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Mathématiques

L'enseignement des mathématiques s'étend, dans les écoles primaires françaises : 1° au calcul et à l'arithmétique, y compris l'étude du système métrique ; 2° à l'algèbre ; 3° à la géométrie et au dessin géométrique.

Cet enseignement a un double but : 1° faire acquérir aux élèves des notions utiles, parfois indispensables dans la vie ; 2° développer en eux les facultés du raisonnement, l'esprit de logique, d'analyse et de méthode. En d'autres termes, cet enseignement doit être à la fois utilitaire et éducatif. On a, trop souvent, le tort de croire que ces deux tendances sont contradictoires, et de n'accorder de valeur éducative qu'aux études abstraites ne donnant lieu à aucune application pratique réelle. C'est une grave erreur.

L'enfant ne s'intéresse qu'à ce qu'il peut comprendre, qu'à ce qu'il peut se représenter par un exemple familier, qu'à ce qui lui apparaît comme utile ou utilisable. Il faut donc, avant tout, que le maître ne s'écarte jamais de la réalité, ne choisisse ses exemples que parmi les choses connues de ses élèves, ne leur fasse faire que des exercices tirés des applications usuelles des mathématiques dans la vie courante, dans le commerce, la banque, l'industrie. Le champ ainsi limité est cependant encore bien assez vaste pour qu'il y trouve matière au développement du raisonnement de l'élève.

Au point de vue pédagogique, il faut ici plus que jamais se pénétrer de ce principe qu'un enfant ne s'assimile complètement que ce qu'il apprend sans effort. Des maîtres trop pressés croient avoir fait oeuvre utile en conduisant très rapidement leurs élèves jusqu'au bout du programme. Ils annoncent avec satisfaction que des enfants de six à sept ans « font déjà des règles de trois composées » ; ils les font, il est vrai, mais mécaniquement, par application d'une règle apprise par coeur et sans comprendre. Une telle manière d'enseigner les mathématiques n'est aucunement profitable. L'enfant, au sortir de l'école, oublie aussitôt toutes les règles apprises, et ne garde de l'instruction qu'on lui a donnée qu'un souvenir confus et pénible.

Le meilleur moyen de faire faire des progrès réels et durables à l'élève est de n'avancer que très lentement, pas à pas. Il ne faut abandonner une question qu'après l'avoir retournée sur toutes ses faces. On commencera par la présenter sous sa forme la plus simple, la plus réduite, sur des exemples très faciles, en ne faisant opérer d'abord que sur de petits nombres pour que l'enfant la conçoive aussitôt. Puis, peu à peu, on passera des exemples intuitifs, par analogie et extension, à des cas de plus en plus compliqués.

Lorsqu'un enseignement scientifique est bien fait, l'élève doit avoir constamment l'impression que tout est évident et facile. Ainsi, progressant inconsciemment sans effort, il ne cessera pas de s'intéresser à ce qu'on lui enseigne.

Les instructions fort sages contenues dans les programmes officiels sont d'ailleurs formelles à ce sujet.

Elles disent, en effet :

« La seule méthode qui convienne à l'enseignement primaire est celle qui fait intervenir tour à tour le maître et les élèves, qui entretient pour ainsi dire entre eux et lui un continuel échange d'idées sous des formes variées, souples et ingénieusement graduées. Le maître part toujours de ce que les enfants savent, et, procédant du connu à l'inconnu, du facile au difficile, il les conduit, par l'enchaînement des questions orales ou des devoirs écrits, à découvrir les conséquences d'un principe, les applications d'une règle, ou inversement les principes et les règles qu'ils ont déjà inconsciemment appliqués.

« En tout enseignement, le maître, pour commencer, se sert d'objets sensibles, fait voir et toucher les choses, met les enfants en présence de réalités concrètes, puis peu à peu il les exerce à en dégager l'idée abstraite, à comparer, à généraliser, à raisonner sans le secours d'exemples matériels.

« C'est donc par un appel incessant à l'attention, au jugement, à la spontanéité intellectuelle de l'élève que l'enseignement primaire peut se soutenir. Il est essentiellement intuitif et pratique ; intuitif, c'est-à-dire qu'il compte avant tout sur le bon sens naturel, sur la force de l'évidence, sur cette puissance innée qu'a l'esprit humain de saisir du premier regard et sans démonstration non pas toutes les vérités, mais les vérités les plus simples et les plus fondamentales ; pratique, c'est-à-dire qu'il ne perd jamais de vue que les élèves de l'école primaire n'ont pas de temps à perdre en discussions oiseuses, en théories savantes, en curiosités scolaires, et que ce n'est pas trop de cinq à six années de séjour à l'école pour les munir du petit trésor d'idées dont ils ont strictement besoin et surtout pour les mettre en état de le conserver et de le grossir dans la suite. »

Les lois du 16 juin 1881 sur la gratuité des écoles primaires publiques, du 28 mars 1882 sur l'enseignement obligatoire, et du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire en France, ont donné lieu à une suite d'arrêtés, des 18 janvier 1887, 8 août 1890, 4 janvier 1894, 9 mars 1897, 17 et 20 septembre 1898, qui ont fixé les programmes d'enseignement et les méthodes pédagogiques.

La loi du 11 juillet 1903 et le décret du 28 juillet 1903 ont défini légalement les unités du système métrique et les abréviations obligatoires dans l'enseignement public.

Nous examinerons successivement ce qui concerne le calcul et l'arithmétique, l'algèbre et la géométrie, dans les écoles primaires des divers degrés et dans les écoles normales.

I ? Calcul et Arithmétique.

Historique. ? Si indispensable qu'il nous semble aujourd'hui, le calcul ne s'est introduit qu'assez tard et difficilement dans l'enseignement populaire. Il se borna pendant des siècles à l'usage des abaques ; à la fin du moyen âge, et surtout à mesure que l'imprimerie permit une certaine diffusion des connaissances jusque-là inaccessibles au « commun peuple », on apprit à compter dans les petites écoles, d'abord à titre exceptionnel, plus tard presque généralement. Pendant longtemps les parents avaient à payer à part et d'après une sorte de tarif supplémentaire les leçons de calcul, considérées comme enseignement de luxe. Nos vieilles archives scolaires permettraient, si ce dépouillement ne défiait la persévérance des chercheurs, d'établir presque pour chaque province à quelle époque cet enseignement du calcul a pris une extension générale : presque partout les « élèves arithméticiens » paient une surtaxe jusque dans le courant du dix-huitième siècle. Il existait quelques livres ou livrets à leur usage dès le seizième siècle : un de ceux qui furent le plus souvent réédités est l'Instruction nouvelle pour enseigner aux enfans à connaître le chiffre et à sommer avec les gets (jetons), 32 pages. On trouve aussi, sous le nom d'Antoine Cathalan, une Arithmétique et manière d'apprendre à chiffrer et à compter par la plume et par les gects en nombre entier et rompu (fractions), Lyon, 1555.

Ces titres indiquent les deux manières de compter qui ont succédé à l'abaque. Les chiffres dits arabes étaient encore réservés aux études supérieures ; la numération à l'aide de jetons ou d'objets matériels quelconques était le procédé populaire, celui qui dès le début avait été la raison du mot « calcul » (calculus, petit caillou, parce que les Romains et avant eux les Grecs s'étaient servis de cailloux pour compter). Mais au seizième siècle, d'abord en Allemagne à la suite de la Réforme, et aussi en France, on employa un mode de notation un peu plus expéditif que le maniement des jetons dont il n'était du reste que la figure. C'est ce qu'on nomma le calcul par lignes. On le trouve désigné dès 1505 sous le nom d'algorithmus linealis, et un peu plus tard sous celui de numeratio calcularis, par opposition à la numeratio figuralis, c'est-à-dire aux chiffres. Adam Riese est dans la première moitié du seizième siècle la grande autorité en cette matière. On traçait sur une planche ou sur une table quatre lignes parallèles, comme une portée de musique, et l'on y plaçait des jetons (ou bien on les figurait par des points). Sur la ligne inférieure ils valaient 1 ; sur la seconde 10 ; sur la troisième 100 ; sur la quatrième 1000. Si l'on dépassait ce nombre, on marquait une croix au-dessus de la première portée, on en traçait une seconde où l'on recommençait à compter par un, dix, cent, en ajoutant seulement le mot mille après les nouveaux nombres. Les jetons placés dans l'espace intermédiaire entre deux lignes valaient 5 fois plus que ceux de la ligne inférieure (et par conséquent ne valaient que la moitié de ceux de la ligne supérieure).

Par exemple, pour écrire 408 1/2, on plaçait les jetons de la manière suivante :

Pour faire une addition, on faisait autant de cases, plus une, qu'il y avait de nombres à additionner ; et en commençant par la gauche on enlevait ligne par ligne les jetons des premières cases pour les reporter dans celle du total, en ayant soin, quand on avait cinq jetons, d'en placer un seul entre les deux lignes pour signifier 5, et quand on en avait 10 d'en placer un seul sur la ligne supérieure. La soustraction se faisait d'une manière analogue. La multiplication et la division étaient trop difficiles pour être pratiquées couramment à l'aide de jetons : quand l'élève était arrivé jusque-là, on l'initiait au calcul par chiffres (popularisé en Allemagne par Rudolff à la fin du seizième siècle). Mais ce calcul lui-même s'énonçait alors dans un langage et avec des formes hérissées de difficultés. On n'employait pas le mot million, on disait mille fois mille. On disposait autrement qu'aujourd'hui la division et les autres opérations : elles exigeaient en général un bien plus grand effort d'attention. Si l'on ouvre, par exemple, les rares traités d'arithmétique imprimés en français jusqu'au milieu du dix-huitième siècle, on reste confondu des inextricables complications que présentait alors, non seulement comme raisonnement, mais même comme opération, la multiplication ou la division, même sur des nombres entiers. Aussi, quand on entreprenait par exception de faire dans l'enseignement élémentaire une certaine part à l'arithmétique, ce ne pouvait être qu'à la condition de l'enseigner par la mémoire.

Kehr, qui, dans sa précieuse Histoire des méthodes de l'enseignement primaire en Allemagne, a consacré un long chapitre à l'histoire de l'enseignement primaire du calcul, cite comme un des premiers textes authentiques qui s'y rapportent une ordonnance du collège de Weimar, en 1619, statuant « qu'on enseignerait aux garçons les éléments du calcul aussitôt qu'ils savent lire et écrire ». Dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, l'enseignement de l'arithmétique est l'objet d'un véritable enthousiasme, notamment dans les écoles bourgeoises Le zèle prend des formes diverses : ici, on menace du fouet tout élève qui ne fera pas les progrès voulus en arithmétique ; ailleurs, on met les règles en vers et en musique (Arithmetica poetica, de Georges Meichsner, et une foule d'imitations), on s'ingénie à inventer des problèmes attrayants, amusants, curieux (Kehr en donne des exemples). Les livres d'enseignement de Christian Pescheck eurent une influence décisive sur les progrès du calcul dans l'enseignement populaire. On poussa même si loin ce nouvel ordre d'études que les procédés ne tardèrent pas à devenir par trop abstraits et difficiles. De là l'importance essentielle de la révolution pédagogique dont Pestalozzi donna le signal en ramenant le calcul, comme tout l'enseignement primaire, à l'intuition, à la vue des objets concrets, aux procédés sensibles ; ce qui ne l'empêchait pas, d'ailleurs, de faire en même temps une place excessive au calcul mental. Autant que nous en pouvons juger par le témoignage de ses contemporains et de ses premiers disciples, Pestalozzi, à force d'exercer la mémoire de ses élèves et de les rompre à la pratique des opérations usuelles, arrivait à de véritables tours de force, ce qui n'est jamais le but normal de l'enseignement.

Blochmann raconte qu'un jour un riche négociant de Nuremberg vint visiter l'institution du réformateur : il avait entendu vanter la facilité avec laquelle calculaient les élèves, et, pour s'en assurer, il demanda l'autorisation de leur poser un problème : c'était une règle de société très compliquée, à quatre proportions et où toutes les données étaient des fractions. Les enfants lui demandèrent si la question devait être résolue mentalement ou par écrit. « Mentalement, si vous l'osez », répondit-il étonné, et il prit lui-même du papier et de l'encre pour résoudre le problème. Il n'en avait pas encore fait la moitié que, de tous côtés, on criait: « J'ai trouvé! » Les réponses concordaient avec le résultat qu'il obtint quelques instants après. Se tournant vers Pestalozzi, il lui dit alors : « J'ai trois garçons, je vous les enverrai aussitôt que je serai de retour chez moi ».

On sait que cette prépondérance du calcul dans l'institut de Pestalozzi fut un des griefs principaux de ses adversaires. On tournait en ridicule « la grande adoration de la nouvelle table de multiplication, le culte perpétuel de l'arithmétique » ; mais quelques critiques que pût mériter dans le détail l'enseignement de Pestalozzi, ? et nul n'en a jamais fait de plus vives ni de plus franches que Pestalozzi lui-même, ? on lui doit incontestablement d'avoir à la fois popularisé cette étude et montré de quels développements elle est susceptible, même dans l'instruction élémentaire.

