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Mexique

Le Mexique, dont le territoire occupe une superficie de près de 2 millions de kilomètres carrés, avait, au recensement de 1876, une population de 9 989 461 habitants, ainsi répartie d'après la race : blancs, 1 783 998 ; Indiens, 3 567 995 ; métis, 4 637 468. Au recensement de 1900, la population était de 13 554 115 habitants, dont 19 % de race européenne, 38 % de race indienne, et 43 % de race métisse. Au point de vue politique, le Mexique forme une confédération semblable à celle des Etats-Unis, et établie actuellement sur les bases d'une constitution promulguée le 5 février 1857 : elle comprend vingt-sept Etats, trois territoires fédéraux, et un district fédéral. Le district fédéral (1499 kilomètres carrés, 541 516 habitants) est formé de la ville de Mexico et de six préfectures ; les Etats sont ceux d'Aguascalientes, Campêche, Chiapas, Chihuahua, Coahuila, Colima, Durango, Guanaxuato, Guerrero, Hidalgo, Jalisco, Mexico (moins la ville de Mexico et le district fédéral), Michoacan, Morelos, Nuevo Léon, Oaxaca, Puebla, Queretaro, San Luis Potosi, Sinaloa, Sonora, Tabasco, Tamaulipas, Tlascala, Vera Cruz, Yucatam, Zacatecas ; les territoires sont ceux de Basse-Californie, de Tepic, et de Quintana Roo.

Historique. — Pour ce qui concerne le Mexique avant l'arrivée des Européens, Voir Indiens.

Sous la domination espagnole, il y avait au Mexique quelques collèges fondés par les franciscains et les jésuites, deux universités, à Mexico et à Guadalajara, et quelques écoles pour le peuple. Le pays était durement comprimé par un despotisme religieux et administratif qui empêchait tout progrès. Les chrétiens purs ou Espagnols exerçaient seuls les fonctions publiques et presque seuls possédaient les terres. Les neuf dixièmes des indigènes demeurèrent, jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, serfs de la glèbe. Les bastes ou métis étaient artisans. Au point de vue religieux, l'Inquisition régnait au Mexique comme en Espagne. Un clergé fanatique, astucieux et peu instruit, disposait d'immenses richesses, et maintenait la nation dans une ignorance telle que, sur plus de quatre millions d'habitants que comptait la colonie au commencement du dix-neuvième siècle, trois à quatre cent mille à peine savaient lire et écrire.

La guerre pour l'indépendance, commencée en 1810, n'aboutit qu'en 1821 : le vice-roi Apodaca se vit forcé de quitter le pays. Le général Iturbide se. fit proclamer empereur en 1822 ; mais il dut abdiquer l'année suivante, et faire place à la république ; en 1824, ayant essayé de ressaisir le pouvoir, il fut vaincu et fusillé. De 1824 à 1856, le Mexique fut presque constamment troublé par les luttes des unitaires rétrogrades et des fédéralistes libéraux ; lorsque ces derniers l'eurent emporté définitivement, la constitution de 1857 fit du Mexique une confédération d'Etats autonomes. Mais la guerre civile recommença, jusqu'à l'avènement du président Juarez (1861). Napoléon III voulut alors conquérir le Mexique et y installer un empereur : on sait quelle fut l'issue de la désastreuse expédition commencée en 1862. En 1867, les envahisseurs chassés, Juarez rentra à Mexico, et s'efforça jusqu'à sa mort (1872) d'habituer le pays au régime de la liberté et aux travaux de la paix. Son successeur, Lerdo de Tejada, fit voter des lois destinées à affranchir la société civile de l'autorité ecclésiastique ; vivement attaqué par le clergé, il fut renversé, après une longue lutte, par le général Porfirio Diaz (1876). Celui-ci, devenu président en 1877, est resté depuis ce moment, sauf une interruption de quatre ans (1880-1884) occupée par la présidence de Manuel Gonzalès, à la tête de la Confédération mexicaine.

