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Manuel (travail)

Le travail manuel forme l'une des deux grandes branches de l'activité humaine, par opposition à ce que l'on est convenu d'appeler plus spécialement le travail intellectuel ou travail de la pensée. Il n'est pas possible, à vrai dire, d'établir entre ces deux modes d'activité une distinction absolument rigoureuse : car le travail manuel, si grossier, si machinal qu'on le puisse supposer, nécessite toujours l'intervention de l'intelligence ; et le travail de l'esprit a besoin, pour se traduire en une oeuvre, pour se manifester au dehors, de l'intervention de la main, par l'écriture, les chiffres, le dessin, etc. Cette distinction, au sens où l'usage de toutes les langues modernes l'a fait admettre, n'en répond pas moins a un fait historique.

I

De bonne heure, dans les sociétés humaines, les travaux les plus pénibles, ceux qui exigent la plus grande dépense de force musculaire, devinrent le partage d'une classe particulière, maintenue dans un état d'infériorité et de, dépendance, tandis que la culture des lettres et des beaux-arts, les recherches scientifiques, les spéculations philosophiques, les soins du gouvernement furent réservés à la classe privilégiée qui possédait la fortune et le pouvoir. Les légendes des temps héroïques de la Grèce et de Rome nous montrent, il est vrai, Ulysse fabriquant lui-même son lit de bois d'olivier, et Cincinnatus conduisant la charrue de ses propres mains ; mais même dans ces sociétés primitives, où l'industrie n'était pas encore née et où un roi pouvait, sans déroger, faire oeuvre d'artisan, il y avait déjà des travaux réputés bas et serviles : Ulysse n'aurait pas tourné la meule pour réduire son blé en farine, et Cincinnatus laissait certaines besognes à des esclaves. A mesure que l'industrie se développa par la division du travail et le perfectionnement de l'outillage, que le progrès économique amena la multiplication et l'accumulation des richesses, la séparation entre ces deux grandes classes de la société, les travailleurs manuels et les lettrés, s'accentua davantage : elle reçut sa consécration par la distinction, faite déjà dans la société romaine et perpétuée jusqu'aux temps modernes, entre les arts libéraux et les arts mécaniques.

Cependant, lorsqu'au sortir du moyen âge une conception nouvelle des choses humaines commença à se former dans les esprits les plus éclairés, le préjugé qui avait fait si longtemps regarder le travail manuel comme avilissant reçut ses premières atteintes. On osa penser, on osa dire que les hommes qui produisaient le pain, qui construisaient les édifices, qui fabriquaient les étoffes et les objets de première nécessité, n'étaient pas moins utiles à la société que ceux qui cultivaient les lettres et les sciences, et ne devaient pas être tenus en moindre estime ; on alla plus loin : on se fit un idéal humain dans lequel le travail des mains et celui de l'intelligence, au lieu d'être séparés, seraient harmonieusement unis ; on affirma que l'homme complet, l'homme digne de ce nom, serait celui-là qui aurait développé toutes ses aptitudes physiques et intellectuelles, qui réunirait en lui ce qui ne pouvait être disjoint qu'au détriment de la personnalité humaine, qui saurait à la fois raisonner comme un philosophe et faire oeuvre de ses mains comme un artisan. Et à mesure que l'ancienne société théocratique et militaire se désorganisait, penchant de plus en plus vers la ruine, l'idée de la dignité du travail manuel gagnait du terrain et s'imposait à l'opinion. Lorsque, au milieu du dix-huitième siècle, l'élite des savants et des écrivains français résolut de procéder à ce grand inventaire de la civilisation dont les résultats furent consignés dans l'Encyclopédie, une place d'honneur y fut faite aux arts et métiers, dont les procédés furent plus d'une fois décrits par ceux-là mêmes qui les appliquaient dans les ateliers ; et Diderot put dire : « Rendons enfin aux artistes (c'est-à-dire aux travailleurs manuels) la justice qui leur est due. Les arts libéraux se sont assez chantés eux-mêmes ; ils pourraient employer maintenant ce qu'ils ont de voix à célébrer les arts mécaniques. C'est aux arts libéraux à tirer les arts mécaniques de l'avilissement où le préjugé les a tenus si longtemps. Les artisans se sont crus méprisables parce qu'on les a méprisés : apprenons-leur à mieux penser d'eux-mêmes. »

Les éducateurs — ceux du moins qui essayèrent de formuler une théorie philosophique de l'éducation — furent les premiers à s'associer à cette réhabilitation du travail manuel. Il était impossible, en effet, dès qu'on voulait donner à l'éducation une base rationnelle, de méconnaître l'importance capitale de ce facteur, soit qu'on se plaçât simplement au point de vue du développement physique de l'enfant, de l'exercice de ses sens, soit qu'on se préoccupât en outre du côté social de la question et de la nécessité de rendre tout homme apte à la pratique d'un métier. Rabelais, déjà, veut que son élève se livre au travail manuel et acquière la connaissance des procédés techniques des arts et métiers : Gargantua, pour fortifier ses muscles, doit monter à cheval, faire des armes, nager, courir ; mais il ne dédaigne pas d'autres exercices, et, « quand l'aer estoit pluvieux », il « s'esbattoit à boteler du foin, à fendre et scier du boys, et à battre des gerbes en la grange » ; son précepteur le conduit dans les ateliers pour lé familiariser avec les procédès industriels : « Alloyent voir comment on tiroit les métaulx, ou comment on fon-doit l'artillerie ; ou alloyent voir les lapidaires, orfebvres et tailleurs de pierreries, ou les alchemistes et monnoyeurs, ou les haultelissiers, les tissoutiers, les veloutiers, les horlogers, mirailliers, imprimeurs, organistes, teincturiers, et aultres telles sortes d'ouvriers, et apprenoyent et consideroyent l'industrie et invention des mestiers ».

Rabelais ne songeait qu'à une éducation particulière ; Coménius, au dix-septième siècle, trace pour la première fois un plan d'études destiné à l'instruction d'un peuple tout entier. Il veut des écoles où tous puissent recevoir un enseignement complet sur toutes choses (ubi omnes omnia omnino doceanlur). Pour la première enfance, il demande des exercices, en forme de jeux, qui habitueront l'enfant à se servir de ses sens et développeront en lui la dextérité manuelle, tout en cultivant son intelligence. « Les enfants, dit-il, aiment à faire toujours quelque chose. Ils sont semblables aux fourmis, qui vont sans cesse courant çà et là, portant ou traînant quelque chose, rangeant et dérangeant. Il faut les aider et leur montrer comment ils doivent s'y prendre. Qu'on leur donne des jouets, tels que des chevaux de bois, de petits chariots, des maisonnettes, etc. Ils aiment aussi à construire des maisons avec de l'argile, des copeaux ou des pierres. Dès la seconde et la troisième année, les enfants pourront déjà faire quelques progrès dans ce que nous appelons la mécanique: ils apprennent ce que c'est que courir, sauter, porter une chose d'un endroît à un autre, lever, abaisser, abattre, bâtir, attacher, courber, redresser, briser, couper, etc. La quatrième et la cinquième année seront toutes remplies d'occupations manuelles. Il faut les laisser faire tout ce qu'ils auront envie d'essayer, et les y aider, comme je l'ai dit, afin qu'il y ait quelque méthode dans ce qu'ils font et que cela leur soit utile pour les choses plus importantes qui viendront plus tard. » Dans la seconde période de l'éducation, lorsque l'enfant est entré à l'école publique (schola vernacula publica), une part doit être faite, dans le cours d'études, à l'enseignement de ce qui concerne les métiers. « Il faut que les élèves apprennent, à l'égard des métiers, ce qu'il est nécessaire d'en connaître en général, ne fût-ce que pour ne pas demeurer dans l'ignorance de ce qui se rencontre dans la vie humaine, et aussi pour que les dispositions naturelles de chacun, à l'égard des travaux pour lesquels il aura le plus d'aptitude, se manifestent plus facilement. » Ajoutons toutefois que Coménius n'a pas demandé que l'école enseignât directement la pratique des travaux manuels : les connaissances dont il parle doivent être données aux élèves, non par le maniement des outils, mais par des lectures, des images et des explications du maître. « De cette façon, ajoute-t-il, les jeunes gens, soit qu'ils entrent ensuite à l'école latine, soit qu'ils s'adonnent à l'agriculture, au commerce ou à un métier, ne rencontreront rien dont ils n'aient déjà comme un avant-goût ; les diverses occupations des hommes leur seront déjà connues, et ils seront ainsi rendus plus habiles à tout ce qu'ils devront faire. »

Locke demande davantage, et pourtant son programme est moins compréhensif que celui de Coménius. Il ne propose pas un système général d'instruction publique, il se contente de donner des conseils pour l'éducation privée d'un jeune gentilhomme : mais il sent vivement l'importance du travail manuel, seul capable de réaliser chez l'homme l'équilibre de l'être physique et de l'être intellectuel ; et il ne veut pas que son élève soit privé des avantages qui résultent d'un exercice normal des muscles et de la main. « Je n'ai prétendu élever, dit-il, qu'un gentilhomme dont la condition ne paraît pas compatible avec un métier ; et cependant je n'hésite pas à le dire : je voudrais que mon gentilhomme apprît un métier manuel ; je voudrais même qu'il en sût deux ou trois, mais un particulièrement. Les arts manuels ont pour résultats non seulement d'accroître notre dextérité et notre adresse, mais aussi de fortifier notre santé, surtout ceux auxquels on travaille en plein air. Dans ces occupations-là, par conséquent, la santé et l'habileté progressent conjointement (tandis que les études sédentaires ne

contribuent en rien à la santé), et l'on peut en choisir quelques-unes pour en faire les récréations d'un enfant dont l'affaire principale est l'étude des livres. Je proposerai donc une de ces deux choses ou plutôt les deux à la fois : d'abord le jardinage ou l'agriculture en général, ensuite le travail sur bois à la façon d'un charpentier, d'un menuisier ou d'un tourneur. Ce que je demande surtout à ces occupations, c'est qu'elles divertissent mon élève, par un exercice manuel utile et sain, de ses autres pensées et de ses affaires plus sérieuses. Et qu'on ne s'imagine pas que je commets une méprise lorsque je donne le nom de divertissement et de récréation à ces arts manuels et à tous les autres exercices du même genre : car la récréation consiste, non à rester sans rien faire, mais à soulager par la variété de l'exercice l'organe fatigué. Aux arts que j'ai mentionnés peuvent être ajoutés l'art de préparer des parfums, le vernissage, la gravure et plusieurs sortes d'ouvrages en fer, en cuivre ou en argent. Si, comme il arrive le plus souvent, notre jeune gentilhomme passe une partie considérable de son temps dans une grande ville, on pourra lui apprendre à tailler, à polir, à enchâsser des pierres précieuses, ou l'occuper à polir et à préparer des verres de lunettes. Parmi tant d'arts manuels si ingénieux, il est impossible qu'il ne s'en rencontre pas quelqu'un qui lui plaise et qui le charme, à moins qu'il ne soit paresseux ou débauché ; et il ne saurait l'être, si son éducation a été bien conduite. »

On le voit, Locke ne se contente pas, pour son élève, de notions générales et théoriques sur les arts et métiers, comme Rabelais ou Coménius ; il veut le former à la pratique d'un métier particulier ; et il l'engage à consacrer régulièrement à cet exercice une heure par jour. Mais c'est à titre de délassement hygiénique, de contrepoids au travail purement intellectuel, que le philosophe anglais recommande le travail manuel ; il n'y a chez lui aucune trace de préoccupation politique ou sociale, aucune arrière-pensée de réforme égalitaire.

Il n'en est pas de même chez Rousseau, qui, tout en copiant Locke, s'est placé à un point de vue nouveau. Emile apprendra un métier, et ce métier sera celui de menuisier, auquel Locke avait déjà donné la préférence. Mais il ne s'agit plus de fortifier les muscles, d'exercer l'oeil et la main, de donner un emploi agréable et sain aux heures de loisir : Emile, dont le corps est vigoureux et endurci à la fatigue, a déjà « les organes justes et bien exercés ; toute la mécanique des arts lui est déjà connue ». Rousseau a d'autres visées : fils d'artisan, il veut glorifier, dans le travail manuel, « l'occupation qui rapproche le plus l'homme de l'état de nature » ; ennemi des riches et des grands, il veut troubler leur quiétude en les menaçant des retours imprévus de la fortune, et en leur montrant l'apprentissage d'un métier comme le seul refuge assuré contre l'adversité possible.

« Vous vous fiez — s'écrie-t-il — à l'ordre actuel de la société, sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu'il est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui peut regarder vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet ; les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d'en être exempt? Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors? De toutes les conditions, la plus indépendante de la fortune et des hommes est celle de l'artisan. L'artisan ne dépend que de son travail, il est libre. Je dis à Emile : Cultive l'héritage de tes pères. Mais si tu perds cet héritage, ou si tu n'en as point, que faire? Apprends un métier.

« Un métier à mon fils! mon fils artisan ! Monsieur, y pensez-vous! — J'y pense mieux que vous, madame, qui voulez le réduire à ne pouvoir être jamais qu'un lord, un marquis, un prince, et peut-être un jour moins que rien ; moi, je veux lui donner un rang qu'il ne puisse perdre, un rang qui l'honore dans tous les temps ; je veux l'élever à l'état d'homme, et, quoique vous en puissiez dire, il aura moins d'égaux à ce titre qu'à tous ceux qu'il tiendra de vous. »

Ces déclamations n'avaient pas grande portée et ne recouvraient pas une pensée bien philosophique. Sans doute, Rousseau a eu le pressentiment, comme beaucoup de ses contemporains, qu'une révolution était proche ; mais son idéal chimérique d'un retour à un prétendu état de nature était d'un homme qui ne comprenait ni son temps, ni les lois de l'histoire : au lieu de voir que c'est le perfectionnement de la civilisation qui doit rapprocher de plus en plus les hommes de l'égalité, il rêvait d'une régénération de l'espèce humaine par la renonciation à la vie civilisée : c'était un utopiste rétrograde. Diderot et les Encyclopédistes avaient une tout autre manière de comprendre le progrès.

Nous ne nous arrêterons pas aux tentatives de l'Allemand Francke et des fondateurs de la Realschule, dont le but n'a rien de commun avec la question qui nous occupe ; il pouvait être utile de créer des écoles qui offrissent aux commerçants et aux industriels une éducation mieux en rapport avec leur carrière future que celle des collèges classiques ; mais la pensée qu'il fût nécessaire de cultiver chez tout homme, pour lui donner une éducation complète, ses aptitudes au travail manuel, n'était point venue aux représentants du piétisme. Elle ne fut pas moins étrangère à Pestalozzi qui, dans son institut de Neuhof, avait recueilli des enfants indigents pour les occuper à des travaux industriels et agricoles, mais qui ne considérait pas le travail manuel comme une fonction sociale obligatoire pour tous.

Il semble, par contre, que ce point de vue ait été, dans une certaine mesure, celui des réformateurs connus sous le nom de philanthropinistes, qui s'étaient inspirés, comme on sait, des doctrines de Rousseau. Dans leurs écoles, et particulièrement à Schnepfenthal, il y avait des ateliers de travail manuel, et tous les élèves y apprenaient le maniement des principaux outils et s'y exerçaient à la pratique d'un ou de plusieurs métiers.

Il appartenait à la Révolution française d'affirmer pour la première fois ce que les philosophes du dix-huitième siècle avaient entrevu et insinué plutôt que nettement exprimé : c'est que, de même que tous avaient le droit de participer à la culture intellectuelle, tous avaient le devoir de concourir à la production collective des valeurs utiles par l'exercice du travail manuel. Ce ne sont pas seulement les utopistes comme Saint-Just, les communistes comme Babeuf, qui, faisant du travail manuel une obligation pour tous les citoyens, veulent que tous les enfants apprennent un métier ; cette doctrine se retrouve dans la plupart des décrets de la Convention sur l'instruction publique. Chose plus remarquable, elle est inscrite en toutes lettres dans la constitution de l'an III, oeuvre de la fraction la plus modérée du parti révolutionnaire ; on y lit, à l'article 16 : « Les jeunes gens ne peuvent être inscrits sur le registre civique, s'ils ne prouvent qu'ils savent lire et écrire, et exercer une profession mécanique. Les opérations manuelles de l'agriculture appartiennent aux professions mécaniques. Cet article n'aura d'exécution qu'à compter de l'an XII de la République. »

Toutefois, si la Révolution formula le principe avec sa hardiesse habituelle, elle se trouva impuissante à l'appliquer. Et la raison de cette impuissance, il ne faut pas la chercher seulement dans les péripéties d'ordre politique qui arrachèrent le pouvoir des mains des théoriciens pour le remettre à celles des intrigants et des chefs d'armée ; elle tient à une cause plus profonde. La participation effective de tous aux travaux manuels ne serait possible que dans une société où, d'une part, le perfectionnement extrême de l'outillage aurait ramené tous les apprentissages à la connaissance de quelques principes généraux et à l'acquisition d'une certaine habileté manuelle accessible à chacun ; et où, d'autre part, la production industrielle et agricole serait soumise à des règles scientifiques et organisée sur la base de l'association. Ainsi, l'obligation légale du travail manuel, décrétée par la Révolution, correspondait à un état social tout différent de celui où se trouvait alors la France ; le programme d'éducation né d'une conception pareille ne pouvait être appliqué intégralement qu'après l'achèvement d'une évolution économique qui, alors, était à peine commencée ; et si les législateurs de l'an III, qui avaient prétendu l'imposer au nom de l'égalité à une génération pour laquelle il n'était point fait, purent croire un instant au succès de leur entreprise, c'est qu'ils partageaient l'erreur de Rousseau : à une société qui portait déjà dans ses flancs la puissante civilisation industrielle du dix-neuvième siècle, à laquelle la vapeur et l'électricité allaient donner un si magnifique essor, ils proposaient de jouer à l'idylle sentimentale ou à la république lacédémonienne.

