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Modes d’enseignement

 Les manuels de pédagogie ont donné le nom de mode à la manière en laquelle le maître organise l'enseignement dans une école, selon qu'il s'occupe successivement de chacun des élèves en particulier (mode individuel), qu'il s'adresse à l'ensemble des élèves ou du moins à un groupe d'élèves recevant simultanément la même leçon (mode simultané), ou bien encore qu'il fait instruire les élèves les uns par les autres (mode mutuel).

Il est à croire que jamais, dans aucune école, on n'a pu pratiquer systématiquement l'un seulement de ces « modes » à l'exclusion absolue des deux autres. Les humbles magisters de l'ancien régime, auxquels on a souvent reproché de n'avoir connu que l'enseignement individuel, usaient cependant de l'enseignement simultané lorsqu'ils faisaient chanter en choeur à leurs élèves la monotone litanie du b-a ba ; ils faisaient de l'enseignement mutuel lorsqu'ils chargeaient un élève de surveiller une division ou de faire réciter une leçon aux plus petits. Les Frères des écoles chrétiennes, qui furent les grands propagateurs de l'enseignement simultané, pratiquaient néanmoins l'enseignement mutuel et l'enseignement individuel. En effet, J.-B. de La Salle veut que chaque classe soit partagée en trois divisions, et que tous les écoliers d'une même division reçoivent ensemble la leçon : voilà le mode simultané ; mais, pendant que le maître donne l'enseignement à une division, les élèves les plus avancés des autres divisions doivent faire réciter à leurs camarades leurs leçons, et leur servir de répétiteurs : voilà le mode mutuel ; enfin, le maître doit s'assurer de temps en temps, par des interrogations, si tel ou tel écolier a compris, et lui expliquer ce qu'il n'entendrait pas : voilà le mode individuel. Lancaster, qui réduisit l'enseignement mutuel en système, en faisant des moniteurs le rouage essentiel de la classe et en supprimant tout enseignement direct du maître, pratiquait cependant l'enseignement simultané et même l'enseignement individuel, en ce sens que les élèves du même cercle recevaient « simultanément » la leçon du moniteur et étaient « individuellement » interrogés et repris par lui.

On a beaucoup disputé en France, dans la première moitié du dix-neuvième siècle, à propos des mérites respectifs de l'enseignement simultané et de l'enseignement mutuel ; ou plutôt il y a eu, de 1816 jusque vers 1850, une lutte très vive entre les écoles congréganistes et la Société pour l'instruction élémentaire. Cette dernière avait cru trouver dans le système monitorial de Lancaster un moyen efficace d'instruire à peu de frais les masses populaires ; l'Eglise et le gouvernement de la Restauration virent de mauvais oeil cette tentative et cherchèrent à la faire échouer : Voir Mutuel (Enseignement). Aujourd'hui ces querelles n'ont plus qu'un intérêt historique. Le système de Lancaster, qui avait fourni un expédient utile à une époque où l'on manquait de maîtres, a pu être remplacé par une organisation meilleure ; les termes de mode individuel, mode simultané et mode mutuel, dont l'explication tenait une si grande place dans les vieux traités d'éducation, ont presque disparu de l'usage ; les écoles de nos jours, où un heureux éclectisme a remplacé les anciennes routines et les systèmes étroits, ont pris à chaque procédé ce qu'il a de bon ; et l'on se préoccupe désormais, non plus de rechercher le meilleur mode, mais d'appliquer les meilleures méthodes.