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Napoléon 1er

Lorsque Napoléon se fut fait décerner le titre d'empereur (18 mai 1804), il songea à donner à l'instruction publique une organisation conforme à ses intérêts politiques. Il se préoccupa de la création d'un corps enseignant. Il avait trouvé que le personnel des lycées, avec ses proviseurs et ses censeurs mariés, n'était pas assez dans la main du gouvernement, et manquait de cette homogénéité qui permet seule à une grande administration d'obéir à une impulsion unique. Il se fit présenter par le ministre de l'intérieur, qui était encore Chaptal, une note relative à la reconstitution possible des anciennes congrégations enseignantes. La note de Chaptal proposait de commencer par l'Oratoire, « qui a offert l'union des lumières, du patriotisme et de la tolérance ». Le ministre estimait qu'il serait possible de réunir encore une cinquantaine d'oratoriens disposés à reprendre des fonctions d'enseignement ; on confierait à la congrégation rétablie trois ou quatre lycées ; elle s'engagerait à suivre les règlements généraux, et serait soumise à la surveillance des autorités compétentes ; elle aurait de plus le droit d'établir un nombre d'écoles secondaires (petits collèges) double ou triple du nombre des lycées gouvernés par elle. Ce premier projet fut suivi d'un autre plan plus étendu, dans lequel Chaptal faisait entrer, en les groupant dans une organisation nouvelle, les trois Congrégations de l'Oratoire, de la Doctrine et des Bénédictins de Saint-Maur. Les principaux articles de ce plan, retrouvé aux Archives par M. Eugène Rendu, étaient ainsi conçus :

« Trois associations, connues sous le nom de première, deuxième et troisième division de professeurs secondaires, sont établies. La première a son chef-lieu à Tournon, correspondant à celui de la ci-devant congrégation de l'Oratoire ; la deuxième à la Flèche, correspondant à celle de la Doctrine ; la troisième à Sorèze, correspondant à celle de Saint-Maur. L'association est absolument soumise au gouvernement ; elle reçoit de lui les plans d'éducation, les méthodes d'enseignement et tous les règlements intérieurs et extérieurs qu'il juge convenables ; elle travaille sous la surveillance du ministre et des inspecteurs généraux des études. — Nul membre, tant qu'il reste dans l'association, ne peut être lié par le mariage. »

Napoléon voulut avoir sur ce projet l'avis de Lebrun. Celui-ci répondit : « Ces sortes d'institutions ne paraissent guère dans le goût du siècle actuel. Les philosophes n'y verraient que le retour d'une espèce de monachisme. Il serait bien utile d'avoir des établissements pour former d s professeurs ; mais il faudrait que ces établissements n'eussent rien d'ecclésiastique, et qu'ils fussent tout à fait empreints d'amour pour le gouvernement actuel et d'attachement à ses principes. Il faudrait par conséquent des hommes nouveaux. »

Le projet fut abandonné.

Chaptal, que Napoléon ne trouvait pas assez souple, avait été remplacé à l'intérieur par M. de Champagny. Le nouveau ministre était un catholique zélé. On le voit, dans un rapport adressé à l'empereur vers le milieu de 1805, juger de cette manière les résultats obtenus par les lycées : « Le vice radical du système actuel, c'est de n'avoir rien fait pour l'éducation. On n'a presque rien fait, ni dans les règlements, ni dans la direction donnée ; on n'a presque rien fait pour la surveillance, ni surtout pour le choix des chefs. On peut affirmer sans exagération qu'une forte moitié des chefs ou des professeurs est, au point de vue moral, dans la plus complète indifférence, » t qu'un quart, par leurs discours, leur conduite, leur réputation, déploie le caractère le plus dangereux sous les yeux de la jeunesse. En vain un proviseur, un censeur croiraient en avoir conservé le secret à leurs amis ; il n'y a point de secret semblable dans un lycée. Dans une nation, et sous un gouvernement qui professe le christianisme, il n'y a point d'éducation si l'on ne forme des élèves chrétiens. Ce n'est pas seulement en attachant à un lycée un aumônier, qui y dit la messe le dimanche, qu'on atteindra le but. La religion doit être profondément gravée dans le coeur et dans la raison des élèves. Elle ne le sera jamais si le lycée n'a un esprit religieux, si les chefs n'y portent de la chaleur et du zèle. Or, deux ou trois lycées à peine offrent ce spectacle. »