Il sembla un moment, avec la tentative de monarchie universelle de Napoléon, puis avec les rêveries mystiques des fondateurs de la Sainte-Alliance, que l'Europe allait revenir au moyen âge. Mais en dépit des apparences, la science et l'industrie avaient continué à marcher. Bientôt, les chefs des diverses écoles socialistes, recherchant la solution du problème de la misère, attirèrent de nouveau l'attention sur la question du travail manuel. Saint-Simon, dans sa fameuse Parabole, montrait que la prospérité d'une nation dépend uniquement de la classe des producteurs, et que ceux qui ne travaillent pas sont des membres inutiles de la société ; Robert Owen, dans son établissement de New

Lanark, expérimentait un système d'éducation fondé sur l'union du travail manuel et du travail intellectuel ; Fourier, l'apôtre du travail attrayant, voulait donner un libre essor à toutes les aptitudes de l'individu ; Cabet reprenait les théories communistes de Babeuf. Cependant, lorsque éclata la révolution de 1848, la confusion des idées était trop grande et l'évolution économique trop peu avancée pour qu'une réforme sérieuse de l'éducation nationale, dans ce sens, pût être tentée ou même proposée. La double réaction cléricale et politique de 1850 et de 1851 arrêta en France tout progrès dans l'école. Le mouvement en avant ne put recommencer qu'après la chute du second empire.

Est-ce à dire que, pendant le demi-siècle qui s'est écoulé entre la révolution de 1830, premier réveil de l'esprit moderne, et l'organisation de l'éducation nationale en France par les grandes lois de 1881 et 1882, il ne se soit rien produit qui mérite d'être noté, et que la question de la part à faire au travail manuel dans l'éducation ait cessé, durant cette période, d'occuper les esprits? Non certes. Nous aurons tout à l'heure à signaler plus d'une tentative intéressante faite pour associer, dans l'école même, le travail de l'atelier aux études théoriques, à indiquer les discussions soulevées par les difficiles problèmes qui se rattachent aux apprentissages industriels, et les solutions proposées et expérimentées par les hommes les plus compétents. Nous montrerons aussi comment, en divers pays d'Europe, et plus particulièrement dans le Nord, où des conditions économiques spéciales devaient favoriser ce mouvement, on a, depuis plus de quarante ans, commencé à organiser un enseignement manuel dont la nature varie suivant les lieux et les circonstances. Mais, tout en rendant aux initiateurs de ces essais la justice qui leur est due, nous devons constater qu'il faut arriver jusqu'à la loi française du 28 mars 1882 pour voir la question posée enfin sur son véritable terrain.

Cette loi a créé un enseignement réellement national, obligatoire pour tous ; et dans le programme de cet enseignement (art. 1er) elle a fait entrer les travaux manuels et l'usage des outils des principaux métiers : affirmant ainsi que tous ont droit à l'instruction, à la culture scientifique, littéraire et artistique ; et que tous aussi ont le devoir de se mettre en état de participer au travail manuel.

La nouvelle loi française sur'1'instruclion primaire, considérée à ce point de vue, est, pourrait-on dire, d'un siècle en avance sur les autres institutions de la nation. Le programme qu'elle a formulé est un idéal qui ne pourra se réaliser complètement que d'une façon graduelle, à mesure que les progrès de la démocratie feront disparaître d'antiques préjugés.

Mais le législateur n'a pas prétendu édicter des prescriptions absolues, et transformer par une brusque révolution un état de choses qui ne peut se modifier que lentement et progressivement. Il a marqué le but à atteindre, il a posé les fondations sur lesquelles doivent s'élever les assises d'un édifice dont il n'est réservé peut-être qu'à nos petits-neveux de voir l'achèvement. Il y a une différence capitale entre le point de vue des républicains de 1882 et celui des conventionnels de l'an III : les uns décrétaient une révolution sociale à échéance fixe, sans s'être demandé si elle était compatible avec la nature des choses et s'ils avaient les moyens de l'accomplir ; tandis que les autres, en présence de nécessités nouvelles que nul esprit clairvoyant ne pouvait méconnaître, se sont bornés à mettre la loi d'accord avec les faits, et ont voulu simplement que l'école nationale devînt, dans la mesure du possible, l'auxiliaire d'une évolution qu'elle pourra contribuer à accélérer, mais qu'elle n'a pas la mission de créer artificiellement ; de cette évolution qui entraîne la société moderne vers un avenir où la justice et l'égalité deviendront de plus en plus la règle, dans les relations économiques aussi bien que dans les institutions politiques.

II

Nous avons, dans les lignes qui précèdent, esquissé à grands traits l'histoire du travail manuel au double point de vue de son rôle social et de ses rapports avec l'éducation. Sans insister davantage sur ces considérations générales, nous allons passer en revue les efforts tentés jusqu'à présent, à l'étranger et en France, pour introduire pratiquement l'enseignement du travail manuel à l'école primaire.

1° Avant 1882

Le travail manuel dans les écoles de filles et dans les jardins d'enfants. — C'est dans les écoles de filles qu'apparaissent les premières tentatives, sous la forme de travaux à l'aiguille ; puis les exercices froebeliens deviennent en faveur dans les jardins d'enfants.

Le travail manuel dans les écoles primaires de filles. — Longtemps avant qu'il fût question de la possibilité d'annexer à la salle de classe un atelier où les élèves du sexe masculin se familiariseraient avec le maniement des principaux outils, les législateurs de presque tous les pays avaient ordonne que les travaux à l'aiguille seraient enseignés dans les écoles de filles. La raison de ce fait est facile à saisir. Les travaux à l'aiguille ont toujours été considérés comme faisant partie de l'éducation générale de la femme ; leur enseignement ne constitue pas la préparation à l'apprentissage d'un métier : il a simplement pour but de mettre la jeune fille en état de remplir convenablement plus tard ses devoirs de bonne ménagère. Aussi ceux-là même qui se montrent le plus opposés à l'introduction du travail manuel dans les écoles de garçons n'ont-ils aucune objection à l'enseignement de la couture dans les écoles de filles. Il en eût été autrement si, aux travaux à l'aiguille proprement dits, le programme scolaire eût ajouté d'autres occupations manuelles d'un caractère plus spécial : on eût alors opposé à cet enseignement les mêmes résistances qu'à celui des travaux manuels pour les garçons. Il est donc permis de dire que la présence de la couture et du tricot dans le programme des écoles de filles ne constitue {tas, à proprement Parler, une reconnaissance du droit et du devoir de école à préparer l'élève à l'exercice des diverses professions manuelles. Un enseignement manuel féminin qui serait l'équivalent de celui que la loi française de 1882 a voulu créer en faveur des garçons consisterait dans une série d'exercices qui non seulement mettraient la jeune fille en état de vaquer aux travaux du ménage, mais la prépareraient à l'apprentissage des diverses professions accessibles à la femme. Un enseignement de ce genre existe à l'état fragmentaire, dans quelques écoles dites professionnelles ; on n'a pas encore tenté de l'introduire d'une façon méthodique et régulière à l'école primaire.

Dans la dernière section du présent article, nous disons ce que les plus récents programmes français ont introduit, dans les écoles de filles, sous le nom de travail manuel.

Les jardins d'enfants. — Nous avons déjà parlé de l'atelier où les élèves de l'institut de Schnepfenthal étaient occupés à diverses « récréations mécaniques » (mechanische Nebenbeschäftigungen). Le maître qui était chargé de cette partie de l'enseignement, Blasches, publia un recueil de directions pratiques sous ce titre : Les ateliers des enfants (Die Werkstätte der Kinder). Cette tentative de l'école « philanthropiniste » passa à peu près inaperçue ; cependant on peut y rattacher les premiers essais de Froebel à Keilhau vers 1820. On sait que le futur fondateur des jardins d'enfants dirigea pendant une quinzaine d'années un institut de jeunes gens, et que les élèves y étaient exercés, dans les moments de loisir, à de petits travaux manuels tels que cartonnage, modelage, menuiserie, etc. Plus tard, le jardin d'enfants lui-même fit aux occupations manuelles une place importante : elles devinrent, avec les jeux géométriques et les évolutions gymnastiques, la base même du système d'éducation proposé par Froebel pour la première enfance. Mais si l'éducation des sens, telle que doit la donner le jardin d'enfants, telle que la voulaient déjà Coménius et Rousseau, est une excellente préparation au travail manuel, elle n'est pas encore le travail manuel lui-même, dans l'acception où nous avons pris ce terme au cours de cet exposé. — Voir Sens [Education des).

Le travail manuel dans les pays du Nord. — Les pays du Nord nous offrent des tentatives intéressantes, qui ont attiré particulièrement l'attention dans ces dernières années, et qui méritent de nous arrêter un moment.

Les pays Scandinaves se trouvent, au point de vue économique, dans des conditions particulières : la grande industrie y est peu développée ; le travail manuel, pendant longtemps, y a été exercé presque exclusivement sous la forme d'industrie domestique ; les paysans fabriquaient eux-mêmes leurs instruments de labourage, leurs véhicules, leur mobilier, leurs outils. Mais cet état de choses a commencé à se modifier ; l'industrie domestique, depuis un certain nombre d'années, déclinait et menaçait de disparaître : des patriotes se sont préoccupés des moyens de la ressusciter. C'est de cette situation très spéciale que sont nées, en Suède, en Norvège, en Finlande et en Danemark, les sociétés pour l'encouragement du travail domestique (slöjd, husflid) et les écoles de travail de divers genres dont nous allons parler.

Suède. — En Suède, une association s'était constituée dès 1846 sous le nom d'association du travail domestique (slojd) ; elle se proposait,

d'une manière générale, de réagir contre la tendance des populations agricoles à négliger les occupations manuelles en honneur jusque-là parmi les paysans. Ce n'est guère que vers 1870, toutefois, que le mouvement en faveur d'un enseignement régulier du travail manuel commença à se manifester et à porter des fruits. Le comte Sparre, gouverneur de la province d'Elfsborg, fonda en 1867 la « Société du travail domestique de la province d'Elfsborg », qui se donna pour programme, d'une part, la création d'écoles spéciales de travail manuel, d'autre part l'introduction de l'enseignement du travail manuel à l'école primaire. En 1872, le gouvernement fit faire une enquête sur la situation du travail domestique dans les différentes provinces, et la Diète vota un crédit de 2500 couronnes en faveur de l'enseignement du travail manuel, crédit qui fut successivement augmenté les années suivantes jusqu'à atteindre en 1877 la somme de 15 000 couronnes. Des écoles de travail manuel furent fondées à Upsal, à Clästorp, à Nääs ; des professeurs furent envoyés dans les provinces, aux frais de l'Etat et de l'Académie royale d'agriculture, pour faire des cours pratiques de travail manuel à l'usage des instituteurs ; des gratifications furent allouées aux instituteurs qui introduiraient cet enseignement dans leurs écoles. Une ordonnance royale de 1877, relative à l'emploi du crédit de 15 000 couronnes voté par la Diète, détermina de la façon suivante le caractère de l'enseignement du travail manuel et les conditions auxquelles les subventions de l'Etat pourraient être accordées :

« Cet enseignement ne doit pas être donné en vue de l'apprentissage d'un métier spécial, mais doit viser à faire acquérir aux jeunes garçons une habileté générale de la main et la connaissance du maniement des principaux outils. Ces outils sont, en première ligne, ceux du menuisier et du forgeron, et, quand les circonstances le permettront, ceux du travail au tour et de la sculpture sur bois ; et dans les campagnes on se préoccupera essentiellement de mettre les élèves en état de fabriquer les objets les plus indispensables à l'agriculture. — L'enseignement du travail manuel sera donné de préférence dans les divisions supérieures de l'école primaire, et dans les écoles complémentaires. — L'appui de l'Etat sera accordé non seulement aux communes qui auront introduit le travail manuel dans leurs écoles primaires, mais aussi à celles qui feront donner de quelque autre manière un enseignement manuel aux jeunes garçons d'âge scolaire. — En conséquence, les communes scolaires qui justifieront, par le témoignage des inspecteurs scolaires, avoir convenablement organisé l'enseignement du travail manuel pour les garçons, à l'école ou en dehors de l'école, à raison de quatre heures au moins par semaine, recevront une subvention annuelle de 75 couronnes. »

Le crédit accordé par la Diète s'était élevé en 1882 à 25 850 couronnes ; et la statistique relevait cette année-là un chiffre de plus de 500 écoles où l'enseignement du travail manuel était donné : les unes étaient des écoles de travail domestique (Slöjdskolor), les autres des écoles primaires pourvues d'un atelier scolaire.

Il avait été question d'introduire l'enseignement du travail manuel dans les écoles normales d'instituteurs, et une conférence des directeurs d'école normale s'était prononcée dans ce sens. En attendant, l'initiative privée pourvut, dans une certaine mesure, à cette lacune : un particulier riche et généreux, M. Abraham son, créa à Nääs, dans la province d'Elfsborg, une école normale de travail manuel dirigée par Otto Salomon. L'école normale de Nääs acquit promptement une réputation qui dépassa les frontières de la Suède : le nombre des maîtres qui en ont suivi les cours, de 1875 à 1900, dépasse 3000, appartenant à 32 nationalités (2300 Suédois, 300 Anglais, 100 Danois et Norvégiens, 60 Américains, etc.) ; aussi croyons-nous utile de faire connaître le programme de l'organisation de cet établissement.

L'école est installée dans un bâtiment qui a été inauguré en 1880. Le rez-de-chaussée contient deux salles de classe, deux ateliers, une salle pour les modèles ; à l'étage supérieur se trouvent, outre les dortoirs, une bibliothèque et une salle de réunion. Les élèves, qui doivent être âgés d'au moins vingt ans et avoir déjà pratiqué pendant quelque temps le travail manuel, reçoivent gratuitement l'enseignement et le logement ; ils n'ont à débourser qu'une somme mensuelle de 20 couronnes pour les frais de nourriture. La durée du cours d'études est d'une année ; voici le programme de l'enseignement avec l'indication du nombre des heures de leçons par semaine : 1e travail manuel, 32 heures (maniement des principaux outils du menuisier, du tourneur, du sculpteur sur bois, du charron, du tonnelier et du forgeron ; fabrication d'ustensiles et d'outils d'un genre simple, de roues et d'établis ; travaux à la lime et à l'enclume) ; 2° calcul, 3 heures ; 3° géométrie, 1 heure ; 4°physique, 3 heures ; 5° dessin linéaire, 16 heures ; 6° langue maternelle, 2 heures ; 7° calligraphie, 1 heure ; 8° chant, 2 heures ; 9° pédagogie, de 1 à 3 heures ; 10° méthodologie spéciale, 2 heures. — Outre le cours annuel suivi par les élèves réguliers, il y a des cours d'une durée de cinq à six semaines, à l'usage des instituteurs et des étrangers qui désirent acquérir en peu de temps, par une série d'exercices convenablement gradués, des connaissances générales, théoriques et pratiques, suffisantes pour leur permettre d'introduire à l'école primaire un enseignement du travail manuel.

