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Montmorency (Mathieu de)

Matthieu de Montmorency-Laval, né à Paris le 10 juillet 1766, mort dans la même ville le 24 mars 1826, est surtout connu comme philanthrope. Dès les premiers temps de la Restauration, Matthieu de Montmorency figura parmi les fondateurs de la Société des bonnes lettrés et de la Société des bonnes études ; nous le voyons aussi, bien que nouvellement converti à des principes de royalisme que sa jeunesse n'eût pas fait prévoir, patronner de son nom les débuts de la Société pour l'instruction élémentaire. Il en devint le président honoraire en 1818, et, dans un discours prononcé le 22 février de cette année à l'assemblée générale de cette Société, il témoignait hautement du succès de ses efforts et de la pureté de ses intentions.

Il existe de Matthieu de Montmorency un rapport fort intéressant adressé, le 26 juin 1816, à la Société pour l'instruction élémentaire, sur l'institution des cours d'adultes, à peu près inconnue à cette époque dans notre pays. L'occasion de ce rapport fut une communication d'une Société anglaise pour l'instruction des adultes, Adult Institution, qui s'était établie en 1814 à Maidenhead, près de Londres. Chargé de faire connaître à ses collègues les services rendus par cette Société, Matthieu de Montmorency en trace l'historique et en décrit le fonctionnement ; puis, dans ses conclusions, il indique, sous la forme de questions à résoudre, ce qu'on pourrait appeler la pédagogie générale des cours d'adultes.

Ce rapport, qui doit faire date dans l'histoire de l'enseignement primaire français, préluda, comme l'a dit De Gérando, à la création des écoles d'adultes, qui s'ouvrirent à Paris en 1820 et en 1821 sur l'initiative du comte Chabrol de Volvic, préfet de la Seine et, lui aussi, l'un des premiers présidents honoraires de la Société.

Nous reproduisons la dernière page du rapport de Matthieu de Montmorency :

« Première question. — Où les écoles pour les adultes seront-elles établies?

« Ce pourrait être dans nos écoles (les écoles mutuelles), qui sont toujours libres avant la nuit, et aux heures mêmes dont peuvent disposer ceux qui consacrent au travail le reste de la journée. On trouve dans beaucoup de nos campagnes comme le germe de pareilles institutions, surtout pendant les longues soirées de l'hiver. De grands jeunes gens, des hommes faits s'y rassemblent chez le maître d'école pour acquérir quelque instruction. Dans les villes, des hommes de quinze à trente ans, qui sont tombés sur une bien mauvaise époque pour leur éducation, seraient disposés à réparer ce vide ; il s'agit de réunir et de mettre, pour ainsi dire, en ordre, par un système régulier, tous ces éléments épars. Les maîtres de nos écoles, qui, par la nature même de leur méthode, sont moins exposés à être fatigués, pourraient, moyennant une légère indemnité, présider encore aux réunions du soir, qu'il serait peut-être suffisant de borner à deux ou trois jours de la semaine.

« Deuxième question. — Quels seraient les moyens les plus propres à appeler les adultes à ces écoles?

« Ce serait surtout la diminution des frais, qui peuvent quelquefois les effrayer et les retenir. On n'en prévoit pas d autres que les frais d'éclairage, et cette légère indemnité dont nous avons parlé pour les maîtres d'école. Il serait possible de présenter aux ouvriers l'appât de certificats et recommandations qui les aideraient à se placer plus avantageusement. '

« Troisième question. — Quelle méthode devrait-on employer ?

« On entrevoit naturellement quelques objections à l'application entière de celle qui convient aux enfants ; mais on pourrait en conserver le principe essentiel et si fécond de l'enseignement mutuel et la marche simultanée de la lecture, de l'écriture et de l'emploi des ardoises, sauf à faire ensuite quelques heureux emprunts aux autres méthodes dont l'expérience a consacré les succès, comme celle de M. l'abbé Gaultier. »

Charles Defodon