Depuis lors, l'enseignement du calcul n'a cessé de se perfectionner en se généralisant ; dans tous les pays, dans toutes les langues, d'excellents traités et manuels populaires en facilitent l'introduction dans l'école à tous les degrés ; les écoles enfantines elles-mêmes y préparent les enfants à l'aide de bouliers et de tableaux de numération élémentaire ; et nulle branche de l'enseignement populaire ne jouit d'une faveur plus générale.

Programmes et méthodes. ? 1° Classe enfantine (De cinq à sept ans). ? Le programme de cette classe comprend les premiers éléments de la numération orale et écrite et les opérations sur des nombres d'un ou deux chiffres.

L'enseignement dans cette classe doit être presque exclusivement oral et viser surtout à donner à l'enfant, par des moyens pratiques, une notion bien nette des premiers principes de la numération.

Le meilleur moyen d'apprendre aux enfants à compter consiste à leur faire compter effectivement des objets semblables, comme des pois, des noisettes, ou de simples bûchettes analogues à des allumettes et que l'on a taillées d'avance. Des paquets de dix bûchettes liées ensemble serviront à introduire l'idée des dizaines ; et dix paquets semblables, réunis en un seul, donneront l'idée d'une centaine, etc. Si le maître dispose d'un boulier-compteur, il lui sera facile de montrer comment dix boules de la première rangée sont remplacées par une boule de la seconde, comment dix boules de la seconde rangée sont remplacées par une boule de la troisième, et ainsi de suite. Mais l'un des procédés les plus féconds pour exercer l'enfant à compter, pour lui donner une idée juste de la numération et le préparer au système métrique, est l'emploi des cubes assemblables de « l'Initiateur mathématique » de M. Camescasse, qui présentent le grand avantage de mettre des objets dans les mains des enfants eux-mêmes.

Dès le début, il faut faire connaître aux élèves le mètre, le franc, le kilogramme et le litre ; non pas par une définition, mais en leur montrant des mesures effectives réelles, grandeur nature, en leur expliquant comment on mesure une longueur avec un mètre ou une capacité avec un litre.

L'idée première de chaque opération devra être introduite à propos d'un petit problème d'application, aussi simple que possible, sur des billes, des gâteaux, etc., et avec des nombres très petits, de façon que l'enfant soit amené à faire intuitivement ces opérations. Il faut bien se garder de passer d'une opération à la suivante sans avoir complètement familiarisé l'enfant avec la première.

Pour l'addition, il sera bon de faire faire, pendant un temps très long, des exercices oraux d'addition de nombres d'un chiffre.

La soustraction se présentera naturellement comme opération inverse de l'addition et devra être également limitée à de très petits nombres.

La multiplication ne devra être présentée que vers la fin du cours sur des exemples simples et en faisant au debut trouver les résultats à l'enfant. Quant à la division, il n'y aurait aucun mal à ne pas en parler du tout dans cette classe. En tous cas, il sera bon de la réduire aux exemples très simples, demi, tiers et quart, qui figurent explicitement au programme.

Cours élémentaire (De sept à neuf ans). ? Le programme de ce cours comprend la numération écrite et orale, les quatre opérations et les notions premières sur les multiples et sous-multiples des unités du système métrique.

Quoique la plupart des enfants qui entrent au cours élémentaire sachent déjà compter plus ou moins, il est nécessaire de reprendre la numération ; elle ne devra pas être poussée au delà du nombre mille.

Ici encore, en employant judicieusement les cubes assemblables de M. Camescasse, on arrivera à bien faire saisir aux élèves la dépendance des diverses unités entre elles.

C'est dans cette dépendance des diverses unités que consiste tout notre système de numération. On exercera longtemps les élèves à énoncer un nombre, connaissant les diverses unités dont il se compose, ou à décomposer un nombre énoncé en ses différentes unités ; et ce n'est que lorsque les élèves seront rompus à ce double exercice de numération parlée que l'on abordera la numération écrite, qui ne présentera plus dès lors aucune difficulté.

D'autre part, il faudra aussitôt définir les trois termes, déca, hecto et kilo, et faire marcher de front l'enseignement de la numération de un à mille, avec celui des multiples du mètre, du gramme et du litre. Ainsi on rendra l'enseignement beaucoup plus concret et l'on mettra immédiatement en évidence la parfaite concordance entre le système métrique et le système de numération décimale.

On introduira l'idée d'addition en faisant additionner effectivement des objets semblables formant plusieurs groupes qui auront été comptés séparément ; on reconnaîtra ainsi que l'addition n'est que l'application de la numération. ? On construira, ou, ce qui est préférable, on fera construire aux élèves la table d'addition, et on la leur fera apprendre imperturbablement par coeur. Quand ils la sauront bien, on leur fera exécuter l'addition de plusieurs nombres d'un Chiffre chacun, comme 3 et 5, 8 ; et 7, 15 ; et 1, 16 ; et 9, 25: et 8, 33. On pourra alors aborder l'addition des nombres de plusieurs chiffres, et l'on en fera l'application à de petits problèmes usuels. ? La preuve se fera en additionnant de bas en haut, si l'on a d'abord additionné de haut en bas.

L'idée de la soustraction pourra être introduite en séparant d'un groupe d'objets semblables précédemment comptés une portion de ce groupe, que l'on comptera, ainsi que le reste. A l'aide de la table d'addition on exercera les enfants à soustraire un nombre d'un chiffre d'un nombre d'un ou deux chiffres au plus ; et, quand ils y seront exercés, on pourra aborder la soustraction de deux nombres quelconques. Quand le chiffre inférieur surpasse le chiffre supérieur, on n'aura pas recours à la méthode de l'emprunt, qui peut devenir incommode dans beaucoup de cas ; on ajoutera 10 au chiffre supérieur, et, en passant à la colonne suivante à gauche, on ajoutera l'unité au chiffre inférieur. ? On appliquera la règle de la soustraction à des problèmes très simples. La preuve de la soustraction se fera en additionnant le reste et le plus petit nombre.

Il sera essentiel de bien faire comprendre la nature de cette opération sous ses deux faces. La soustraction sert à résoudre les deux types de questions suivantes: a) Dans une collection d'objets on en prend une partie, combien en reste-t-il ? ? b) On connaît la somme de deux nombres et l'un d'eux, quel est l'autre?

La multiplication n'est autre chose qu'une addition dans laquelle tous les nombres à ajouter sont égaux ; après avoir introduit ainsi l'idée de multiplication en opérant sur de petits nombres, on fera construire aux élèves et apprendre par coeur la table de multiplication. Cette construction de la table par les élèves eux-mêmes est essentielle pour bien leur faire comprendre le sens de l'opération. Quand ils la sauront bien, on pourra aborder la multiplication d'un nombre de deux chiffres par un nombre d'un seul, celle d'un nombre de trois chiffres par un nombre d'un seul, enfin la multiplication de deux nombres de deux ou trois chiffres chacun. On s'en servira pour faire résoudre de petits problèmes pratiques très élémentaires.

On montrera sur un tableau analogue à celui-ci :

qu'un produit de deux facteurs est indépendant de l'ordre de ces facteurs ; et l'on utilisera cette propriété pour faire la preuve de la multiplication.

La division d'un nombre entier par un autre nombre entier n'est autre chose qu'une série de soustractions dans lesquelles le nombre à soustraire est toujours le même ; on le fera aisément comprendre sur de petits nombres ; par exemple 6 peut être soustrait 4 fois du nombre 24 ; le quotient de 24 par 6 est donc 4 Mais, en considérant le tableau ci-dessus, on voit que si l'on voulait partager 24 en 6 parties égales, chacune d'elles serait égale à 4 ; d'où une autre manière de considérer la division. On habituera les enfants à ces deux points de vue de la division, en les exerçant sur la table de multiplication précédemment apprise.

Plus tard, il sera encore nécessaire de leur faire comprendre comment la division résoud la question suivante : connaissant le produit de deux nombres (dividende) et l'un des facteurs (diviseur), trouver l'autre facteur (quotient).

Après avoir revu avec soin, et avec de nombreux exemples à l'appui, la division d'un nombre plus petit que cent par un nombre d'un chiffre, on pourra aborder la division d'un nombre de trois chiffres par un nombre d'un seul, et celle d'un nombre de trois chiffres par un nombre de deux, en se basant sur l'idée de partage, qui est la plus commode pour établir la règle de la division. On appliquera la division à quelques problèmes usuels. La preuve se fera en observant que, quel que soit le point de vue sous lequel on envisage l'opération, le produit du diviseur par le quotient, si l'opération se fait sans reste, ? ou bien, s'il y a un reste, ce produit augmenté du reste, ? doit toujours être égal au dividende.

Quand la division aura été étudiée, on pourra proposer aux élèves de petits problèmes récapitulatifs dans lesquels ils auront à effectuer plusieurs des quatre opérations ; mais il sera absolument indispensable, pour ne pas fatiguer inutilement leur esprit, de leur présenter les énoncés sous une forme telle que le problème complet mette en évidence, dans son énoncé même, la succession des problèmes à une opération dont il est la réunion.

Il est bien entendu que, pendant toute l'étude des quatre opérations, on multipliera les exercices de calcul de tête, en en graduant la difficulté d'après les résultats obtenus, sans que toutefois ces exercices puissent jamais devenir une fatigue pour les élèves.

L'étude du système métrique exige impérieusement que l'on mette sous les yeux des élèves, soit les mesures elles-mêmes, soit un tableau qui les représente en vraie grandeur. Il ne suffit pas d'ailleurs de leur montrer les mesures, il faut leur faire voir comment on s'en sert, il faut leur faire mesurer des longueurs, exécuter des pesages, etc., afin d'éviter l'aridité d'une étude abstraite.

Comme les élèves du cours élémentaire n'ont point vu les nombres décimaux, il faudra nécessairement ajourner toutes les explications et toutes les applications qui conduiraient à des nombres de cette espèce.

Cours moyen (De neuf, à onze ans). ? Le programme de ce cours comprend, outre la révision du cours précédent et les compléments utiles, la notion des fractions, les nombres décimaux, les règles de trois et d'intérêt, et le système métrique.

Le caractère de l'enseignement doit être un peu moins élémentaire : on pourra faire moins constamment usage des méthodes intuitives recommandées dans le cours de l'année précédente ; cependant on devra toujours opérer, autant que possible, sur des unités concrètes et choisir comme exemples des problèmes d'une application usuelle.

On étendra la numération à des nombres quel conques ; toutefois il ne paraît pas utile d'aller au delà des milliards ou billions. Dans l'addition, on pourra donner pour exemple, au besoin, des colonnes de vingt ou trente nombres, mais des nombres de quatre à cinq chiffres suffiront ; il ne faut pas que les opérations proposées deviennent un labeur sans intérêt. Dans la multiplication, on remarquera le cas où les facteurs sont terminés par des zéros. ? On examinera le cas analogue dans la division.

L?étude des nombres décimaux ne doit être abordée, selon nous, que lorsque les élèves sont suffisamment exercés sur le calcul des nombres entiers. Avant d'entamer les opérations, on insistera sur la numération décimale, sur les changements qu'amène le déplacement de la virgule, sur la faculté d'écrire des zéros à la droite, etc.

L'addition et la soustraction des nombres décimaux n'offrent aucune difficulté. Dans la multiplication, il faudra remarquer que le sens de l'opération a changé : multiplier un nombre par 0, 75 par exemple, c'est répéter 75 fois la 100e partie de ce nombre ; et cette opération porte le nom de multiplication parce qu'elle résout les problèmes analogues à ceux qui exigeraient une multiplication s'il s'agissait de nombres entiers ; il sera aisé de le faire comprendre par des exemples simples.

Dans la division, on appellera quotient vin nombre qui, multiplié par le diviseur, donne pour produit le dividende. On ne distinguera que deux cas : celui où le diviseur est entier, et celui où il est décimal ; on ramène le second cas au premier, en supprimant la virgule du diviseur et multipliant le dividende, par 10, 100, 1000, etc., selon que le diviseur avait 1, 2, 3 décimales, etc. On ne craindra pas de donner de nombreux exemples de multiplication ou de division, en faisant résoudre des problèmes d'un intérêt pratique.

Le calcul des fractions ordinaires exige quelques notions préliminaires. Les élèves n'ont vu que les fractions décimales : l'idée générale de fraction ne peut être encore nettement formée dans leur esprit, Pour introduire cette idée, les moyens intuitifs pourront être utiles. Si, par exemple, on divise une règle en 12 parties égales, et qu'on prenne la longueur de la règle pour unité, ses divisions fourniront des longueurs représentant : 1/12 ; 2/12 ou 1/6, 3/12 ou 1/4 ; 4/12 ou 1/3 ; 5/12 ; 6/12 ou 1/2 ; 7/12 ; 8/12 ou 2/3 ; 9/12 ou 3/4 ; 10/12 ou 5/6 ; enfin 11/12.On s'en servira pour faire comprendre ce que c'est qu'une fraction, le rôle de ses deux termes, les différentes formes dont une même fraction est susceptible. On se contentera de faire comprendre aux enfants, au moyen d'exemples, comment en multipliant ou divisant les deux termes d'une fraction par un même nombre, on ne change pas la valeur de la fraction. L'exemple d'une règle ou d'un gâteau qu'on a partagé en parties égales, et dont on partage ensuite chacune des parties en un même nombre de parties plus petites, met ce fait en évidence d'une façon simple. Il sera même bon de faire faire aux élèves quelques petites expériences, en leur faisant, par exemple, découper des bandes de papier. Un en déduira le fait qu'une fraction peut être simplifiée si ses deux termes sont divisibles par un même nombre ; mais on ne leur définira pas ce que c'est qu'une fraction irréductible.

