scolaire 1892-1893 et qui avaient donné de très bons résultats, les directrices d'écoles normales ont été autorisées à recevoir des jeunes filles allemandes ou anglaises pour donner aux professeurs qui en manifesteraient le désir et à toutes les élèves-maîtresses un enseignement pratique de langue allemande ou anglaise et faire avec elles des exercices de conversation. Les conditions auxquelles ces répétitrices pourraient être admises étaient fixées ainsi qu'il suit par la circulaire du 29 septembre 1894:
« Les jeunes filles étrangères qui accepteraient les fonctions de répétitrices de langues vivantes dans les écoles normales seraient traitées comme les maîtresses internes, c'est-à-dire auraient une chambre particulière, la nourriture, des prestations suffisantes de chauffage et d'éclairage, à la condition de verser dans la caisse de l'école la somme de 400 francs pour les dix mois de l'année scolaire, soit 40 francs par mois.
« Elles auraient à consacrer chaque jour une heure et demie ou deux heures au maximum de leur temps à leur enseignement.
« Elles pourraient, en échange, pendant le reste de la journée, suivre les cours de pédagogie, français, sciences ou lettres, à leur choix, ou vaquer à des occupations à leur convenance, à la condition, toutefois, de ne pas donner, en dehors de l'école, des leçons rétribuées. »
Ces conditions sont restées en vigueur, sauf que le versement de la somme de 400 francs à titre de prix de pension n'est plus exigé depuis 1908.
Pendant quelques années, les répétitrices se recrutèrent presque exclusivement en Angleterre. Cependant l'institution, mieux connue, s'est développée peu à peu, et actuellement non seulement des jeunes filles anglaises, allemandes, italiennes et espagnoles prêtent leur concours aux professeurs de langues vivantes dans les écoles normales d'institutrices, mais encore des répétiteurs appartenant aux mêmes nationalités remplissent un rôle analogue dans les écoles normales d'instituteurs. Ajoutons que c'est l'Office d'informations et d'études, créée au ministère de l'Instruction publique en 1901, qui est chargé de toutes les formalités qu'entraînent l'organisation et le fonctionnement du service.
VIII. — Administration économique.
L'administration et la comptabilité des écoles normales primaires ont fait l'objet d'un règlement en date du 29 mars 1890, dont la teneur suit :
« TITRE Ier. — DE L'ADMINISTRATION DES
ECOLES NORMALES PRIMAIRES.
« ARTICLE PREMIER. — Chaque école normale primaire est administrée par un directeur et un conseil d'administration.
« Un économe ou, dans le cas prévu à l'article 21 de la loi du 19 juillet 1889, un maître faisant fonctions d'économe est chargé, sous l'autorité du directeur, de la comptabilité et de la gestion de l'établissement.
« Le directeur et l'économe sont nommés par le ministre de l'instruction publique.
« Le conseil d'administration est désigné dans les conditions déterminées par le dernier paragraphe de l'article 47 de la loi du 19 juillet 1889.
« ART. 2. — Le conseil d'administration donne son avis sur le budget et les comptes de l'école normale, ainsi que sur les demandes de crédits supplémentaires, dans les conditions déterminées au titre II du présent règlement.
« Il est consulté sur les actions judiciaires que l'école normale doit intenter ou auxquelles elle doit défendre.
« Il fixe, sur la proposition du directeur et sous réserve de l'approbation du ministre de l'instruction publique, le nombre et les gages des gens de service attachés à l'école, le mode de chauffage et d'éclairage, la ration journalière et les frais d'entretien des élèves-maîtres.
« Il soumet au recteur des propositions pour la nomination du médecin de l'école.
« ART. 3. — Le conseil d'administration doit visiter l'école tous les mois ; il adresse, au mois de juillet, chaque année, au recteur, un rapport sur la situation matérielle de l'établissement.
« Ce rapport est communiqué au préfet par le recteur.
« ART 4. — Le directeur engage et ordonnance les dépenses dans les limites des crédits régulièrement alloués. Il passe les marchés.
« Il surveille et contrôle toutes les parties du service de l'économat, sans pouvoir s'immiscer dans le maniement des deniers et des matières.
« Il représente l'école en justice, mais ne peut engager aucune action ou y défendre sans l'avis du conseil d'administration et l'autorisation du Conseil de préfecture.
