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Moniteurs

Au sens technique scolaire, moniteur, d'après la définition de l'Académie, « se dit, dans les écoles d'enseignement mutuel, de l'élève chargé d'instruire un certain nombre de ses condisciples ». Et, en effet, l'enseignement mutuel, que ses fondateurs anglais appelaient monitorial system, avait fait de l'emploi des moniteurs une véritable institution ; l'école mutuelle substituait à l'action directe du maître sur ses écoliers, que supposent les autres modes scolaires, l'action directe et presque exclusive du moniteur sur ses camarades plus jeunes ou moins avancés.

Il est tellement naturel qu'un maître surchargé ou empêché cherche, pour le suppléer auprès des enfants qui lui échappent, l'aide d'un « grand » plus ou moins autorisé par son âge et par son savoir, que l'on pourrait presque dire qu'il y a eu des moniteurs à partir du jour où il y a eu des écoles. Dès le dix-septième siècle on les trouve fonctionnant dans les écoles paroissiales, puis dans celles des frères, sous des noms divers, entre autres sous celui d'officiers (Voir Officiers).

L'enseignement mutuel, en substituant le moniteur au maître, avait-il, comme le croyaient ses fondateurs, découvert la pierre philosophale en matière d'organisation scolaire, et le système monitorial était-il le dernier mot du progrès? Beaucoup de bons esprits ont pu se faire illusion un moment à ce sujet ; mais la question est aujourd'hui jugée, et jugée sans appel. Nous ne reviendrons pas ici sur une discussion qui a sa place ailleurs. — Voir Mutuel (Enseignement).

Mais sera-t-il jamais possible de tellement multiplier les maîtres, que tout recours aux moniteurs devienne absolument inutile? Evidemment, il y aura toujours de petites écoles qui ne comporteront même pas un adjoint, et, dans ces petites écoles, chaque cours, bien que représenté par un moindre nombre d'enfants, devra être délimité, gradué, sectionné aussi peut-être, suivant les habitudes et les forces des élèves. De là, pour un instituteur seul, de très grandes difficultés, dont il ne pourra guère venir à bout qu'en se déchargeant de quelques parties au moins de sa besogne sur les aides naturels qu'il trouve sous sa main, c'est-à-dire sur des moniteurs. Il devra, dans ce cas, n'accorder tout d'abord sa confiance qu'à bon escient et ne la remettre jamais sans contrôle et sans appel ; il devra encore, s'il est prudent, et dans l'intérêt bien entendu du délégué lui-même, éviter de faire des fonctions de moniteur une sorte de monopole qui ne se transmet ni se s'aliène point ; il prendra garde enfin de trop préjuger du talent ni de la valeur professionnelle de son jeune substitut, et il ne comptera sur lui que pour les parties du programme qui n'exigent ni explication, ni interprétation, ni, en quelque sorte, aucune intervention personnelle.

Nous n'avons point ici en vue ces élève9 de choix que beaucoup de maîtres conservent dans l'école après qu'ils ont dépassé l'âge scolaire, en qui ils devinent des instituteurs futurs, et dont ils dirigent la préparation à l'examen du brevet ou de l'admission à l'école normale. Ceux-là ne sont pas des moniteurs, mais de véritables élèves-maîtres, des pupil teachers pour employer l'expression anglaise.

Charles Defodon