La réduction de fractions au même dénominateur est une seconde conséquence de ce qui précède ; ici encore on réservera pour le cours supérieur la réduction des fractions au plus petit dénominateur commun.

Ces préliminaires établis, l'addition et la soustraction n'offriront plus de difficultés. Dans le cas où l'on a à soustraire d'un nombre entier accompagné d'une fraction un autre nombre entier accompagné d'une fraction, il peut arriver que la fraction qui accompagne le plus petit nombre soit la plus grande ; dans ce cas, après avoir réduit les deux fractions au même dénominateur, il faut ajouter à la plus petite une unité, sous la forme d'une fraction de même dénominateur, effectuer la soustraction devenue possible, et augmenter d'une unité le plus petit des deux nombres entiers.

Pour faire comprendre la multiplication, on fera ce que l'on a déjà fait à l'occasion de la multiplication des fractions décimales ; on partira de cette définition que multiplier, par exemple, un nombre par 3/4, c'est en répéter 3 fois le quart ; et l'on justifiera, comme plus haut, le nom de multiplication donné à cette opération, en remarquant qu'elle résout des problèmes analogues à ceux qui exigeraient une multiplication s'il s'agissait de nombres entiers. Dans la division, on regardera le quotient comme le nombre par lequel il faudrait multiplier le diviseur pour avoir le dividende.

Il faut observer ici que l'enseignement des fractions devra se réduire à l'essentiel et être présenté sous la forme la plus simple possible. L'emploi des fractions ordinaires est, en pratique, excessivement rare, car dès qu'on rencontre, dans les applications usuelles de la vie, une fraction, on s'empresse de la transformer en fraction décimale, en effectuant le quotient. Il est donc inutile de fatiguer les cerveaux des jeunes enfants par des exercices compliqués et des développements sans utilité ; par suite, on devra se limiter à des opérations fort simples sur des fractions dont les termes seront petits. Sans exception, on ne devra jamais considérer de fraction dont l'un des termes a plus de deux chiffres. .

D'autre part, il sera fondamental de bien faire comprendre qu'une fraction est le résultat d'une division exacte, que tout quotient exact doit être mis sous forme de fraction, et, enfin, qu'une fraction ordinaire se remplace pratiquement par une fraction décimale obtenue en divisant le numérateur par le dénominateur.

Les règles de trois et d'intérêt devront être traitées par la méthode de l'unité. Il sera nécessaire de multiplier les applications. Mais, dans le choix des problèmes, le maître devra faire en sorte que la proportionnalité sur laquelle le problème s'appuie soit réelle. Ainsi le prix d'une étoffe est généralement proportionnel au nombre de mètres qu'elle contient, le produit d'une fontaine est proportionnel au temps écoulé, etc. ; mais il n'est pas toujours exact de supposer que, toutes choses égales d'ailleurs, le prix d'un mur soit proportionnel à sa hauteur ou le prix d'un fossé proportionnel à sa profondeur : si la hauteur, dans le premier cas, la profondeur dans le second, dépassent une certaine limite, la nature du travail peut changer de telle sorte que son prix dépasse de beaucoup celui que la proportionnalité suppose. Les trois quarts des problèmes que l'on a l'habitude de proposer sur les ouvriers supposent ainsi une proportionnalité qui n'est admissible que si les dimensions considérées ne varient qu'entre d'étroites limites.

Dans l'étude du système métrique, on devra, puisque les élèves ont vu le calcul des nombres décimaux, insister sur les changements d'unités.

Le point délicat de cette étude est de faire bien comprendre aux élèves que le décimètre carré, par exemple, n'est pas le dixième du mètre carré, mais bien le centième ; que le décimètre cube n'est pas le dixième du mètre cube, mais bien le millième. Il faut reconnaître que c'est là le côté faible de la no-nomenclature du système métrique ; on devra donc y insister, y revenir souvent, en s'aidant, s'il est possible, de modèles propres à ce genre de démonstration, comme ceux qui font partie du compendium métrique et surtout des cubes assemblables de Cames-casse.

Un bon exercice consiste à faire écrire un nombre décimal, tel que 4, 075 par exemple, et à le faire énoncer en prenant successivement le 4 pour des mètres, pour des mètres carrés, pour des mètres cubes, pour des litres, pour des kilogrammes, pour des hectares. Si un élève subit cette épreuve sans se tromper, on peut être sûr qu'il sait son système métrique.

L'exposé de ce système comporte quelques détails sur le titre des monnaies ; cette matière fournit des problèmes intéressants, mais qui exigent une certaine attention.

A la suite du système métrique, on place d'ordinaire des notions sur la mesure du temps. C'est une occasion de donner aux enfants une idée des nombres complexes. Mais la comparaison des mesures anciennes et nouvelles fait partie du cours supérieur.

Cours supérieur (de onze à treize ans). ? Indépendamment des matières enseignées dans le cours moyen, le cours supérieur comprend les nombres premiers, les caractères de divisibilité, le plus grand commun diviseur et des notions de comptabilité.

Ce qui distingue ce cours des précédents, c'est qu'on y enseigne un peu de théorie. Encore ne faut-il le l'aire qu'avec beaucoup de réserve. La théorie de l'arithmétique est sans contredit la partie la plus difficile des mathématiques dites élémentaires ; elle présente un caractère plus abstrait et plus synthétique que les théories de l'algèbre et de la géométrie. Ainsi la théorie de la division des nombres entiers est beaucoup plus difficile que celle des polynômes entiers, car la première n'est qu'une complication de la seconde. En somme, un nombre entier est un polynôme entier ordonné suivant les puissances décroissantes du nombre 10, mais avec celle restriction que les coefficients des diverses puissances de 10 sont tous plus petits que 10, de telle sorte que si, au cours d'une opération, un tel coefficient devient supérieur à 10, il faut faire un report.

Il n'y a donc aucune utilité à développer outre mesure la partie théorique, qui n'est guère à la portée de jeunes cerveaux de onze à treize ans. Un maître avisé essaiera toujours de réduire la théorie à ce qui peut être strictement nécessaire pour faire comprendre les sujets qui figurent au programme.

Indépendamment des matières enseignées dans le cours moyen, le cours supérieur comprend les nombres premiers, la recherche du plus grand commun diviseur et du plus petit multiple commun ; la conversion des fractions ordinaires en fractions décimales ; les rapports, les proportions, les règles de société, et des notions d'arithmétique appliquée, telles que les rentes, les actions industrielles, la caisse d'épargne.

Dans la révision que l'on fera des quatre opérations principales, on pourra, on devra même mener de Iront les nombres entiers et les nombres décimaux ; ce rapprochement, qui eût été prématuré dans le cours moyen, sera tout à fait à sa place dans celui-ci.

On continuera, comme dans les deux cours précédents, à multiplier les exercices de calcul de tête, mais il sera à propos de faire connaître aux élèves les principaux procédés qui constituent spécialement le calcul mental.

Il ne sera pas oiseux d'insister sur les propriétés commutatives, associatives et distributives des opé

et il ne faudra pas non plus craindre d'employer de temps en temps des lettres dans le raisonnement. Cet emploi soulage beaucoup l'esprit en concrétisant le discours, et prépare l'élève à l'emploi des formules, emploi qui se généralisera en algèbre.

De vieux maîtres proscrivent l'emploi des lettres dans l'étude de l'arithmétique sous le prétexte qu'user de lettres, c'est « faire de l'algèbre ». La raison est mauvaise. D'une part, ce n'est nullement l'emploi des lettres qui caractérise l'algèbre, pas même celui de l'introduction du nombre négatif, car l'arithmétique supérieure emploie et est obligée d'employer constamment des nombres négatifs : ce qui caractérise l'algèbre, c'est la notion de variable ; et d'autre part les domaines respectifs de l'arithmétique et de l'algèbre ne sont pas nettement délimités ; ils s'enchevêtrent sans qu'il soit possible de les séparer.

Avec le développement actuel de l'industrie et des applications de la science, le plus modeste des ouvriers peut être appelé à appliquer une formule ; il faut donc qu'il soit accoutumé à voir une lettre représenter un nombre et inversement à savoir substituer un nombre à cette lettre.

On aura ensuite à exposer les caractères de divisibilité par 2, 3, 4, 5, 6 et 9, ce qui n'offre aucune difficulté ; et l'on se servira du caractère de divisibilité par 9 pour faire la preuve de la multiplication et de la division.

Dans l'étude des nombres premiers, on se bornera à ce qui est strictement nécessaire pour la recherche du plus grand commun diviseur, et du plus petit multiple commun ; encore ces" matières, qui ne sont pas absolument obligatoires, ne devront-elles être abordées que si les élèves sont suffisamment préparés.

En somme, l'étude des caractères de divisibilité, des nombres premiers, du plus grand commun diviseur, sont des exercices de luxe, car ce n'est que dans des cas tout à fait exceptionnels que ces considérations peuvent trouver une application pratique. Il n'y a pas un homme sur cent mille qui, ayant appris ces questions à l'école, aura, dans toute sa vie, occasion de s'en servir.

Les règles d'intérêt, d'escompte, de partage, de moyennes seront traitées par la méthode de réduction à l'unité. Nous aurons occasion d'en parler plus loin dans le paragraphe réservé aux problèmes.

Quelques notions simples sur les rapports et proportions, ainsi que sur les grandeurs qui varient proportionnellement, directement ou inversement, seront utiles. Le maître aura surtout en vue les applications qui en seront faites ultérieurement à la géométrie.

Les problèmes d'application sur les renies, les actions industrielles, la caisse d'épargne, n'offrent point de difficulté nouvelle, et ne demandent que de l'attention. Mais ces problèmes sont intéressants, et il y a avantage à les multiplier.

Le système métrique devra être étudié un peu plus à fond que dans le cours moyen. On insistera sur la comparaison des mesures de volume et de capacité, sur celle des poids et des volumes d'eau correspondante, sur la valeur et le poids des monnaies, en un mot sur tous les rapprochements propres à faire pénétrer dans l'esprit des élèves la connaissance approfondie du système légal des poids et mesures.

Il sera bon en particulier d'insister sur la notion du poids spécifique ou densité, pour apprendre à l'élève à calculer le poids d'un corps homogène, dont on connaît la densité et le volume.

Dans ce cours, la comparaison des anciennes mesures aux nouvelles sera naturellement à sa place ; on exercera les élèves à se servir des tableaux de conversion. On pourra leur donner une idée des nombres complexes, mais uniquement pour faire ressortir les avantages du système décimal.

Si les développements théoriques sont oiseux, il n'en est pas de même des notions dé comptabilité.

On exercera les élèves aux méthodes pratiques du calcul de l'intérêt et particulièrement à la méthode de réduction au taux 6 et à celle des parties aliquotes.

Le « doit et avoir », les effets de commerce, les bordereaux d'escompte et les comptes courants devront être exposés autant qu'il sera possible.

L'exposé avec détail de ces dernières notions se fera surtout dans les écoles primaires supérieures.

Ecoles primaires supérieures. ? Le programme d'arithmétique de ces écoles ne diffère pas de celui du cours supérieur, et tout ce que nous avons dit pour ce cours s'applique, sans restriction, à l'enseignement primaire supérieur.

Ces écoles contiennent, en outre, des classes préparatoires aux écoles normales, aux écoles d'arts et métiers, etc. Ici le maître est lié par les programmes des concours, et aussi par les coutumes de l'examen qui, malheureusement, donne trop souvent à la théorie une place d'une importance exagérée.

Cours des écoles normales. ? Le cours d'arithmétique dans une école normale doit naturellement être consacré à la révision détaillée et approfondie du cours supérieur.

Ici, comme il s'agit de préparer de futurs maîtres, les développements théoriques ne seront plus des hors-d'oeuvre, tout au contraire, car il faut que le maître connaisse le fond des choses qu'il enseigne.

Pour faciliter cette étude théorique, il sera excellent de faire marcher de front l'algèbre et l'arithmétique et d'y traiter par des procédés identiques les questions connexes.

Ce cours comprend la racine carrée et la racine cubique, dont la pratique s'est même introduite dans plusieurs écoles. ? Pour aborder la composition du carré, il faut avoir étudié théoriquement la racine carrée d'un nombre contenant des dizaines et des unités. On exposera la théorie de la racine carrée des nombres entiers et des nombres décimaux, ainsi que la racine carrée d'une fraction ordinaire ; mais il est inutile de s'arrêter à calculer la racine d'un nombre à moins d'une fraction de la forme 1/12, comme 1/12, 1/30 ; c'est un hors-d'oeuvre dont on n'a aucun besoin dans la pratique.

On peut faire des observations analogues sur la racine cubique, sur laquelle il n'est pas d'ailleurs nécessaire d'insister beaucoup, attendu que c'est à l'aide des logarithmes que l'on calcule ordinairement cette racine.