« Il assiste aux séances du conseil d'administration avec voix consultative, s'il n'est pas désigné par le recteur pour faire partie de ce conseil par application de l'article 47 de la loi du 19 juillet 1889.
« ART. 5. — L'économe règle, sous l'autorité du directeur, tous les détails du service intérieur. Il choisit, avec l'agrément du directeur, les gens de service.
« Il discute les conditions des marchés et prépare les cahiers des charges.
« Il est chargé, comme agent comptable, d'effectuer, conformément aux dispositions du titre II du présent règlement, toutes les recettes et toutes les dépenses de l'école et de faire tous les actes nécessaires pour assurer la conservation des biens appartenant à l'école.
« Il a la garde des titres de propriété ou de rente et des valeurs appartenant à l'école.
« Il assiste à la réception des fournitures de toute espèce ; il en vérifie la quantité et la qualité.
« ART. 6. — Les marchés pour le compte de l'école sont faits dans les conditions déterminées pour les marchés communaux par l'ordonnance du 14 novembre 1837. Ils doivent, autant que possible, être passés pour une année.
« Les articles de consommation qui ne peuvent être l'objet d'un marché préalable, et doivent par suite être achetés au comptant, sont désignés par le conseil d'administration.
« ART. 7. — Il est établi, dans chaque école, une table commune à laquelle ne sont admis que les élèves-maîtres et les maîtres internes chargés de la surveillance.
« Dans les écoles normales d'institutrices, les maîtresses ainsi que les économes et les directrices peuvent être autorisées par le ministre de l'instruction publique à prendre leurs repas à la table commune. Celle autorisation ne peut être donnée au personnel spécial chargé d'un enseignement accessoire.
« Tous les membres du personnel enseignant ou administratif admis à la table commune doivent verser une somme de 400 francs par personne et par an.
« ART. 8. — La fourniture du trousseau est à la charge des familles.
« ART. 9. — Les prestations, à la charge de l'école, comprennent :
« 1° Les dépenses d'infirmerie pour les élèves-maîtres elles maîtres internes ;
« 2° Le chauffage et l'éclairage du cabinet du directeur, du bureau de l'économe, des chambres des maîtres internes.
« Les prestations comprises au paragraphe 2 sont fixées par le conseil d'administration.
« ART. 10. — Dans les écoles normales, le mobilier comprend les objets suivants :
« Sièges, tables et pupitres pour les élèves et pour les maîtres ;
« 2° Appareils de chauffage et d'éclairage ;
« 3° Meubles et ustensiles de cuisine ;
« 4° Lits des élèves avec la literie complète (sommier, matelas, draps, couverture, traversin, oreiller), armoire, descente de lit, chaise ;
« 5° Draps, serviettes de toilette et linge de table pour les personnes admises à la table commune et pour les gens de service ; « 6° Meubles pour la salle de commission, pour le cabinet du directeur ou de la directrice et de l'économe, pour les chambres de l'économe, des maîtres chargés de la surveillance et pour les chambres des maîtresses ;
« 7° Mobilier pour la bibliothèque et pour le cabinet des collections ;
« 8° Mobilier nécessaire à l'infirmerie.
« Aucune prestation en nature autre que celles prévues à l'article 9 et au paragraphe 5 du présent article n'est autorisée pour les personnes admises à la table commune et pour les gens de service.
« ART, 11. — Dans les écoles normales primaires où n'existent pas les bâtiments nécessaires au logement de la totalité ou de partie des élèves-maîtres, les allocations à payer pour le logement des élèves non logés à l'école normale et pour la fourniture des objets mobiliers prévus aux paragraphes 4 et 5 de l'article 10 sont à la charge du département. Ces allocations sont fixées par le ministre de l'instruction publique, après avis du Conseil général. Le montant en est versé à la caisse de l'école normale.
« ART. 12. — Le prix de logement des demi-pensionnaires ainsi que le prix de pension des élèves externes sont fixés par le ministre de l'instruction publique sur la proposition du recteur.
« La pension des externes comprend :
« 1° Le logement ;
« 2° La fourniture des objets prévus aux paragraphes 7 et 5 de l'article 10 ;
« 3° La nourriture ;
« 4° Le chauffage :
« 5° Le blanchissage et le menu raccommodage du linge et des effets d'habillement.
