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Médecin inspecteur

La loi organique de l'enseignement primaire du 30 octobre 1886, complétée par le décret du 18 janvier 1887, a consacré en France l'inspection médicale des écoles. Mais il y avait déjà longtemps qu'elle existait en fait dans beaucoup de grandes villes. L'idée remontait à la Révolution française. Le projet de décret sur l'éducation nationale, présenté le 26 juin 1793 à la Convention par Lakanal au nom du Comité d'instruction publique, disait à l'article 27 : « Un officier de santé du district est chargé par le même bureau [d'inspection] de visiter, dans les quatre saisons de l'année, toutes les écoles nationales du district. Il examine et conseille les exercices gymniques les plus convenables. Il examine les enfants, et indique en général et en particulier les règles les plus propres à fortifier leur santé. » Cet article ne fut pas reproduit dans le décret du 27 brumaire an III.

La loi du 28 juin 1833 chargea le comité communal de veiller à la salubrité des écoles ; et l'année suivante, sur le rapport d'Orfila, un médecin, à Paris, fut attaché à chaque école de garçons ; en 1843, la mesure fut étendue à toutes les écoles de la ville. Le médecin était tenu à une visite hebdomadaire de chaque école. Mais comme aucun crédit ne fut voté, le service ne fut jamais sérieusement mis en pratique. Jusqu'en 1870, on peut dire que l'inspection médicale ne fut nulle part sérieusement organisée. Il faut arriver en 1879 pour voir la ville de Paris créer un service qui, pour l'époque, était remarquable. Ce service fut réorganisé en 1883 et étendu à tout le département de la Seine ; il était assuré par 126 médecins urbains et 57 médecins de la. banlieue. Il a fonctionné jusqu'au 1er octobre 1910, où il a été remplacé par une nouvelle organisation due à l'initiative du Dr Guibert, conseiller municipal.

Si l'on jette un regard sur le fonctionnement de l'inspection médicale, tant en France qu'à l'étranger, on voit que ce service a pris une extension considérable.

Dans tous les pays civilisés, le rôle du médecin inspecteur des écoles a été étendu et modifié sous l'influence des idées modernes. C'est que l'enfant a besoin d'une surveillance continuelle ; moins aguerri que l'adulte et surtout moins résistant, il est plus sujet à contracter les maladies épidémiques ; de plus, sa croissance, en pleine évolution, demande des soins que seul le médecin est apte à lui donner.

Créé primitivement pour protéger la collectivité des écoliers contre les maladies, le médecin scolaire devint peu à peu, et par la force des choses, le surveillant autorisé du développement physiologique de l'écolier pris individuellement.

Il prit alors rapidement conscience de son rôle et de ses devoirs.

L'examen hygiénique des locaux, la propreté des classes et des cabinets d'aisances, les conditions de chauffage, d'éclairage et d'aération, ne furent plus qu'une petite partie de son domaine. Il demanda pour l'enfant une table et un banc rationnels, appropriés à sa taille ; il exigea que les caractères d'imprimerie répondissent au besoin d'une bonne hygiène de la vue, et il formula des critiques contre les programmes trop chargés, le surmenage, et surtout le malmenage, si nuisible au développement de l'enfant.

Puis il fit remarquer que, s'il y avait parmi les écoliers de véritables paresseux, dont il fallait secouer la torpeur, il y avait aussi des élèves que le maître considérait comme tels, et qui n'étaient que des malades ou bien des anormaux psychiques.

Il demanda alors pour les myopes et les demi-sourds la place la mieux appropriée, et chercha à débarrasser la classe des anormaux psychiques qui, sans aucun profit pour eux, gênent le maître et retardent les progrès de leurs camarades. Il prépara la loi que M. Gasquet, directeur de l'enseignement primaire, a fait aboutir et qui consacra la création de classes et d'écoles de perfectionnement pour les anormaux psychiques.

