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Martin (Aime)

 Louis-Aimé Martin, né à Lyon le 17 avril 1782 (selon la biographie Michaud ; d'autres donnent 1781 et 1786), fut d'abord destiné au barreau, mais ses préférences personnelles l'entraînèrent de bonne heure dans la carrière des lettres. Son premier ouvrage fut un Eloge historique de Désiré Petetin, médecin de Lyon, l'un de ceux qui se sont préoccupés les premiers du magnétisme animal (1808) ; les Lettres à Sophie sur la physique, la chimie et l'histoire naturelle, imitation des Lettres à Emilie, de Demoustier, qu'il publia en 1810, établirent sa réputation.

Aimé Martin fut un fervent disciple et un ami de Bernardin de Saint-Pierre, et, quand celui-ci mourut en 1814, à l'âge de soixante-dix-sept ans, laissant une veuve beaucoup plus jeune que lui et une fille, Virginie (qui devint plus tard Mme de Gazan), Aimé Martin épousa l'une et adopta l'autre.

En 1813, il avait obtenu une chaire à l'Athénée, et il y professa l'histoire littéraire de la France au moyen âge ; en 1815, il fut nommé secrétaire-rédacteur de la Chambre des députés, et, la même année, professeur de belles-lettres, de morale et d'histoire à l'Ecole polytechnique, en remplacement d'Andrieux. Destitué en 1831, lorsque l'école passa du ministère de l'intérieur au ministère de la guerre, il devint, quelques années après, conservateur à la bibliothèque Sainte-Geneniève. Il est mort à Saint-Germain-en-Laye, le 18 novembre 1847 (d'après Michaud ; la biographie Didot dit : à Paris, le 22 juin).

Outre les deux ouvrages déjà cités, on doit à Aimé Martin un grand nombre d'éditions d'auteurs classiques ; une édition très complète des OEuvres de Bernardin de Saint-Pierre ; un Plan de bibliothèque universelle, étude des livres qui peuvent servir à l'histoire littéraire et philosophique du genre humain, sorte d'introduction à la collection intitulée : Le Panthéon littéraire, dont il fut un des collaborateurs ; un Guide pittoresque de l'étranger dans Paris, etc., etc.

Mais son ouvrage principal est son Education des mères de famille, ou De la civilisation du genre humain par les femmes, qu'il publia en 1834, que l'Académie française a couronné, et dont il a été publié plusieurs éditions.

Ce livre a le mérite d'avoir hautement revendiqué, au lendemain de la loi de 1833, qui n'avait pas statué sur la question des écoles de filles, la part prépondérante de la femme dans le relèvement des classes populaires et de toutes les classes sociales par l'éducation. « Quand on élève un garçon, disait Jules Simon, en 1867, à la Société pour l'instruction élémentaire, et que d'un ignorant on fait un lettré, qu'est-ce qui en résulte? Il en résulte un lettré. Quand on élève une fille, et que d'une ignorante on fait une lettrée, qu'est-ce qui en résulte? Il en résulte une institutrice, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir enseigné à une fille, vous avez enseigné à toute une famille. » Plus de trente ans avant-Jules Simon, Aimé Martin avait développé cette même thèse. « Suivant nous, disait-il, l'instruction primaire ne peut devenir universelle dans les campagnes que par les femmes. C'est donc surtout les jeunes filles qu'il faudrait instruire au village, afin de les mettre à même d'instruire un jour leurs enfants. Instruire les jeunes filles, c'est faire une école de chaque maison. » Mais, ajoutait-il, « nos législateurs ne savent pas cela, et ceux qui l'ont entendu dire ne paraissent pas beaucoup s'en inquiéter. A peine est-il question des filles dans les trente lois d'instruction primaire qui, depuis cinquante ans, sont sorties de nos fabriques législatives. »

Mais il est vrai de dire qu'à serrer tant soit peu l'étude de ce livre, ce qu'on y trouve de plus louable, ce sont les bonnes intentions de l'auteur. Aimé Martin est, comme l'a si bien dit Gréard, « un de ces écrivains à la suite, qui expriment le sentiment général d'une époque avec d'autant plus de fidélité qu'ils ont peu d'idées personnelles ». Son ouvrage, de difficile analyse, parce qu'il ne se pique guère de précision, comprend quatre livres ; le premier traite de l'influence des femmes et de la nécessité de leur éducation ; les trois autres ont pour titre commun : « Education de l'âme », et contiennent d'abord une sorte de psychologie passablement flottante et nuageuse, puis des aperçus, selon la pensée et quelquefois selon la manière de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand, sur le rajeunissement du genre humain par l'influence d'un christianisme épure et idéalisé. C est la femme qui doit être le principal instrument, on pourrait dire l'instrument exclusif, de cette rénovation dans la société et dans la famille. Si véritablement exclusif que, par une singulière omission, dont il s'est confessé lui-même, sans grande contrition d'ailleurs, Aimé Martin avait commencé par ne laisser aucune part au père dans l'éducation de l'enfant. Dans l’ « Avis de l'auteur » placé en tête de la seconde édition, on lit ce qui suit : « Livre Ier, chapitre XV. Ce chapitre répare un oubli ; il indique le rôle du père dans l'éducation des enfants donnée par la mère. » Le livre d'Aimé Martin manque donc de mesure ; on peut dire aussi qu'il manque de fond ; le ton sentencieux et à la Rousseau de quelques-unes de ses pages, les tirades sentimentales de beaucoup d'autres, même, ce qui vaut mieux, les élans généreux, la chaleur |

d'âme qu'on y sent au-dessous des élégances voulues et des pastorales de convention, ne suffisent point à y tenir lieu des vues élevées et justes, sinon originales, ou des données pratiques et utiles qu'on croirait pouvoir trouver dans un ouvrage de ce genre.

En somme, Aimé Martin a été un ami, un apôtre, si l'on veut, de l'éducation, particulièrement de l'éducation des femmes et de l'enfant par les mères, mais ce n'est pas un pédagogue.