bannière

n

Navarre

 Le P. Navarre, qui appartenait à la congrégation de la Doctrine chrétienne, professait la philosophie au collège de l'Esquille dans la seconde moitié du dix-huitième siècle. Les dictionnaires biographiques ne lui ont pas consacré de notice, et nous ne pouvons indiquer les dates de sa naissance et de sa mort. Il concourut en 1763 pour le prix qu'avait proposé l'Académie des jeux floraux sur cette question : Quel serait en France le plan d'étude le plus avantageux? et son discours fut couronné. On trouve dans cet écrit quelques idées qu'on ne s'attendrait pas à rencontrer sous la plume d'un religieux et qui font voir que les Pères de la Doctrine, comme ceux de l'Oratoire, osaient se montrer novateurs en éducation. Voici comment l'auteur parle des méthodes alors employées pour enseigner les langues anciennes : « Loin d'ici ces législateurs de la langue grecque et latine, si propres à effrayer nos jeunes élèves. Qu'on bannisse à jamais des collèges ce recueil fastidieux des préceptes, ces glaces de la syntaxe, ces gloses qui inondent les écoles, et si capables d'éteindre tout le feu de l'esprit français. Que dirai-je de ces ennuyeuses compositions de collège, source éternelle de mauvais goût, de désespoir et de larmes ? C'est en étudiant avec réflexion les meilleurs morceaux des écrivains célèbres, qu'on se forme insensiblement à penser et à écrire comme eux. » Quanta la philosophie, le P. Navarre se prononce hardiment contre les chimères de la scolastique, qu'il faut « abandonner à l'ignorante subtilité des siècles barbares », et il invoque le nom de Bacon: « Guidés par le fondateur de la nouvelle philosophie, l'immortel Bacon, ce génie créateur, nos philosophes donneront pour base à leur doctrine l’expérience, l'observation et l'évidence ». Il appelle la théologie, telle qu'on l'enseignait alors, « une science de dérision et d'inutilités, plus propre à faire naître des doutes sur la religion qu'à l'expliquer ; à scandaliser les fidèles, par l'esprit de parti et les inimitiés qu'elle sème, qu'à les édifier par des leçons de paix et de charité. Que ce que l'Eglise a toujours cru et enseigné sur la foi et sur les moeurs, ajoute-t-il, soit notre seule théologie ; qu'on lui donne pour fondement éternel et unique la Sainte-Ecriture, les canons, la tradition et la liberté de l'Eglise gallicane. » Les sentiments patriotiques de l'auteur sont exprimés en termes chaleureux ; et c'est peut-être le trait le plus caractéristique de son discours que la force avec laquelle il insiste sur la nécessité de former de bons Français et de vrais citoyens en même temps que des chrétiens : « La valeur, l'héroïsme, le dévouement a sa patrie, un attachement inviolable à son roi, forment le vrai citoyen français. Ce nom si doux et si respectable, ce nom sacré, qui annonce et produit même la vertu, le nom de citoyen fut toujours en France un titre héréditaire donné par l'honneur, et soutenu par le mérite et l'exemple. Pourquoi donc nos enfants n'apprendraient-ils pas de leurs maîtres, non seulement à être chrétiens et sociables, mais à être citoyens ? Pourquoi tant d'études arides et infructueuses feraient-elles négliger l'étude sublime des devoirs de la patrie? Le roi et la France, deux objets que l'éducation doit unir, et pour ainsi dire incorporer dans tous les coeurs de la jeunesse française, comme ils le sont dans la constitution nationale! »

Le Discours du P. Navarre a été imprimé en un petit volume in-18, de 72 pages, sans indication de lieu ni de date.