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Mission laïque Française

 Fondée le 8 juin 1902, sur l'initiative de M. Deschamps, alors chef du service de l'enseignement à Madagascar, et avec la collaboration d'un certain nombre d'universitaires, la Mission laïque française a pour but « de maintenir et d'étendre l'influence française dans nos colonies et à l'étranger », en propageant l'enseignement laïque.

Elle se propose de créer, dans les colonies et à l'étranger, des établissements d'enseignement laïque relevant directement d'elle ; d'encourager, par des dons en nature et des subventions, les établissements laïques animés de son esprit ; d accorder son patronage à ceux de ces établissements qui lui en paraissent dignes ; de préparer et de présenter aux gouverneurs des colonies des candidats aux emplois de l'enseignement.

Les 400 adhérents qui répondirent dès 1902 à l'appel du comité d'initiative sont devenus 7000 en 1908, grâce au dévouement et à l'autorité des premiers membres du Conseil d'administration et notamment de MM. Foncin, Etienne, Doumergue, anciens présidents devenus présidents d'honneur de l'association, de M. Gourdon, le premier secrétaire général, devenu directeur général de l'instruction publique en Indochine, de M. Aulard, professeur à la Sorbonne, qui présida le Comité de propagande avant de présider l'Association elle-même.

En 1906, la « Mission laïque » a pris à Salonique la direction et la responsabilité de trois établissements : un lycée de garçons, des cours secondaires de jeunes filles, une école commerciale, réunis sous la dénomination de Lycée français de Satonique. Ces trois établissements comptaient au 1er janvier 1908 plus de 400 élèves ; ils en compteront davantage quand les bâtiments en voie de construction seront achevés. Ce qu'elle a fait à Salonique, la Mission laïque songe à le faire ailleurs ; elle a déjà commencé au Caire où, sous son patronage, se développent l'école de commerce et le lycée français.

Elle voudrait multiplier, surtout dans le Levant, les centres de culture française, concourir efficacement, et le plus rapidement possible, en tenant compte avant tout des intérêts de la France, à cette « substitution progressive » des établissements laïques aux établissements congréganistes dont parlait au Sénat, en 1906, M. Léon Bourgeois, ministre des affaires étrangères, et nous mettre en mesure de recueillir un héritage qui, à notre défaut, passerait en des mains étrangères. Elle donnerait ainsi satisfaction à tous ceux qui, en Orient et en Extrême-Orient, recherchent notre culture secondaire et qui viendraient ensuite faire leurs études supérieures dans nos universités françaises.

Elle voudrait surtout organiser, dans tous les centres de commerce, des écoles commerciales dignes de ce nom, qui recevraient une clientèle désireuse de se préparer à l'entrée dans les grandes administrations financières ou commerciales et assureraient le développement commercial de la France en préparant à nos exportateurs des agents indigènes, des jeunes gens connaissant parfaitement notre langue, notre législation, nos méthodes. A ces écoles seront joints un musée commercial, un office commercial qui contribueront à rendre quelque vie à notre commerce qui disparaît peu à peu devant la concurrence étrangère.

Aux colonies, la Mission laïque ne possède pas encore d'établissements ; une école primaire et professionnelle est sur le point de s'ouvrir dans la région du Moyen Congo ; ce sera le point de départ de son action, qui ne manquera pas de s'étendre ensuite dans nos autres possessions.

Depuis 1903, la Mission laïque subventionne des écoles laïques en Espagne, en Afrique occidentale française, en Chine, et dans le Levant. Elle a donné son patronage à plusieurs écoles laïques d'Orient et d'Occident, entre autres au lycée français de M. Faure à Constantinople, au collège français de Port-Saïd, à l'école française fondée par la Chambre de commerce française de Bruxelles.

