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Montalembert

Le comte Charles de Montalembert, né en 1810, mort le 13 mars 1870, a été l'un des champions les plus éloquents du principe de la liberté d'enseignement telle que l'entend l'Eglise catholique (Voir Liberté d'enseignement, p. 1034). Dès l'âge de vingt ans, devenu l’un des disciples de Lamennais, il prit part avec celui-ci et Lacordaire à la fondation du journal l'Avenir, qui prêchait l'alliance du catholicisme et de la démocratie. Les rédacteurs de l'Avenir entreprirent en 1831 une campagne contre le monopole de l'Université, qu'ils prétendaient avoir été aboli par l'article 69 de la Charte de 1830. Ils adressèrent d'abord à la Chambre des pairs une pétition, qui fut simplement renvoyée au ministère. Alors, pour affirmer ce qu'ils regardaient comme leur droit, ils résolurent d'ouvrir une école sans autorisation. L'école fut aussitôt fermée par la police, et un procès intenté à ses fondateurs. Montalembert a fait lui-même en ces termes l'histoire de cet incident, qui eut beaucoup de retentissement : « Le 9 mai 1831, M. de Coux, M. l'abbé Lacordaire et M. le vicomte Ch. de Montalembert, après avoir averti M. le préfet de police, ouvrirent une école gratuite d'externes dans un local loué à cet effet, et conformément aux articles 5, 69 et 80 de la Charte. Le 11 mai, un commissaire de police vint fermer l'école, expulser les instituteurs, qui ne voulurent céder qu'à la force, et y mirent les scellés. Les trois maîtres d'école furent traduits en police correctionnelle pour violation des articles 54 et 56 du décret du 15 novembre 1811. Mais avant que la cause pût être définitivement jugée, M. de Montalembert fut appelé, par la mort de son père, à la dignité de pair de France, alors héréditaire. Les tribunaux ordinaires durent se déclarer incompétents pour le juger, ainsi que ses co-prévenus. La Cour des pairs fut alors convoquée par une ordonnance royale du 19 août. Elle s'assembla le 19 septembre. M. Persil remplit les fonctions de procureur général. Les trois prévenus se défendirent successivement ; ils furent condamnés chacun à 100 francs d'amende et aux frais. » Le discours prononcé dans cette circonstance par Montalembert, qui n'avait alors que vingt et un ans. a été publié sous le titre de Défense de l'école libre devant la Cour des pairs, Paris, A. Siron, 1844, in-32. L'année suivante, les doctrines du journal l'Avenir, que l'épiscopat français jugeait subversives, furent condamnées par un bref du pape, et le journal cessa sa publication. Mais tandis que Lamennais, à la suite de cette condamnation, s'éloignait de plus en plus de l'Eglise, dont il finit par se séparer tout à fait, Montalembert se soumit : rentré dans l'orthodoxie romaine, qu'il croyait pouvoir concilier avec la liberté politique, il devint bientôt, grâce à son talent, l'un des chefs les plus écoulés du parti catholique.

En 1843, à l'époque des luttes ardentes suscitées par l'annonce d'un projet de loi sur l'enseignement secondaire, Montalembert fit paraître une brochure intitulée : Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d'enseignement ; il y exhortait les catholiques à se constituer en un parti politique distinct, pour s'emparer du pouvoir et conquérir une liberté qu'il était inutile de demander au gouvernement ni aux Chambres. Dans la discussion du projet Villemain à la Chambre des pairs, en 1844, il se montra l'adversaire le plus irréconciliable de l'Université. Après la révolution de 1848, le triomphe du parti clérical permit enfin à ceux qui réclamaient à son profit la liberté d'enseignement de réaliser leur désir, et la loi du 15 mars 1850 fut votée. Cette loi ne satisfit pas les intransigeants qui voulaient tout ou rien, et qui reprochaient à la loi de 1850 « d'être une loi illibérale, parce qu'elle imposait des conditions à la liberté qu'elle donnait ; et de rendre l'Eglise complice du monopole, en lui donnant une part de ce monopole, et en consacrant l'alliance du clergé avec l'Université ». Montalembert, l'un des principaux auteurs de la loi, n'était pas lui-même complètement satisfait, mais il s'était résigné à ne remporter qu'une demi-victoire. L'auteur anonyme (Dupanloup) du Mémoire sur le projet de loi "relatif à la liberté de l'enseignement écrivait à ce propos : « Il y a toujours eu de ces esprits tout à la fois spéculatifs et inquiets, qui, au delà de la sphère de convention où ils s'agitent, ne trouvent rien de vrai, rien de bon, rien de tolérable, et qui ne savent plus seulement distinguer ce qui est absolu de ce qui est relatif, ce qui est bon de ce qui serait parfait, ce qu'on peut accepter de ce qu'on devrait préférer. Sans doute, on pourrait désirer que l'instruction publique fût entièrement et exclusivement confiée à l'Eglise ; que, du moins, en l'absence absolue de tout grade, de tout brevet, de tout diplôme, un stage de quelques semaines répondit aux conditions qu'exige la constitution pour la capacité et la moralité. Cela eût été peut-être parfait — si cela eût été possible. Mais la sagesse demande qu'on tienne compte de ce qui se peut. »

Le coup d'Etat du 2 décembre reçut l'adhésion empressée de Montalembert, qui fut nommé membre de la Commission consultative. Mais il s'aperçut bientôt que le césarisme n'était pas disposé à se faire l'instrument docile des volontés de l'Eglise, et il rentra dans l'opposition. Il siégea au Corps législatif pendant la première session, mais ne fut pas réélu en 1857. Il est mort au moment où le concile du Vatican allait porter un coup décisif au catholicisme dit libéral, dont il était resté jusqu'à la fin le brillant défenseur.