Une brochure intéressante, publiée par Salomon, et à laquelle sont empruntés les détails qui précèdent, fait connaître les vues du fondateur de l'école normale de Nääs en ce qui concerne les résultats qu'espèrent atteindre les partisans de l'enseignement du slöjd :

« Nous ne croyons pas, il est vrai, dit l'auteur, qu'il soit à propos de chercher à créer, sans souci des circonstances locales, un travail domestique qui souvent n'aurait qu'un caractère factice : car nous savons qu'aucun moyen artificiel ne peut ramener la production dans les voies que de nouvelles conditions économiques lui ont fait abandonner ; mais nous n'en sommes pas moins fermement convaincus qu'on peut et qu'on doit faire beaucoup pour combattre la tendance à l'oisiveté, et pour remédier à l'incapacité où se trouvent tant de jeunes gens d'occuper leurs mains à un travail utile. Toute entreprise qui se propose comme but de remettre en honneur le travail corporel, de donner le goût du travail et d'augmenter l'aptitude au travail, ne peut que porter de bons fruits. Si le travail domestique — et c'est notre opinion — n'est pas destiné à jouer de nouveau le rôle important qu'il a eu dans le passé, il n'en est pas moins très désirable de le relever en quelque mesure de la décadence où il est tombé. Ces efforts auront pour résultat d'améliorer la condition de la population des campagnes, tant au point de vue moral qu'au point de vue pratique, en la rendant capable de travailler de ses propres mains à la confection et au perfectionnement des objets qui sont pour elle d'un emploi journalier. »

Finlande. — La Finlande est le premier pays d'Europe qui ait inscrit, dans sa loi sur l'instruction publique, le travail manuel comme branche obligatoire du programme de l'enseignement primaire. C'est en 1866 que fut promulguée cette loi, due aux efforts du réformateur des écoles finlandaises, l'éminent pédagogue Uno Cygnaeus. Le but qu'on s'est proposé en Finlande est le même qu'en Suéde : l'encouragement du slöjd ou travail domestique. Ce n'est pas seulement dans les écoles primaires que l'enseignement du travail manuel a été introduit, mais aussi dans les écoles normales. Les leçons de travail manuel devant être données par l'instituteur lui-même, et non par un artisan, il était nécessaire que l'apprentissage du travail manuel fît partie de la préparation professionnelle de l'élève-maître. En conséquence, l'école normale exerce les élèves-maîtres aux travaux de menuiserie, de sculpture sur bois, de vannerie, de ferblanterie, ainsi qu'au travail de la forge. En Finlande plus encore qu'en Suède, la population se trouve dans des conditions spéciales qui ont facilité la réalisation du programme scolaire de Cygnaeus ; aussi l'enseignement du travail manuel, en la forme où l'a organisé le législateur finlandais, est-il une chose fort différente de cet enseignement tel que l'ont conçu et que cherchent à le réaliser dans l'école nationale française les auteurs de la loi du 28 mars 1882.

Norvège. — En Norvège, la loi du 16 mai 1860 sur les écoles primaires rurales a autorisé les communes à créer, à côté des écoles primaires, des écoles de travaux à l'aiguille pour les jeunes filles et des écoles de travail manuel pour les garçons (art. 12). Une dizaine d'années s'écoulèrent sans qu'aucune commune fît usage de cette autorisation. Ce n'est qu'à partir de 1872 qu'un certain nombre d'écoles de travail manuel se fondèrent : dix ans après, on en comptait une soixantaine, dont six à Christiania. Ces écoles de travail enseignaient la menuiserie, la sculpture sur bois, l'art du tourneur, la cordonnerie, la reliure, la vannerie, etc. Un projet de loi tendant à élever de deux à trois ans la durée du cours d'études dans les écoles normales, et à introduire les travaux manuels dans le programme de ces écoles, fut rejeté par le Storthing ; mais un crédit, qui était en 1881 de 8000 couronnes, fut accordé pour permettre de subventionner des cours de travail manuel à l'usage des instituteurs.

Danemark. — Le Danemark eut aussi de bonne heure ses écoles de travail ; mais elles sont le résultat d'un mouvement spécial à, ce pays, et qui est resté bien distinct de celui qui s'est produit en Suède et en Finlande. Les écoles danoises de travail manuel sont dues à l'initiative prise, vcrsl865, par Clauson-Kaas, ancien officier de cavalerie. Ayant quitté le service, Clauson-Kaas se voua à l'enseignement, et obtint des autorités scolaires de Copenhague la permission de donner des leçons de travail manuel aux élèves des écoles primaires ; des locaux furent mis à sa disposition, et avec l'aide de quelques sous-maîtres il créa un enseignement pratique qui fut suivi à la fois par des enfants d'âge scolaire et par des adultes. Cet enseignement consistait dans l'apprentissage d'un certain nombre de métiers faciles, vannerie, brosserie, sculpture sur bois, découpage du bois, tressage de la paille, reliure, etc. Bientôt, pour donner plus d'extension à son entreprise et répandre dans tout le Danemark son système de travail manuel, Clauson-Kaas s'associa avec l'instituteur Rom : ils fondèrent en 1870 deux organes mensuels, Nordisk Husflids Tidende et Husflids Meddelelser, donnèrent des conférences publiques, et réussirent à créer (1873) une association qui prit le nom de Société danoise pour l'industrie domestique. Des cours à l'usage des instituteurs et des institutrices furent ouverts, et le gouvernement accorda à cet effet une subvention annuelle de 2500 couronnes : dans ces cours, qui duraient six semaines, on enseignait la pratique des divers métiers mentionnés plus haut, ainsi que des ouvrages plus spécialement appropriés aux jeunes filles. Après dix années d'efforts et de propagande, Clauson-Kaas dut, pour des raisons personnelles, donner sa démission de membre du comité de la Société de l'industrie domestique, et abandonner la direction du journal Nordisk Husflids Tidende. Quant aux résultats obtenus, ils sont résumés de la manière suivante dans le rapport d'une délégation prussienne qui a visité le Danemark en 1880 pour étudier sur place l'organisation des écoles de travail :

« L'enseignement du travail manuel ne se trouve nulle part en rapport direct avec l'école primaire. Les efforts tentés pour l'encouragement de l'industrie domestique sont dus soit à des particuliers, soit à une association nommée Husflidselskab. Cette association possède à Copenhague une petite école, fréquentée par 72 élèves, et il existe en outre dans les provinces quelques écoles entretenues ou subventionnées par elle. L'administration garde une attitude expectante : elle met annuellement 5000 couronnes à la disposition de l'association, et accorde en outre une subvention annuelle de 2500 couronnes à M. Clauson-Kaas pour les cours qu'il dirige. Le gouvernement a déclaré à plusieurs reprises qu'il ne considère pas cette organisation comme officielle. Quelques propriétaires fonciers, animés de sentiments philanthropiques, ont fait dan leurs domaines des essais pour encourager les paysans à l'industrie domestique ; et ils paraissent avoir réussi dans deux ou trois cas. L'administration a demandé aux communes, en particulier dans l'île de Fionie, si elles seraient disposées à créer des écoles de travail avec l'appui de l'Etat, mais les réponses en général n'ont pas été favorables. Dans le district d'Odensée, 22, ou, selon d'autres renseignements, 26 communes ont accepté l'enseignement du travail manuel, mais exclusivement pour les jeunes filles, et à la condition que l'Etat supporterait la moitié des frais ; les autres ont refusé. M. Clauson-Kaas a proposé au gouvernement l'introduction du travail manuel dans les écoles normales. Sur quatre directeurs d'école normale, trois se sont prononcés résolument contre l'introduction du travail manuel dans le plan d'études ; le quatrième s'est déclaré disposé à l'accepter à titre facultatif ; mais lorsque la question des frais a été soulevée, le gouvernement a trouvé la somme qui lui était demandée (2700 couronnes) trop élevée, et a refusé de tenter l'essai. Les travaux que nous avons vu exécuter dans les écoles de travail manuel consistent presque exclusivement dans la confection de petits ouvrages en bois sculpté ou découpé à la scie ; ce n'est qu'exceptionnellement, comme à Copenhague et à Silkeborg, qu'on est allé au delà, et que des maîtres qui avaient fait un apprentissage spécial ont essayé d'un enseignement industriel proprement dit. Nous pouvons dire, par conséquent, que notre attente a été déçue. Plusieurs personnages officiels que nous avons eu l'occasion d'interroger nous ont dit qu'il semblait peu probable que l'institution pût prendre racine en Danemark. Dans tous les cas, il faudra encore bien du temps. Un essai a été fait dans un établissement d'enseignement supérieur ; mais on a dû l'abandonner. »

Le travail manuel en Allemagne, en Hollande, en Belgique, en Autriche, en Hongrie, en Russie, en Suisse, en Angleterre, aux Etats-Unis. — Allemagne. — Si Clauson-Kaas ne réussit que médiocrement en Danemark, il sut, en Allemagne, gagner à sa cause un certain nombre de partisans. En 1876, il se rendit à Berlin pour y donner une conférence à la suite de laquelle une Société pour l'industrie domestique (Verein fur häuslichen Gewerbefleiss) se constitua dans cette ville. Cette société envoya à Copenhague un instituteur pour y faire un apprentissage, et créa ensuite un cours de travail manuel pour les jeunes garçons ; un cours normal pour les instituteurs, ouvert en octobre 1878, ne réunit que neuf personnes. D'autres essais furent faits à Kiel, à Brunswick, à Leipzig, à Pforzheim. Deux nouvelles conférences faites en 1879 et 1880 à Harburg et à Osnabrück eurent pour résultat l'ouverture à Emden en Hanovre d'un cours de six semaines (du 6 septembre au 16 octobre 1880), sous la direction de Clauson-Kaas lui-même ; 63 instituteurs y prirent part ; l'enseignement fut donné par quatre artisans (deux menuisiers, un relieur et un vannier), et par un instituteur danois pour la partie pédagogique. Le gouvernement d'Alsace-Lorraine avait envoyé à Emden un délégué qui fit un rapport favorable : Clauson-Kaas se rendit à Strasbourg, y donna une conférence le 28 octobre 1880, et recueillit de nouvelles adhésions. D'autre part, un conseiller municipal de Görlitz, M. de Schenckendorff, avait obtenu du gouvernement prussien que Clauson-Kaas vint en Silésie pour y visiter les districts qui souffraient, de la crise industrielle et y étudier les moyens d'introduire parmi les populations silésiennes le travail domestique ; à la suite de cette mission de Clauson-Kaas, un instituteur silésien fut envoyé en Danemark, et après son retour s'ouvrirent plusieurs écoles de travail, entre autres à Ober-Wal-denburg et à Görlitz.

Le ministère prussien de l'instruction publique chargea, en 1880, des délégués de parcourir le Danemark et la Suède pour y étudier l'organisation des écoles de travail manuel. Nous avons reproduit plus haut l'appréciation de ces délégués relativement aux écoles danoises ; quant à la Suède, voici le jugement qu'ils portèrent : « Les institutions suédoises pour l'enseignement du travail manuel sont appropriées aux conditions économiques générales du pays et visent essentiellement à préparer le jeune garçon, dans un atelier, soit à devenir un ouvrier de fabrique ou un artisan, soit à pouvoir se créer un gain accessoire au moyen d'un travail domestique, soit encore à être son propre menuisier, son propre serrurier, etc., et celui de ses voisins, dans les districts où les habitations sont éloignées de tout centre de population. L'enseignement manuel est quelquefois considéré en Suède à un point de vue plus général, comme un exercice utile de la main et de l'oeil, quelle que soit d'ailleurs la profession à laquelle l'enfant sera destiné plus tard. Quant à la question de savoir s'il convient de tirer parti, dans les écoles prussiennes, des expériences faites en Suède, elle ne paraît pas encore suffisamment étudiée. »

Le gouvernement prussien ne jugea pas à propos de s'engager davantage dans une voie qui lui semblait peu sûre, d'autant plus que le personnel enseignant se prononçait avec énergie contre une introduction du travail manuel à l'école primaire. Un congrès des instituteurs de l'Allemagne nord-occidentale, réuni à Brême en 1881, discuta la question en présence de Clauson-Kaas, venu de Copenhague pour défendre lui-même sa cause, et la résolution suivante y fut votée : « Le congrès s'abstient de tout jugement quant à la valeur et a l'utilité de l'enseignement manuel ; mais il déclare qu'il ne désire pas voir cet enseignement introduit à l'école, parce qu'une semblable mesure irait à l'encontre du but que l'école primaire doit se proposer d'atteindre ». Un autre congrès, celui de Cassel (juillet 1882), a résumé en ces termes les objections des instituteurs allemands contre l'enseignement manuel à l'école primaire :

« 1. Le congrès rend hommage aux efforts bien intentionnés qui ont pour but d'initier la jeunesse à l'activité pratique et de contribuer à son éducation morale au moyen d'écoles de travail manuel.

« 2. Il se croit néanmoins tenu de faire les réserves suivantes :

« a) L'institution d'écoles de travail manuel n'a pas chez nous la même importance que dans les pays du Nord où elle répond à des besoins spéciaux ;

« b) La préparation du personnel enseignant au moyen d'un cours normal de six semaines, ou même de plus longue durée, ne peut être considérée comme suffisante pour un enseignement efficace. D'autre part, des objections d'ordre pédagogique s'élèvent contre l'emploi de

maîtres qui seraient empruntés à une profession manuelle ;

« c) Nos écoles sont des écoles d'étude (Lernschulen), des ateliers de travail intellectuel ; si elles veulent répondre aux exigences de notre époque, il ne leur reste pas de temps à consacrer à de nouvelles branches d'enseignement. D'ailleurs, dans l'école actuelle, le principe du développement harmonique de l'élève, au moyen des exercices manuels en particulier, est déjà appliqué dans une large mesure ;

« d) Il y aurait de sérieux inconvénients à charger le programme scolaire d'un plus grand nombre d'heures de leçons, et à retenir les enfants éloignés du foyer domestique pendant un temps plus considérable.

« 3. Par les motifs ci-dessus énoncés, on ne saurait recommander l'union de l'école de travail manuel (Arbeitsschule) et de l'école d'étude (Lerrschule). En revanche, l'introduction de l'enseignement du travail manuel pourrait offrir des avantages dans les internats, où il est nécessaire d'occuper les élèves toute la journée, et dans les localités où les enfants ne peuvent être suffisamment surveillés par leurs parents. C'est à l'initiative privée qu'il appartient de s exercer dans ce domaine.

« 4. Le meilleur moyen pour développer l'habileté technique au profit de l'industrie allemande, c'est d'accroître le nombre des écoles professionnelles proprement dites (Fachschulen).

« 5. La création d'écoles de travail manuel nécessiterait des dépenses considérables. Il paraît opportun de commencer par doter convenablement l'école d'étude, et d'attendre qu'il ait été pourvu à ses besoins urgents avant de s'engager dans des dépenses d'un intérêt secondaire. »

Cependant le mouvement en faveur de l'enseignement du travail manuel continua. Une conférence réunit à Berlin, en juin 1881, un certain nombre de personnes s'interessant à cette question, entre autres MM. de Schenckendorff (Görlitz), le Dr Lammers (Brême), le Dr Böhmert (Dresde), Grünow, directeur du musée des arts industriels (Berlin), Biedermann (Leipzig). Les trois points suivants furent adoptés comme programme d'une campagne à entreprendre : « 1° Il est nécessaire que l'éducation des garçons soit complétée par l'enseignement du travail manuel ; 2° Le but que visera cet enseignement doit différer selon qu'il s'agit d'enfants habitant la ville ou la campagne, et selon les particularités du milieu local ; ce but doit être à la fois d'une nature éducative et d'une nature pratique ; 3° Le point le plus important pour le moment est la formation de bons maîtres ». Un comité central fut formé, et adopta pour son organe le journal Nordwest, de Brême, rédigé par le Dr Lammers. En 1882, une nouvelle réunion eut lieu à Leipzig, sous le nom de Congrès pour l'enseignement manuel et l'industrie domestique (Kongress für Handfertigkeitunterricht und Hausfleiss). Les actes de ce congrès ont été publiés par le Dr Götze, qui définit de la manière suivante l'atelier scolaire : « L'atelier scolaire sera le pendant de la salle de gymnastique. De même que la gymnastique développe le corps sans viser les besoins spéciaux d'une profession particulière, de même l'atelier scolaire donne aux enfants une éducation de l'oeil et de la main analogue à l'éducation générale que l'école primaire donne à ses élèves. Il serait à désirer qu'aucun enfant n'entrât dans la vie pratique sans avoir acquis au préalable une certaine habileté générale de la main. L'atelier scolaire ne se propose pas de former spécialement des ouvriers : il a mission de développer chez tous les enfants la dextérité manuelle et la justesse de l'oeil. »

Hollande. — La Hollande n'était pas restée étrangère au mouvement qui s'était produit en Allemagne sous l'impulsion de Clauson-Kaas. En 1876, M. Kerdyk fit connaître le système de l'éducateur danois dans plusieurs articles que publia le Bode, organe de la Société Volksonderwijs. Cette société envoya en 1879 M. Bouman, directeur de l'école normale d'Amsterdam, en Danemark et en Suède, afin d'y visiter les écoles de travail manuel ; à son retour, celui-ci publia le récit de son voyage sous ce titre : Het onderwijs in handenarbeid in Denmarken en Zweden. De son côté, la Société du Bien public (Maatschappij tot nut van't algemeen) envoya en 1880 M. Stam, instituteur d'Amsterdam, au cours normal fait à Emden par Clauson-Kaas. Un autre instituteur, M. Groeneveld, de Rotterdam, avait, dès 1876, organisé des exercices manuels pour ses élèves, et ouvert ensuite un cours normal à l'usage des instituteurs. Grâce aux efforts des associations mentionnées ci-dessus, 37 communes des Pays-Bas possédaient en 1882 un enseignement du travail manuel, auquel prenaient part plus de 1500 élèves ; les travaux généralement enseignés étaient : le cartonnage, le tressage, et le découpage du bois à la scie circulaire.