Mais il y a un point sur lequel il nous paraît essentiel d'insister auprès des élèves-maîtres : nous voulons parler du choix et de la préparation des sujets à donner dans les cours qu'ils seront chargés de faire. Tout le secret de cette préparation consiste dans l'emploi des opérations inverses. Si l'on veut, par exemple, préparer une division qui présente quelque circonstance particulière sur laquelle on veut appeler l'attention des élèves, il faut se donner le quotient et le diviseur ; on forme alors le dividende par multiplication, en ajoutant, si l'on veut, au produit un nombre moindre que le diviseur, afin d obtenir un reste.

Si l'on veut choisir des fractions dont la somme donne un nombre entier, on prendra un nombre entier, que l'on réduira en fractions, en prenant un dénominateur facilement décomposable en facteurs premiers ; on partagera ensuite le numérateur en parties ayant chacune, s'il est possible, des facteurs communs avec le dénominateur. Prenons, par exemple, le nombre 2, qui revient à 36/18 ; on peut décomposer 36 en 7, 8, 9 et 12 ; on pourra donc prendre les fractions 7/18, 8/18, 9/18, 12/28, qui reviennent à 7/18, 1/9, 1/2, et 2/3.

Si l'on veut préparer un exemple de règle de mélange, par exemple de blés de qualités différentes, on se donnera les prix des deux qualités à mélanger et le prix moyen ; et l'on prendra les nombres d'hectolitres des deux espèces de blé, dans le rapport inverse des différences entre les prix extrêmes et le prix moyen.

Si l'on veut préparer un exemple de racine carrée dans lequel la racine contienne un zéro, par exemple 2, 307, on se donnera cette racine, on l'élèvera au carré, et l'on ajoutera, si l'on veut obtenir un reste, un nombre inférieur ou tout au plus é al au double de la racine choisie.

C'est par de tels moyens qu'on fait naître à volonté les circonstances sur lesquelles on veut appeler l'attention des élèves ; et, avec un peu d'exercice, on acquiert facilement l'habitude de ce mode de préparation.

Calcul mental. ? Dans tous les degrés de l'enseignement primaire, mais plus particulièrement dans les cours élémentaire et moyen, il faut longuement exercer les enfants à calculer rapidement de tête.

Non seulement le calcul mental offre une préparation indispensable à l'arithmétique écrite, mus il donne lieu à une gymnastique intellectuelle de la plus haute importance ; il fait contracter des habitudes d'analyse et de réflexion qui accroissent bien vite la perspicacité de l'esprit. Aussi ne faut-il pas considérer le calcul mental comme devant cesser après les premiers mois d'étude, pour être totalement remplacé par le calcul écrit, Il ne doit jamais disparaître ; on y trouve à tous les degrés un stimulant que rien ne supplée, un moyen précieux de vivifier, de varier, d'égayer même l'enseignement ; il pique la curiosité, aiguise l'émulation, secoue les intelligences ; il aiguillonne les uns, il retient les autres ; par les fautes mêmes qu'il amène, il prémunit les esprits trop prompts contre leur propre légèreté, les esprits lourds contre leur lenteur, les imaginations vives contre leur mobilité. Au point de vue pédagogique ou psychologique, le calcul mental ne complète pas seulement, il consomme l'oeuvre de l'enseignement arithmétique : c'est par lui que l'esprit s'assimile en quelque sorte la substance de cet enseignement, et en recueille tout le fruit.

La place considérable qu'occupe actuellement ce calcul dans nos programmes est donc pleinement justifiée, et l'on ne saurait trop engager les maîtres à l'étendre encore davantage.

Cependant il y a lieu de les prémunir contre un excès dangereux. A mesure que la faveur du calcul mental croissait, les ouvrages d'arithmétique se sont grossis de méthodes de plus en plus variées et ingénieuses pour rendre ce calcul plus rapide. Les auteurs et les instituteurs, à l'envi, se sont efforcés de créer une sorte d'arithmétique nouvelle codifiée en des règles quelque peu empiriques et de plus en plus compliquées. C'est un travers fâcheux qui risque de compromettre une oeuvre utile et de discréditer un enseignement fécond.

L'un des plus grands avantages du calcul mental est d'exciter l'ingéniosité de l'élève, de l'obliger à réfléchir, de le forcer à bien se pénétrer du sens des opérations qu'il fait: mais cet avantage n'est réel que si on laisse à l'enfant une certaine latitude, si on l'abandonne un peu à lui-même de façon qu'il se crée de petites méthodes personnelles.

Il n'y a pas deux hommes qui calculent mentalement de la même manière. Tel procédé qui permet à l'un d'opérer avec une rapidité surprenante paraît à l'autre pesant et incommode. Les uns sont des visuels qui voient écrits les nombres sur lesquels ils opèrent ; d'autres sont auditifs et entendent prononcer les nombres qu'ils combinent ; d'autres encore usent de procédés souvent bizarres de matérialisation. Cette diversité tient à la dissemblance physiologique et psychologique des hommes entre eux, à des impressions premières inconscientes, à mille causes indéterminables.

Ce qui est vrai pour un homme mûr est également vrai pour un enfant.

Chaque élève d'une classe a sa manière personnelle de concevoir les nombres et, par suite, à chacune de ces conceptions correspond une manière particulière de les combiner.

Il faut donc éviter de vouloir imposer aux enfants des procédés rigoureusement définis, à l'exclusion de tous autres, car on risquerait fort de perdre tout le bénéfice du calcul mental. Au lieu d'obliger les élèves à la réflexion, ou leur enseignerait un mécanisme artificiel bientôt oublié, à moins que. ce qui arrive heureusement le plus souvent, ils ne s'affranchissent des leçons du maître et que, dociles en apparence, ils n'opèrent en réalité dans leur for intérieur tout autrement qu'on ne leur a conseillé.

Il faut donc se contenter de donner des indications, de faire des remarques, d'attirer l'attention des élèves sur des simplifications heureuses, de façon non seulement à leur faire connaître quelques procédés simples, mais en outre à les inciter à en chercher eux-mêmes d'autres.

Dans l'addition et la soustraction, toutes les recettes que l'on donne ou que l'on trouve reposent sur l'application de quelques remarques simples que voici :

1° Mentalement il vaut mieux opérer en commençant par les unités les plus élevées ;

2° Ces opérations se font sans difficulté si on a soin de décomposer les nombres en unités de divers ordres. Ainsi, pour faire la somme de 360 et 452, on fera d'abord la somme de 36 dizaines et 45 dizaines, ce qui fait 81 dizaines, et l'on ajoute 2 unités ;

3° Il faut savoir remplacer un nombre par un nombre rond voisin, soit plus petit, soit plus grand, puis corriger le résultat en tenant compte de l'écart. Ainsi pour ajouter 98, il vaut mieux ajouter 100 et retrancher 2 du résultat.

Dans la multiplication et la division, il faut d'abord exercer longuement les élèves à faire des produits ou des quotients par 2 et 3. Les procédés rapides reposent alors sur les propriétés associatives, commutatives et distributives de ces opérations.

4° Pour multiplier par a + b ou a - b, on multiplie par a et par b et l'on fait la somme ou la différence des produits. Ainsi 9 = 10 - 1 ; 11 = 10 + 1.

En somme, il faut éviter les recettes, et se contenter de faire voir aux enfants, par des exemples répétés et analogues, des procédés généraux, conséquences immédiates des principes relatifs aux quatre opérations.

L'enfant saura alors retenir pour son usage personnel et adapter à sa mentalité spéciale ceux de ces procédés qui le frapperont le plus et qui seront le mieux en accord avec sa conception du nombre.

Problèmes d'arithmétique. ? Il y a deux choses à distinguer dans l'usage que l'on fait des problèmes à l'école primaire : d'abord le choix de ces problèmes, et en second lieu leur mode de résolution.

Choix des problèmes. ? Les différentes sources auxquelles l'instituteur peut puiser pour sa consommation annuelle de problèmes sont de plusieurs sortes :

1° Ou l'instituteur tire ces problèmes de son cerveau et les compose de toutes pièces, au fur et à mesure de ses besoins ;

2° Ou il les prend dans un recueil qu'il s'est lentement composé lui-même, qu'il accroît et qu'il perfectionne chaque année ;

3° Ou il se sert de l'un des nombreux recueils imprimés, répandus dans les écoles et composés a son usage ;

4° Ou enfin il a recours aux journaux pédagogiques, qui lui fournissent chaque semaine une abondante provision de problèmes inédits.

Pour bien juger du parti qu'on peut tirer de l'emploi exclusif de chacune de ces sources ou de leur emploi simultané, il faut bien établir d'abord les conditions que doivent remplir les problèmes donnés à l'école primaire.

L'arithmétique, devant contribuer, même à l'école primaire, à l'éducation générale de l'esprit, tout exercice qui force l'enfant à réfléchir, à chercher, à comparer, à déduire, à juger, semble à ce titre être du domaine de l'enseignement primaire. C'est, là, il nous semble, une grave illusion. Il ne faut pas perdre de vue que l'enseignement donné dans nos écoles primaires s'adresse aux masses profondes des populations scolaires rurales, vouées de très bonne heure au travail des champs, et aux enfants des classes ouvrières des villes, que réclament aussi dès l'âge le plus tendre l'atelier, l'usine ou le comptoir. La loi dispense de toute fréquentation scolaire l'enfant âgé de treize ans ; elle l'autorise même à quitter l'école à onze ans s'il a obtenu le certificat d'études primaires, et personne n'ignore combien peu d'élèves renoncent à ces bénéfices de la loi. La création récente des cours complémentaires et des écoles primaires supérieures retient bien déjà et retiendra bien plus encore à l'avenir les esprits les mieux doués clans les établissements scolaires ; mais les conditions mêmes de l'existence ramèneront toujours vers l'âge de douze ou treize ans l'immense majorité de nos écoliers au travail physique rémunérateur. Il faut donc tirer le meilleur parti possible de ces quelques années de l'enfance dont nous disposons, et nos programmes doivent avoir en vue l'acquisition la plus prompte et la plus solide des éléments indispensables de chaque science.

L'arithmétique ne peut pas faire exception. Avant tout, l'enfant doit savoir calculer sûrement et rapidement et résoudre toutes les questions pratiques qu'il peut être appelé à rencontrer sur sa route pendant sa vie. Tel est le caractère que doivent avoir les problèmes à l'école primaire ; et la marge est grande encore sans qu'on ait besoin de se jeter sur les curiosités de la science, sur les propriétés abstraites des nombres, sur les problèmes fantaisistes et compliqués à plaisir.

On peut maintenant examiner la question du choix des problèmes. .

1° Si le maître prend l'habitude de dicter des problèmes qu'il compose au moment même de la leçon, il peut faire preuve par là, aux yeux de ses élèves, d'une grande facilité d'invention ; mais, outre qu'il peut céder trop complaisamment au vain plaisir de la faire constater, il s'expose et il expose ses élèves a des mécomptes très fâcheux. Les données du problème ainsi improvisé peuvent être incomplètes, ou trop nombreuses, ou contradictoires. Les résultats ne sont jamais des nombres simples, prévus, préparés d'avance, qui plaisent tant aux enfants, qui leur donnent confiance dans l'exactitude de leurs raisonnements et des leurs calculs, et dont on aurait grand tort de se priver systématiquement, surtout dans les débuts. Le mal est quelquefois plus grave encore. Si un maître n'a pas résolu d'avance le problème qu'il donne, s'il n'en pas examiné toutes les faces, pesé toutes les difficultés, s'il pas reconnu toutes les opérations auxquelles il donnera lieu, tous les principes sur lesquels l'élève devra s'appuyer, et s'il n'a pas fait à ce sujet les observations nécessaires, qu'il ne s'étonne pas de voir sa classe arrêtée par un obstacle qu'elle n'a pu franchir, ou, ce qui est pis, le franchissant à tout prix, au mépris des règles et du bon sens, en lui apportant des solutions impossibles, extravagantes, en toute sûreté de conscience.

Ce sont là des dangers auxquels un bon maître ne doit jamais s'exposer. Si, pour y échapper, il n'improvise que des problèmes très simples et coulés toujours dans le même moule, sa classe languit et il n'obtient pas de progrès. Le problème dicté sans préparation doit donc être proscrit absolument de l'école primaire.

2° On voyait encore, il n'y a pas longtemps, des vieux instituteurs se servant d'un gros cahier écrit tout entier de leur main, tout plein de problèmes d'arithmétique, qu'ils avaient lentement amassés, recueillis de toutes parts, amendés, épurés, et quelquefois composés eux-mêmes. C'était pour eux un répertoire connu, qu'ils ouvraient à la page voulue, et qui suffisait à tous les besoins de leur école.