« Le montant de la pension ou du logement est payé directement par l'économe aux personnes qui reçoivent des élèves externes ou demi-pensionnaires.
« ART. 13. — Les dépenses des écoles annexes, quand ces écoles sont installées dans les bâtiments de l'école normale, sont à la charge de l'école normale pour le chauffage et l'éclairage, et à la charge du département pour la fourniture du mobilier.
« Dans le cas où les écoles annexes ne sont pas installées dans les bâtiments de l'école normale, elles sont soumises au même régime que les écoles primaires publiques.
« ART. 14. — Le jardin de l'école est affecté en totalité aux promenades, aux récréations et aux travaux horticoles des élèves-maîtres, ainsi qu'à la culture des légumes et des fruits nécessaires à l'école normale. Si la production est supérieure à la consommation, les légumes et fruits sont vendus au profit de l'école normale.
« TITRE II. — DE LA COMPTABILITÉ.
« Section Ire. — Du budget.
« ART. 15. — Le budget de l'école normale se divise en budget ordinaire et budget extraordinaire.
« ART. 16. — Les recettes du budget ordinaire se composent :
« 1° Du prix de pension pour les élèves-maîtres, fixé conformément au tarif déterminé annuellement pour chaque école normale par le ministre de l'instruction publique, et payé par l'Etat conformément aux dispositions de l'article 25 du présent règlement ;
« 2° Du prix de pension payé par le personnel de l'école admis à la table commune ;
« 3° Du revenu des biens appartenant à l'école et dont elle a la jouissance ;
« 4° Des remboursements pour dégradations et objets perdus ;
« 5° Des allocations dues par le département dans le cas prévu à l'article 17.
« ART. 17. — Les dépenses du budget ordinaire comprennent :
« 1° Les dépenses de nourriture ;
« 2° Les dépenses de blanchissage du linge, menu raccommmodage du linge et des effets d'habillement des élèves-maîtres ;
« 3° Les frais du service intérieur ;
« 4° Les dépenses diverses ; « 5° Les dépenses d'ordre du montant des produits du jardin consommés en nature ;
« 6° Les dépenses pour le logement des élèves demi-pensionnaires ou externes.
« ART. 18. — Les recettes du budget extraordinaire se composent :
« 1° Du prix des immeubles aliénés:
« 2° Du produit des aliénations des rentes sur l'Etat ;
« 3° Du produit des emprunts,
« 4° Des subventions, dons et legs et autres recettes accidentelles.
« ART. 19. — Les dépenses du budget extraordinaire comprennent :
« 1° L'achat de rentes sur l'Etat ;
« 2" L'achat de terrains ou de bâtiments ;
« 3° Les acquisitions pour la bibliothèque et les collections de l'école ;
« 4° Les achats de livres à distribuer aux élèves-maîtres ;
« 5° Les frais de procédure ;
« 6° L'intérêt et l'amortissement des emprunts ;
« 7° Les dépenses accidentelles et temporaires imputées sur les ressources extraordinaires.
« ART. 20. — Le directeur soumet au conseil d'administration le budget de l'école pour l'année suivante, dans la dernière quinzaine du mois de mai de chaque année. « Les dépenses de nourriture sont évaluées d'après le nombre des élèves et des personnes admises à la table commune.
« Le conseil d'administration, dans la première quinzaine du mois de juin, émet son avis sur le budget présenté par le directeur.
« Le président du conseil d'administration adresse au recteur, en triple expédition, le projet de budget soumis au conseil d'administration. Il y joint les délibérations du conseil d'administration et toutes les pièces à l'appui. Le recteur transmet au ministre l'une de ces expéditions et envoie les deux autres au préfet.
« ART. 21. — La durée de la période pendant laquelle doivent se consommer tous les faits de recettes et de dépenses de chaque exercice se prolonge :
« 1° Jusqu'au 28 février de la seconde année pour la liquidation et l'ordonnancement des sommes dues aux créanciers ;
« 2° Jusqu'au 31 mars de cette seconde année pour compléter les opérations relatives au recouvrement des produits et au paiement des dépenses.
« ART. 22. — Chaque année, dans le mois qui suit la clôture de l'exercice, le conseil d'administration, sur la proposition du directeur, donne son avis sur les chapitres additionnels à ajouter au budget de l'exercice en cours.