Belgique. — La Belgique introduisit, il y a bientôt trente ans, dans les écoles normales d'instituteurs des « travaux manuels à l'atelier » ; ces travaux manuels avaient lieu pendant la récréation, savoir : deux heures par semaine pour les élèves des deux premières an nées d'études, et une heure pour les autres (Programme du 18 juillet 1881). Le programme de l'école primaire, par contre, ne comportait pas d'enseignement de ce genre. Toutefois, le ministère belge de l'instruction publique suivait avec attention les expériences tentées à cet égard dans les pays étrangers ; c'est ainsi qu'il envoya en Allemagne M. Van Kelken, professeur de l'école normale de Bruxelles, avec mission d'y étudier la question de l'enseignement manuel. Le délégué belge assista au cours normal donné à Dresde par Clauson-Kaas, et son rapport, inséré dans le Bulletin du ministère belge de l'instruction publique, fut en général favorable. Toutefois, en concluant, il se demandait « si l'introduction immédiate et complète du travail manuel dans les écoles de Belgique serait opportune », et il répondait : « Mon opinion est que nous ferions mieux de suivre sous ce rapport l'exemple des pays voisins, où l'on propage cet enseignement autant que possible sans intervention directe de l'Etat, et de faire en sorte qu'il entre dans les moeurs sans heurter violemment les idées reçues. Il appartient surtout aux sociétés philanthropiques de prendre la chose en mains et de créer des ateliers où l'enfant pourrait s'exercer pendant quelques heures par semaine, afin que les tristes peines de l'apprentissage lui soient épargnées. C'est à la population de nos grandes villes surtout qu'incombe le devoir de prêcher d'exemple et d'introduire cet enseignement, ne fût-ce que dans quelques écoles, pour prouver, à ceux qui auraient des préventions, que ces travaux peuvent trouver place dans tous les établissements d'éducation. Ce serait en même temps le meilleur moyen de garder l'enfant à l'école le plus longtemps possible et de le placer en apprentissage le plus tard possible, deux choses éminemment propres à relever le niveau moral et intellectuel de nos masses populaires. »

En 1879, des ateliers d'apprentissage furent annexés à deux écoles communales de la ville de Bruxelles ; les élèves y apprirent les éléments des métiers sous la direction de professeurs de modelage, de tournage, de serrurerie et de menuiserie. Cet essai donna de bons résultats ; mais il s'agissait là d'apprentissage professionnel plutôt que d'une éducation générale de la main.

Autriche. — En Autriche, ce fut surtout à l'initiative du Dr Erasmus Schwab qu'on dut ce qui fut fait en faveur de l'enseignement du travail manuel. A l'Exposition universelle de Vienne, en 1873, on pouvait voir un modèle de maison d'école rurale, construite d'après les plans proposés par ce pédagogue, et contenant entre autres choses un atelier scolaire installé dans une partie de l'annexe réservée à la gymnastique. « Partant de cette idée que, si l'on exerce bien les jeunes filles à la couture, les garçons ont également besoin d'un petit apprentissage de travail manuel, le Dr Schwab demande que toute école primaire ait comme annexe un modeste atelier où les garçons passeront régulièrement quelques heures par semaine, l'hiver au moins. Les plus petits pourront faire quelques travaux analogues à ceux des jardins Froebel, d'autres s'essaieront à modeler, à reproduire en argile ou en plâtre quelques objets de forme simple, mais correcte et pure ; d'autres apprendront à faire quelques travaux de menuiserie facile, ils tourneront ou sculpteront sur bois. Un ou deux bancs de tourneur, une table basse, quelques établis de hauteur graduée et contenant les outils les plus usuels, c'est tout le matériel nécessaire. M. Schwab, dans sa brochure l'Atelier d'école, montre qu'avec une dépense de 150 à 200 francs on peut couvrir tous les frais d'une installation comme celle qui figurait à l'Exposition dans une partie du bâtiment de la gymnastique. » (Rapport sur l'instruction primaire à l'Exposition de Vienne.) — Le Dr Erasmus Schwab développa ses idées sur ce sujet dans une brochure publiée la même année sous ce titre : L'école de travail comme partie organique de Vérole primaire (Die Arbeitschule als organischer Beslandtheil der Volksschule). Un certain nombre d'amis de l'éducation populaire donnèrent leur adhésion à ce programme, et des ateliers furent annexés à quelques écoles de Vienne ; mais la cause du travail manuel ne réalisa pas de grands progrès en Autriche.

Hongrie. — La Hongrie possédait depuis assez longtemps un certain nombre d'écoles de travail fondées par des associations. On essaya

en outre d'annexer à quelques écoles bourgeoises des ateliers de travail manuel, et en 1882 le ministre de l'instruction publique, M. Tréfort, annonça l'intention de généraliser cette mesure ; les élèves des quatrième, cinquième et sixième classes devaient apprendre dans ces ateliers, en dehors des heures de leçons, le métier auquel ils se destinaient, de façon à pouvoir entrer d'emblée comme ouvriers dans l'atelier d'un patron à leur sortie de l'école. L'atelier d'apprentissage ne devait comprendre, pour chaque école, qu'une seule espèce d'industrie, choisie d'après les convenances de la localité ; ces industries seraient limitées aux diverses branches du travail du bois et des métaux, de la céramique et des industries locales. Comme on le voit, ces ateliers, de même que ceux des écoles de Bruxelles, avaient pour objet l'apprentissage direct d'un métier, et différaient par conséquent de l'atelier scolaire, dont la mission est pédagogique et non professionnelle.

Russie. — On retrouve le même caractère dans les « classes d'enseignement professionnel » qui furent annexées en Russie à un certain nombre d'écoles rurales du ministère de l'instruction publique.

Suisse. — En Suisse, la question fut discutée dans la presse pédagogique, mais sans qu'il ait été fait, dans cette première période, aucun essai de réalisation pratique. Les instituteurs de la Suisse allemande se montraient en général aussi peu disposés que leurs collègues d'Allemagne à accepter l'introduction du travail manuel à l'école ; M. Wettstein, directeur de l'école normale de Kussnach, se prononça résolument pour la négative. Dans la Suisse française, les opinions semblaient partagées. Le directeur de l'instruction publique du canton de Neuchâtel émit le voeu de voir l'école « préparer l'enfant à l'apprentissage », afin qu'il lui fût possible de garder l'élève plus longtemps : « Si dans notre pays d'horlogers, dit-il, on s'était, dans nos classes, préoccupé de leur former la main, de leur apprendre à manier la lime et le burin, les pères de famille ne chercheraient pas à retirer de l'école leurs enfants avant que ceux-ci en eussent profité largement » (Lettre du 6 septembre 1883). D'autre part, le IXe Congrès des instituteurs des cantons romands (1884) inscrivit à son ordre du jour la question suivante : « Quelle est la mission de l'école primaire en vue de mieux préparer l'élève à sa profession future? Est-il, en particulier, possible d'introduire les travaux manuels dans les programmes? En cas d'affirmative, quel doit être le plan de ce nouvel enseignement, et par qui sera-t-il donné? »

Angleterre. — En Angleterre aussi, on commença à se préoccuper d'une réforme de ce genre. Le Congrès des sciences sociales, réuni à Nottingham en septembre 1883, examina « comment l'enseignement technique pourrait être associé avec les écoles primaires, les écoles intermédiaires et les collèges », et entendit sur ce sujet deux rapports intéressants. L'un des rapporteurs, le professeur Silvanus Thompson, se prononça en faveur de l'enseignement du dessin industriel, du modelage, et du travail du bois et des métaux à l'école primaire : ces branches, selon lui, devraient faire partie du programme officiel de l'école. Le second rapporteur, M. Cropper, arriva à des conclusions analogues en ce qui concernait les écoles intermédiaires et les collèges. Deux représentants de l'Association nationale des instituteurs combattirent l'opinion de M. Thompson, en déclarant qu'il était impossible de rien ajouter au programme des écoles primaires, déjà trop chargé. La discussion ne fut pas suivie d'un vote.

Etats-Unis. — Enfin, aux Etats-Unis, l'initiative privée tenta, au sujet de la combinaison du travail manuel avec les études, tant élémentaires que supérieures, quelques expériences qui furent couronnées de succès. Un philanthrope connu, Ezra Cornell, fondateur de l'Université d'lthaca (New York), ouverte en 1868, voulut que cet établissement possédât des ateliers de divers métiers, où ceux des étudiants qui le désireraient pussent consacrer chaque jour un certain nombre d'heures au travail manuel, et gagner ainsi tout ou partie du prix de leur entretien. On peut citer également l'école établie par Rich à Troy (New Hampshire) vers 1830, et celle qu'a ouverte, en 1859, 0. W. Wellington à Jamestown (New York). Il se constitua à Boston un « Comité central pour l'enseignement manuel », qui envoya en 1882 un délégué en Europe avec la mission d'étudier les diverses organisations existantes. Le Congrès des instituteurs allemands des Etats-Unis, réuni à Buffalo en juillet 1882, émit un voeu en faveur de l'introduction du travail manuel à l'école primaire.

Le travail manuel en France. — Il nous reste à. parler de ce qui a été fait en France jusqu'en 1882.

La première en date, croyons-nous, parmi les tentatives faites pour organiser l'enseignement du travail manuel à l'école est celle qui fut inaugurée en 1832 par César Fichet, dans une école de la rue Basse-du-Rempart, à Paris. Les efforts de cet intelligent éducateur furent signalés par Jomard dans un rapport adressé en 1842 à la Société pour l'instruction élémentaire. Voici comment s'exprimait l'éminent rapporteur : « L'école industrielle de M. Fichet, encore bien peu connue, a déjà donné de bons résultats depuis dix ans qu'elle existe. Le jour, l'école reçoit 60 à 70 enfants ; le soir, 20 à 25 adultes ; les premiers sont admis vers l'âge de douze à quinze ans, les autres vers l'âge de quinze à vingt ans. Le local est divisé en quatre parties : les deux premières sont les salles de modèles, et la plus grande des deux reçoit les enfants qui ont encore besoin de perfectionner l'enseignement élémentaire. Dans la troisième salle, les professeurs font leurs différents cours, qui roulent, suivant les trois années d'études : 1° sur l'arithmétique et la géographie élémentaire et les applications simples, le lever, des plans ; 2° sur l'algèbre, la trigonométrie, les éléments de physique, de chimie et de mécanique ; 3° sur la géométrie descriptive, l'hydrostatique, la minéralogie, la géologie, la perspective, l'architecture et la composition des machines. La quatrième salle est l'atelier proprement dit. Les enfants s'y livrent, suivant leur degré d'avancement, à toutes sortes de travaux tels que le modelage en terre et en cire, le moulage en plâtre, l'ornementation en plâtre ou en pierre tendre d'après un dessin donné et ombré ; le travail du tour appliqué au bois, au plâtre et au métal ; la coupe des pierres d'après les épures de stéréotomie, etc. Les élèves les plus forts exécutent des modèles de machines. On voit que l'école industrielle de M. César Fichet est une sorte d'intermédiaire entre les écoles d'enseignement mutuel, d'une part, et les écoles d'arts et métiers, l'Ecole des beaux-arts, l'Ecole des arts et manufactures, de l'autre ; elle remplit, en partie, une lacune qu'on déplore depuis longtemps, et, jusqu'à un certain point, elle répond au voeu qu'on a formé de voir des classes pratiques annexées aux écoles primaires des villes. L'éducation industrielle variée qu'on y donne permet de discerner l'aptitude spéciale des enfants ; enfin, par la succession et par la durée des exercices théoriques et pratiques, elle donne l'heureuse habitude d'un travail soutenu, sans aller jusqu'à la fatigue. En un mot, c'est une sorte d'apprentissage perfectionné, mais qui ne dispense pas de l'apprentissage ordinaire. »

En 1848, Fichet fonda à Ménars-le-Château, sous le nom d'Athénée, un autre établissement où l'enseignement, à la fois théorique et pratique, était donné d'après ce même programme.

Beaucoup d'autres institutions, diverses quant à leur principe d'organisation, mais ayant toutes ce caractère commun d'associer l'apprentissage d'un métier manuel aux études qui constituent l'instruction primaire élémentaire ou supérieure, furent créées soit par des particuliers, soit par des associations ou des municipalités. Dans son Mémoire sur les écoles d'apprentis (1871), Gréard les ramenait toutes à l'un des quatre systèmes ci-après : 1° l'école primaire dans l'atelier, système appliqué dans les grands établissements industriels du Creuzot, de la Ciotat et de Creil, où les apprentis, tout en se formant dans l'usine à la pratique du métier, sont astreints à suivre des cours spéciaux, ouverts dans un local dépendant des ateliers : 2° l'atelier dans l'école primaire, régime adopté dans l'ancien internat de la rue Neuve-Saint-Etienne-du-Mont, et dans l'internat de Saint-Nicolas, appartenant aux frères des Ecoles chrétiennes : les enfants, une fois la période des études primaires terminée, étaient répartis en dix ateliers différents ; tous les matins, pendant deux heures, ces élèves-apprentis recevaient un enseignement général commun, trois jours de la semaine, et l'enseignement du dessin les autres jours ; le reste de la journée était attribué au travail manuel ; 3° l'école primaire et l'atelier juxtaposés : ce système fut réalisé à Nantes ; les enfants, âgés d'au moins douze ans, recevaient de huit à neuf heures et demie du matin et de cinq à six heures du soir un enseignement général théorique ; de dix à cinq heures, ils travaillaient chez des patrons ; 4° enfin, l'école d'apprentis proprement dite, système appliqué au Havre dans l'établissement créé en 1867 : les enfants, qui y étaient reçus après leur première communion, donnaient chaque jour six heures au travail manuel, quatre heures à la révision et au développement des matières de l'instruction primaire ; l'école formait des menuisiers, des découpeurs et des tourneurs sur bois, d'une part ; d'autre part, des forgerons-serruriers, des tourneurs en fer et des ajusteurs-mécaniciens. (Cet établissement est devenu de nos jours une école

pratique de commerce et d'industrie.)

C'étaient là autant d'efforts pour remédier aux abus signalés dans les apprentissages industriels ordinaires, et pour faciliter aux futurs ouvriers l'acquisition de connaissances techniques sérieuses ; mais nulle part, avant 1882, on ne rencontre cette idée, que nous avons essayé de formuler et de justifier dans la première partie de cet article, du travail manuel considéré comme agent éducatif, abstraction faite de toute préoccupation utilitaire, de toute application directe à une profession spéciale.

Un autre caractère de toutes ces institutions, c'est qu'elles préparent à l'exercice de certains métiers définis, sans chercher à donner un enseignement manuel d'un caractère général et, si l'on peut ainsi parler, synthétique. Mais est-il, en effet, possible de ramener l'extrême diversité apparente des opérations industrielles à un petit nombre de procédés de travail et de principes élémentaires, qui puissent faire l'objet d'un enseignement collectif, et dont la connaissance une fois acquise mettrait tous ceux qui la posséderaient en état de se vouer avec succès à la pratique d'un métier quelconque? Cette question, dont on aperçoit toute la portée, fut traitée avec une remarquable hauteur de vues par les rédacteurs de la Revue de l'enseignement professionnel, organe fondé en 1863 par MM. Guémied, Gaumont, etc. ; M. Guémied se prononça pour l'affirmative : « De même que dans le monde physique, disait-il, un petit nombre de lois expliquent une infinité de phénomènes, de même que dans le règne animal l'immense variété des espèces se ramène à quelques types fondamentaux, de même l'homme, avec des matériaux peu nombreux et à l'aide d'instruments toujours les mêmes, produit des oeuvres d'une variété illimitée. Le travail industriel peut être rapporté à quelques opérations fondamentales, telles que dresser ou aplanir, ajuster, tourner, etc. Les matériaux divers sur lesquels on opère se classent à leur tour par grandes catégories, supposant des procédés de travail analogues. Les principaux types d'outils se rapportent à ces propriétés diverses des matériaux, et on peut les ranger de même en un petit nombre de groupes. » S'il en est ainsi, il est permis de conclure à la possibilité d'un enseignement manuel d'un caractère général, donnant à tous les élèves des connaissances théoriques et une habileté pratique qui n'exige plus ensuite, pour s'appliquer à tel métier particulier, qu'un court apprentissage spécial.

