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Montyon

 Auget de Montyon, magistrat et administrateur français, né en 1733 à Paris et mort dans cette ville en 1820, s'est créé une célébrité par la fondation des prix de vertu que décerne annuellement l'Académie française. C'est en 1782 que M. de Montyon consacra une somme de 12 000 francs à cet objet. Dans le mémoire qu'il adressa à l'Académie pour la prier d'accepter la donation, il expliquait ses intentions de la façon suivante : « Tous les genres de talent obtiennent des récompenses, la vertu seule n'en a pas. Si les moeurs étaient plus pures et les âmes plus élevées, la satisfaction intérieure d'avoir fait le bien serait un salaire suffisant du sacrifice qu'exige la vertu ; mais, pour la plupart des hommes, il faut un autre prix : il faut qu'une action louable soit louée. Il n'est dans une nation qu'un très petit nombre d'hommes dont les actions aient un caractère de célébrité ; et le sort du peuple est que ses vertus soient ignorées. Tirer ses vertus de l'obscurité, c'est les récompenser et jeter dans le public la semence des moeurs », a distribution des prix de vertu eut lieu jusqu'à la Révolution ; elle dut cesser lorsque l'Académie française fut supprimée, en 1793 ; elle fut rétablie en 1821 par le testament de M. de Montyon.

On a tour à tour loué et blâmé l'idée de ce philanthrope ; pour la bien comprendre, il faut entrer dans les sentiments de l'époque où les prix de vertu furent institués. « Cette création, dit le comte de Salvandy (discours prononcé à l'occasion de la distribution des prix de vertu en 1854), causa une satisfaction universelle. On crut à une innovation immense. On prophétisa hautement la prochaine abolition des lois répressives. On vit le terrible besoin de punir remplacé bientôt par le soin facile de récompenser. On admettait généralement que le règne d'Astrée allait commencer. Et, à cette époque, tout le monde, sans en excepter les têtes couronnées, regardait l'avènement d'Astrée comme une très belle perspective pour le genre humain. » La raison qui porta M. de Montyon à choisir l'Académie française comme juge des actes vertueux est expliquée en ces termes par le spirituel académicien que nous citons : « Le généreux M. de Montyon avait rendu sa création plus populaire par l'attribution à l'Académie du jugement d'un concours si nouveau à tous les titres. Magistrat, l'esprit qui régnait alors ne lui permettait pas d'imaginer qu'il y eût aucune magistrature au-dessus de celle de la pensée. Les lettres étaient les grandes puissances de ce siècle. Les gens de lettres, sous le nom de philosophes, voyaient les trônes s'abaisser devant eux. Ils avaient eu des rois, et les plus grands de tous, pour courtisans. D'ailleurs, ce que les flatteurs des lettres, et c'était tout le monde, célébraient surtout en elles, c'était bien moins le talent ou même le génie que l'amour de la vertu. On n'abordait pas l'Académie sans l'appeler une assemblée de sages. On ne réfléchissait pas que quarante, c'était beaucoup. L'antiquité n'en compta que sept, en y mettant des siècles ; encore quelques-uns eussent-ils été embarrassés, s'il leur avait fallu décerner le prix de vertu. On a cherché les motifs du choix qui était fait de l'Académie ; les voilà. »

Un autre prix a été fondé par M. de Montyon en faveur de « l’ouvrage le plus utile aux moeurs ». Le choix de l'Académie, dans la distribution de ce prix, s'est porté plus d'une fois sur des livres qui appartiennent aux classiques de la pédagogie : c'est ainsi qu'elle a couronné successivement l'Education des mères de famille d'Aimé Martin, l'Education progressive de Mme Necker de Saussure, l'Enseignement régulier de la langue maternelle du Père Girard, et l'Enseignement pratique dans les salles d'asile de Mme Pape-Carpantier.