L?excellence de ce recueil personnel et intime consiste dans la parfaite connaissance que le maître ne peut manquer d'avoir de tous les problèmes qu'il donne S'il l'emploie depuis longtemps, il en connaît toutes les difficultés, toutes les solutions. S'il le confectionne, il étudie ces difficultés et ces solutions, et rien n'est plus profitable pour lui et pour ses élèves. L'idéal en ce genre serait qu'un tel recueil ne fût jamais terminé, qu'il fût constamment remanié, refondu, complété et tenu au niveau des publications du même ordre. Dans ces conditions, c'est un auxiliaire très précieux dont on ne peut recommander assez l'usage. Le seul danger qu'on puisse craindre, c'est qu'il ne soit pas très exactement tenu à jour, ou que les additions n'y soient pas faites avec toute la mesure et tout le discernement désirables. Ce n'est pas, en effet, une tâche facile que de reconnaître, en ce point, la limite exacte qui sépare l'enseignement primaire de l'enseignement secondaire, d'écarter toutes les applications superflues ou nuisibles, de ne retenir que des aliments substantiels et sains, facilement assimilables par de jeunes intelligences ; et, si l'on peut espérer que les esprits les plus éclairés, les chercheurs obstinés, arrivent à se créer pour eux-mêmes un excellent recueil de problèmes, il est difficile d'admettre que tous les membres du corps enseignant primaire aient à la fois assez de loisirs pour se livrer à un tel travail, la clairvoyance, la sagacité, l'esprit d'ordre et de suite qu'il réclame, et enfin le courage et la persévérance nécessaires pour le mener à bonne fin.

Il est donc impossible de faire de ce travail une obligation stricte à tous les maîtres. Ce serait trop déjà de le recommander d'une manière pressante. Il faut féliciter ceux qui réussissent dans cette voie, et en chercher une autre accessible à l'universalité du corps enseignant primaire.

3° Il existe aujourd'hui, pour venir en aide à ce corps enseignant, un grand nombres de recueils imprimés. Mais quelque soin, quelque conscience qu'y apportent leurs auteurs, il est très rare que ces recueils soient acceptés par les maîtres sans restrictions. Il y a souvent, dans ce fait, beaucoup de la faute des auteurs, qui ont pu manquer d'habileté, un peu de celle des maîtres, qui jugent peut-être avec sévérité ou précipitation. Mais il y a surtout une raison inhérente à la nature des choses. Quel est l'homme qui peut se flatter de répondre, dans un seul livre, à tous les besoins d'une population scolaire nombreuse et variée comme celle de la France? Il faut des problèmes pour tous les âges, pour tous les niveaux intellectuels, pour les régions industrielles, pour les régions agricoles, pour les centres commerciaux. Il en faut qui se rapportent à toutes les industries, à toutes les cultures, à tous les produits du monde. Il en faut qui répondent aux exigences de tous les examens, et surtout aux idées personnelles de chaque maître. C'est à désespérer d'entreprendre une telle tâche ! Cependant, il est bon, il est nécessaire qu'elle soit entreprise, et par un grand nombre d'auteurs. Il y aura toujours bien un recueil qui s'approchera le plus de l'idéal que s'est fait un maître sur cette matière. Que ce maître adopte donc ce recueil, s'il figure d'ailleurs sur la liste réglementaire de son département. Il ne s'agira plus pour lui que de savoir s en servir.

Si le maître se trouve en présence d'élèves qui ne puissent pas faire les frais de ce recueil, et que personne ne puisse les faire pour eux, il se bornera à dicter les problèmes de son livre. Si tous les élèves ont le recueil entre les mains, il désignera ces problèmes par leurs numéros d'ordre. Mais, dans aucun cas, il ne faut s'astreindre à donner tous les problèmes d'un recueil, et dans l'ordre où ils se présentent, quelque gradation rationnelle que l'auteur ait essayé d'y introduire. Cet ordre ne peut être absolu, et il ne peut s'appliquer ni à toutes les écoles, ni à tous les élèves d'une classe quelconque. Si les problèmes déjà résolus ont été parfaitement compris, il faut négliger pour le moment tous ceux qui les suivent et qui sont analogues. Si, au contraire, une catégorie de problèmes n'a pas été bien saisie par la classe, il faut en donner d'autres pareils, n'y en eût-il plus dans le recueil, et il appartient au maître d'en composer ou d'en chercher ailleurs. En général, il doit régler les transitions, les brusquer ou les allonger, suivant le mouvement général de la classe. Le recueil est un cadre, un programme. Il ne doit jamais être un guide suivi servilement.

4° Les journaux pédagogiques hebdomadaires remplacent souvent aujourd'hui les recueils de problèmes. Ce sont aussi des recueils dans leur genre, et des recueils très fournis, très touffus, très variés et toujours nouveaux. Pour peu qu'ils soient bien composés et bien ordonnés, ce sont des auxiliaires précieux, commodes surtout. Le facteur de la poste apporte chaque dimanche la pâture de toute la semaine. On est rassuré sur ses moyens d'existence pendant huit jours. On y trouve de plus le plaisir de la nouveauté, de l'imprévu, auquel les instituteurs ne sont pas plus insensibles que les autres mortels, et aussi la solution toute faite à côté du texte. Reste à savoir combien de maîtres prennent le texte sans regarder la solution, et résolvent eux-mêmes le problème, le crayon ou la craie à la main. Il y en a assurément ; mais il est permis de croire que tous ne considèrent pas la solution qu'ils ont là sous la main comme devant servir seulement de contrôle à la leur ; et alors, on peut craindre que ce travail personnel, cette étude des difficultés, cette gradation dans les exercices, que nous avons considérés comme indispensables à un bon enseignement des applications de l'arithmétique, ne soient un peu sacrifiés, que les progrès de la classe n'en souffrent, et aussi la culture scientifique de l'esprit des élèves.

Les journaux pédagogiques offrent les mêmes dangers que les recueils, entre les mains des maîtres qui n'auraient pas le feu sacré de leur métier ; et même ces dangers s'aggravent de toute la facilité qu'on peut en tirer pour faire une classe sans aucune préparation. Ces journaux peuvent, au contraire, rendre Je grands services, soit aux maîtres qui ont conservé l'habitude de recueillir de tous les côtés les problèmes qui leur paraissent les meilleurs et les mieux appropriés aux besoins de leur école, soit à ceux qui emploient un recueil imprimé, mais qui éprouvent le besoin de le compléter et de lui infuser de temps en temps un sang nouveau. Toutefois, l'usage de ces journaux est très près de l'abus, et tout maître soucieux des intérêts de sa classe doit n'y puiser qu'avec réserve et réflexion.

Quoi qu'il en soit, et quelque origine qu'ait un problème, il faut chercher maintenant quelles qualités il doit avoir pour être du domaine de l'enseignement primaire.

Pour répondre à cette question, nous ne pouvons mieux faire que de transcrire le passage suivant de l'instruction spéciale sur l'application des programmes d'enseignement dans les écoles normales primaires (3 août 1881) :

« Le maître évitera avec soin de sortir de l'enseignement primaire et de traiter des questions d'ordre purement spéculatif. Il devra se borner, conformément au programme, aux théories qui donnent lieu à des applications pratiques, ou qui sont nécessaires à l'enchaînement des propositions et à la rigueur des démonstrations. Enfin, il multipliera les exercices et les problèmes, en ayant soin de les choisir exclusivement parmi ceux qui se rapportent à la vie usuelle, au commerce, à l'industrie, aux arts et à l'agriculture. »

Si ces instructions conviennent aux écoles normales, comme le pense l'administration supérieure, elles s'appliquent bien évidemment, à plus forte raison, aux écoles primaires, et il importe que tous les maîtres s'y conforment scrupuleusement.

Ils doivent donc éviter, par exemple, de donner des exercices ou problèmes sur les divers systèmes de numération, sur les propriétés des nombres, sur les caractères de divisibilité, sur les nombres premiers, sur le plus grand commun diviseur, sur les fractions irréductibles, sur les fractions périodiques, sur les rapports et les proportions, sur les racines carrées et cubiques, etc., en dehors des opérations mêmes qu'on a dû apprendre sur ces questions.

Les nombres employés dans les problèmes doivent rarement avoir quatre ou cinq chiffres, jamais dix, douze ou quinze, comme cela n'arrive que trop souvent.

Les fractions ordinaires qui entrent dans les problèmes doivent avoir à peine deux chiffres, rarement trois, à leurs deux termes.

Les additions peuvent être longues, parce qu'on en rencontre beaucoup de telles dans la pratique, mais chaque nombre doit avoir peu de chiffres.

Les soustractions, les multiplications et les divisions doivent toujours être simples et courtes, comme elles le sont dans le monde des affaires, sauf à les renouveler fréquemment.

Il faut donner beaucoup de problèmes sur les fractions ordinaires, mais les contrôler avec le plus grand soin, car souvent ils sont bizarres et très peu pratiques. C'est là que la fantaisie se donne le plus librement carrière, et jamais commerçant ne connut les combinaisons qu'on lui prête si témérairement. Dans la plupart des recueils, il y a bien au moins la moitié des problèmes sur les fractions qui n'ont aucun caractère pratique.

Il faut donner encore plus de problèmes sur le système métrique, et particulièrement sur la mesure dès surfaces et des volumes, sur les poids et les densités des corps. C'est là une mine inépuisable, où l'on peut faire indéfiniment des emprunts aux opérations commerciales, industrielles ou agricoles. Mais il faut se garder d'accoupler des unités qui s'excluent dans la vie réelle, par la disproportion de leurs valeurs, comme des kilomètres et des millimètres, des mètres cubes et des centimètres cubes, des tonnes et des milligrammes, défaut fréquent dans un grand nombre d'écoles.

Les problèmes les plus usuels sont ensuite : les règles de trois en général, les problèmes d'intérêt, d'escompte, de rente, les problèmes sur les actions et les obligations, sur les assurances, les partages proportionnels, les répartitions, les questions si variées du tant pour cent.

Il faut user avec modération des problèmes de règles de trois sur les ouvriers, qui ne répondent à rien de réel, des problèmes sur les échéances communes, qui ne sont guère employés que dans la comptabilité des banques, sur l?escompte rationnel, qui n'est usité nulle part, sur les mélanges, qui sont presque toujours des opérations frauduleuses, sur les alliages, qui ne s'opèrent que chez les orfèvres et à la Monnaie de Paris. Mais le champ est vaste encore, et les questions de banque, de bourse, de finances, d'impôts, de participation dans les sociétés industrielles ou de crédit, peuvent fournir une abondante récolte de problèmes.

L'important, d'ailleurs, n'est pas de multiplier indéfiniment dans une classe le nombre des problèmes. Mieux vaut en faire un bon choix, bien raisonné, embrassant à peu près toutes les combinaisons usuelles de chiffres et d'opérations, et s'en tenir là. Si les élèves parviennent à se les assimiler parfaitement, nul doute qu'ils résoudront, au besoin, en dehors de leurs classes, tous ceux qui pourront leur être présentés, soit dans un examen, soit dans un atelier, soit dans un comptoir.

La mise en pratique de ces sages conseils, que trop souvent on a négligés, conduit avant tout à donner la préférence aux problèmes à la fois simples et pratiques.

Comme nous l'avons déjà dit plus haut, bien des maîtres ont la fâcheuse tendance de vouloir donner trop tôt à leurs élèves des problèmes compliqués.

Dans la classe enfantine, dans tout le cours élémentaire et même au début du cours moyen, on devrait s'astreindre à ne proposer que des exercices conduisant à une seule opération, ou au moins à scinder l'énoncé d'un problème comportant plusieurs opérations en autant de parties qu'il y a de telles opérations.

Ce n'est que plus tard, à la fin du cours moyen et dans le cours supérieur, qu'on laissera le soin à l'élève de dégager lui-même de l'énoncé les diverses phases qui y sont contenues.

C'est une grave erreur que de croire que cette longue préparation est inutile. Elle a pour but essentiel de faire bien connaître à l'enfant la signification de chaque opération. Que de fois n'avons-nous pas entendu un enfant se demander : « Que faut-il faire? une multiplication ou une division? » Et le plus souvent, hélas ! il ne se guide pour le choix que sur des indications empiriques au lieu d'essayer de raisonner ou simplement de réfléchir. Il essaie d'imiter un problème-type, il se refuse à penser.

Tout cela est facile à éviter, à condition :

1° De ne donner, pendant un ou deux ans, que des problèmes à une opération sur de petits nombres, problèmes où la difficulté de l'opération et la grandeur des nombres ne masqueront pas leur sens réel ;

2° De reprendre ensuite les mêmes types variés d'exercices à une opération avec des nombres de plus en plus grands ;

3° Lorsqu'on passera aux problèmes à plusieurs opérations, de préparer dans l'énoncé même le travail à l'élève en le scindant en plusieurs parties, de telle sorte que le problème entier se présente comme une suite d'exercices à une opération ;

4° Enfin de n'aborder les problèmes compliqués qu'avec prudence, d'exercer patiemment l'enfant à analyser l'énoncé, et surtout de proscrire les énoncés sybillins libellés de telle sorte que la plus grosse difficulté n'est pas de résoudre le problème, mais seulement de comprendre ce dont il s'agit.

Mode de résolution des problèmes. ? Les problèmes d'arithmétique, même restreints dans les limites que nous venons de fixer, sont encore si nombreux et se présentent sous des aspects si variés qu'on ne peut guère donner, pour leur résolution, des conseils et des règles qui s'appliquent à tous.

L'addition et la soustraction des nombres entiers, fractionnaires ou décimaux, n'embarrassent guère les élèves. Mais la multiplication des fractions les trouble longtemps, et la division encore plus. Ils ont tous appris la définition de la multiplication, mais ils ne reconnaissent pas cette opération dans un problème' sur les fractions, et s'ils ont à prendre les 3/5 d'un nombre, ils en prendront le 5e, puis répèteront le résultat 3 fois ; et cela pendant des années entières, sans se douter que cette double opération porte un nom, que le résultat s'obtient par une règle très connue d'eux-mêmes, et qu'il ne faut pas reproduire à satiété le raisonnement qui a servi à l'établir.