C'est à ce moment que la conception de l'Université de France, d'un corps enseignant unique, soumis à un chef, acheva de s'arrêter dans l'esprit de Napoléon. Il manda à Saint-Cloud (juillet ou août 1805) Fourcroy, le directeur de l'instruction publique, et Fontanes, alors président du Corps législatif, qu'il avait pris l'habitude de consulter sur les questions de ce genre ; il leur exposa ses vues dans un entretien décisif, et dicta à Fourcroy ses instructions pour la rédaction d'un projet de décret. « Pendant deux heures, racontait plus tard Fontanes à M. Ambroise Rendu, cet homme, qui n'a pas eu d'égal sur les champs de bataille, a passé en revue avec une sûreté et une délicatesse admirables toutes les grandes questions d'ordre philosophique ; tout s'est rencontré dans cette magnifique improvisation, depuis Dieu, les lois morales, les lois intellectuelles, les lois politiques, jusqu'aux anciennes corporations religieuses, à la question du célibat, au programme d'enseignement, au rôle des maîtres d'étude ; nous étions éblouis et charmés. L'empereur ne m'est pas seulement apparu ce jour-là comme un politique incomparable ; bien que grand politique, ou plutôt parce que grand politique, il s'est montré vrai chrétien ! » (M. Ambroise Rendu et l'Université de France, par Eugène Rendu.)

Les instructions dictées à Fourcroy furent résumées dans un rapport et un projet de décret présentés peu de temps après à l'empereur sous la signature du ministre de l'intérieur. Les passages suivants de ce rapport feront connaître les intentions de Napoléon :

« Votre Majesté — y lit-on— m'a ordonné de préparer et de lui soumettre un travail sur l'établissement et l'organisation d'un corps enseignant. « De toutes les questions politiques » (ce sont les propres expressions de Votre Majesté), « celle-ci est peut-être du premier ordre. Il n'y aura pas d'état politique fixe, s'il n'y a pas un corps enseignant, avec des principes fixes. Tant qu'on n'apprendra pas, dès l'enfance, si l'on doit être républicain ou monarchique, catholique ou irréligieux, etc., l'Etat ne formera point une nation ; il reposera sur des bases incertaines et vagues ; il sera constamment exposé aux désordres et aux changements. » La nécessité d'un corps enseignant une fois reconnue, il s'agit de savoir si ce corps ou cet ordre doit être une association religieuse, s'il doit faire voeu de chasteté, renoncer au monde, etc. Votre Majesté a jugé elle même qu'il n'y avait aucune connexité entre ces idées. « Il y aurait, » a-t-elle dit, « un corps enseignant si tous les proviseurs, censeurs et professeurs de l'empire avaient un ou plusieurs chefs, comme les jésuites avaient un général, des provinciaux ; si l'on ne pouvait être professeur dans les hautes classes qu'après avoir professé dans les basses ; s'il y avait aussi dans la carrière de l'enseignement un ordre progressif, qui entretint l'émulation, et qui montrât dans les différentes époques de la vie un aliment et un but à l'espérance. On a senti. » ajoute Votre Majesté, « l'importance de la corporation des jésuites ; on ne tarderait pas à sentir l'importance du corps enseignant ». Si l'on jugeait qu'il fût important que les fonctionnaires et professeurs des lycées ne fussent pas mariés, on pourrait arriver à cet état de choses facilement et en peu de temps. Le moyen d'obvier à tous les inconvénients serait de faire une loi du célibat pour tous les membres du corps enseignant, excepté pour les professeurs des écoles spéciales et des lycées et pour les inspecteurs. Le mariage dans ces places ne présente aucun inconvénient. Mais les directeurs et maîtres d'étude des collèges ne pourraient se marier sans renoncer à leurs places. Sans être lié par des voeux, le corps enseignant n'en serait pas moins religieux. Qu'il y ait pour les exercices de religion des règlements auxquels chacun soit astreint: que les places supérieures soient données de préférence à ceux qui joindront aux lumières et aux talents une conduite irréprochable, et la religion sera en honneur dans les établissements d'instruction publique. Le corps enseignant étant un, l'esprit qui l'animera sera nécessairement un, et, sous ce rapport, le nouveau corps enseignant l'emportera nécessairement sur les anciennes corporations. Telles sont les vues générales, vues dictées par Votre Majesté, d'après lesquelles ont été conçues les dispositions du projet de décret que j'ai l'honneur, Sire, de vous soumettre. »