« Ces chapitres comprennent : en recettes, les restes à recouvrer et, s'il y a lieu, l'excédent de l'exercice expiré ; en dépenses, les restes à payer de l'exercice expiré, qui sont reportés à l'exercice courant.
« L'excédent des recettes ordinaires sur les dépenses de même nature doit être affecté au paiement des dépenses énumérées à l'article 17.
« ART. 23. — Le préfet soumet le projet de budget au Conseil général à la session d'août et le transmet au ministre de l'instruction publique dans les quinze jours qui suivent la clôture de cette session, avec un extrait de la délibération du Conseil général.
« ART. 24. — Le budget est arrêté par le ministre de l'instruction publique, qui en transmet une ampliation au recteur et une autre au préfet. Le recteur en adresse copie au directeur de l'école.
« ART. 25. — Les prix de pension alloués par l'Etat à l'école normale sont mandatés par le préfet au nom de l'économe sur ordonnance de délégation du ministre de l'instruction publique et payés à la caisse du trésorier-payeur général.
« Les traitements du personnel des écoles normales sont payés directement par les comptables de l'Etat au personnel de l'école dans les conditions qui seront déterminées par des arrêtés des ministres de l'instruction publique et des finances.
« ART. 26. — La somme de 400 francs due, en vertu de l'article 18 de la loi du 19 juillet 1889, par les commensaux à la table commune est prélevée sur leur traitement et versée par douzièmes à la caisse de l'école par le comptable chargé de payer les traitements du personnel de l'école.
« ART. 27. — Les produits du jardin ne doivent être consommés qu'à la table commune. Ceux qui ne peuvent être consommés en nature doivent être vendus.
« Il est fait recette pour ordre dans les écritures de l'économe de ces produits dont la valeur est évaluée d'après les cours du marché local.
« Les produits qui ne peuvent être consommés en nature sont vendus, et le prix en est encaissé par l'économe sur le vu d'un titre de perception délivré par le directeur.
« ART. 28. — Les acquisitions d'immeubles, les achats de rentes sur l'Etat, les aliénations des biens de l'école, ainsi que les emprunts, sont proposés par le directeur, votés par le conseil d'administration, et approuvés par décrets rendus sur la proposition du ministre de l'instruction publique.
« ART. 29. — L'acceptation des dons et legs faits à l'école normale est autorisée par le ministre de l'instruction publique, après avis du conseil d'administration.
« En cas de réclamation, l'autorisation d'accepter est donnée par décret en Conseil d'Etat.
« ART. 30. — Aucune dépense faite pour le compte de l'école ne peut être acquittée que sur un mandat de paiement délivré par le directeur, ordonnateur des dépenses.
« ART. 31. — Les mandats de paiement mentionnent l'exercice, la quotité de la dépense, le chapitre et l'article auxquels elle se rattache ; les pièces justificatives prescrites par les règlements prévus à l'article 61 y sont jointes.
« ART. 32. — Les dépenses pour les besoins journaliers de l'école qui sont payées au comptant sont effectuées après approbation donnée par l'ordonnateur des dépenses. En fin de mois, ou lorsqu'elles atteignent 300 francs, elles font l'objet d'un mandat de régularisation collectif quittancé pour ordre par l'économe.
« ART. 33. — La valeur des produits et objets consommés en nature, portée en recette aux termes de l'article 16, est aussi portée en dépense et mandatée comme les dépenses visées à l'article précédent.
« ART. 34. — Les dépenses ne peuvent être faites que dans les limites des crédits spéciaux inscrits à chaque chapitre et à chaque article.
« ART. 35. — En cas d'insuffisance de crédits, le recteur, sur l'avis du conseil d'administration, adresse au ministre une demande spéciale de virement de crédit ou d'imputation de dépense sur l'excédent des recettes ordinaires. La décision prise par le ministre est notifiée, d'une part, au recteur, qui en transmet une copie certifiée au directeur, et, d'autre part, au préfet.
« Section II. — De la tenue des écritures, de la responsabilité de l'économe, du contrôle et de la surveillance.
« ART. 36. — La comptabilité des écoles normales est établie par gestions et divisée par exercices.