Pour la division, c'est pis encore. Ils ne la reconnaissent à peu près jamais. S'ils sont arrivés, par exemple, à trouver que les 3/5 du nombre qu'ils cherchent égalent 12, ils ne voient pas que ce nombre est le quotient de 12 par 3/5. Mais, oubliant toute définition et toute règle pratique, ils diront invariablement : puisque les 3/5 du nombre cherché égalent 12,

Si nous signalons d'abord ce laisser-aller dans les procédés appliqués à la résolution des problèmes, c'est qu'il pèse d'un grand poids sur notre enseignement primaire, et qu'il est l'indice et même la source de plusieurs autres abus qui nuisent à la vue claire des choses, en matière de problèmes. Le mécanisme et la formule remplacent quelquefois le raisonnement réfléchi.

La méthode dite de réduction à l'unité peut rendre de grands services à l'enseignement primaire, et nous n'en méconnaissons pas la valeur lorsqu'elle est appliquée à propos ; mais n'en fait-on pas un abus dangereux quand on l'applique aux problèmes lesplus simples, qui n'exigent,

D'ailleurs, lorsque l'enfant aura quitté l'école, si plus tard il a à résoudre pareille question dans la vie, c'est bien ainsi qu'il opérera.

La question de l'exactitude n'est ici que secondaire ; et c'est d'ailleurs une subtilité que de jeunes élèves ne peuvent pas saisir.

Rien n'empêchera d'ailleurs plus tard l'instituteur, dans le cours supérieur, lorsque l'enfant aura parfaitement compris le mécanisme de l'opération, grâce à ce procédé de désarticulation, de lui faire remarquer qu'il vaut mieux attendre que le raisonnement soit terminé pour effectuer tous les calculs en bloc ; qu'ainsi il peut se présenter des simplifications heureuses, et que le résultat est plus exact.

Cette décomposition du problème complexe en ses éléments simples est le secret pédagogique du maître habile.

Le premier soin que l'on doit avoir, en face d'un problème à résoudre, est donc de le lire très attentivement, et plusieurs fois de suite, si c'est nécessaire. Cette recommandation n'est pas banale, et elle vise un défaut très général, que l'on ne saurait trop combattre. Cette lecture attentive permettra de découvrir les rapports qui lient entre elles toutes les grandeurs du problème et de reconnaître les problèmes élémentaires qui y sont contenus et l'ordre dans lequel ils doivent être abordés.

Il resterait à donner des méthodes sûres pour résoudre les problèmes élémentaires ; mais ces méthodes ne peuvent guère être expliquées que sur des exemples. D'ailleurs, le plus souvent, elles sortent assez naturellement du sujet, et maîtres et élèves les découvrent assez aisément. Il y a seulement deux points, en dehors des remarques qui précèdent, sur lesquels l'accord n'est pas unanime, et qui peuvent cependant exercer une influence capitale sur l'enseignement de l'arithmétique à l'école primaire.

Et d'abord, disons-le tout de suite, les membres du corps enseignant primaire redoutent d'introduire dans leurs écoles la notion de rapport et l'idée de proportionnalité. Ces deux mots les éffraient, et cet effroi serait légitime, s'il pouvait être question de développer devant des enfants la théorie complète des. rapports et des proportions, et de leur en faire faire l'application à la résolution des problèmes ; mais autant il faut se garder de cet excès, autant il paraît indispensable, dès que les enfants ont étudié la division et les fractions, de leur montrer !e rôle que jouent dans maint problème les quotients ou les fractions formées par les nombres donnés. Si l'on craint d'effaroucher l'enfant par le mot de rapport, qu'on le supprime, mais qu'on conserve la chose. Aussi bien on ne peut pas l'écarter ; il semble seulement qu'on évite de la faire remarquer, lorsqu'elle est là, sous les yeux de l'enfant, et qu'il suffirait de la lui montrer.

Et puis on ne saurait oublier que les applications du calcul à la géométrie et au dessin géométrique nécessitent sans cesse la connaissance exacte de la notion de rapport. Comment faire comprendre à un enfant ce que c'est qu'un dessin à l'échelle de 3/100 ? Comment lui fera-t-on voir que le rapport de deux surfaces semblables est égal au carré du rapport de similitude, s'il n'a aucune idée de ce que c'est qu'un rapport ni une proportion? Les maîtres devraient s'attacher, sans même changer leurs méthodes, à mettre toujours en évidence, dans le cours de la résolution d'un problème, et surtout dans le résultat final, le rôle que jouent les grandeurs qui y entrent, particulièrement lorsque ce rôle se manifeste sous la forme de rapport.

Le second point sur lequel l'accord n'est pas encore fait entre les membres du corps enseignant primaire, c'est l'application des procédés élémentaires de l'algèbre à la résolution des problèmes d'arithmétique. Pour beaucoup d'entre eux, la question n'est même pas posée, et le mot seul risque de les effrayer. En effet l'algèbre a toujours passé pour être du domaine de l?enseignement secondaire, et la plupart des instituteurs, surtout ceux qui ont déjà un certain âge, n'ont pas été élevés avec la pensée qu'ils auraient un jour à enseigner l'algèbre. Aussi leurs études ne se sont-elles pas portées de ce côté-là, et ils redouteraient aujourd'hui d'avoir à y ajouter ce complément. Qu'ils se rassurent. Il ne s'agit nullement d'introduire dans l'enseignement primaire l'étude de l'algèbre proprement dite, science très vaste, dont les limites se confondent avec celles des sciences mathématiques elles-mêmes, mais seulement de lui emprunter quelques procédés élémentaires, tout à fait à la portée des enfants de nos écoles, faciles à comprendre, faciles à appliquer, et qui abrégeraient singulièrement leur tâche journalière.

Quelques bons esprits paraissent redouter pour l'enfant la facilité même que l'algèbre apporterait dans la résolution de ses problèmes. L'effort serait diminué et les ressorts de l'intelligence en seraient affaiblis. Assurément, ce reproche serait grave, s'il était mérité ; car il faut éviter de détendre les ressorts de l'intelligence, à tout âge. Mais l'algèbre, loin de supprimer toute l'activité de l'esprit, lui donne un nouvel aiguillon, sous une forme doublement attrayante, par son mécanisme ingénieux, qui fait le bonheur des enfants, et par l'espoir, rarement déçu, qu'il leur donne de trouver des solutions cherchées. Il est certain que dans un grand nombre de questions, où l'esprit des enfants suit péniblement des raisonnements longs et embarrassés, l'application de l'algèbre lèverait immédiatement toute difficulté. N'est-ce rien qu'un tel avantage? Et y a-t-il vraiment un grand danger à se servir d'un instrument commode, d'un outil facile à manier? Ne restera-t-il pas encore aux enfants assez d'efforts à faire, même dans l'étude de l'arithmétique? Ne pour-ra-t-on pas d'ailleurs revenir toujours sur les raisonnements qu'on jugera propres à exercer leur sagacité et leur jugement? La comparaison même des deux méthodes ne contribuera-t-elle pas à cette culture de l'esprit qu'on craint de compromettre par l'algèbre?

On oublie trop d'ailleurs que les programmes de l'enseignement primaire vont chaque jour grossissant, qu'il faut que l'enfant apprenne aujourd'hui beaucoup et vite. A-t-on le droit de le priver d'un moyen d'acquérir en peu de temps l'art si nécessaire de résoudre tous les problèmes pratiques de l'arithmétique, sous le prétexte que le procédé appartient à une autre science? Et, enfin, comme nous le disions plus haut, y a-t-il aujourd'hui un ouvrier qui quelque jour n'ait pas occasion d'appliquer une formule?

Nous ne pouvons nous empêcher, dans l'intérêt de cette cause, de signaler un fait bien significatif. Dans les examens du brevet de capacité, les membres des commissions, avant de corriger les problèmes d'arithmétique, en cherchent naturellement d'abord les solutions. Or, neuf fois sur dix, leur premier mouvement est de les résoudre par l'algèbre. La solution arithmétique leur est même indiquée par la solution algébrique, et il n'est pas rare que la première soit la reproduction exacte de la seconde, moins l'emploi des signes et la simplicité du langage.

Il nous reste à montrer, par quelques exemples, les avantages qu'on peut retirer des procédés élémentaires de l'algèbre.

Supposons qu'on ait à partager une somme de 1100 francs entre trois personnes, de manière que la deuxième ait 100 francs de plus que la première et la troisième 60 francs de plus que la deuxième.

Dans la solution arithmétique, on rapporte toutes les parts à la première, et l'on reconnaît que les trois parts valent trois fois la première, plus 260 francs ; d'où l'on tire que la première vaut (1100-260)/3 = 280 francs. Sans doute un enfant peut se tirer de ces explications ; mais combien le raisonnement, qui au fond est le même, se présente t-il plus clairement, si l'on représente par x la première part. La deuxième devient x + 100 et la troisième x + 100 + 60, de sorte qu'on a l'équation :

soudre, comme en se jouant, des problèmes qu'ils ne sauraient pas seulement par où entamer, s'ils étaient livrés à eux-mêmes, sans maître, sans camarades, sans livres et sans cahier. En voici un exemple :

Un père a 40 ans, et son fils en a 10. Dans combien de temps l'âge du père ne sera-t-il plus que le triple de l'âge du fils ?

Par l'arithmétique, on remarque que la différence des deux âges est de 30 ans, et qu'elle sera toujours la même. Donc, à l'époque cherchée, cette différence sera le double de l'âge du fils ; par suite le fils aura 15 ans. Donc la condition demandée aura lieu dans 5 ans.

Ce raisonnement est assurément court et simple, et cependant très peu d'élèves, livrés à eux-mêmes, parmi les plus intelligents, sont capables de le découvrir. C'est qu'il faut songer à la différence des âges qui n'est pas énoncée dans le problème, et à la constance de cette différence qui, pour être évidente, n'en peut pas moins échapper à un enfant. La solution algébrique supprime cette double difficulté. Le temps cherché étant représenté par x, on a immédiatement l'équation :

Tous les problèmes sur les fontaines et sur les bassins à remplir ou à vider, les problèmes sur les courriers, les mobiles, les trains de chemins de fer, les problèmes d'intérêt, les problèmes d'alliage, les problèmes de partages, sous toutes sortes de conditions, se résolvent par l'algèbre sans aucun effort.

On pourra aussi résoudre par l'algèbre, avec la dernière facilité, des problèmes à deux inconnues.

Quoi de plus commode, par exemple, et de plus élégant, que la solution par l'algèbre de la question qui consiste à trouver deux nombres, connaissant leur somme et leur différence ? On a deux équations :

Et l'on voit clairement que l'un des deux nombres cherchés est la demi-somme des deux nombres donnés, et que l'autre en est la demi-différence.

Ce procédé d'élimination, par addition et soustraction, s'étend à un grand nombre de problèmes ; car on peut toujours ramener les deux coefficients d'une même inconnue à être égaux.

Soit à résoudre ce problème : Le contenu d'une demi-pièce de vin de 110 litres est tiré dans 138 bouteilles renfermant les unes 5/6 de litre, les autres 3/4 de litre. Combien y a-t-il de bouteilles de chaque espèce? On a immédiatement les deux équations :

Ces équations à deux inconnues, ainsi résolues, permettent d'abandonner cette ancienne méthode de résolution des problèmes, dite de fausse position, beaucoup trop employée encore aujourd'hui, et qui n'a aucune valeur scientifique.

Soit, par exemple, à faire la somme de 184 francs avec 47 pièces de monnaie, les unes de 5 francs et les autres de 2 francs.

Si l'on ne veut pas se servir des notations et des procédés algébriques, on en est réduit à procéder par tâtonnements. On suppose, ou bien que toutes les pièces sont de 2 francs, par exemple, ou bien qu'un certain nombre, d'ailleurs arbitraire, sont de 2 francs. On fait le compte. On constate une différence, une erreur ; et de la valeur même de cette erreur, on tire un moyen de la corriger. N'est-ce pas là un procédé barbare? Il n'est pas d'ailleurs toujours rigoureux, et il y aurait quelquefois lieu de démontrer la proportionnalité sur laquelle on s'appuie pour faire la correction de l'erreur première.

Par l'algèbre, toute difficulté est supprimée. On a les deux équations :

x + y = 47

5 x + 2 y = 184

La première devient :

2 x + 2 y = 94

et, par soustraction, on obtient : 3 x = 90, et x = 30.

Il serait difficile de passer en revue tous les avantages que l'enseignement primaire peut tirer de cet usage discret des procédés élémentaires de l'algèbre. Nous pensons cependant en avoir assez dit pour les faire entrevoir. La moindre tentative faite par un instituteur dans cette voie l'aura bientôt convaincu mieux que tous nos arguments. Toutes les méthodes dites « arithmétiques » en usage pour la résolution de tels problèmes ne sont que de lamentables moyens de fortune ; et il est non seulement sans profit mais même dangereux d'habituer les enfants à employer de pareils « trucs » qu'ils oublieront quelques heures après les avoir appliqués. On leur donne ainsi l'impression que la science est un amas de règles découvertes au hasard, et on leur enlève toute confiance en la puissance analytique et simplificatrice des mathématiques.