Tel était l'état de la question, lorsqu'on 1872 le Conseil municipal de Paris, à la suite du remarquable Mémoire de Gréard mentionné plus haut, vota la création de l'école d'apprentissage de la Villette, qui s'ouvrit en janvier 1873. Presque en même temps, sur l'initiative de MM. Salicis et Léveillé, l'école primaire de la rue Tournefort, dans le Ve arrondissement, était dotée d'un atelier, et l'expérience de l'apprentissage scolaire y était tentée avec succès.

Nous arrivons à la loi du 28 mars 1882, et aux mesures qui ont été prises pour en assurer l'exécution en ce qui concerne l'enseignement du travail manuel à titre de matière obligatoire du programme de l'école primaire publique.

La proposition de loi présentée en 1877 par Barodet à la Chambre des députés distinguait les connaissances composant l'instruction primaire en deux parties : la partie obligatoire, enseignée dans les écoles primaires élémentaires, et la partie facultative, enseignée dans les écoles primaires supérieures. Le programme de la partie obligatoire comprenait « des instructions familières sur. l'agriculture, l'horticulture, le commerce et l'industrie, appliquées aux besoins des localités ; des visites dans les usines, fabriques et chantiers, avec explications sur place ». Le programme de la partie facultative parlait aussi de « visites dans les usines, fabriques et chantiers, avec explications sur place », et y ajoutait : « Le dessin et, quand cela se pourra, le moulage, la gravure ; les travaux manuels de la menuiserie, du tour, de la forge, de la serrurerie, des industries locales, et, plus spécialement, l'apprentissage d'un de ces métiers, pour les garçons ; l'économie domestique, la peinture sur émail et sur porcelaine, pour les filles ».

Le projet de loi sorti des délibérations de la commission nommée pour examiner la proposition Barodet, projet présenté à la Chambre le 6 décembre 1879 par Paul Bert, rapporteur de la commission, supprimait la division en matières obligatoires et en matières facultatives. Toutes les matières du programme devenaient obligatoires, et la commission y faisait figurer (art. 3) « les travaux manuels et l'usage des outils des principaux métiers ». Cette rédaction est déjà celle qui devint plus tard le texte de la loi.

Le rapport expliquait dans les termes suivants cette disposition du projet :

« Il ne faudrait pas qu'on se méprît sur le fond de notre pensée. Nous ne demandons pas que l'école primaire devienne une école professionnelle ; nous croyons qu'on n'en doit sortir ni serrurier, ni vigneron. C'est l'affaire des écoles ou des ateliers d'apprentissage, qui doivent former des artisans, tandis que l'école, accomplissant une oeuvre bien plus générale, forme des hommes et des citoyens. Mais nous croyons que l'enseignement scientifique ne doit pas rester dans le domaine de la théorie pure, que les applications pratiques aux diverses industries doivent y tenir une grande place. Or, il nous a semblé nécessaire, pour que cet enseignement pratique porte tous ses fruits, que l'enfant apprenne à manier lui-même les principaux outils à l'aide desquels l'homme s'est rendu maître des matériaux que lui fournissent la nature et les industries fondamentales : le bois, les métaux, le cuir, etc. Nous avons vu, dans cette innovation, un triple avantage : avantage physique, car en apprenant à se servir du rabot, de la scie, du marteau, du tour, etc., l'enfant complétera son éducation gymnastique et acquerra une adresse manuelle qui lui sera toujours utile, quoi qu'il fasse plus tard, et le tiendra prêt, d'ores et déjà, pour tous les apprentissages ; avantage intellectuel, car les mille petites difficultés qu'il rencontrera l'habitueront à l'observation et à la réflexion ; avantage social, peut-on dire, car, après avoir apprécié, par sa propre expérience, les qualités nécessaires pour réussir dans les exercices professionnels et devenir un habile ouvrier, il n'y a nulle crainte que, si la fortune le favorise, à quelque position élevée qu'il puisse arriver par la suite, ' il dédaigne ceux de ses camarades qui travaillent toujours de leurs mains. »

Revenant ensuite sur la distinction entre l'enseignement professionnel proprement dit et l'enseignement manuel que doit donner l'école primaire, le rapport ajoute :

« L'enseignement professionnel, nous l'avons réservé pour les écoles primaires supérieures, mais en ne le rendant obligatoire que pour les écoles publiques, à la' prospérité desquelles il nous semble indispensable. L'organisation n'en saurait présenter, le plus souvent, des difficultés sérieuses. Il ne s'agit pas d'installer dans l'école même de coûteux ateliers ; quelques industriels, choisis par l'autorité universitaire dans la localité, recevront les élèves à des heures déterminées, et leur enseigneront leur métier, moyennant rémunération et sous condition de surveillance ; il y aura là une sorte de contrat d'apprentissage dans des conditions spéciales. »

La Chambre, comme on le sait, avait écarté le projet de la commission, qui ne voulait qu'une loi unique réglant toutes les questions relatives à l'instruction primaire ; elle s'était ralliée au mode de procéder proposé par Jules Ferry, et consistant à prendre les questions une à une et à les résoudre successivement par des lois spéciales. Cependant, quand le ministre, en 1880, présenta son projet de loi sur l'obligation, la commission de la Chambre y introduisit d'abord une disposition établissant la laïcité, puis, à la suite d'un amendement de Maze, plaça en tête de la loi, comme article 1er, l'énumération des matières obligatoires de l'enseignement primaire, empruntée à l'article 3 du projet Paul Bert. Cette énumération, nous venons de le dire, comprenait le travail manuel. La Chambre vota le texte que lui proposait sa commission. Mais la commission du Sénat modifia l'article 1er adopté par la Chambre, et y substitua une énumération moins compréhensive, d'où avaient disparu la littérature, la géographie, les notions de droit et d'économie politique, le dessin, la musique, et enfin les travaux manuels et l'usage des outils des principaux métiers. «C'est avec regret, disait la commission sénatoriale, que nous avons retranché ou modifié certains sujets d'étude ; mais nous avons pensé que, dans la fixation des connaissances indispensables, une loi d'obligation devait incliner vers le minimum. » Le Sénat partagea l'avis de sa commission, et vota le programme restreint qu'elle lui proposait, en y ajoutant « les devoirs envers Dieu et envers la patrie ». La Chambre tint bon ; elle rétablit le texte de l'article 1er tel qu'il était sorti de ses délibérations, et, en mars 1882, le Sénat, revenant sur son premier vote, donna son adhésion au texte que lui renvoyait la Chambre.

La loi votée, il fallait arrêter les programmes détaillés de chaque branche d'enseignement. Les arrêtés ministériels des 27 et 28 juillet 1882 y pourvurent. Nous reproduisons ci-dessous, d'après ces deux arrêtés, le texte du programme des exercices et travaux manuels, tant

pour les écoles maternelles que pour les écoles primaires élémentaires :

« ÉCOLES MATERNELLES

« Section des petits enfants (enfants de deux à cinq ans). — Jeux. — Petits exercices de pliage, de tissage, de tressage.

« Section des enfants de cinq à sept ans ou classe enfantine. — Pliage, tissage, tressage, combinaisons en laines de couleurs sur le canevas ou le papier ; petits ouvrages de tricot.

« ÉCOLES PRIMAIRES ÉLÉMENTAIRES

« L'éducation physique a un double but :

« D'une part, fortifier le corps, affermir le tempérament de l'enfant, le placer dans les conditions hygiéniques les plus favorables à son développement physique en général.

« D'autre part, lui donner de bonne heure ces qualités d'adresse et d'agilité, cette dextérité de la main, cette promptitude et cette sûreté de mouvements qui, précieuses pour tous, sont plus particulièrement nécessaires aux élèves des écoles primaires, destinés pour la plupart à des professions manuelles.

« Sans perdre son caractère essentiel d'établissement d'éducation, et sans se changer en atelier, l'école primaire peut et doit faire aux exercices du corps une part suffisante pour préparer et prédisposer, en quelque sorte, les garçons aux futurs travaux de l'ouvrier et du soldat, les filles aux soins du ménage et aux ouvrages de femme.

« 1° Garçons.

« Cours élémentaire. — Exercices manuels destinés à former la dextérité de la main. — Découpage de carton-carte en formes de solides géométriques. — Vannerie : assemblage de brins de couleurs diverses. — Modelage : reproduction de solides géométriques et d'objets très simples.

« Cours moyen. — Construction d'objets de cartonnage revêtus de dessins coloriés et de papier de couleur. — Petits travaux en fil de fer ; treillage. — Combinaisons de fil de fer et de bois : cages. — Modelage : ornements simples d'architecture. — Notions sur les outils les plus usuels.

« Cours supérieur. — Exercices combinés de dessin et de modelage : croquis cotés d'objets à exécuter et construction de ces objets d'après le croquis, ou vice versa. — Etude des principaux outils employés au travail du bois. — Exercices pratiques gradués. Rabotage, sciage des bois, assemblages simples. Boîtes clouées ou assemblées sans pointes. Tour à bois, tournage d'objets très simples. — Etude des principaux outils employés dans le travail du fer, exercices de lime, ébarbage ou finissage d'objets bruts de forge ou venus de fonte.

« 2° Filles.

« Cours élémentaire. — Tricot et étude du point ; mailles à l'endroit, à l'envers, côtes, augmentation, diminution. — Point de marque sur canevas. — Eléments de couture : ourlets et surjets. — Exercices manuels destinés à développer la dextérité de la main, découpage et application de pièces de papier de couleur. — Petits essais de modelage.

« Cours moyen. —Tricot et remmaillage. — Marque sur canevas. — Eléments de la couture : point devant, point de côté, point arrière, point de surjet. Couture simple, ourlet, couture double, surjets sur lisières, sur plis rentrés. — Confection d'ouvrages de couture simples et faciles (essuie-mains, serviettes, mouchoirs, tabliers, chemises), rapiéçage.

« Cours supérieur. — Tricot de jupons, gilets, gants. — Marque sur la toile. — Piqûre, froncés, boutonnières, raccommodage des vêtements, reprises. — Notions de coupe et confection des vêtements les plus faciles. — Notions très simples d'économie domestique et application à la cuisine, au blanchissage et à l'entretien du linge, à la toilette, aux soins du ménage, du jardin, de la basse-cour. Exercices pratiques à l'école et à domicile. » [J. GUILLAUME.]

2° De 1882 à 1900.

En France, pour appliquer les programmes de 1882, un personnel préparé à sa nouvelle tâche était indispensable ; or, à cet égard, les écoles normales, qui pouvaient seules initier les instituteurs, se trouvaient prises au dépourvu.

Avant la fin de l'année 1882, le ministère de l'instruction publique chargea Salicis, à son retour d'une mission dans les pays du Nord où il avait étudié l'installation du travail manuel scolaire, d'organiser à Paris des cours normaux pour le nouvel enseignement. Ces cours, ouverts le 2 décembre 1882, dans le bâtiment de l'ancienne école Pape-Carpantier, rue Louis Thuillier, furent transformés, le 1er janvier 1884, en une Ecole normale spéciale de travail manuel ; mais par décret du 4 septembre de la même année, l'école nouvellement constituée, et qui avait prépare déjà 72 maîtres, fut réunie à celle de Saint-Cloud.

Les partisans de l'enseignement manuel regrettèrent cette dernière mesure. Sans admettre comme indispensable l'établissement, à titre définitif, d'une école spéciale de travail manuel, ils avaient estimé que cinq ou six ans de fonctionnement d'une installation achevée, et reconnue au moins utile, auraient permis de préparer, pour les écoles normales et les écoles primaires supérieures, des maîtres capables de donner une première et vigoureuse impulsion à un genre d'éducation qui paraissait en faveur et qu'on proclamait nécessaire.

L'enseignement de l'école disparue fut partiellement transporté à Saint-Cloud, où on le subit plutôt qu'on ne l'accepta : il ne constituait guère qu'un accessoire dans une organisation beaucoup plus compréhensive, et on le traita en conséquence.

Heureusement pour l'enseignement manuel, son organisateur en France ne l'abandonna point, et, en moins de trois années, Salicis put faire installer, dans la plupart des écoles normales d'instituteurs, des ateliers pour le travail du bois et du fer, pour le cartonnage, la stéréotomie et le modelage, enfin un laboratoire pour les manipulations élémentaires.

Le programme arrêté alors pour les exercices pratiques dans les écoles normales d'instituteurs n'a pas été sensiblement modifié depuis ; le voici, tel qu'il ligure, après quelques retouches successives, dans la réglementation du 4 août 1905 :

« 1re ET 2me ANNEES (quatre heures par semaine). — Travaux en papier et en carton. — Tissages, pliages, découpages et cartonnages rattachés à l'enseignement du dessin, des formes géométriques et du calcul. Brochage et cartonnage d'un volume.

« Travail du bois. — Exercices simples au moyen des outils suivants : 1° scie ordinaire, plane, râpe, lime et rabot ; 2° scies et ciseaux divers, affûtages. Application à la confection d'objets utiles. Assemblages simples. Applications.

« Travail du fer. — Courbures de fil de fer suivant des formes géométriques ; applications, ornements, objets usuels. Exercices de lime, burin, bédane, foret. Applications.

« Manipulations. — Montages d'appareils simples, travail du verre et des bouchons. Expériences élémentaires sur les corps suivants : oxygène, air, hydrogène, eau, charbon, gaz carbonique, gaz d'éclairage, carbonate et phosphate de chaux, sels employés comme engrais. Expériences simples de physique élémentaire ; pression des liquides, de l'atmosphère ; force élastique des gaz ; emploi du thermomètre ; dilatation et changements d'état des corps ; vapeurs ; conductibilité pour la chaleur ; lois du pendule ; actions réciproques des pôles magnétiques, spectre magnétique, aimant brisé ; électrisation par frottement ; attractions, répulsions, étincelle: montage d'une pile ; électrolyse de l'eau ; confection d'un électro-aimant.

« 3e ANNEE (six heures par semaine). — Travail du bois. — Corroyage (suite). Assemblages les plus importants. Application à la confection de quelques outils et objets usuels. Boîte d'expériences. Tour à bois. Moulures principales ; application à un objet usuel.

« Travail du fer. — Applications utiles. Forge : étirer, appointir, aplatir ; courber sur plat, sur champ, souder et braser.

« Coupe de plâtre. — Principaux solides géométriques. — Epures simples de stéréotomie élémentaire.

« Modelage. — Leçon préparatoire sur les matières employées en modelage, moulage et stéréotomie. Préparation des fonds d'argile. —

Copies de formes simples empruntées à la nature (feuilles, fleurs, ornements, etc.) d'après des modèles en relief, des croquis relevés par les élèves, ou des dessins. Modelages d'après des dessins exécutés au tableau. Quelques exercices de moulage. Modelages de formes naturelles traduites en applications décoratives. Moulages à la gélatine d'objets pouvant être reproduits à un certain nombre d'exemplaires et destinés à la collection emportée par chaque élève-maître. »

Une « Instruction spéciale » très détaillée, formant le fascicule n0 8 (97 pages) des Mémoires et Documents scolaires du Musée pédagogique, et destinée à guider les maîtres, parut en 1885 ; elle fut commentée en de nombreuses conférences faites, dans tous les départements, par Salicis lui-même ou par ses adjoints. Cette Instruction prévoyait déjà les travaux manuels agricoles répartis, selon les saisons, dans l'ensemble des exercices pratiques, travaux dont les nouveaux règlements de 1905 ont reproduit le programme dans les termes suivants :

« TRAVAUX AGRICOLES. — Cultures maraîchères, préparation du sol, préparation et dosage des engrais, semis, binages, sarclages, etc. Semis en pépinière, greffages divers, taille et conduite des arbres fruitiers. Cultures florales : semis, bouturages, écussonnages, etc. ; disposition des corbeilles, des plates-bandes, etc. Soins au jardin botanique : arboretum, massifs, corbeilles, gazons ; graminées et légumineuses fourragères. Etablissement du jardin scolaire modèle : cultures démonstratives en pots, en caisses, en carrés. Apiculture et sériciculture, s'il y a lieu. Observations au champ de démonstration, excursions diverses suivies de comptes-rendus.»