Pendant la période de soixante-trois ans qui va de la fin de la guerre pour l'indépendance (1821) à la réélection du général Porfirio Diaz (1884), des efforts méritoires furent tentés à plusieurs reprises pour organiser au Mexique un système d'instruction publique. Le créateur de l'enseignement mutuel, Joseph Lancaster, qui avait quitté l'Angleterre en 1818 pour se rendre dans l'Amérique du Sud, vint à Mexico en 1822 : une école mutuelle fut aussitôt installée dans l'ancien palais de l'Inquisition, et un établissement normal fut créé en vue de former des maîtres. Mais la première loi sur l'enseignement primaire ne date que de 1833. Une association qui s'appela la Compagnie lancastérienne s'était fondée pour la propagation de l'enseignement mutuel ; en 1843, elle fut chargée d'assurer le service de toutes les écoles primaires du district fédéral. La même année fut promulguée une loi sur l'enseignement dit préparatoire (secondaire) et sur l'enseignement professionnel. Une loi de 1846 plaça l'instruction publique dans les attributions des Etats, ne laissant à la charge du gouvernement fédéral que les écoles du district fédéral et des territoires fédéraux. La loi organique du 19 décembre 1854 fut une loi rétrograde. La constitution de 1857 déclara, comme l'avait fait la loi de 1846, qu'il appartenait aux divers Etats de réglementer l'instruction publique, dans l'étendue de leurs territoires, par des lois particulières. Il faut attendre jusqu'à la présidence de Juarez pour voir le gouvernement mexicain s'occuper sérieusement de l'instruction publique. La loi du 2 décembre 1867, qui embrassait les trois ordres d'enseignement, ordonna que toute commune entretiendrait à ses frais une ou plusieurs écoles primaires de garçons et de filles, et recevrait au besoin des subventions du gouvernement fédéral ; que tout Etat entretiendrait une école préparatoire (secondaire) ; et que les écoles dites professionnelles ou spéciales (enseignement supérieur) seraient entretenues par la Confédération et mises au niveau de la science, de l'industrie, de l'agriculture et des beaux-arts. L'instruction primaire fut déclarée obligatoire, gratuite et laïque ; mais, la loi votée, l'application en fut ajournée.

Une statistique scolaire faite en 1872, sous l'administration du président Lerda, constata l'existence de 8103 écoles primaires (il y en avait 1310 seulement en 1843, et 4500 en 1870), se divisant de la manière suivante : écoles du gouvernement fédéral et des gouvernements d'Etat, 603 ; écoles des municipes, 5240 ; écoles entretenues par des corporations ou des particuliers, 378 ; écoles entretenues par le clergé, 117 ; écoles privées (non gratuites), 1581 ; écoles non classées, 184. Sous le rapport des sexes, ces écoles se divisaient comme suit : écoles de garçons, 5567 ; écoles de filles, 1594 ; écoles mixtes, 548 ; écoles d'adultes hommes, 124 ; écoles d'adultes femmes, 21 ; écoles non classées, 249. Le nombre des élèves qui fréquentaient ces 8103 écoles était de 349 000 environ, soit moins d'un cinquième de la population âgée de six à douze ans. La dépense totale pour l'instruction primaire avait été de 1 632 436 piastres (la piastre vaut environ 3 fr. 50) ; sur cette somme, 1 042 000 piastres avaient été payées par les municipes, 417 000 piastres par le gouvernement fédéral et les gouvernements des Etats, et 173 000 piastres par des corporations et des particuliers. Le traitement des instituteurs était fort peu élevé ; dans les villages, il était de 10, de 8, ou même de 6 piastres par mois. La préparation du personnel enseignant était très insuffisante ; c'était la Compagnie lancastérienne qui fournissait aux écoles publiques leurs meilleurs instituteurs. Pour l'enseignement préparatoire (secondaire), il y avait 54 collèges fédéraux ou d'Etats, avec 9337 élèves, et 25 collèges ou séminaires ecclésiastiques avec 3800 étudiants ; plusieurs de ces collèges possédaient une faculté de droit, de médecine ou de théologie, ou une école d'ingénieurs ou d'agriculture. Il existait dans le district fédéral cinq écoles d'enseignement spécial : l'école de droit, l'école des mines et des ponts et chaussées, l'école de médecine, l'école d'agriculture, l'école des beaux-arts.