« ART. 37. — Pour la comptabilité en deniers, l'économe est tenu d'avoir :
« 1° Un registre à souche sur lequel il inscrit, à leur date et sans lacune, toutes les sommes versées à sa caisse pour le compte de l'école à quelque titre que ce soit ;
« 2° Un livre journal de caisse et de portefeuille sur lequel il inscrit, chaque jour et à leur date, toutes les sommes qu'il a reçues et toutes celles qu'il a payées pour le compte de l'école ;
« 3° Un sommier dans lequel il classe par exercice toutes les recettes et toutes les dépenses.
« ART. 38. — Pour la comptabilité des matières, l'économe tient un livre de magasin, le livre d'inventaire du mobilier appartenant à l'école.
« Il tient également le registre matricule de l'école.
« ART. 39. — Le livre du magasin comprend tous les approvisionnements de l'école. Les denrées achetées pour le compte de l'établissement y sont inscrites avec la date de leur entrée dans le magasin, l'indication de la quantité et de la valeur. Au fur et à mesure qu'elles sont livrées à la consommation, l'économe en inscrit la sortie avec la date du jour où il fait la livraison, l'indication de la quantité livrée et de sa valeur.
« Le registre est divisé en comptes particuliers selon la nature et la destination des différentes provisions. Un seul compte général comprend les produits du jardin et des propriétés de l'école consommés dans l'établissement.
« Pour les consommations journalières du pain et de la viande et pour les achats au comptant, l'économe tient une main courante d'inscription quotidienne, et en porte le relevé indiquant avec exactitude les entrées et les sorties.
« A la fin de chaque trimestre, il fait la balance des entrées et des sorties pour chaque compte du registre, et dresse un inventaire de tous les approvisionnements qui existent dans le magasin.
« Le détail des approvisionnements en magasin au 31 décembre, tel qu'il résulte de l'inventaire dressé en fin d'année, est porté en tête de chacun des comptes particuliers du livre du magasin pour l'année suivante.
« ART. 40. — Le livre d'inventaire du mobilier appartenant au département présente, avec un numéro d'ordre général et chacune à sa date, toutes les acquisitions faites pour le mobilier, le matériel d'enseignement, la bibliothèque, le cabinet de physique, les ustensiles de ménage, etc.
« Les objets hors d'usage, réformés avec l'autorisation du Conseil général, sont maintenus sur le livre d'inventaire ; mais la décision qui en autorise la réforme est mentionnée, en regard, dans la colonne d'observations.
« ART. 41. — Le livre d'inventaire du mobilier appartenant à l'école est rédigé dans la même forme. Les objets hors d'usage sont réformés avec l'autorisation du recteur et maintenus sur le livre d'inventaire comme il est dit à l'article précédent.
« ART. 42. — Dans le mois qui suivra la promulgation du présent décret, une commission composée du préfet ou de son délégué, des deux conseillers généraux membres du conseil d'administration, de l'inspecteur d'académie et d'un autre membre du conseil d'administration désigné par le recteur, procédera, avec l'assistance du directeur et de l'économe, au récolement du mobilier et du matériel. Elle fera deux inventaires spéciaux, l'un pour les objets appartenant au département, l'autre pour ceux qui appartiennent à l'école.
« Il sera dressé procès-verbal des opérations effectuées par la commission. Une expédition de ce procès-verbal sera soumise au Conseil général et au conseil d'administration de l'école. Acte de cette communication sera donné par ces deux assemblées pour valoir titre entre les parties intéressées.
« ART. 43. — Le registre matricule de l'école est destiné à constater l'entrée et la sortie des élèves-maîtres et les fonctions auxquelles ils ont été appelés en sortant de l'école normale.
« ART. 44. — Tous les registres sont cotés et paraphés par l'inspecteur d'académie. Il ne peut y avoir aucune interversion dans la série des numéros ni dans les dates. Toute rature ou surcharge est approuvée par l'ordonnateur des dépenses.
« Le conseil d'administration et le directeur vérifient ces divers registres toutes les fois qu'ils le jugent convenable et y consignent le résultat de leur vérification.
« La même vérification est faite par l'inspecteur d'académie, le recteur et les inspecteurs généraux en tournée.
« ART. 45. — Le directeur, ordonnateur des dépenses, vérifie la caisse de l'école au moins une fois par mois. Il arrête les écritures et inscrit le résultat de sa vérification sur le journal de caisse. S'il constate quelque irrégularité, il doit en aviser immédiatement l'inspecteur d'académie par un rapport spécial.