Un Certificat d'aptitude à l'enseignement du travail manuel dans les écoles normales et les écoles primaires supérieures avait été créé en 1883 ; grâce à ce nouveau diplôme, et aux avantages matériels attachés à sa possession, le recrutement du personnel fut à peu près assuré : aux maîtres sortis de l'école normale éphémère de la rue Louis Thuillier s'ajoutèrent, chaque année, quelques dizaines de nouveaux diplômés, les uns sortis de Saint-Cloud, les autres venus des écoles normales où ils avaient reçu une première initiation. Le programme de l'examen, tel qu'il fut alors déterminé, a été donné à l'article Certificat d'aptitude à l'enseignement du travail manuel.

Une nouvelle réglementation (applicable à partir de 1910), qu'on trouvera plus loin, a profondément modifié cet examen (arrêté du 26 juillet 1909).

L'application des programmes de travail manuel de 1882 se généralisa en France, en quelques années, dans toutes les écoles normales et dans toutes les écoles primaires supérieures pourvues d'un atelier. Pour les écoles élémentaires, la tâche était beaucoup plus difficile ; dans quelques grandes villes, des essais encourageants furent tentés, notamment à Paris, où l'on pouvait s'appuyer sur un exemple probant : celui déjà cité de l'école communale de la rue Tournefort, dénommée, depuis 1890, Ecole Salicis. Une commission fut chargée, par le Conseil municipal de Paris, d'élaborer un programme applicable à toutes les écoles publiques parisiennes ; elle réunit de nombreux spécimens de travaux manuels scolaires, puis elle procéda à une élimination d'abord, à un classement ensuite. Les raisons qui avaient motivé le choix de la commission ont été ainsi exposées par le rapporteur :

« Le programme que nous proposons résume tous les essais concluants réalisés, en ces dernières années, dans un grand nombre d'écoles françaises pour l'application rationnelle de l'enseignement manuel élémentaire. On en pourrait rédiger plusieurs assez différents et répondant chacun aux prescriptions réglementaires ; mais, parmi les exercices possibles, un choix s'impose puisque le temps dont on dispose permet seulement d'en exécuter quelques-uns. Ce choix doit être subordonné aux exigences et aux nécessités scolaires.

« La commission pense que tout exercice manuel destiné à l'école doit avant tout satisfaire aux conditions suivantes : exercer l'oeil et la main de l'enfant en même temps que son attention, son intelligence, son goût et son adresse ; il faut en outre qu'il soit peu coûteux, en rapport avec les, forces physiques de l'enfant et l'installation matérielle de l'école. Cela ne suffit pas. Des travaux manuels indépendants des exercices scolaires ordinaires, qui constitueraient une branche nouvelle d'enseignement simplement juxtaposée aux autres, seraient difficilement acceptés par la grande majorité des maîtres ; ceux-ci craindraient, non sans quelque raison, qu'un préjudice fût porté aux parties fondamentales de leur enseignement par l'introduction d'une matière nouvelle dont l'importance et les qualités pédagogiques ne leur sont pas encore démontrées.

« Le travail manuel scolaire doit donc contribuer à l'éducation physique, c'est son principal rôle ; mais il faut aussi qu'il prête son concours à l'éducation intellectuelle en apportant à la partie scientifique (dessin, formes géométriques, calcul) le concret qui lui fait si souvent défaut dans l’enseignement ordinaire. En remplissant cette dernière condition, les travaux manuels ne pourront être accusés de surcharger les programmes.

« Pour bien faire ressortir la valeur du concours que peut apporter l'enseignement manuel à l'enseignement scientifique, la commission parisienne a établi d'abord, en tête des programmes qu'elle propose, un parallèle entre les travaux manuels du programme officiel de 1882 et 1887, et l'enseignement scientifique correspondant. Elle a ensuite recherché les exercices qui peuvent servir d'application aux diverses notions scientifiques (partie mathématique) inscrites au chapitre de l'éducation intellectuelle ; parmi ces exercices, dont elle possédait de nombreux spécimens exécutés par des écoliers, elle a choisi surtout ceux qui se rattachent intimement au dessin, qui obligent l'élève à analyser une forme géométrique, et qui peuvent être l'objet d'une mesure, d'un calcul, d une évaluation de surface ou de volume. Dans son choix, la commission a eu encore une autre préoccupation : elle n'a admis que les exercices pouvant aboutir, entre les mains d'un enfant, à un travail bien fait. Aussi quelques points du programme officiel sont-ils réduits ou peu développés, ou même supprimés (cages).

« L'enseignement manuel au degré primaire est éducatif avant tout ; il ne saurait donc prétendre, même de loin, à préparer de futurs ouvriers pour le bois ou pour le fer ; le pourrait-il, qu'il ne s'adresserait, en tout cas, qu'au petit nombre. Ces vérités ne sont pas encore admises par tout le monde, et nombre de bons esprits sont convaincus que tout enseignement manuel doit débuter à l'atelier, attendu qu'on ne saurait mettre trop tôt les outils du métier entre les mains du futur ouvrier. C'est là une erreur unanimement reconnue par la commission parisienne ; d'abord, si l'outillage n'est pas en rapport avec les forces physiques de l'enfant, on s'expose à faire contracter de mauvaises habitudes au petit ouvrier et, dans bien des cas, à altérer un organisme en voie de formation. D'autres raisons condamnent le début par l'atelier et militent, même au point de vue professionnel, en faveur des exercices éducatifs. Voici l'une d'elles.

« Dans les ateliers, on admet qu'un travail bien tracé est à moitié fait : on devra donc s'occuper d'abord de la rigueur du tracé. Or, l'expérience démontre que les enfants capables de tracer exactement leurs petits travaux de découpage, cartonnage, etc., passent sans difficulté aux tracés sur bois, fer, etc., et que leur progrès est beaucoup plus sensible que celui de leurs camarades étrangers à tout travail manuel avant l'entrée à l'atelier ; la conséquence logique est qu'il faudra toujours commencer, au cours moyen, par les travaux manuels sans atelier. Du reste, les programmes officiels sont formels à cet égard : les travaux du fer et du bois commencent seulement au cours supérieur. »

On trouvera plus loin le programme parisien de travail manuel scolaire établi en conformité des principes précédents ; son application complète a été exposée par les inspecteurs spéciaux, MM. Jully et Rocheron, dans d'intéressants petits volumes et albums édités à la librairie Belin.

Pendant que l'enseignement manuel se répandait en France, il se développait également dans divers pays étrangers, notamment dans ceux précédemment cités. Les progrès réalisés de ce côté furent nettement mis en évidence par les sections scolaires de l'Exposition universelle internationale de 1889, à Paris. La comparaison des travaux exposés permettait tout d'abord de ramener à deux systèmes les méthodes suivies : celle des objets usuels, dite économique ; celle des éléments techniques, dite pédagogique. Une notice officielle de la section belge le constatait dans les termes suivants :

« Abstraction faite des détails d'une importance secondaire, toutes les formes théoriques et pratiques qu'a revêtues la question de l'enseignement primaire des travaux manuels peuvent se ramener à deux systèmes généraux : le système économique et le système

pédagogique.

« Les uns, se plaçant au point de vue purement économique, pensent que l'école primaire doit tendre essentiellement à solliciter la révélation des aptitudes, à les développer, et à préparer les enfants aussi complètement que possible aux divers métiers, de manière à leur assurer, à la sortie de l'école ou peu de temps après, des moyens matériels d'existence. Ils croient qu'on augmenterait ainsi, dans une large mesure, les forces génératrices des richesses sociales.

« Les partisans du système pédagogique considèrent le travail manuel comme un moyen éducatif propre à donner à la main une adresse, une aptitude générale applicable dans les diverses circonstances de la vie pratique ; propre également à exciter le goût pour le travail, à exercer énergiquement les facultés d'attention, de perception et d'intuition.

« Le contraste entre ces deux tendances est complet. Pour l'une, le but de l'enseignement primaire est la préparation aux professions ; pour l'autre, il est plus élevé et plus général : l'école doit former l'homme complet, développer intégralement et harmoniquement toutes les facultés de l'enfant, sans viser à le préparer à une profession spéciale. La première transforme l'école primaire en école d'apprentissage et annexe l'école à l'atelier ; l'autre lui conserve son caractère essentiellement pédagogique en y organisant le travail manuel d'après les principes généraux qui pénètrent tout l'enseignement primaire. » (Sluys.)

A l'Exposition de 1889, la méthode économique était largement représentée dans les sections suédoise, finlandaise, danoise et belge ; la méthode pédagogique s'épanouissait dans les envois des écoles normales françaises d'instituteurs. La préférence du public intéressé et compétent était marquée pour les exercices des écoles primaires supérieures, qui avaient adopté un moyen terme en unissant les deux méthodes : on voyait, par exemple, à la suite de quelques assemblages exécutés dans un but exclusivement technique, plusieurs applications de ces mêmes assemblages à des objets utiles tels que supports, consoles, ustensiles de ménage en nombre restreint, quelques outils d'ateliers (équerres, trusquins), boîtes à clous, tiroirs, caisses diverses.

La tendance vers une méthode mixte s'est accentuée, notamment dans les écoles primaires supérieures françaises, au moins pour la première année d'études où l'enseignement manuel, continuant celui de l'école élémentaire, conserve, par conséquent, un caractère essentiellement éducatif.

Le programme du système économique concorde mal avec une méthode rationnelle de dessin : c'est la raison principale qui l'a fait rejeter des écoles françaises ; au contraire, il est étendu et confirmé dans les écoles des pays septentrionaux en raison même du but poursuivi.

L'Exposition universelle de 1900 présenta une remarquable synthèse des deux systèmes, avec quelques variantes. « Le clou de l'exposition pédagogique, écrivait M. Brereton, vice-président du jury de la classe L c'est peut-être le système de travaux manuels exposé par la Ville de Paris, et pour lequel j'ai eu le plaisir de proposer la plus haute récompense. » Miss Smith, représentant des Etats-Unis, exprimait le même sentiment, et nombre d'observateurs aussi compétents que perspicaces ont approuvé sans réserve la méthode appliquée dans les écoles communales parisiennes.

En résumé, l'enseignement manuel élémentaire s'est trouvé, à la fin du dix-neuvième siècle, porté à son plein épanouissement dans les écoles parisiennes sous la forme éducative, tandis que le slöjd se développait et s'affirmait dans les pays où l'on s'est inspiré de la méthode suédoise.

3° Après 1900.

Si aucune modification importante n'apparaît, pendant les premières années du vingtième siècle, dans les programmes et les méthodes de l'enseignement manuel précédemment décrit, on constate, par contre, des variations considérables dans l'extension des nouveaux moyens éducatifs appliqués aux écoles élémentaires de garçons.

Tandis que ces moyens sont généralisés dans les écoles parisiennes, on ne les rencontre plus, en France, que dans quelques rares villes de province, et ils sont délaissés partout ailleurs. En 1909, la Ligue française de l'enseignement l'ait à cet égard la constatation suivante : « Sauf à Paris, l'enseignement manuel éducatif est inexistant ; les rares tentatives dont il fut l'objet, il y a vingt ans, ont été abandonnées presque partout en vertu d'une sorte d'accord tacite entre les instituteurs et les inspecteurs. La mentalité de ceux-ci, résultat de leur éducation antérieure, leur cache la valeur pédagogique d'exercices dont ils ne comprennent guère l'utilité, encore moins la portée éducative. Les écoles normales mêmes négligent aujourd'hui les travaux manuels ; quant à l'enseignement agricole, la réglementation de 1905 lui a enlevé toute sanction : l'un et l'autre sont passés au dernier rang des matières accessoires.» (Congrès de 1909, à Marseille, rapport de la section permanente de l'enseignement professionnel.)

A l'étranger, on ne remarque pas de fléchissement dans l'extension ni dans les progrès du slöjd : en outre, la méthode suédoise, modifiée dans un sens moins utilitaire et plus pédagogique, s'introduit en Angleterre et se développe rapidement aux Etats-Unis. On sait que les méthodes scolaires adoptées pour les jeunes Américains s'accordent avec la mentalité spéciale à leur pays : celle-ci ne sépare pas la pensée de l'action, le fait de l'idée ; apprendre en agissant, tel est le principe essentiel d'un système éducatif où la culture des sens, de l'oeil et de la main en particulier, trouvent nécessairement une large place.

« Le principe d'une éducation basée sur l'enseignement des travaux manuels, dit M. Orner Buyse dans sa magistrale étude Les méthodes d'éducation générale et technique aux Etats-Unis, est entré dans les écoles américaines par deux voies diamétralement opposées : 1° la voie froebelienne, qui commence au jardin d'enfants et conduit, en s'élargissant, à l'école primaire où elle aboutit au slöjd dans les écoles primaires supérieures ; 2° la voie technique, d'origine russe (système Délla-Vos), partie de l'école technique supérieure et descendue, par les écoles secondaires, dans les classes supérieures des écoles primaires où elle lutte avec le slöjd suédois. »

Le dessin et les « constructions manuelles » occupent, en moyenne, un dixième du temps porté aux horaires des huit grades ou degrés de l'école élémentaire (de six à quatorze ans), et le programme des exercices, tout en visant le même but, varie d'une école à l'autre ; une grande latitude est laissée aux maîtres à cet égard.

Au delà de l'Atlantique, on ne trouve nulle trace du préjugé, indéracinable chez nous, contre le travail manuel. Personne ne le considère comme humiliant ni déshonorant. Un professeur, un magistrat ne semblent pas considérés comme intellectuellement supérieurs aux ouvriers et contre-maîtres intelligents. Les employés de bureau sont depuis longtemps fixés sur la valeur sociale de leur situation, qui représente au maximum 50 à 75 francs de salaire par semaine, alors que le maçon, le plafonneur, le menuisier reçoivent 120 francs pour la même durée de travail. «Derrière tout Américain se retrouve l'ouvrier ; il juge l'homme par ses capacités de produire et de réaliser, il n'admet pas la croyance que le diplôme confère une certaine noblesse intellectuelle. » (Omer Buyse, ouvrage cité.)

Aussi ne faut-il point s'étonner de la rapide extension de l'enseignement manuel en Amérique. Non seulement il s'est généralisé dans les écoles élémentaires ; mais, conséquence logique, on lui donne une suite dans les écoles moyennes et secondaires, auxquelles il apporte un nouvel élément de succès.

Dans tous les pays où est organisé un enseignement manuel éducatif, il se distingue par ce caractère, que les exercices de l'école élémentaire ne visent jamais la préparation à un métier déterminé. Il en est de même, dans les débuts du moins, pour les travaux manuels du degré primaire supérieur. Ceux-ci forment une suite logique, une continuation de ceux-là, et l'ensemble constitue une excellente préparation à l'enseignement professionnel proprement dit. Jusqu'ici on n'a peut-être pas suffisamment tenu compte de ce fait, notamment en France, lorsqu'on a voulu demander à l'école son concours pour conjurer la crise de l'apprentissage.

L'étude de ce dernier sujet n'entre pas dans le cadre du présent article ; toutefois on peut faire remarquer que l'apprentissage professionnel d'un ouvrier d'élite doit s'appuyer sur une base scientifique solide, établie expérimentalement. Le travail manuel scolaire éducatif est donc la

préparation logique au travail manuel professionnel, scolaire ou non ; jusqu'à quatorze ans, les apprentis de tout métier n'en sauraient recevoir de plus rationnelle ni de plus sûre.

Nous allons donner : 1° Le programme des travaux manuels dans les écoles communales parisiennes, d'après le rapport du Jury de la classe I de l'Exposition de 1900, et tel qu'il est appliqué depuis ; 2° Le programme des travaux manuels dans les écoles primaires supérieures, section d'enseignement général et sections agricole et industrielle (arrêté du 26 juillet 1909). On verra que l'un des programmes est la préparation de l'autre, et que le second est la continuation du premier. A la suite de ces deux programmes, nous donnons le nouveau programme de l'examen pour le certificat d'aptitude à l'enseignement du travail manuel.

Programme des travaux manuels

dans les écoles communales de garçons à Paris.

NOTA. — Pour chaque cours, le premier paragraphe rappelle les notions scientifiques, dessin, formes géométriques, calcul, etc., du programme d'enseignement général ; le second paragraphe indique les exercices manuels correspondants.

Cours élémentaire. — L — Droites et angles : horizontale, verticale, oblique, parallèles, perpendiculaires ; angle droit, angles aigus, angles obtus. Surfaces : rectangle, carré, triangle, parallélogramme, trapèze et combinaisons. Comparaison de ces surfaces entre elles: équivalence, moitié, quart, etc. Evaluation des angles : divisions de l'angle droit. Polygones réguliers : triangle équilatéral, hexagone, octogone ; cercle. Idée des volumes.