Sur l'ordre de l'empereur, ce projet de décret fut porté au Conseil d'Etat par Fourcroy, et y fut discuté de février à avril 1806. Plusieurs rédactions diverses furent successivement essayées et débattues. Mais une loi était nécessaire pour consacrer le principe du droit exclusif de l'Etat en matière d'instruction publique. L'empereur lit donc voter par le Corps législatif la loi du 10 mai 1806, portant ce qui suit : « Il sera formé, sous le nom d'Université impériale, un corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publique dans tout l'empire. Les membres du corps enseignant contracteront des obligations civiles, spéciales et temporaires. » Le principe de cette loi ne fut pas admis sans une assez vive opposition. Portalis, consulté par Napoléon, se prononça très nettement contre « un système qui ne tendait à rien de moins qu'à détruire les droits sacrés de la paternité ». M. de Champagny, de son côté, redoutait la création d'un corps enseignant unique, d'une corporation exclusive, et exprima dans une note ses appréhensions et ses doutes : « Trois ou quatre universités rivales, ou plutôt émules, disait-il, ne s'exciteraient-elles pas mutuellement? n'auraient-elles pas une carrière plus vaste et plus libre? En tendant au même but, n'offriraient-elles pas moins d'inconvénients et plus d'avantages? » La note du ministre de l'intérieur fut communiquée par l'empereur au président du Corps législatif. « Fontanes, lui dit-il, que pensez-vous de cela? — Sire, répondit le futur grand-maître, si nous avions à agir sur une société homogène et vivant de ses traditions anciennes, je dirais : Ces objections sont invincibles. Mais au lendemain d'une révolution, au sortir de l'anarchie, et en présence de partis hostiles, il faut dans l'enseignement comme en toutes choses l'unité de vue et de gouvernement. La France a besoin, pour un temps du moins, d'une seule Université, et l’Université d'un seul chef. — C'est cela, répliqua l'empereur, vous m'avez compris. » (M. Ambroise Rendu et L'Université de France, par Eugène Rendu.)

Après l'adoption de la loi du 10 mai 1806, Napoléon revit lui-même et compara tous les projets diversement amendés, et donna de nouvelles instructions à Fourcroy. La discussion du décret fut reprise au Conseil d'Etat à la fin de mai, et le projet adopté enfin dans la séance du 4 juillet 1806.