II. ? Algèbre.

Programmes et méthodes. ? L'enseignement de l'algèbre ne fait pas partie du programme des classes primaires élémentaires. Certains instituteurs croient devoir en conclure, à tort, qu'ils doivent rigoureusement exclure de leur cours tout ce qui peut, de près ou de loin, ressembler à de l'algèbre. En particulier, ils s'efforcent de substituer toujours aux méthodes analytiques que rend possibles l'emploi modéré de lettres, les méthodes synthétiques et artificielles qu'on décore du nom d'arithmétique. Nous avons déjà dit plus haut, à propos des problèmes d'arithmétique, notre façon de penser à ce sujet.

L'algèbre figure aux programmes des écoles primaires supérieures et des écoles normales.

Ecoles primaires supérieures. ? Le programme de la première année (cours commun) se borne à des notions de calcul algébrique et à l'étude de la résolution des équations des premier et second degrés.

Quelque réduit que soit cet enseignement, il doit cependant être fait de telle sorte que l?élève en reçoive une instruction générale solide sur les procédés de l'algèbre.

Jadis, pour enseigner le calcul algébrique, on se contentait de généraliser plus ou moins adroitement les règles de l'arithmétique et ainsi d'introduire, plus par l'usage que par la raison, la notion fondamentale des nombres affectés de signes.

Il y a déjà longtemps qu'on a abandonné cette méthode antiscientifique.

Tout enseignement de l'algèbre, même fort simple, doit débuter par une étude, plus ou moins étendue, des nombres négatifs. C'est par des exemples (segments rectilignes affectés d'un sens de parcours, doit et avoir, température, etc.) que l'on fera comprendre aux enfants l'utilité de l'emploi d'un signe pour représenter, dans le nombre qui mesure une grandeur, le sens de cette grandeur. L'addition et la multiplication des nombres affectés de signes résulte de définitions ; la soustraction et la division sont les opérations inverses des précédentes.

Il sera nécessaire d'insister sur les propriétés commutatives : a + b = b + a, associatives : a + (b + c) = a + b + ç, et distributives : (a + b)c == ac + bc, de ces opérations, sans d'ailleurs fatiguer l'élève avec des démonstrations arides. Le plus souvent il suffira de lui faire constater par de nombreux exemples l'exactitude de ces règles qui sont la base du calcul algébrique.

En première année, on devra ne pas dépasser la multiplication de sommes et de polynômes très simples, en se limitant en quelque sorte à ce qui est nécessaire à la résolution des équations numériques du premier degré à une ou deux inconnues et du second degré à une inconnue.

En seconde et troisième année de l'enseignement général, on révisera et complétera ces notions premières, sans toutefois exposer la division des polynômes, et l'on exposera les propriétés des progressions et logarithmes.

Quoique le programme n'en parle pas explicitement, il sera d'une utilité incontestable d'habituer les élèves à la notion de fonction. Ces mêmes élèves apprennent la physique, dont le but principal est précisément de découvrir les lois de la nature et de les traduire par des formules. L'étude d'un phénomène physique n'est autre chose en somme que l'étude d'une fonction qui, le plus souvent, est linéaire ou l'inverse d'une fonction linéaire. Le mouvement uniforme (x = a + vt), la distribution de la pression au sein d'un liquide (p = H + dh) en fonction de la distance h à la surface libre, la loi de dilatation (l = l0 (1 + kt)) s'expriment par des fonctions linéaires ; la loi de Mariotte (p = C/V) est un exemple de l'inverse d'une fonction linéaire, etc. Comment ne pas habituer tout de suite les élèves au maniement de ces fonctions et à leur représentation graphique? Qu'est-ce que résoudre l'équation :

ax + b = o,

sinon de trouver la valeur particulière de x pour laquelle la fonction linéaire ax + b prend la valeur numérique zéro?

D'ailleurs le programme de la section industrielle impose cette étude et insiste sagement sur la nécessité de multiplier les exemples de représentations graphiques.

Ecoles normales primaires. ? L'enseignement de l'algèbre ne figure qu'aux programmes de la première et de la seconde année, qui sont identiques à ceux des écoles primaires supérieures.

Tout ce que nous venons de dire plus haut s'applique encore à cet enseignement ; mais, comme il s'agit ici de former des maîtres, il ne sera pas inutile d'insister un peu plus sur le côté théorique du calcul algébrique.

Problèmes d'algèbre. ? La résolution d'un problème par l'algèbre est l'application stricte de la méthode analytique, de la méthode déductive. C'est donc une voie logique et sûre qui, sans tâtonnements, conduit à trouver le résultat cherché sous sa forme la plus générale.

Cette résolution comprend trois étapes :

Mise en équation. ? A cet effet on choisit d'abord l'inconnue ou les inconnues, lorsque l'énoncé même ne les impose pas, et ce choix doit, être fait de telle sorte que l'inconnue soit susceptible de la plus grande extension de sens possible. Les inconnues ayant été représentées par des lettres, la mise en équations s'obtient en écrivant les égalités qui seraient vérifiées, d'après l'énoncé, par les données et les inconnues, si ces dernières étaient connues. Les équations, en somme, sont la traduction algébrique de l'énoncé.

Résolution des équations. ? On n'a qu'à appliquer les règles établies à cet effet. Or ces règles résultent des principes d'équivalence de systèmes d'équations. Résoudre un système d'équations, ce n'est autre chose que remplacer ce système par un autre système équivalent, de la forme :

x = a, y = b, etc.,

où les solutions sont évidentes.

Discussion des solutions. ? La majorité des problèmes qu'on proposera dans les écoles primaires supérieures, et même dans les écoles normales, seront simplement des problèmes numériques. Dans ces conditions, leur discussion se réduit à reconnaître si la solution a un sens, si elle ne contrevient pas à certaines conditions restrictives contenues dans l'énoncé ou imposées par la nature de la question et que les équations ne traduisent pas.

Ainsi soit le problème : « Trouver un nombre de deux chiffres, sachant que le chiffre des dizaines est égal au double du chiffre des unités augmenté de I, et que si l'on permute les deux chiffres le nombre diminue de 27. »

En désignant par x le chiffre des dizaines et par y celui des unités, on a :

x = 2y + 1

10 x + y = 10 y + x + 27.

D'après la nature même du problème, les solutions de ces équations ne seront acceptables que si elles ne sont pas négatives, si elles sont entières, et inférieures à 10. La discussion se réduira donc à constater s'il en est bien ainsi.

Lorsque l'inconnue est une grandeur susceptible de changer de sens, la discussion comprendra en outre l'explication des solutions négatives, s'il y en a.

En dehors des problèmes à données numériques, on pourra proposer quelques questions simples avec des données littérales. Dans de tels cas, la discussion consiste à reconnaître, suivant les grandeurs des données : a) si les solutions sont acceptables ; b) si les solutions inacceptables s'interprètent ; c) enfin la forme du résultat.

Il sera bon de se borner à des problèmes ne comprenant qu'une seule donnée littérale, et alors la discussion revient à étudier les solutions lorsqu'on donne à cette lettre (appelée paramètre) toutes les valeurs possibles.

Aucun exercice n'est plus susceptible de développer chez l'élève des qualités d'ordre, de méthode, de précision et d'analyse, qu'un problème d'algèbre suivi de discussion.

III. ? Géométrie et dessin géométrique.

Programmes et méthodes. ? L'enseignement de la géométrie fait partie des programmes des cours élémentaire, moyen et supérieur des écoles primaires élémentaires, de celui des écoles primaires supérieures, et de celui des écoles normales.

Un tel enseignement doit être essentiellement pratique, et à ce titre il est inséparable de son application la plus immédiate, le dessin géométrique.

On oublie beaucoup trop souvent que la géométrie pure est une science à base expérimentale, et que quelque complet, quelque rigoureux que puisse être son exposé, il est impossible de se dégager des notions a priori fondamentales dont il faut supposer la préexistence dans l'esprit. S'il en est ainsi pour une étude approfondie de la géométrie pure, on ne saurait, à plus forte raison, agir autrement lorsqu'il s'agit d'un enseignement à tendances essentiellement utilitaires.

Toute la géométrie repose sur deux notions primordiales indéfinissables : celle dune figure géométrique invariable et celle du mouvement.

Il n'est pas possible de définir ce que c'est qu'un point, une ligne, une surface, un volume. Ce sont des notions expérimentales que l'on ne peut préciser que par des exemples nombreux destinés surtout à bien faire concevoir le caractère imaginatif des figures de la géométrie. Si petit que soit un grain de sable, si ténu que soit un fil, si mince que soit une feuille de papier, ces divers objets ont cependant toujours trois dimensions et diffèrent du point, de la ligne, de la surface géométrique. Il faut donc insister pour que l'enfant saisisse le sens un peu abstrait de la figure géométrique comme limite des exemples concrets que lui fournit l'expérience.

Les soi-disant définitions verbales doivent être soigneusement bannies. C'est une grossière erreur de croire qu'on a défini quelque chose quand on a dit que la surface est ce qui limite un volume, que la ligne est l'intersection de deux surfaces et le point l'intersection de deux lignes ; car savoir qu'un volume est limité, savoir qu'il a une limite, implique la notion expérimentale de volume et la notion de sa limite, c'est-à-dire la notion d'une surface.

La notion de mouvement est tout aussi primordiale et indéfinissable. Si le mouvement n'existait pas, il n'y aurait pas de géométrie, celle-ci n'étant que la science de la comparaison des ligures. Or, pour comparer deux figures, il faut pouvoir les déplacer.

Mais il y a plus. Non seulement il faut qu'on puisse mouvoir les figures ou au moins imaginer la possibilité de les mouvoir, mais encore faut-il qu'on ait la notion de leur solidité, de leur invariabilité de forme dans le déplacement. Deux figures sont égales si l'on peut amener l'une en coïncidence avec l'autre. A cet effet, il faut en déplacer une et il faut en outre que l'on conçoive que dans ce déplacement la figure mobile ne change pas de forme. Ce sont là des notions expérimentales absolument indéfinissables et qu'il faut bien mettre en évidence. Prenons un triangle de carton ; déplaçons-le. L'élève comprend sans qu'il soit nécessaire d'insister que le triangle reste le même lorsqu'on le meut ; il faut cependant attirer son attention sur ce fait.

La possibilité du déplacement des figures invariables étant la raison d'être même de la géométrie, c'est le déplacement qui doit être naturellement l'instrument fondamental de démonstration dans cette science. Un enseignement rationnel de la géométrie doit donc s'efforcer de faire un usage constant du déplacement, usage qui conduit à rendre la géométrie plus intuitive.

Cours élémentaire. ? De tout ce que nous venons de dire, il résulte qu'on ne saurait trop employer une méthode purement expérimentale dans ce premier cours, destiné uniquement à familiariser les enfants avec la notion des figures et leurs mesures. Trop souvent, malheureusement, on leur fait apprendre par coeur des réponses à ces questions : Qu'est-ce qu'une surface, un volume, une ligne droite, une ligne brisée, une ligne courbe, un angle, une perpendiculaire, des parallèles, un triangle, un carré, un cercle, un cube, une sphère, un cylindre, un cône, etc.? Et nous choisissons parmi les questions les moins difficiles, car on leur parle aussi de quadrilatères et de parallélogrammes, de polygones, de pentagones, d'hexagones et de décagones, de diagonales et de diamètres, de sécantes et de tangentes, de cercles inscrits et circonscrits, de prismes et de parallélépipèdes.

Or, il n'y a presque aucun de ces mots qui soit de la langue usuelle et qui fasse partie du vocabulaire des enfants. Qu'ils apprennent à connaître et surtout à construire un triangle, un carré, un cercle, qu'ils sachent tracer des lignes droites, des angles et des perpendiculaires, soit ; mais il faudrait éviter deux abus dans ce premier enseignement : l'abus des termes techniques et l'abus des définitions.

Le plus souvent les définitions que répètent machinalement les petits enfants sont ou fausses, ou inintelligibles pour eux. Dans aucun cas elles ne leur laissent une idée juste dans l'esprit : par exemple, ils confondent toujours la perpendiculaire et la verticale, et une oblique pour eux est une ligne penchée sur le tableau noir, ou sur leur cahier.

Combien il vaudrait mieux laisser là toutes les définitions, bonnes ou mauvaises, et se borner à montrer aux enfants des figures et des solides dont on leur dirait le nom, dont on leur ferait remarquer les parties ou les propriétés, et qu'on leur ferait dessiner sur le papier, sur l'ardoise ou sur le tableau noir. L'enseignement ici doit être intuitif, sans aucune démonstration, avec l'objet lui-même sous les yeux. Mais le maître ne saurait être assez prudent, s'il tient à donner des notions justes à ses élèves. Des enfants à qui l'on montre exclusivement des bûchettes pour leur apprendre la numération en arrivent quelquefois, même à l'insu du maître, à associer l'idée de bois à l'idée de nombre. De même, dans un triangle en papier, l'enfant pourrait bien ne voir que le papier, dans une sphère en bois que le bois ; il pourrait même croire qu'un triangle est chose matérielle et que la sphère est toujours solide. Dans certain cas ses erreurs seront forcées et inévitables ; par exemple, dans un angle, il ne verra que les deux lignes qui le forment, et l'idée véritable de l'angle lui échappera absolument.