A partir de 1884, de nouveaux progrès ont été réalisés. Les procédés de l'enseignement mutuel avaient fait leur temps : on voulut préparer des maîtres et des maîtresses qui fussent au courant des méthodes modernes. Une école normale d'instituteurs pour le district fédéral fut ouverte en 1887, une école normale d'institutrices en 1890. Deux Congrès spéciaux, auxquels furent représentés tous les Etats de la Confédération, eurent lieu en 1889-1890 et en 1890-1891 : ils fixèrent les bases d'une organisation générale de l'enseignement. Puis une loi du 21 mars 1891 prescrivit les mesures d'exécution de la loi du 2 décembre 1867 ; mais cette loi de 1891, promulguée seulement en 1896, et partiellement entrée en vigueur en 1897, n'a reçu une application réelle et positive qu'à partir de 1900.

En 1896 a été créée à Mexico une direction générale de l'enseignement primaire, chargée de tout ce qui concerne cet enseignement dans le district fédéral et dans les territoires fédéraux. En 1902, le pouvoir exécutif fédéral a institué en outre un Conseil supérieur de l'instruction publique, qui doit l'assister dans tous les actes concernant l'éducation nationale.

Etat actuel. — Pour le district fédéral et les territoires fédéraux, le président de la République nomme un secrétaire d'Etat chargé du département de l'instruction publique et des beaux-arts, duquel dépendent: 1° Un directeur de l'enseignement primaire dans le district fédéral, qui administre deux écoles primaires supérieures commerciales, 40 écoles d'enseignement primaire supérieur général, 338 écoles primaires élémentaires, 33 écoles supplémentaires du soir, 11 écoles complémentaires du soir, et une école du soir spéciale, ayant ensemble, d'après la dernière statistique, une fréquentation moyenne de 74527 élèves ; 2° Un inspecteur général de l'enseignement primaire pour la partie Nord de la Basse-Californie, qui a sous sa surveillance deux écoles primaires supérieures et 20 écoles primaires élémentaires ; 3° Un inspecteur général de l'enseignement primaire pour la partie Sud et la partie Centrale de la Basse-Californie, avec deux écoles primaires supérieures et 40 écoles primaires élémentaires ; 4° Un inspecteur général de l'enseignement primaire pour le territoire de Tepic, avec deux écoles primaires supérieures, 120 écoles primaires élémentaires, et 8 écoles supplémentaires du soir ; 5° Un inspecteur général de l'enseignement primaire pour le territoire de Quintana Roo, avec 15 écoles primaires élémentaires.

On compte dans le district fédéral : 6 jardins d'enfants, une école normale d'instituteurs, une école normale d'institutrices. L'enseignement secondaire y est donné dans une école nationale préparatoire ; l'enseignement professionnel, dans deux écoles nationales d'arts et métiers, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. L'enseignement supérieur est représenté par les Ecoles nationales de droit, de médecine, d'ingénieurs, des beaux-arts, de commerce et d'administration, le Conservatoire national de musique et de déclamation, les trois Instituts pathologique, bactériologique, et médical.

Conformément à la loi du 21 mars 1891, l'instruction primaire comprend : la lecture, l'écriture, la langue nationale, l'arithmétique, le système des poids et mesures, la géographie élémentaire de la République, les éléments de l'histoire nationale et l'instruction civique. L'observation de la loi est surveillée par des délégués dans chacun des huit quartiers de la capitale, et par des enregistreurs scolaires (empadronados escolares) relevant de la direction de l'enseignement primaire.

Pour l'ensemble de la Confédération mexicaine, voici les chiffres que donne la statistique de 1901 :

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Pour l'enseignement préparatoire et l'enseignement professionnel, l'enseignement privé compte de nombreux établissements ; il y a en outre, dans chaque Etat, un séminaire pour la" préparation des ecclésiastiques, et à Mexico une université pontificale.

Bibliographie. Le Mexique au début du XXe siècle, Paris, Ch. Delagrave, 1904. Cet ouvrage, publié sous la direction de M. Sébastien de Mier, ministre plénipotentiaire du Mexique à Paris, et de M. E. Levasseur, avec le concours d'écrivains comme MM. Léon Bourgeois, Jules Claretie, A. de Foville, Paul Leroy-Beaulieu, le général Niox, Elisée Reclus, etc., contient un chapitre très développé sur l'instruction publique écrit par Octave Gréard, auquel nous avons fait plusieurs emprunts.