« ART. 46. — L'inspecteur d'académie, ou, en cas d'absence ou d'empêchement, son délégué, procède une fois par an au moins, de concert avec un délégué du préfet et en présence du directeur, ordonnateur des dépenses, et de l'économe, à la vérification de la caisse et de la comptabilité.
« Ils constatent d'abord l'état de la caisse, puis se font représenter le livre à souche, le journal de caisse et le sommier, et, après s'être assurés de l'exactitude des sommes, des dates et des numéros d'ordre qui y ont été consignés, ils en arrêtent les totaux et indiquent le résultat de leur vérification.
« Ils procèdent ensuite à la vérification de l'inventaire des approvisionnements en magasin dressé par l'économe, visé et approuvé par l'ordonnateur des dépenses, et le comparent avec la balance des entrées et des sorties, établie sur le livre du magasin. Ils comparent les quantités portées à l'inventaire avec les approvisionnements existants. Le résultat de cette vérification est constaté par la signature qu'ils apposent au bas de l'inventaire dressé par l'économe.
« Immédiatement après, ils dressent un procès-verbal de la vérification a laquelle ils ont procédé. Ce procès-verbal est établi en double expédition, dont une reste déposée à l'école.
« ART. 47. — A la suite de la vérification de la caisse et du magasin, le directeur adresse à l'inspecteur d'académie, pour être transmise au ministre, l'une des deux expéditions du procès-verbal ci-dessus mentionné et un bordereau récapitulatif des recettes et des dépenses.
« Ce bordereau est visé par l'ordonnateur des dépenses. Il fait ressortir le solde en caisse, dont l'économe demeure comptable. L'économe joint à ce bordereau l'état des créances et l'état des dettes de l'école.
« ART. 48 — L'économe est tenu de verser au trésor, à litre de placement de fonds sans intérêts, toutes les sommes qui sont reconnues par le directeur excéder les besoins courants de l'établissement,
« Ce versement est fait par sommes rondes de 500 francs et donne lieu à la délivrance par le receveur des finances d'autant de récépissés de 500 francs qu'en comporte la totalité du versement. Ces récépissés figurent dans l'encaisse de l'économe.
« Au fur et a mesure des besoins de l'école, les dépôts de fonds sont retirés sur la présentation des récépissés, au des desquels le directeur établit et signe un ordre de retrait de fonds. Cet encaissement ne donne pas lieu à la délivrance d'une quittance à souche ; l'économe se borne à quittancer pour ordre les récépissés rendus au trésor.
« ART. 49. — En cas de changement de l'économe, l'inspecteur d'académie arrête, en présence du directeur et conjointement avec l'ancien économe ou son représentant et le nouvel économe, tous les registres de comptabilité, et constate par un procès-verbal l'état des écritures.
« Ce procès-verbal indique le montant des valeurs trouvées en caisse, celui des créances et des dettes, la valeur et la quantité des approvisionnements existant en magasin. Le nouvel économe prend ces objets en charge et en devient responsable.
« Il est procédé de la même manière pour la constatation et la prise en charge du mobilier de l'établissement.
« Une copie des procès-verbaux dressés à cette occasion, certifiée par l'inspecteur d'académie, est envoyée au recteur pour être transmise au ministre.
« ART. 50. — En cas de maladie, de congé ou d'absence dûment justifiée, l'économe de l'école normale primaire peut, à titre exceptionnel, être remplacé par un fondé de pouvoirs à son choix, dûment agréé par le recteur. Ce fondé de pouvoirs agit pour le compte et sous l'entière responsabilité de l'économe.
« Dans le cas de décès, de démission ou de révocation de l'économe, ou lorsqu'il aura été dans l'impossibilité absolue de désigner son remplaçant, le recteur nomme un gérant intérimaire qui en remplit les fonctions jusqu'au jour de l'installation de son successeur. Avis de cette nomination est donne, au trésorier-payeur général. La gestion du gérant intérimaire, qui est tout à fait distincte de celle de l'ancien ou du nouveau titulaire, donne lieu à une remise de service, conformément aux dispositions de l'article précédent.