Ce décret toutefois ne fut promulgué que deux ans après, le 17 mars 1808. En voici les principales dispositions :

« L'enseignement public, dans tout l'empire, est confié exclusivement à l'Université. — Aucune école, aucun établissement quelconque d'instruction ne peut être formé hors de l'Université impériale, et sans l'autorisation de son chef. — Nul ne peut ouvrir d'école ni enseigner publiquement, sans être membre de l'Université impériale, et gradué par l'une de ses facultés. Néanmoins l'instruction dans les séminaires dépend des archevêques et évêques chacun dans son diocèse ; ils en nomment et révoquent les directeurs et professeurs, ils sont seulement tenus de se conformer aux règlements pour les séminaires. — L'Université impériale sera composée d'autant d'académies qu'il y a de cours d'appel. — Les écoles appartenant à chaque académie seront placées dans l'ordre suivant : 1° les facultés, pour les sciences approfondies, et la collation des grades ; 2° les lycées, pour les langues anciennes, l'histoire, la rhétorique, la logique et les éléments des sciences mathématiques et physiques ; 3° les collèges, écoles secondaires communales, pour les éléments des langues anciennes et les premiers principes de l'histoire et des sciences ; 4° les institutions, écoles tenues par des instituteurs particuliers, où l'enseignement se rapproche de celui des collèges ; 5° les pensions, pensionnats appartenant à des maîtres particuliers, et consacrés à des études moins fortes que celles des institutions ; 6° les petites écoles, écoles primaires, où l'on apprend à lire, à écrire, et les premières notions du calcul. — Toutes les écoles de l'Université impériale prendront pour base de leur enseignement : 1° les préceptes de la religion catholique ; 2° la fidélité à l'empereur, à la monarchie impériale, dépositaire du bonheur des peuples, et à la dynastie napoléonienne, conservatrice de l'unité de la France et de toutes les idées libérales proclamées par les constitutions ; 3° l'obéissance aux statuts du corps enseignant, qui ont pour objet l'uniformité de l'instruction, et qui tendent à former, pour l'Etat, des citoyens attachés à leur religion, à leur prince, à leur patrie et à leur famille ; 4° tous les professeurs de théologie seront tenus de se conformer aux dispositions de l'édit de 1682, concernant les quatre propositions contenues en la déclaration du clergé de France de ladite année. — Les membres de l'Université impériale contracteront par serment les obligations civiles, spéciales et temporaires, qui doivent les lier au corps enseignant. Ils promettront obéissance au grand-maître dans tout ce qu'il leur commandera pour notre service et pour le bien de l'enseignement. Ils s'engageront à ne quitter le corps enseignant et leurs fonctions qu'après on avoir obtenu l'agrément du grand-maître. Le grand-maître pourra dégager un membre de l'Université de ses obligations, et lui permettre de quitter le corps ; en cas de refus du grand maître, et de persistance de la part d'un membre de l'Université dans la résolution de quitter le corps, le grand-maître sera tenu de lui délivrer une lettre d'exeat après trois demandes consécutives, réitérées de deux mois en deux mois. Celui qui aura quitté le corps enseignant sans avoir rempli ces formalités sera rayé du tableau de l'Université, et encourra la peine attachée à cette radiation. — Les membres de l'Université seront tenus d'instruire le grand-maître et ses officiers de tout ce qui viendrait à leur connaissance de contraire à la doctrine et aux principes du corps enseignant, dans les établissements d'instruction publique. — L'Université impériale sera régie et gouvernée par le grand-maître, qui sera nommé et révocable par nous. — Il y aura, immédiatement après le grand-maître, deux titulaires de l'Université impériale ; l'un aura le titre de chancelier, et l'autre celui de trésorier ; ils seront nommés et révocables par nous. — Le Conseil de l'Université sera composé de trente membres. Dix de ces membres, dont six choisis parmi les inspecteurs, et quatre parmi les recteurs, seront conseillers à vie ou conseillers titulaires de l'Université ; ils seront brevetés par nous. Les conseillers ordinaires, au nombre de vingt, seront pris parmi les inspecteurs, les doyens et professeurs des facultés, et les proviseurs des lycées ; tous les ans, le grand-maître fera la liste des vingt conseillers ordinaires qui doivent compléter le Conseil pendant l'année. — Il sera établi au chef-lieu de chaque académie un conseil composé de dix membres, désignés par le grand-maître. Les Conseils académiques seront présidés par les recteurs. — Les inspecteurs généraux de l'Université seront nommés par le grand-maître ; leur nombre sera de vingt au moins, et ne pourra excéder trente. — Il y aura dans chaque académie un ou deux inspecteurs particuliers ; ils seront nommés par le grand-maître, sur la présentation des recteurs. — Chaque académie sera gouvernée par un recteur, sous les ordres immédiats du grand-maître, qui le nommera pour cinq ans. — A l'avenir, et après l'organisation complète de l'Université, les proviseurs et censeurs des lycées, les principaux et régents des collèges, ainsi que les maîtres d'étude de ces écoles, seront astreints au célibat et à la vie commune. Les professeurs des lycées pourront être mariés. — Les frères des écoles chrétiennes seront brevetés et encouragés par le grand-maître, qui visera leurs statuts intérieurs, les admettra au serment, leur prescrira un habit particulier, et fera surveiller leurs écoles. Les supérieurs de ces congrégations pourront être membres de l'Université. — Il est créé, parmi les gradués fonctionnaires de l'Université, des titres honorifiques destinés à distinguer les fonctions éminentes et à récompenser les services rendus à l'enseignement.