II. — Exercices de pliage réalisant les lignes, angles, surfaces et volumes précédents. Chaque exercice est l'objet d'un croquis à main levée, puis d'un dessin à la règle avec cotes, enfin d'un dessin d'application. Quelques exercices de tissage.

Cours moyen. — I. — Revision du cours élémentaire, constatations tachymétriques. Polygones étoilés, cercles concentriques. Principaux solides géométriques : cube, paraillélipipèdes ; prisme et pyramide ; cylindre et cône, de même base et de même hauteur.

II. — Continuation des exercices de pliage du cours élémentaire. Découpage et cartonnage ; applications à la confection de solides géométriques ; croquis à main levée suivis d'un dessin géométrique. Toute leçon donne lieu à un dessin d'application.

Cours supérieur. — I. — Revision et compléments du cours moyen ; constatations tachymétriques. Tracés de surfaces dont on ne connaît que certains éléments ; figures symétriques à un ou plusieurs axes ; courbes à plusieurs centres, raccordements de courbes. Solides géométriques droits, inclinés, tronqués ; polyèdres.

II. — Découpage et cartonnage d'après un croquis coté ou un texte dicté et suivi d'un dessin géométrique (projections pour les solides).

Cours complémentaire. — I. — Surfaces équivalentes, moyenne proportionnelle, tracés pratiques des polygones réguliers. Carré ou cube construit sur la somme de deux quantités. Solides : prismes, cylindres, pyramides, cônes. Solides tronqués par un plan parallèle ou oblique à la base. Intersection de deux prismes de même base, ou de deux cylindres de même diamètre.

II. — Découpage et cartonnage d'après un texte dicté ou un croquis coté. Projections.

Observations.

Il existe une grande analogie entre les travaux froebeliens des classes enfantines et les exercices manuels du cours élémentaire en 1" année ; néanmoins, ceux-ci sont déjà une initiation au travail manuel proprement dit. Par le pliage d'une feuille de papier de dimension réduite, l'enfant se familiarise avec la signification des termes usuels, la reconnaissance et la nomenclature des formes planes les plus simples. La feuille portant les plis est fixée par un point de colle sur la page d'un cahier ; à côté, l'enfant écrit le nom d'objets rappelant la forme observée, sa couleur, note les termes définis, et reproduit par un dessin à main levée les éléments graphiques qui ont fait l'objet de la leçon.

Avec les élèves du cours élémentaire l’année, le procédé est le même. L'exécution manuelle limitée au pliage comprend, pour le 1er trimestre, une révision des notions acquises l'année précédente ; pour le 2° trimestre, la réalisation de quelques rosaces simples dérivées du carré et de l'hexagone régulier: et, à la fin du 3e trimestre, la confection, par le pliage, de quelques menus objets tels que : boîte de pâtissier, bonnet carré, bonnet de magicien, etc., donnant l'idée des solides les plus simples, prisme rectangulaire, -cube, pyramide.

Chaque objet réalisé est reproduit par un dessin à main levée, et il est pris note des propriétés des figures constatées expérimentalement pendant l'exécution du pliage.

A partir de la 2e année du cours élémentaire, les exécutions manuelles comportent la réalisation de figures développant un programme concentrique dont voici les grandes lignes : 1° figures planes les plus simples, 2° polygones réguliers et cercle, 3° solides.

Le pliage, à peu près exclusivement employé jusqu'au cours moyen 2e année, permet de faire acquérir, par expérience, la connaissance des propriétés fondamentales des figures usuelles, et même de donner une idée de la mesure des surfaces et des volumes. Le dessin fait d'après nature suit l'exécution manuelle ; il la précède avec les exercices de découpage abordés dans la seconde année du cours moyen, alors que l'enfant a acquis les connaissances suffisantes pour les tracés à la règle, à l'équerre et au compas. Les objets sont alors exécutés d'après un croquis coté, puis dessinés à l'échelle.

Avec les élèves des cours supérieur et complémentaire, les tracés comportent fréquemment des recherches graphiques, qui sont autant de petits problèmes très simples de géométrie pratique.

Dans les écoles pourvues d'atelier (c'est-à-dire dans les deux tiers des écoles, à Paris), le travail à l'établi et à l'étau commence avec les élèves du cours moyen 2e année, qui, grâce à la préparation reçue antérieurement, sont à même d'aborder les tracés sur la matière d'oeuvre. Les exercices présentent le développement du même programme d'études intellectuelles, mais, de plus, ils sont choisis de façon à faire progressivement l'éducation de l'oeil et de la main.

Chaque objet est confectionné d'après un croquis ou une épure relevés en classe sous la direction de l'instituteur, qui donne les explications théoriques reliant le travail manuel à l'enseignement général.

L'exécution pratique aux ateliers est confiée à des maîtres-ouvriers recrutés au concours public, et offrant toutes garanties de savoir professionnel et d'habileté manuelle.

1re année d'atelier.

Travail du bois. — Les premiers exercices sont exécutés sur des bois tirés de largeur et d'épaisseur par les maîtres-ouvriers. La préparation de la matière d'oeuvre ne saurait être abordée dès le début ; le corroyage exige une sûreté de main que l'enfant doit tout d'abord acquérir avant de pouvoir manier convenablement les affûtages.

La râpe est le premier outil mis à la disposition de l'enfant. Son maniement ne demande qu'un mouvement rectiligne horizontal mettant en jeu les muscles des bras ; ce même mouvement élémentaire se retrouve dans le maniement d'un grand nombre d'outils usuels.

Pendant la première année d'atelier, les enfants exécutent les manipulations les plus simples du travail du bois à l'établi, et ils sont initiés à l'usage des outils à tracer.

Les objets confectionnés présentent la réalisation de formes géométriques en rapport avec le programme de dessin. Au début, une seule projection suffit pour représenter l'objet ; puis deux, et parfois trois vues deviennent nécessaires : les élèves sont ainsi exercés progressivement à la pratique du dessin à deux et à trois dimensions.

Chaque exercice a des dimensions telles que la matière d'oeuvre nécessaire à son exécution puisse être débitée sans perle de bois dans les échantillons commerciaux, que l'oeil puisse embrasser l'ensemble de la forme, et que les éléments des figures (arêtes, rayons, périmètres, etc.) aient une étendue suffisante pour en faire l'analyse et la vérification.

Travail du métal. — Le travail du fer commence par des exercices sur fil demi-cylindrique de 4 millimètres de diamètre façonné sur une petite enclume dite bigorne, avec un marteau rivoir léger. Ce travail a pour but d'initier les enfants au maniement du marteau, outil en usage dans tous les métiers, et particulièrement dans les industries du métal.

Les premiers exercices comprennent la réalisation de figures simples, telles que : droites, angles, carré, rectangle, circonférence, etc., qui, combinées, reproduisent quelques motifs de serrurerie, ou aboutissent à la confection de quelques menus objets usuels.

Ce travail convient particulièrement pour donner de la sûreté à la main, et de la justesse au coup d'oeil.

Après quelques mois, concurremment avec le travail du fil de fer, commence celui de la tôle douce mince, découpée à plat, au burin et à la langue de carpe, et affranchie à la lime douce. Les figures planes obtenues sont repoussées sur plomb au marteau à panne arrondie, transformées ainsi en de gracieuses rosaces, ou combinées pour donner un objet utile. A la fin de l'année, en application du développement de solides, quelques objets usuels sont confectionnés avec cette tôle douce.

2e année d'atelier.

Bois. — Des élèves exercés au corroyage à la fin de l'année précédente préparent la matière d'oeuvre dès le début. Les manipulations comprennent celles que l'on rencontre couramment dans le travail du bois à l'établi, et le maniement des outils du menuisier.

Fer. — Pendant la première année, l'enfant a surtout manié le marteau ; il a fait usage en outre du burin et de la lime ; il peut aborder dès le commencement de la seconde année des manipulations demandant plus de précision et de sûreté de main. Il est exercé au maniement des outils du serrurier, et, sauf le forgeage du fer à chaud, il exécute les manipulations usuelles que l'on rencontre dans le travail du métal, y compris la brasure et la soudure à l'étain.

Chaque exercice de bois ou de fer aboutit à la confection d'un objet utile comportant des tracés géométriques en rapport avec le programme de dessin et de système métrique.

3e année d'atelier.

Les élèves des cours complémentaires peuvent seuls bénéficier d'une troisième année de présence aux ateliers.

On a établi des cours complémentaires professionnels où une plus large place est faite à l'enseignement des sciences, du dessin et du travail manuel.

Pour les cours complémentaires ordinaires, le travail aux ateliers est la suite, le complément, du cours supérieur proprement dit. Les exercices de bois ou de fer conservent le même caractère d'éducation générale ; toutefois, ils comprennent l'assemblage de pièces demandant un trace précis, et des manipulations plus soignées. Les tracés portent plus particulièrement sur la réalisation des solides par épannelage et par développement.

Dans les cours professionnels, les travaux d'atelier, tout en conservant leur caractère éducatif, sont néanmoins orientés plus nettement vers l'apprentissage. Ils comprennent l'exécution des premiers éléments techniques (assemblage de bois ou de fer) appliqués à la confection d'objets usuels. Les élèves sont initiés à la pratique des opérations les plus simples de l'atelier, et à quelques tracés de métier en application du cours de géométrie et de dessin.

Programme des travaux manuels

dans les écoles primaires supérieures de garçons.

ENSEIGNEMENT COMMUN

PREMIERE ANNEE (quatre heures par semaine). — Sur ces quatre heures, une heure sera réservée à des exercices de géométrie expérimentale ou à des travaux agricoles ; les trois autres heures se passeront à l'atelier du bois ou du fer. Le modelage est rattaché au dessin.

Découpage, cartonnage, coupe de plâtre, travaux au jardin (Une heure par semaine). — Pendant les deux premiers trimestres, les exercices de géométrie expérimentale porteront : 1° sur le découpage de papier fort ou de carton mince permettant l'exécution de tracés rigoureux de quelques figures géométriques, de leur développement et de leur assemblage en solides géométriques ; 2° sur la confection de solides géométriques en plâtre complétant les travaux précédents.

A la belle saison, les exercices de géométrie expérimentale seront remplacés, s'il y a lieu, par des travaux horticoles. A cet effet, les élèves de première année seront associés, comme aides, à leurs camarades des autres années pour les expériences au jardin ou au champ de démonstration.

Cartonnage. — Découpage de figures géométriques, après tracé rigoureux : carré équivalent au double ou à la moitié d un carré donné ; figures donnant les angles de 90, 45, 60, 120, 135 degrés. Reproduction des mêmes exercices par pliages : rosaces carrées, hexagonales, octogonales, etc.

Exercices sur la construction des triangles : somme des trois angles, carré de l'hypoténuse, triangle équilatéral, maximum inscrit dans un rectangle, etc.

Développement de la surface et construction des solides géométriques suivants : parallélépipède droit, cube d'arête donnée, cube dont l'arête égale la somme ou la différence de deux autres.

Pyramide et prisme droit de même base et de même hauteur ; comparaison des volumes. Même exercice pour le cylindre et le cône.

Coupe de plâtre. — Découpage, dans un saumon, du solide capable. Exécution d'un prisme droit de dimensions données, d'une pyramide ; des mêmes solides tronqués.

Exercices d'ensemble : plate bande, arc plein cintre, etc., chaque élève étant chargé de. la réalisation d'une pièce seulement, après exécution de l'épure d'ensemble.

Ateliers du bois et du fer (Trois heures par semaine pour chacun pendant la moitié de l'année). — En première année, les exercices du bois et du fer ne visent pas encore spécialement la préparation professionnelle ; leur but, comme celui des travaux manuels précédents, est de concourir à l'éducation simultanée de l'oeil et de la main, trop généralement délaissée, et de provoquer la révélation des aptitudes.

Le système dit du « papillonnage » est généralement suivi ; il consiste, soit à faire accéder le même élève pendant quatre ou cinq mois à l'un des ateliers, puis, pendant le même temps, à l'autre ; soit à lui faire exécuter, à l'un des ateliers, une série d'exercices, puis, à l'autre, une série différente d'exercices appuyée sur des données géométriques analogues, et à faire ainsi « papillonner » le même élève d'un atelier à l'autre pendant une année. De ces deux modes, le dernier semble préférable ; en tout cas, l'outillage devra être choisi en tenant compte de la force musculaire des enfants. On évitera, en outre, les manipulations fastidieuses, rebutantes : tout exercice pouvant provoquer le dégoût du travail manuel sera écarté.

Des notions techniques suffisantes seront données préalablement aux élèves, sur la matière première et sur l'outillage, avant leur premier emploi. Chaque exercice sera l'application d'un croquis coté ou d'un dessin à l'échelle. Notions techniques et croquis seront consignés dans le cahier ou le carnet de l'élève.

Bois. — Exercices élémentaires sur bois blanc (peuplier, hêtre, platane ou sapin), au moyen des outils suivants : scie à araser, râpes et limes, ciseaux, rabot. Tracés à l'équerre, au trusquin et au compas.

Emploi des affûtages, des différentes scies, et applications à la confection d'objets utiles : tablettes, panneaux, piquets, supports, plantoirs.

Usage du bédane, de la gouge, de la plane, en outre de l'outillage précédent, sur bois régulièrement débités et ne demandant qu'à être tirés de largeur et d'épaisseur : plumier, boîtes diverses.

Premiers exercices de corroyage sur pièces d'un mètre de long au moins : réalisation d'objets comprenant au plus deux pièces assemblées.

Fer. — Premiers exercices destinés à l'assouplissement de la main et du poignet : 1° courbure de fil de fer demi-cylindrique (4 millimètres environ) suivant des angles et des courbes déterminées ; 2° découpage de figures géométriques, après traçage, dans la tôle mince

d'acier ; rosaces repoussées au matoir sur masse de plomb. Combinaisons des deux genres d'exercices.

Premiers exercices de lime : lime rude des deux au paquet, et lime plate bâtarde. Maniement du burin et du bédane. Tracés au trusquin, au compas et au pointeau. Perçage de trous au foret à archet. Rivures et soudures : taraudage.

Applications à la confection de quelques objets utiles : règle, équerre, verrou ; bougeoir, flambeau, appliques, exécutés en tôle et fil demi-rond réunis par des pièces ajustées, rivées ou taraudées.

SECTION D'ENSEIGNEMENT GENERAL

DEUXIEME ET TROISIEME ANNEES (quatre heures par semaine.) — Les élèves sont spécialisés au bois ou au fer.

Atelier du bois. — Corroyage (suite). Principaux assemblages de menuiserie. — Exercices simples sur tour à bois. — Applications à la confection d'objets utiles.

Atelier du fer. — Suite des exercices de limes, burin, bédane. Travaux élémentaires de forge. Applications simples. — Maniement de quelques machines-outils à l'atelier.

NOTA. — Pendant la belle saison, les exercices du bois ou du fer seront remplacés, en totalité ou en partie, par des travaux de jardinage choisis dans le programme de la section agricole, sauf pour les candidats des arts et métiers qui auront de huit à dix ou douze heures d'atelier par semaine.

SECTION AGRICOLE

DEUXIEME ET TROISIEME ANNEES (neuf heures par semaine dans chaque année.) — Ces exercices comprennent des applications à l'atelier, au laboratoire, au jardin et au champ de démonstration. Leur répartition dans l'emploi du temps ne saurait être faite également par semaine, pour toute l'année : en hiver, on travaillera surtout à l'atelier et au laboratoire ; en été, au jardin. D'où la division suivante :

1° Travaux d'intérieur. — Atelier du bois. — Suite des exercices de première année et applications à la confection d'objets utiles à un cultivateur ; manches d'outils, râteaux, faits à la plane ; échelle, chevalet à scier le bois ; échalas ; paillassons ; paniers, etc. Ruches d'abeilles.

Atelier du fer. — Quelques exercices de lime et de burin. Forge, étude de l'outillage : étirer, apointir, courber. — Maniement du foret à archet ; river, tarauder.

Laboratoire. — Etudes et manipulations diverses :

Graines. — Détermination de la nature des graines des plantes cultivées et des graines de mauvaises herbes. Graines de cuscute ; décuscutage. Détermination de la pureté des semences. — Germination. Détermination du pouvoir germinatif des semences.

Terres. — Leur composition. Leurs éléments minéralogiques ; analyse physique des terres. Roches de la localité. Terres qui en proviennent. Terres de transport. — Prise d'échantillons de terre à faire analyser. Distinction du sol et du sous-sol.