ECOLE JULES FERRY. ? Mais l'effort principal de la Mission laïque s'est porté sur la préparation des instituteurs coloniaux, et, dans ce but, elle a ouvert, à Paris, dès le mois d'octobre 1902, une école normale d'enseignement colonial à laquelle elle a donné le nom d' « Ecole Jules Ferry ». Elle se proposait, en effet, de prolonger dans notre domaine colonial la victoire laïque. Elle voulait importer chez des peuples arriérés ou déchus un enseignement sans visées autoritaires, respectueux de leurs traditions profondes, adapté aux conditions mêmes de la vie de ces peuples et de leur mentalité, et les amener progressivement à un degré de civilisation plus élevé, à un état social plus digne et plus, doux. Elle ne songeait pas à substituer au « missionnaire religieux », plus avide de conversions que de civilisation vraie, un « missionnaire laïque » aussi fanatique que peu clairvoyant, champion intransigeant de l'idée pure, ignorant des conditions économiques et sociales, s'imaginant qu'il suffit d'ouvrir des écoles pour que soit réalisé en quelques années cet état social de paix et de douceur que l'Europe elle-même ne connaît pas encore. Elle avait un sentiment plus net des réalités. Les instituteurs qu'elle forme dans l'école normale coloniale sont initiés aux moeurs, aux croyances, à l'organisation sociale des populations qu'ils seront chargés d'instruire ; on les met en garde contre le danger de les heurter violemment dans leur passé, on leur apprend à respecter ce qu'il peut y avoir de respectable dans les coutumes, dans les superstitions mêmes de populations qu'il s'agit d'élever sans rompre violemment avec leurs traditions et en nous les attachant par la reconnaissance. Et comme le premier soin des instituteurs coloniaux doit être de fournir à leurs élèves le moyen de conquérir plus de dignité, en leur apprenant à aimer et à estimer le travail, l'Ecole Jules Ferry donna une place importante, la première place, dans son programme aux travaux manuels, à l'enseignement professionnel agricole, à l'étude de l'hygiène. L'enseignement est donc conçu de manière que les futurs instituteurs coloniaux puissent être à la fois des éducateurs au courant de la pédagogie indigène et des auxiliaires éclairés de l'oeuvre colonisatrice ; son programme est essentiellement orienté vers les applications pratiques, en vue de l'action immédiate.

Un certain nombre de cours sont professés au siège de la Mission laïque: les élèves suivent quelques enseignements spéciaux à l'Ecole nationale supérieure d'agriculture coloniale, à la Sorbonne, à l'Ecole des langues orientales vivantes, à l'Ecole coloniale. En outre, des conférences sont faites, chaque année, à l'école même, par des membres du personnel enseignant colonial, de passage à Paris, des boursiers de voyage autour du monde, des officiers, des administrateurs coloniaux. Ainsi les élèves de l'Ecole Jules Ferry sont initiés, par des exemples vécus, aux difficultés qu'ils rencontreront dans leur future profession.

Les instituteurs et les institutrices candidats à l'Ecole Jules Ferry doivent justifier de la possession du brevet supérieur et du certificat d'aptitude pédagogique. Ils doivent être titularisés en France au moment de leur admission. Les instituteurs doivent avoir satisfait aux obligations militaires. Les admissions sont prononcées par le Conseil d'administration de la Mission laïque. Il n'est pas institué de concours d'entrée. Les élèves sont répartis en deux sections : 1° Section de l'Afrique ; Section de l'Asie et de l'Océanie. Les études sont gratuites. Le régime de l'école est l'externat. Les élèves ont à pourvoir eux-mêmes à leur logement et à leur entretien pendant toute l'année scolaire. Pour leur venir en aide, des bourses et des demi-bourses ont été créées, qui sont payées aux élèves sous forme de mensualités de soixante ou de cent vingt-cinq francs. A la fin de la scolarité, qui est de neuf mois, le Conseil de la Mission laïque présente à la nomination du ministre des colonies ou des gouverneurs généraux les élèves dont les études, la conduite et l'aptitude sont jugées suffisantes.

Les premiers instituteurs qui suivirent les cours de l'Ecole Jules Ferry furent envoyés à Madagascar, et, pendant les trois années qui suivirent, 21 instituteurs ou institutrices furent dirigés sur la grande île ; les sections de l'Afrique Occidentale et d'Indochine, créées en 1904, à la demande des gouverneurs généraux, ont permis d'envoyer dans les années qui suivirent 15 instituteurs en Afrique Occidentale française et 11 en Indochine. C'est donc un total de près de cinquante instituteurs préparés par l'Ecole Jules Ferry de 1902 à 1907.

L'Ecole Jules Ferry est subventionnée par le ministère des colonies, les gouvernements généraux de l'Afrique Occidentale française et de l'Indochine, par la colonie du Tonkin, et par le Conseil municipal de Paris. Elle le fut jusqu'en 1906 par le gouvernement général de Madagascar.

Enfin, en 1904, la Revue d'enseignement colonial fut créée ; elle paraît tous les deux mois et publie des études sur la pédagogie de l'enseignement laïque aux colonies, sur l'organisation de l'instruction publique aux colonies et dans les pays d'influence française ; des monographies d'écoles, et la correspondance des anciens élèves de l'Ecole Jules Ferry. Elle s'appelle aujourd'hui Bulletin de la Mission laïque française. La Mission laïque française a été reconnue d'utilité publique le 21 août 1907.