Ces titres seront au nombre de trois, savoir : 1° les titulaires ; 2° les officiers de l'Université ; 3° les officiers des académies. — Seront titulaires de l'Université : le grand-maître, le chancelier, le trésorier, et les dix conseillers à vie. — Seront, de droit, officiers de l'Université, les conseillers ordinaires, les inspecteurs de l'Université, les recteurs, les inspecteurs des académies, les doyens et professeurs des facultés. Le titre d'officier de l'Université pourra aussi être accordé par le grand-maître aux proviseurs, censeurs, et aux professeurs des deux premières classes des lycées, les plus recommandables par leurs talents et par leurs services. — Seront, de droit, officiers des académies, les proviseurs, censeurs et professeurs des deux premières classes des lycées, et les principaux des collèges. Le titre d'officiers des académies pourra aussi être accordé par le grand-maître aux autres professeurs des lycées, ainsi qu'aux régents des collèges et aux chefs d'institution, dans le cas où ces divers fonctionnaires auraient mérité cette distinction par des services éminents. — Les professeurs et agrégés des lycées, les régents des collèges et les chefs d'institution qui n'auraient pas les titres précédents, porteront, ainsi que les maîtres de pension et les maîtres d'étude, le seul titre de membres de l'Université. — Il sera établi à Paris un pensionnat normal, destiné à recevoir jusqu'à trois cents jeunes gens, qui y seront formés à l'art d'enseigner les lettres et les sciences. Les aspirants, dans le cours de leurs deux années d'études au pensionnat normal, ou à leur terme, devront prendre leurs grades, à Paris, dans la faculté des lettres ou dans celle des sciences. Ils seront de suite appelés par le grand-maître pour remplir des places dans les académies. — Les maîtres d'étude des lycées et les régents des collèges seront admis à concourir entre eux pour obtenir l'agrégation au professorat des lycées. Il sera reçu successivement un nombre d'agrégés suffisant pour remplacer les professeurs des lycées ; ce nombre ne pourra excéder le tiers de celui des professeurs. Les agrégés auront un traitement annuel de 400 fr., qu'ils loucheront jusqu'à ce qu'ils soient nommés à une chaire de lycée ; ils seront répartis par le grand-maître dans les académies ; ils remplaceront les professeurs malades. — Il sera prélevé, au profit de l'Université et dans toutes les écoles de l'empire, un vingtième sur la rétribution payée par chaque élève pour son instruction. Ce prélèvement sera fait par le chef de chaque école, qui en comptera, tous les trois mois au moins, au trésorier de l'Université impériale. » On trouvera le texte intégral du décret du 17 mars 1808 à l'article Université de France.