Mais il fit mieux : il demanda et obtint presque dans tous les pays l'enseignement de l'hygiène aux écoliers ; puis il fut chargé de la direction et de la surveillance de leur éducation physique, dont seul dans l'école il pouvait apprécier scientifiquement les résultats. Grâce à l'admirable impulsion donnée aux idées nouvelles sur l'éducation des enfants par Herbert Spencer et ses élèves, grâce aussi aux découvertes chaque jour plus précises des lois biologiques régissant le corps humain, les résistances des membres de l'enseignement contre cette intervention des médecins dans le domaine pédagogique diminuèrent rapidement.

A mesure qu'il connut mieux l'influence du physique sur le moral et l'importance des affections organiques sur le développement des facultés intellectuelles, le professeur comprit bien vite qu'il y avait intérêt pour l'élève et pour lui-même à accepter la collaboration du médecin scolaire.

C'est à l'étranger surtout que la protection de l'écolier s'est rapidement développée.

En Allemagne, l'inspection médicale fonctionne dans presque toutes les grandes villes, quoique chaque Etat ait des règlements indépendants. Presque partout on a imité l'organisation de Wiesbaden, qui peut être considérée comme un modèle (1897). L'écolier est examiné à son entrée à l'école et on lui constitue un dossier sur lequel seront inscrites toutes les phases de son développement physique.

En Belgique, depuis 1874, fonctionne à Bruxelles une inspection médicale fortement organisée. Les médecins visitent les écoles trois fois par mois et établissent pour chaque enfant une fiche de santé avec mensuration du poids, de la taille et de la capacité pulmonaire.

L'Angleterre a établi dans toutes les écoles l'inspection médicale depuis le 1er janvier 1908.

En Suède, en Norvège, en Danemark, le service est organisé d'une façon très sérieuse et à peu près sur les mêmes bases. En Suisse, le fonctionnement varie un peu d'un canton à un autre.

Aux Etats-Unis, l'organisation est très complète. A New York, le service est assuré par trois cents médecins qui font chaque jour une visite dans toutes les écoles. Au Mexique, et dans la plupart des Républiques latines de l'Amérique du Sud, l'inspection des écoles est organisée conformément aux voeux du Congrès international d'hygiène de Bruxelles de 1903.

Voyons maintenant comment les éducateurs modernes comprennent le rôle du médecin inspecteur et le fonctionnement de l'inspection.

Tout d'abord le médecin scolaire doit présenter certaines garanties, et l'administration qui le nomme doit s'assurer qu'il connaît bien les fonctions qu'il est appelé à remplir. La nomination par le concours, dans les grandes villes tout au moins, paraît être celle qui assure le meilleur recrutement.

Le médecin a un double rôle à remplir : il doit préserver la collectivité des maladies épidémiques, et surveiller le développement physique de chaque écolier pris individuellement.

Dans le nouveau règlement de la Ville de Paris, chaque médecin a environ 1000 élèves à surveiller. Il doit faire une visite par semaine à jours et heures fixés d'accord avec l'administration. Naturellement, en cas de nécessité, il est obligé à des visites supplémentaires.

Il assure la surveillance hygiénique des bâtiments et du mobilier scolaire : 1° par une visite semestrielle, qui a pour but de signaler les grosses réparations et les transformations nécessaires ; 2° par une visite hebdomadaire, qui doit porter sur l'entretien hygiénique des locaux.

A chaque visite hebdomadaire, le médecin commence par procéder à un examen des localités en inspectant d'abord les vestibules, préaux, cours, cabinets d'aisance et urinoirs ; il continue par la cantine, puis il pénètre dans les classes.

Dans la classe, il doit se rendre compte des conditions hygiéniques de la salle au point de vue de l'éclairage, du chauffage, de la ventilation et de l'aménagement du mobilier. Il s'occupe de l'attitude des enfants, et choisit la place la meilleure pour ceux qui sont reconnus atteints de diminution de l'acuité visuelle ou auditive. Il consigne ses observations sur un registre qui reste à l'école, et en envoie la copie à l'administration.

Après la visite des classes, le médecin se rend dans la pièce qui lui est réservée pour examiner : tous les enfants suspects ou malpropres qu'il aura désignés en passant dans les classes, tous ceux qui lui sont signalés par le maître, et enfin tous ceux qui, absents de l'école sans motifs connus pendant plus de trois jours, ne peuvent être admis à nouveau qu'après l'avis du médecin.