« ART. 51. — Tous les ans, à la clôture de l'exercice ou à chaque changement d'économe, il est procédé, en présence d'un délégué du préfet, d'un membre du conseil d'administration désigné par le recteur, du directeur de l'école et de l'économe, au récolement du mobilier et du matériel. Il sera dressé deux procès-verbaux de cette opération, dont l'un pour le mobilier et le matériel du département, l'autre pour le mobilier et le matériel de l'école.
« Ces deux procès-verbaux sont établis en triple expédition : l'une est soumise au conseil d'administration de l'école ; les deux autres sont envoyées au préfet pour être transmises par ses soins au Conseil général et au ministre de l'instruction publique.
« Le Conseil général et le conseil d administration de l'école devront donner acte de cette communication.
« ART. 52. — L'économe est soumis à toutes les obligations imposées aux comptables des lycées.
« Section III. — Des états de situation
et du compte de l'exercice.
« ART. 53. — Tous les ans, dans les dix premiers jours de janvier, l'économe soumet au conseil d'administration, en triple expédition, l'état de situation de la caisse et l'état de situation du magasin pour l'année précédente.
« Le président du conseil adresse les trois expéditions de ces deux états au recteur de l'académie avant le 20 janvier, avec un extrait de la délibération qui a été prise à ce sujet.
« Avant le 1er février, le recteur en envoie une expédition au ministre et une autre au préfet, avec ses observations personnelles. La troisième reste déposée dans les archives de l'académie.
« ART. 54. — L'état de situation de la caisse présente le résumé de toutes les opérations de caisse de l'année qui ont été inscrites au journal de caisse ; il constate les valeurs qui se trouvaient en caisse au 31 décembre de l'année précédente, le montant par chapitre de toutes les sommes reçues et payées pendant le cours de l'année, et les valeurs restant en caisse à la fin de l'année.
« ART. 55. — L'état de situation du magasin présente le résumé du mouvement des approvisionnements de l'année qui ont été inscrits au livre de magasin ; il constate la valeur totale des approvisionnements qui se trouvaient en magasin au 31 décembre de l'année précédente, la valeur par chapitre des denrées qui sont entrées dans le magasin et qui en sont sorties dans le cours de l'année, la valeur totale des approvisionnements restant en magasin à la fin de l'année.
« Les produits du jardin et des propriétés consommés en nature forment un article spécial de l'état de situation du magasin.
« ART. 56. — Tous les ans, le 1" avril, le directeur de l'école normale dresse le compte administratif de l'exercice qui vient de se clore au 31 mars. Ce compte est établi en triple expédition. Il présente le détail des opérations de l'exercice seulement ; il indique, par chapitre, les sommes à recouvrer et les sommes à payer, et, dans chaque chapitre, les recouvrements et les paiements effectués ainsi que les sommes restant à recouvrer ou à payer en fin d'exercice. Pour l'appréciation des dépenses nettes, il constate l'augmentation ou la diminution des approvisionnements portés aux inventaires, ainsi que des produits en nature réservés pour l'établissement. La situation de l'exercice, en excédent ou en déficit, est établie, dans un tableau récapitulatif, par la comparaison de la recette et de la dépense.
« Deux tableaux complémentaires, placés l'un au commencement, l'autre à la fin du compte, offrent le résumé général de la situation financière de l'école au 31 mars de l'année précédente et au 31 mars de l'année courante. Cette situation est établie en actif et en passif.
« L'actif se compose : 1° de l'excédent des recouvrements sur les paiements du budget ; 2° du montant des créances ; 3° de la valeur des approvisionnements en magasin.
« Le passif se compose du montant des dettes de l'école.
« ART. 57 — L'ordonnateur des dépenses soumet le compte administratif de l'exercice à l'examen du conseil d'administration, dans les premiers jours d'avril, et l'accompagne d'un rapport détaillé sur les diverses parties du service. Il constate dans ce rapport l'exactitude et la régularité des recettes, et fournit des explications sur les sommes restant à recouvrer et sur les causes du retard dans le recouvrement. Il examine successivement les diverses consommations, les compare avec celles de l'exercice précédent ; il en explique les différences et indique les améliorations introduites ou à introduire.
« ART. 58. — Le conseil d'administration prend une délibération sur le compte qui lui est soumis par le directeur de l'école. Le résultat de sa délibération est adressé par le président, le 15 avril au plus tard, au recteur de l'académie avec trois expéditions du compte.