Si donc on veut faire de la géométrie avec les tout petits enfants, et nous estimons qu'il en faut faire très peu, on en proscrira les définitions et l'on évitera de parler de lignes et de figures abstraites. On prendra des solides en bois, en terre, en carton, on les mettra entre les mains des enfants ; puis lorsque ceux-ci les auront bien vus, bien touchés, bien retournés en tous sens, on leur dira que ceci est une ligne, ceci un angle, ceci un carré, ceci un cercle, etc., et on leur fera dessiner cette ligne, cet angle, ce carré, ce cercle.

Dans cet enseignement élémentaire on peut procéder par interrogations, pourvu qu'on ne demande aux enfants que ce qu'ils ont pu apprendre ailleurs, ou ce qu'ils peuvent voir ou trouver eux-mêmes. Quelle est la longueur de ce côté? quelle est la plus longue de ces deux lignes? quelle est la plus grande de ces deux surfaces? combien de fois la longueur est-elle plus grande que la largeur? etc., etc. Voilà des questions auxquelles les enfants peuvent répondre par intuition, par habitude, par réflexion, et pour lesquelles toute réponse est susceptible d'une vérification immédiate. Mais ne leur demandez jamais : Qu'est-ce que l'arête d'un cube? qu'est-ce que la hauteur d'une pyramide? qu'est-ce que la base d'un cône? qu'est-ce que la génératrice d'un cylindre? ou bien : Comment nomme-t-on une ligne droite qui coupe une circonférence en deux points? comment nomme-t-on deux cercles qui se coupent? et deux sphères qui se touchent? et un polygone qui a quatre côtés? et un solide terminé par des parallélogrammes? L'enfant ne dira rien ou répondra comme un perroquet, et il fera, si vous voulez bien vous en assurer sans parti pris, les plus étranges méprises. Gardez-vous plus encore, une question étant posée et la réponse ne venant pas, de faire vous-même cette réponse, à moitié, aux deux tiers, aux trois quarts, ne laissant plus à l'enfant qu'à dire un mot, quelquefois la fin d'un mot, pour terminer votre phrase. Evitez aussi avec soin de poser la demande de manière à ce que l'enfant n'ait qu'à répondre : « Oui, monsieur » ou « Non, monsieur » ; car, ou il répondra à coup sûr, d'après l'intonation de votre voix, ou il jouera mentalement à pile ou face pour le choix de la réponse à vous faire.

Ainsi, en résumé, dans les classes très élémentaires, il faut se borner à montrer aux enfants des corps géométriques simples, les analyser devant eux, leur nommer les parties qui les constituent, les mesurer à la vue ou au mètre, et ne leur poser que des questions qui mettent en éveil leur attention, leur intelligence et leur sagacité. Cet enseignement ne doit être qu'une leçon de choses appliquée comme toutes les autres à des objets concrets, mais à des objets de formes régulières et mesurables.

Le dessin doit marcher de pair avec les explications. Dès que l'enfant connaît bien une figure plane, il faut la lui faire dessiner sous toutes ses formes. Dès qu'il a la notion de la façon dont on la mesure, il faut lui faire effectuer cette mesure. Il ne faut pas craindre de mettre clans ses mains un double décimètre et un rapporteur. Quand il a dessiné un triangle, qu'il en mesure les côtés, le périmètre, les angles, la médiane, etc.

Cours moyen. ? Ce cours n'est qu'un complément du précédent.

L'élève n'a appris dans le cours élémentaire que les noms des figures les plus simples. On lui enseignera maintenant quelques relations simples entre ces figures, et pour cela on lui mettra tout de suite une régie, une équerre et un compas en mains.

Il tracera deux droites parallèles à l'équerre et acquerra ainsi la notion du parallélisme. Deux droites sont parallèles lorsque l'on peut les tracer en faisant glisser une équerre le long d'une règle fixe. Un angle sera droit lorsqu'il aura pour mesure 90 degrés au rapporteur, et on le tracera soit à l'équerre, soit au rapporteur. De petites vérifications pourront alors être faites. Par exemple, on leur fera constater expérimentalement que deux droites parallèles sont partout équidistantes.

En ce qui concerne la définition des termes, il faudra éviter les distinctions subtiles complètement inutiles.

On a, par exemple, conservé dans l'enseignement primaire la fâcheuse habitude, depuis longtemps abandonnée des mathématiciens, d'employer les termes cercle et circonférence, en disant : Le cercle est une surface, la circonférence est une ligne.

C'est ridicule. D'abord, c'est en contradiction avec la langue vulgaire, dans laquelle le mot « cercle » évoque uniquement l'idée de ligne et le mot « circonférence » est un terme très général qui sert à désigner un pourtour. Pourquoi mettre la langue technique en opposition avec la langue vulgaire? Puis, avec une inconséquence invraisemblable, on nomme arc de cercle une portion de la ligne à qui on réserve le nom de circonférence, et on parle des points d'intersection de deux cercles !

Pourquoi deux termes pour le cercle et un seul pour le carré, le rectangle, l'ellipse, la sphère, etc.? Si l'on était logique, il faudrait deux mots, l'un pour désigner la portion de plan limitée par un carré et l'autre pour désigner la ligne qui la borde ; il faudrait aussi deux termes, l'un pour désigner le volume de la sphère et l'autre pour sa surface.

Toute ligne a un nom et un seul. Lorsque cette ligne est plane et fermée, on désigne, en abrégé, sous le nom d'aire de la ligne l'aire de la portion de plan limitée par cette ligne. Lorsqu'elle est brisée, sa longueur totale est son périmètre ; lorsqu'elle est courbe, sa longueur totale est appelée sa circonférence.

Ainsi le mot cercle désigne pour tous les mathématiciens, comme pour le vulgaire, une ligne. La longueur de cette ligne est ce qu'on appelle la circonférence du cercle. On parlera de même de la circonférence d'une ellipse. La surface plane que, dans l'enseignement primaire, on appelle à tort cercle doit être appelée aire du cercle. Il serait temps que l'enseignement primaire mît sa terminologie d'accord avec le bon sens et les habitudes des mathématiciens.

Pour l'espace, il faudra surtout user de modèles. Tout ce qui est relatif au parallélépipède droit, au cube et à leurs mesures s'établira sans peine par l'emploi des cubes assemblables de M. Camescasse.

Cours supérieur. ? Ici on sortira du domaine purement descriptif pour essayer de faire connaître à l'élève quelques-unes des propriétés les plus simples de la géométrie plane. Il ne faudrait pas en conclure qu'il sera séant de leur faire apprendre deux ou trois des livres de la Géométrie classique d'Euclide. C'est à d'autres moyens qu'il faut avoir recours.

Voici un résumé rapide de ce qu'on pourra leur faire connaître.

On commence par les parallèles. Deux droites parallèles sont telles qu'on puisse les tracer à l'équerre, ou, pour mieux dire, sont telles que l'une se déduit de l'autre par translation.

Toutes les propriétés de ces droites sont alors intuitives : l'égalité des angles correspondants ou d'angles ayant les côtés parallèles est évidente, car on superpose ces figures par translation.

L'étude de la rotation autour d'un point fera comprendre la mesure des angles, la symétrie, l'égalité des angles opposés par le sommet, etc.

Les cas d'égalité des triangles sont inutiles. On pourra se contenter de faire faire aux élèves quelques constructions de triangles qui mettront ces cas en évidence.

Au contraire, quelques notions sur les lignes proportionnelles et la similitude sont presque indispensables.

Les mesures des aires et des volumes seront étudiées à fond ; sauf des cas très simples, tel le rectangle, le parallélépipède droit, le parallélogramme, le triangle et le trapèze, il faudra se borner à des énoncés appris par coeur et soutenus par de très nombreux exercices de calcul.

Nous ajouterons cependant que tous ces calculs et tous ces exercices ont besoin d'être constamment éclairés par les idées vraies et fondamentales qui dominent toute la théorie de la mesure des surfaces et des volumes. Un élève qui comprend bien la mesure du rectangle et celle du parallélépipède rectangle acceptera sur parole les formules qui donnent l'aire du cercle et le volume de la sphère, et en comprendra la signification. On ne saurait donc assez insister sur les premières notions des mesures des surfaces et des volumes. Il ne faut pas se borner à dire, comme on le fait trop souvent, que 5m x 4m font 20 mètres carrés, et que 5m x 4m x 2m font 40 mètres cubes, ce qui n'a aucun sens. Il faut répéter à satiété aux enfants que, dans une multiplication, le produit est toujours de même nature que le multiplicande et le multiplicateur est toujours abstrait, en sorte que l'on ne peut, multiplier 5 mètres par 4 mètres, et qu'en tout cas, si le multiplicateur était pris comme il devrait l'être, le produit représenterait des mètres et non des mètres carrés. Il faut donc montrer à l'enfant, sur une figure, que le rectangle de 5 mètres de base et de 4 mètres de hauteur se décompose en 4 tranches qui contiennent chacune 5 mètres cariés, en sorte que le rectangle contient bien 4 fois 5m2, c'est-à-dire 20m2.

Quelques notions de géométrie dans l'espace sont nécessaires. Il suffira de définir les plans parallèles par la translation (mouvement du tiroir), faire voir des intersections de plans parallèles par un troisième, et surtout bien préciser la notion de droite perpendiculaire à un plan et de distance d'un point à un plan. Ainsi on donnera aux élèves les notions indispensables pour pouvoir faire une représentation géométrale, un relevé de cotes, et des représentations d'objets simples.

Chaque leçon de géométrie devrait être accompagnée de deux ou trois séances de dessin relatives uniquement aux matières apprises.

Ecoles primaires supérieures et écoles normales. ? Les programmes de ces écoles comprennent les éléments de la géométrie plane et de celle de l'espace dans toute leur étendue.

Cet enseignement, aussi bien que celui des écoles primaires, visant une utilisation pratique, il y a lieu d'abandonner la géométrie classique d'Euclide pour lui substituer une géométrie tout aussi rigoureuse, mais plus réelle et plus franchement expérimentale.

L'emploi constant des deux déplacements élémentaires, la translation rectiligne et la rotation, sans cesse soutenus par la pratique du dessin, permet d'intéresser l'élève et d'exciter son ingéniosité. Il ne perd jamais contact avec la réalité, car l'application ne se sépare jamais de la théorie.

Dans l'étude des figures semblables, il ne faut pas craindre de commencer par celle de l'homothétie, que l'élève comprend immédiatement par la notion presque intuitive de l'agrandissement ou de la réduction d'une figure à une échelle donnée. Deux figures semblables sont des figures telles que l'une est identique à l'une des homothétiques de l'autre.

Dans l'espace, il est nécessaire de mettre en évidence toutes les propositions relatives aux projections. On ne saurait trop multiplier les cas et entrer dans des détails pour ainsi préparer les élèves à la géométrie descriptive.

Problèmes de géométrie. ? Dans l'enseignement primaire élémentaire, il n'y a pas lieu de faire faire aux élèves des problèmes proprement dits de géométrie. Les exercices doivent se réduire uniquement, d'une part, à de nombreux calculs et mesures, et d'autre part à des constructions géométriques.

Dans les écoles primaires supérieures et les écoles normales, il faut donner aux élèves des problèmes.

On peut les diviser en trois types :

Lieux géométriques. ? Il faut éviter avant tout de proposer la recherche de lieux qui nécessite des calculs détournés et compliqués. L'élève doit s'habituer à rechercher d'abord expérimentalement la nature du lieu et ses caractéristiques. Il sait ainsi ce qu'il doit démontrer.

Il faut ensuite l'accoutumer à prévoir, d'après la nature du lieu et celle de l'énoncé, quelle devra être la propriété principale de la ligne-lieu qui devra servir à la démonstration Ainsi supposons que l'élève ait prévu que le lieu est un cercle : s'il a pu prévoir la position du centre, il lui restera à démontrer la constance d'une longueur ; s'il a prévu que le cercle passe par deux points donnés, il essaiera de prouver la constance d'un angle.

Constructions. ? Il sera bon de se borner presque exclusivement à des constructions où l'on pourra appliquer la méthode de l'intersection des lieux.

Soit à construire un point satisfaisant à deux conditions A et B. On cherche le lieu des points vérifiant la condition A, puis celui des points vérifiant B, et l'on prend leurs intersections.

Relations métriques. ? De tels problèmes se résolvent d'ordinaire par l'application des théorèmes sur les lignes proportionnelles et la similitude.

Il suffit donc d'exercer l'élève à rechercher dans la figure les proportionnalités ou similitudes possibles.

En résumé, on ne saurait trop conseiller aux professeurs d'éviter de proposer des exercices qui ne puissent être faits par une voie un peu analytique. A ne donner que des problèmes de géométrie dont la solution exige une synthèse que seuls de vieux routiers sont capables d'exécuter, on laisse à l'enfant l'impression que la géométrie n'est qu'un rébus savant et compliqué.

Il faut avant tout que l'élève retire de tout enseigne ment scientifique élémentaire des qualités de méthode, d'analyse et de déduction.

Carlo Bourlet