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Murard de Saint Romain

 Murard de Saint-Romain (1772-1854), était, en 1816, député du département de l'Ain à la Chambre dite « introuvable ». Il dut un moment de célébrité au discours qu'il prononça dans la séance du 31 janvier 1816, pour proposer la suppression de l'Université. Le parti qui voulait livrer l’enseignement au clergé l'avait choisi pour son porte-voix dans cette circonstance, jugeant habile « de lancer en avant un député dans le département duquel ne se trouvaient ni faculté, ni lycée, ni conseil académique, ni administration rectorale, et qui, dans une ignorance absolue de tout ce qu'il devait attaquer, était merveilleusement propre à devenir l'organe de déclamations sans critique » (Eugène Rendu). Voici quelques passages du discours de Murard de Saint-Romain qui suffiront à le caractériser :

« Tout ce qui restait d'honnête était en fuite, ou caché dans d'obscures retraites, ou renfermé dans de fétides cachots, et réservé à la mort. Que restait-il donc au Comité d'instruction publique de la Convention? Les plus hideux rebuts de la société, des hommes décriés, qui, par leur turpitude, avaient donné à la Révolution des gages bien dignes d'elle. C'est de ces éléments impurs que se composèrent alors les prytanées, les écoles centrales et le petit nombre d'établissements contre lesquels je m'élève aujourd'hui avec la France entière. Convenons que, parmi les employés de ce qu'on appelait l'Université et ses dépendances, un trop grand nombre, malheureusement, a chéri la Révolution, a sucé, dans des écoles perverses, un lait corrompu, la haine de la religion et des rois légitimes, l'oubli de tout principe ; un fol orgueil et une insatiable ambition.

« Le fléau redoutable dont je sollicite la réformation, c'est l'Université fondée par Buonaparte, restaurée l'année dernière sous un ministère dont la France déplorera longtemps les erreurs, et conservée jusqu'à ce jour par ce funeste système de ménagements. Il n'y a de salut pour l'Etat que dans l'anéantissement total de tout, absolument tout ce que Buonaparte a soutenu et propagé.

« Jamais la religion, les bonnes moeurs, l'amour pour le roi, jamais rien de ce qui est bon, de ce qui est pur, de ce qui est aimable, ne prévaudra dans les établissements révolutionnaires. Ils sont réservés à l'athéisme, à l'immoralité, en un mot au génie funeste qui les a produits. J'insiste donc, messieurs, pour un nouveau mode d'instruction basé sur la religion. »

Comme conclusion à sa véhémente diatribe, le député de l'Ain présentait à la Chambre la proposition suivante, qui fut prise en considération :

« 1° La religion sera la base essentielle de l'éducation.

« 2° Les collèges et pensions seront, concurremment avec les autorités locales, sous la surveillance immédiate des archevêques et évêques, qui réformeront les abus qui seront par eux reconnus.

« 3° Les évêques pourront augmenter le nombre des séminaires, selon les besoins de la religion, les ressources et la population des diocèses.

« 4° Les évêques nommeront aux places de principal de collèges et pensions ; le principal nommera les professeurs. Néanmoins les évêques pourront renvoyer les sujets incapables, ou dont les principes seraient reconnus dangereux.

« 5° Les universités, telles qu'elles existent aujourd'hui, subsisteront et seront sous la surveillance du ministre de l'intérieur ; il sera avisé au moyen d'allier la religion et les moeurs, au soin de faire fleurir les talents littéraires.

« 6° La Commission centrale d'instruction publique, dont Sa Majesté honorera et récompensera le zèle et les talents, demeure supprimée. »

Le discours de Murard de Saint-Romain, qui fut publié sous le titre de Développements présentés à ta Chambre des députés sur l'instruction et l'éducation, provoqua aussitôt de vives répliques de la part des universitaires. Mentionnons entre autres les trois réponses d'Ambroise Rendu : Observations sur les développements présentés à la Chambre des députés par M. Murard de Saint-Romain concernant l'instruction publique et l'éducation ; Premier supplément aux observations sur le discours de M. Murard de Saint-Romain ; et Second supplément, ou Système de l'Université de France ; la brochure de Taillefer, inspecteur de l'académie de Paris : Renseignements offerts à la Chambre des députés sur les développements qui lui ont été présentés dans la séance du 31 janvier 1816 ; l'opuscule du recteur de l'académie de Bordeaux, de Sèze : Quelques idées sur l'éducation publique, à l'occasion du discours de M. Murard de Saint-Romain ; enfin le travail de Guizot : Essai sur l'histoire et sur l'état actuel de l'instruction publique en France.

Les ennemis de l'Université ne s'étaient pas attendus à la voir se défendre avec tant d'énergie ; ils reculèrent. Quelques mois plus tard la Chambre introuvable était dissoute, et Murard de Saint-Romain oublié.