Engrais. — Caractères extérieurs des engrais de commerce. Leur préparation, leur mode de distribution. — Prises d'échantillons d'engrais commerciaux à faire analyser. — Dosages faciles : calcaire d'un sol, alcool et sucre d'un vin ou d'une boisson fermentée.

Instruments agricoles. — Démontage et remontage. Graissage. Remplacement des pièces. — Etude du travail des divers instruments. Entretien et réparations.

Plantes. — Botte de foin. Herbier.

Laiterie. — Etude du lait. Détermination de la quantité de crème. Fabrication du beurre. Fabrication du fromage et de la présure. Soins de grande propreté.

Dentition et âge du bétail. — Les élèves seront exercés sur des pièces anatomiques et, à l'occasion, sur des animaux vivants.

Pied du cheval, du boeuf et de l'âne ; ferrure. — Préparation et pose des fers, chez le maréchal ferrant.

Remèdes pour les plantes. — Fabrication de la chaux vive. Préparation de lait de chaux, des solutions de sulfate de cuivre, de bouillie bordelaise et d'autres mélanges analogues ; bouillie bourguignonne, sucrate de cuivre, etc. — Étude du pulvérisateur ; démontage, nettoyage. — Sulfatage et chaulage des blés de semence.

Bâtiments et matériel. — Poulailler, clapier, toucherie. Soins de bon entretien, lavage, peinture, etc. Désinfection des locaux : étables, écuries, bergeries, etc. Elevage de lapins, de pigeons et de volailles ; leur engraissement. Apiculture.

Exercices divers. — Bourrellerie, tonnellerie.

2° Travaux d'extérieur. — Emploi de la bêche, du râteau, du rouleau, de la tondeuse, etc.

Greffes. — Greffes sur table et en pépinière. Entretien d'une pépinière fournissant les sujets à greffer.

Arbres fruitiers. — Taille, conduite, pincement ; ensachage des fruits ; emploi des pulvérisateurs.

Culture maraîchère. — Semis, repiquages, boutures, après épandages d'engrais en proportion déterminée. Sarclages, binages, etc. Comparaison des cultures de mêmes plantes avec engrais divers. Carrés de démonstration. — Fabrication de composts.

Distribution de la fleur de soufre à l'aide d'un soufflet pour combattre l'oïdium de la vigne et le blanc des divers végétaux, pois, melons, etc.

Distribution de mélanges cupriques à l'aide d'un pulvérisateur pour défendre la pomme de terre et la tomate contre la maladie, la vigne contre le mildew, les poiriers contre la tavelure, etc.

Récolte, emmagasinement et conservation des récoltes et produits. — Moyettes, meulons, meules, silos, etc. Calcul des rendements. Comparaisons.

Visites dans les pépinières, jardins, exploitations agricoles, marchés et foires des environs. — Toute visite ou excursion sera l'objet, de la part de chaque élève, d'un compte-rendu que le professeur corrigera avec soin.

SECTION INDUSTRIELLE

DEUXIEME ET TROISIEME ANNEES (douze heures par semaine au maximum.) — Les travaux manuels de la section industrielle ont essentiellement pour but de mettre l'élève à même, à la fin de sa scolarité, de s'adapter rapidement à la spécialité qu'il a choisie : industrie du bâtiment (charpente, couverture, menuiserie, serrurerie, tôlerie, plomberie, peinture-vitrerie, etc.), industrie mécanique (ajustage, tour, forge, automobilisme, traction et éclairage électrique, etc.).

Au maniement de l'outillage ordinaire de l’atelier du bois ou du fer devra donc se joindre celui des machines-outils les plus répandues, ainsi que la conduite des moteurs destinés à les actionner. L'énergie produite, dépensée, transportée ou transformée sera l'objet d'une solide étude théorique et pratique : en sortant de l'école, chaque élève de la section industrielle doit pouvoir conduire, sans hésitation, toutes les machines que renferme l'atelier de sa spécialité.

Un programme détaillé ne saurait être établi pour chaque cas ; c'est au comité de patronage qu'il appartient d'en fixer les grandes lignes, selon les régions, les industries dominantes, et sous réserve de l'approbation de l'inspection académique.

Voici à titre d'exemples quelques exercices pratiques d'électricité :

Montage et examen de différents éléments de piles et d'accumulateurs. — Formation des accumulateurs. — Emploi de l'ampèremètre et du voltmètre ; mesure d'une résistance à l'aide de ces deux instruments. — Mesure de la tension aux bornes d'une pile au moyen du voltmètre ; chute de tension aux bornes d'une pile ou d'une machine qui débite un courant. — Etablissement des connexions convenables entre l'inducteur et l'induit d'une dynamo dans laquelle ces connexions ont été démontées (cas de la dynamo excitée en série et de la dynamo excitée en dérivation). — Mesure d'une puissance au moyen de l'ampèremètre et du voltmètre ; puissance nécessaire pour faire tourner à vide un moteur électrique ; idée du rendement. — Réglage des balais d'une dynamo en fonction ; entretien du collecteur. — Mesure, au moyen du voltmètre, de l'isolement d'une canalisation en marche. — Montage, réglage et fonctionnement d'une lampe à arc. — Manoeuvre d'un tableau de distribution. Etc.

Programme d'examen.

pour le certificat d'aptitude à l'enseignement du travail manuel dans les écoles normales et primaires supérieures de garçons. (Arrêté du

26 juillet 1909.)

L'examen se compose, pour les aspirants :

1° D'une composition de mathématiques et de mécanique appliquées (cinq heures) ;

2° D'une épreuve pratique d'électricité industrielle ;

3° D'un croquis d'atelier avec mise au net ;

4° D'un travail d'atelier (bois ou fer au choix du candidat) avec mise en action d'un moteur ou d'une machine outil, et appréciation du rendement.

A la suite des deux dernières épreuves, qui auront chacune une durée de douze heures au plus, des questions sont adressées aux candidats sur les matières premières et les appareils mis à leur disposition ainsi que sur les procédés qu'ils ont employés.

Les sujets de composition sont tirés des programmes des écoles primaires supérieures pour l'enseignement des sciences appliquées (section industrielle).

[RENE LEBLANC]

Écoles de filles.

Dans les écoles de filles, comme il a été dit plus haut, le travail manuel comprend essentiellement les travaux à l'aiguille. A l'article Aiguille ( Travaux à l'), le Dictionnaire a donné, pour la France, les programmes officiels de cet enseignement dans les écoles primaires élémentaires, les écoles primaires supérieures, et les écoles normales. Depuis que cet article a été composé et mis en pages, un arrêté du 26 juillet 1909 a établi de nouveaux programmes pour les écoles primaires supérieures. On y trouve, pour la section ménagère, un programme très complet de travaux à l'aiguille, réparti sur les deux années (2° et 3e) que comprend le cours d'études de cette section. Pour les trois années de la section de renseignement général et les deux années de la section commerciale, les élèves ont à suivre, à raison de trois heures par semaine dans la section de l'enseignement général, et de deux heures par semaine dans la section commerciale), le « programme simplifié de la section ménagère ». Voici le texte du programme de la section ménagère :

ÉCOLES PRIMAIRES SUPÉRIEURES (FILLES). SECTION MÉNAGÈRE.

COUPE ET LINGERIE (trois heures par semaine dans chaque année).

THEORIE ET TRACE DES PATRONS. — Deuxième année. — Prise des mesures. — Tracé de patrons de lingerie (trousseau et layette) : fichu à pièce, couche-culotte, bavette, robe d'enfant, pantalon, camisole. — Tracé de patrons de vêtements : corsage de femme, chemisette. — Troisième année. — Prise de mesures. — Tracé de patrons nécessaires aux travaux de lingerie et de couture ; objets de layette ou de trousseau. — Corsages de différentes formes. Cache-corset. Jupe simple.

LINGERIE (EXECUTION). — Deuxième année. — Pièces d'études : montage de fronces, points de fantaisie. — Coupe et couture d'objets de layette : fichu à pièce, couche-culotte, bavette ; et d'objets de trousseau : robe et pantalon d'enfant. — Raccommodages : pièces à quatre coins. Reprises croisées ; reprises sur tricot. — Broderie : étude de différents festons et de lettres brodées. — Tricot, crochet, application. — Troisième année. — Raccommodages : reprises sur toile ouvrée et sur tissus rayés. Remmaillage. — Broderie : étude du point de feston, cordonnet ; plumetis. Jours. Points d'orne ment. — Coupe et couture d'objets de lingerie : chemisette d'enfant, col et robe d'enfant. Cache-corset, chemises ouvragées. — Tricot, crochet, filet : applications.

COUTURE. CONFECTION DE ROBES ET DE VETEMENTS SIMPLES (trois heures par semaine dans chaque année).

Deuxième année. — Pièces d'études sur étoffe doublée : poses d'agrafes et de boutons, biais plissés, fronces, coulissés, etc. — Corsage drapé, de forme très simple, sur fond de corsage en doublure, ou chemisette sur corsage de dessous montant. — Jupes de forme très simple. (L'étude de la jupe pourra être faite en mousseline sur le mannequin réduit.) Quelques jupes seront faites ensuite à la taille des élèves. — Raccommodages : exécution sur des pièces en lai nage ou en drap des divers points de raccommodage appris au cours de lingerie. — Troisième année. — Costumes simples (corsage et jupe) : soit corsage drapé, soit chemisette sur corsage de dessous montant. Différentes formes de manches. Application à ces costumes d'ornements et de garnitures composés au cours de dessin. — Raccommodages : réparation de vêtements en lainage et en drap ; reprises, pièces, bords, etc. — Etude historique du vêtement d'après gravures réunies en collection.

MODES (deux heures par semaine dans chaque année).

Deuxième année. — Petits plis de fantaisie. Ourlets sur velours anglais — Charlottes d'enfants, forme et garniture. — Formes en linon. — Garniture de chapeaux de paille des élèves. — Troisième année. — Chapeaux tendus en drap ou en velours. — Chapeaux coulissés en mousseline. — Formes coulissées en tulle. — Chapeaux de paille cousue. — Garniture de chapeaux d'élèves.

Il est intéressant d'ajouter au programme des travaux à l'aiguille dans les écoles primaires supérieures de filles les programmes pratiques des Cours complémentaires manuels et ménagers, créés à Paris en 1899. Le travail manuel tient dans ces cours une large place sous la forme de leçons de couture de robe, de lingerie, de modes. Ces leçons sont qualifiées à tort d'enseignement professionnel, car elles ne spécialisent pas l'élève dans l'une ou l'autre des professions féminines ; elles apprennent aux jeunes filles tout le parti qu'une femme adroite peut tirer de son aiguille pour ses propres besoins et ceux de la famille. En même temps, elles déterminent les goûts et les aptitudes des jeunes filles, leur donnent une habileté manuelle très appréciée, et les préparent à l'apprentissage d'un métier choisi avec discernement. Elles évitent aux jeunes filles la première année d'apprentissage dans un atelier et en font des « petites mains » très appréciées.

Voici le programme des travaux à l'aiguille dans ces Cours complémentaires manuels et ménagers :

CONFECTION (quatre heures par semaine).

Première année.

1er Trimestre. — Tracé du patron de corsage à deux petits côtés. — Coupe et assemblage d'un devant de corsage doublé côté des boutonnières. — Coupe et assemblage d'un corsage entier en étoffe de coton non doublé fond de corsage.

2e Trimestre. — Tracé du patron de corsage. — Manches. — Coupe et confection d'un corsage doublé de différentes tailles. — Quelques robes d'enfants.

3e Trimestre. — Tracé du patron de corsage. — Corsages drapés sur fonds ajustés. — Etude de jupes simples. — Confection de quelques jupes simples grandeur nature.

Deuxième année.

1er Trimestre. — Patron de corsages. — Manches. — Coupe, assemblage, couture d'un corsage doublé à deux petits côtés. — Manches drapées, ouvragées suivant la mode.

2e Trimestre. — Patron de corsages, mesures prises sur les élèves. — Empiècements de différentes formes. — Coupe, assemblage, essayage et couture de corsages unis et baleinés, puis drapés : plis rapportés, empiècements, etc.

3e Trimestre. — Tracé de patrons nécessaires à l'exécution de costumes complets : corsage et jupe, mesures prises sur les élèves. — Coupe, assemblage, essayage et couture de costumes complets, soit corsages drapés, soit chemisettes.

LINGERIE (quatre heures par semaine)

Première année.

1er Trimestre. — Tracés des patrons de la chemise de jeune fille, de la bavette, de la brassière. — Couture de chemises, différentes tailles, différentes formes. — Couture d'un objet de layette, bavette ou brassière. — Etude de feston.

2e Trimestre. — Tracé des patrons de la robe de dessous pour enfants et d'empiècements de tabliers. — Coutures de ces robes, de ces tabliers, ou de tabliers ouvragés pour jeunes filles. — Couture d'un objet de layette : béguin. — Etude du point d'épine.

3e Trimestre. — Tracé des patrons du pantalon d'enfant, et du fichu à pièce. — Couture de pantalons et de jupons d'enfants. — Couture d'un objet de layette : fichu à pièce. — Etude de points de fantaisie.

Deuxième année.

1er Trimestre. — Tracé du patron du pantalon de jeune fille. — Coupe et couture du pantalon à volant ou du jupon. — Coupe et couture de la brassière avec col et manches festonnés. — Elude des points de broderie anglaise.

2e Trimestre. — Tracé du patron de robes d'enfants. — Coupe et couture de robes ou de tabliers avec manches. — Coupe et couture d'un objet choisi parmi les objets suivants: bonnets froncés, cols d'enfants, rabats, cravates, jabots, petits manteaux à manches pour enfants. — Étude des points de broderie anglaise.

3e Trimestre. — Tracé du patron de la chemisette d'enfant ou de jeune fille. — Coupe et couture de ces chemisettes avec petits plis et points de fantaisie. — Chemisettes de jeunes filles sur dessous montant. — Cols et manchettes ; mouchoirs de fantaisie à lettres brodées.

MODES (deux heures par semaine).

Première année.

1er Trimestre. — Exercices en mousseline : ruches, plissés, choux, noeuds, cocardes, biais ourlés. — Exercices de laiton : arrêts du laiton, laitonnage de barrettes, étude de calottes boules et plates. — Capotes d'enfants. — Bérets.

2e Trimestre. — Formes en laiton, linon, tulle. — Chapeaux de poupées tendus en mousseline. — Petits plis de fantaisie, ourlets sur velours anglais. — Pose de coiffe. — Charlottes d'enfants.

3° Trimestre. — Formes en linon pour fillettes. — Chapeau velours tendu. — Garniture de chapeaux de paille des élèves.

Deuxième année.

1er Trimestre. — Révision des exercices de 1re année.— Nouveaux exercices de ruches, plissés, choux, fantaisies de modes. — Etude des patrons de formes de chapeaux. — Charlottes d'enfants.

2e Trimestre. — Etude de formes en laiton, linon, en réduction d'abord, puis en vraie grandeur. — Chapeaux velours tendus et bordés. — Couture de la paille. — Garniture de chapeaux d'élèves.

3° Trimestre. — Chapeaux coulissés en mousseline. — Formes coulissées en tulle. — Chapeaux de paille cousue. — Garniture de chapeaux d'élèves. — Etude d'accessoires de modes : chenillage de tulle, motifs de jais, de perles, paillettes, petites fleurs en soie. — Objets de fantaisie : abat-jour, pelotes, noeuds de cravate.

Les cours complémentaires manuels et ménagers de Paris sont accessibles, par voie de concours, aux élèves qui ont obtenu leur certificat d'études. Leur durée est de deux ans ; leur programme comprend: 1° l'enseignement général (morale, français, arithmétique, histoire et géographie, comptabilité, sciences, hygiène et économie domestique, anglais, chant, gymnastique) ; 2° l'enseignement professionnel (dessin, confection, lingerie, modes) ; 3° l'enseignement ménager (cuisine, repassage) ; 4° les récréations. Le nombre des heures hebdomadaires de présence est ainsi réparti :

Enseignement général…………………… 16 heures 3/4

Enseignement professionnel (manuel) ….. 18 » »

Enseignement ménager…………………... 3 » »

Récréations………………………………. 2 » 3/4

Total……………………………………... 40 heures 1/2

Les leçons qualifiées d'enseignement ménager (cuisine et repassage) appartiennent aussi, à un certain point de vue, à la catégorie du travail manuel. Mais nous avons suivi la classification adoptée par les autorités scolaires : on trouvera en conséquence les programmes de l'enseignement ménager au mot Ménager (Enseignement).

Georgette Bachellery, épouse Schéfer et Jeanne Bergevin