Mais cette partie de ses fonctions ne concerne que la défense de la collectivité ; passons maintenant à l'examen individuel.

Le médecin inspecteur de l'école doit, dans les trois premiers mois de l'année, procéder à l'examen individuel des élèves nouveaux et leur constituer une fiche sanitaire.

L'examen porte : 1° sur les mensurations du poids, de la taille et du périmètre thoracique ; 2° sur les fonctions mises en jeu par le travail scolaire : vision et audition ; 3° sur le signalement organique (examen des organes respiratoires et circulatoires, du squelette, de la dentition, du cuir chevelu, de la peau, etc).

Les parents sont prévenus soit par lettre, soit oralement, des affections découvertes chez leurs enfants, afin qu'ils ne puissent s'en prendre qu'à leur négligence si une infirmité, par suite du manque de soins, frappe leur enfant d'une tare indélébile (Règlement des écoles de Bruxelles).

Mais le médecin doit s'abstenir de toute intervention. C'est aux parents prévenus qu'incombe le soin du traitement par le médecin de leur choix.

On a établi dans quelques pays étrangers des cliniques scolaires ; mais, en France, la tendance à transformer l'école en dispensaire ou en hôpital et à donner des soins aux écoliers à l'école même ne semble pas admise. Les enfants, après l'examen, sont classés en trois catégories : Sains, Suspects, Malades. Les élèves des deux dernières catégories sont plus particulièrement surveillés.

Les mensurations du poids, de la taille et du périmètre thoracique sont renouvelées tous les six mois, et permettent ainsi de suivre le développement de l'écolier.

Dans beaucoup de pays, un second examen complet vers la dixième année est exigé. Il serait à désirer de voir cette coutume s'établir en France.

Le médecin procède aux revaccinations annuelles, aux examens des enfants signalés par le maître pour l'entrée dans les classes ou les écoles de perfectionnement, au choix des débiles pour les colonies scolaires, et à la désignation des enfants pour les écoles de plein air.

Le médecin remplit la fiche de santé individuelle, et la garde dans une armoire fermée à clef avec toutes les précautions qu'exige le secret professionnel.

La fiche scolaire de santé existe actuellement dans tous les pays, sous des formes variées. Il y en a de nombreux modèles. Le plus simple est le meilleur. Nous avons préconisé une fiche composée d'une double feuille. Sur le verso de la couverture se trouve l'adresse de l'école, le nom de l'enfant, la date de sa naissance et celle de l'examen. Sur le recto de la couverture on inscrit les mensurations semestrielles du poids, de la taille et du périmètre thoracique. Sur les deux feuillets intérieurs, moins exposés aux indiscrétions, on note toutes les observations purement médicales. Les antécédents héréditaires ont été supprimés ; on n'y laisse subsister que les antécédents sur les maladies antérieures de l'enfant et surtout sur les maladies contagieuses. Car, en cas d'épidémie, il est important de connaître le nombre d'enfants qui ont été atteints antérieurement. On est à peu près certain que, pour la scarlatine par exemple, ceux-ci seront épargnés. Dans certains modèles, la notation du poids et de la taille pourra avantageusement être remplacée par une courbe de croissance sur laquelle on peut suivre plus facilement le développement. Lorsque l'enfant quitte l'école, la fiche est remise aux parents ou détruite.

On voit par ce rapide exposé combien le rôle du médecin scolaire est important.

Instituteur et médecin doivent être d'actifs collaborateurs pour la bonne tenue de l'école ; ils doivent se prêter constamment un mutuel concours.

Le médecin doit trouver dans l'instituteur un auxiliaire précieux qui veillera au nettoyage des locaux et à la propreté des élèves, et le maître doit rencontrer dans l'inspecteur médical un appui autorisé pour le soutenir et le défendre auprès des familles dans sa tâche souvent ardue.

Tous deux sont des agents indispensables de l'application à l'école des prescriptions de l'hygiène.

Pour les textes législatifs et administratifs concernant l'inspection médicale des écoles, voir Inspection médicale.

L. Dufestel