« Le directeur n'assiste pas à la séance dans laquelle le compte qu'il a présenté est soumis à l'examen du conseil d'administration.
« ART. 59. — Le recteur transmet, avant le 30 avril, une de ces expéditions au préfet et l'autre au ministre de l'instruction publique ; il y joint ses observations personnelles. Le préfet soumet le compte au Conseil général dans la plus prochaine session, et envoie immédiatement au ministre copie de l'avis exprimé par l'assemblée départementale.
« Le compte est approuvé par le ministre de l'instruction publique.
« ART. 60. — Chaque année, à la clôture de l'exercice, l'économe établit le compte des recettes et des dépenses qu'il a faites en numéraire pendant l'année précédente, ainsi que le compte des matières.
« Le compte en deniers embrasse : 1° les opérations des douze premiers mois de l'exercice, formant la deuxième partie de la gestion expirée ; 2° les opérations complémentaires du même exercice, formant la première partie de la gestion suivante.
« ART. 61. — Il présente, par colonnes distinctes et dans l'ordre des chapitres et des articles du budget :
« En recette :
« 1° La nature des recettes ;
« 2° Le montant des produits d'après les titres justificatifs ;
« 3° Les remises et non-valeurs ;
« 4° La fixation définitive des sommes à recouvrer ;
« 5° Les sommes recouvrées pendant la première année de l'exercice et pendant les trois premiers mois de la seconde année ;
« 6° Les sommes restant à recouvrer à reporter au budget de l'exercice suivant ;
« En dépense :
« 1° Les articles de dépense du budget ;
« 2° Le montant des crédits ;
« 3° Le montant des sommes payées sur ces crédits, soit dans la première année de l'exercice, soit dans les premiers mois de la seconde année ;
« 4° Les restes à payer à reporter au budget de l'exercice suivant ;
« 5° Les crédits ou portions de crédit à annuler faute d'emploi dans les délais prescrits.
« Les opérations de recette et de dépense qui ne concernent pas directement l'école figurent dans une section séparée du compte, sous le titre de services hors budget.
« Le compte est suivi de la situation de l'économe envers l'école au 31 décembre et du résultat final de l'exercice qui est reporté en tête du compte suivant. Il est accompagné du procès-verbal de vérification de caisse au 31 décembre et des pièces justificatives prescrites par des règlements arrêtés de concert entre le ministre de l'instruction publique et le ministre des finances.
« ART. 62. — Le compte des matières constate la quantité et la valeur des approvisionnements qui existaient dans les magasins au 31 décembre de l'année antérieure à celle du compte, la quantité et la valeur des approvisionnements qui sont entrés dans les magasins et de ceux qui en ont été retirés pendant l'année, enfin la quantité et la valeur des objets qui existaient dans les magasins au 31 décembre.
« Il est accompagné des pièces justificatives prescrites par les règlements concertés entre le ministre de l'instruction publique et le ministre des finances.
« ART. 63. — Les comptes de gestion des économes des écoles normales primaires sont jugés par la Cour des comptes. Ils doivent lui parvenir avant le 1er octobre de la seconde année de l'exercice.
« Section IV. — Cautionnements des économes.
« ART. 64. — Les cautionnements des économes des écoles normales primaires sont fixés à 5 pour 100 de l'ensemble des recettes de l'année qui précède leur installation. En aucun cas le cautionnement ne peut être inférieur à 1000 francs.
« Il ne sera pas tenu compte des recettes qui ne correspondent pas à une fraction de cautionnement de 100 francs.
« L'économe qui a cessé d'exercer ses fonctions peut obtenir la restitution des deux premiers tiers de son cautionnement, sur la production d'un certificat délivré par le recteur et constatant que ses comptes sont réguliers et qu'il n'existe aucun débet à sa charge.
« ART. 65. — Les cautionnements des économes sont versés : à Paris, a la caisse centrale du trésor, et, dans les départements, aux caisses des receveurs des finances. « ART. 66. — Les dispositions du présent règlement sont applicables à l'administration et à la comptabilité intérieures des écoles normales primaires d'institutrices.
« ART. 67. — Sont et demeurent abrogés les décrets du 29 juillet 1832 et 16 avril 1883 sur la comptabilité des écoles normales primaires, et toutes les dispositions contraires au présent règlement. »