Ce fut Fontanes — le seul qui eût compris la pensée de l'empereur — qui reçut la charge de grand-maître de l'Université impériale.

L'organisation de l'Université impériale fut complétée par le décret du 17 septembre 1808, portant règlement pour l'Université : l'article 3 de ce décret dispose qu'à la date du 1er janvier 1809 « tout établissement quelconque d'instruction qui ne sera pas muni d'un diplôme exprès du grand-maître cessera d'exister » ; — par le règlement du 10 septembre 1809, sur l'enseignement dans les lycées ; — par le statut du 16 février 1810, relatif aux facultés et à la collation des grades, dont l'article 18 porte que, « pour être admis à l'examen du baccalauréat, tout aspirant justifiera qu'il a fait une année de rhétorique et une année de philosophie, soit dans un lycée, soit dans une école où ce double enseignement aura été formellement autorisé » (c'est ce qu'on appela l'obligation du « certificat d'études ») ; — par le décret du 15 novembre 1811, concernant le régime de l'Université, qui porta le nombre des lycées à cent dans tout l'empire ; divisa les collèges en deux classes ; ordonna que, dans les villes où il y a un lycée ou un collège, les institutions et pensions seraient obligées d'y envoyer leurs élèves, et devraient se borner à répéter l'enseignement qui y serait donné ; que dans les villes qui n'ont ni lycée, ni collège, les institutions ne pourraient élever l'enseignement au-dessus des classes d'humanités ; que les chefs d'institution et les maîtres de pension ne pourraient avoir de pensionnaires à demeure dans leurs maisons au-dessus de l'âge de neuf ans, qu'autant que le nombre de pensionnaires que peut recevoir le lycée ou le collège établi dans la même ville ou dans la résidence du lycée se trouverait au complet ; que les écoles secondaires ecclésiastiques seraient gouvernées par l'Université, qu'elles ne pourraient être placées que dans les villes possédant un lycée ou un collège, et que leurs élèves seraient conduits au lycée ou au collège pour y suivre leurs classes.

La première Restauration, après avoir maintenu provisoirement l'Université impériale, voulut, par ordonnance du 17 février 1815, en détruire l'organisation fortement centralisée. Mais, avant que cette ordonnance eût pu être mise à exécution, Napoléon revenait de l'île d'Elbe. Il rétablit aussitôt l'Université sur l'ancien pied, et, en attendant qu'un nouveau grand-maître eût été nommé, confia la direction des affaires courantes à Arnault, l'ancien secrétaire général. L'empereur s'adressa d'abord à Lacépède ; celui-ci n'accepta qu'avec répugnance, et ne conserva ses fonctions que peu de jours. Alors Napoléon songea à Lebrun, qui était âgé déjà de soixante-seize ans, et qui eût désiré rester étranger aux affaires : il le nomma grand-maître ; le duc de Plaisance ne crut pas pouvoir se dispenser d'obéir à la volonté de l'empereur, et accepta (9 mai 1815). Il garda ses fonctions jusqu'au second retour des Bourbons.

Pendant les Cent-Jours, il n'y a rien à signaler d'important dans l'administration de l'Université, dont l'es prit est resté le même. Mais une tentative est faite pour innover dans l'enseignement primaire ; cette tentative part de l'initiative privée, et elle est favorisée par le ministre de l'intérieur, Camot : Voir Camot (Lazare). Napoléon qui, au faîte de sa puissance, n'avait rien fait pour les écoles du peuple, parut regretter cette erreur de sa politique : il signa le décret du 27 avril 1815, dont les considérants constataient « l'importance de l'éducation primaire pour l'amélioration du sort de la société ». Mais il était trop tard : quand la commission chargée de réorganiser l'enseignement élémentaire se réunit sous la présidence de Camot, déjà grondait le canon de Waterloo.

James Guillaume