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Malais

Terme sous lequel on désigne la population indigène (à l'exclusion des Négritos) de l'Archipel Asiatique et de certaines régions avoisinantes. Les anthropologistes reconnaissent dans cette population deux groupes ethniques : les Malais proprement dits et les Indonésiens. Les premiers habitent la presqu'île de Malacca et quelques autres points de l'Indo-Chine, ainsi que Java (Sondanais à l'ouest, Javanais à l'est), une partie de Sumatra (ancien royaume de Menangkabau) et le littoral de presque toutes les îles des Indes Néerlandaises ; les seconds forment les populations semi-civilisées de Sumatra (les Battaks, les Koubous) et des îles voisines (Nias, Mentavéï, etc.), de Bornéo (Davaks, Oulou), de Célèbes (les Mangkassars et autres), des Philippines (Tagals, Vissayas, Bicols, etc.) et de l'est de Formose. Mélangés à d'autres éléments ethniques, les Indonésiens forment une partie de la population de Madagascar (les Houves ou Hova, les Betsiléo, etc.), de l'Indo-Chine (Thaï, Chans, etc.) et de l'Inde (Naga, Assam). De plus, l'élément indonésien joue un grand rôle dans la constitution de presque toutes les populations de l'Indo-Chine (Annamites, Cambodgiens, Birmans), de la Chine méridionale et du Japon. Les Indonésiens sont petits de taille et ont la tête allongée, ce qui les distingue des Polynésiens, avec lesquels ils ont en commun la coloration jaune ou jaune brunâtre de la peau et la nature des cheveux, droits ou légèrement ondulés ; leur nez, aplati et large, leurs lèvres épaisses et souvent proéminentes, leurs pommettes saillantes en dehors, leurs yeux droits et rarement bridés, leur corpulence trapue, les distinguent des Mongols, des Hindous, etc. Les Malais proprement dits sont un peu plus grands que les Indonésiens et ont la tête plus globuleuse ; mais ils présentent une grande variété de types, due vraisemblablement aux mélanges avec les peuples voisins : Indo-Dravidiens, Arabes, Chinois, Négritos, Papous, etc. Souvent on n'a voulu voir dans les Malais que des Indonésiens (appelés quelquefois Protomalais) fortement métissés et relativement plus civilisés.

Le fait paraît plausible, car non seulement au physique, mais aussi au point de vue moral et cultural, "les Malais offrent mainte ressemblance avec les Indonésiens, surtout quand ils ne sont pas modifiés par le genre de vie, car il ne faut pas comparer le Malais maritime, trafiquant, pêcheur ou pirate avec V « agriculteur à la houe » de l'intérieur des îles Malaises, à quelque race qu'il appartienne. D'ailleurs, la moitié des Malais et tous les Indonésiens, sauf quelques tribus chasseresses de Sumatra (Koubou) ou de Bornéo (Olo-ot, etc.), sont des agriculteurs. La plante cultivée est le riz, qui a remplacé aujourd'hui le millet, plante nationale des Indonésiens primitifs. Parmi les particularités qui distinguent la civilisation indonésienne et malaise, il faut noter : l'usage de chiquer le bétel ou siri ; le vêtement national, comprenant essentiellement le kaïn, pièce d'étoffe passée autour des reins et entre les jambes, et le sarong importé de l'Inde ; les maisons quadrangulaires sur pilotis ; l'emploi du « soumpitan » ou sarbacane, l'arc étant d'importation étrangère ; l'emploi d'une autre arme indigène, le « kriss », sorte de poignard-couteau d'une forme spéciale. Dans la vie familiale, les traits saillants sont les suivants : l'exogamie ou mariage en dehors du dan ; le patriarcat répandu partout, sauf quelques tribus de Sumatra où existe le matriarcat et l'héritage par libation maternelle. Comme coutumes sociales, celle de couper les têtes pour se procurer des serviteurs dans l'autre monde ou pour se distinguer est parmi les plus connues.

Au moral, les Indonésiens sont doux, polis, équitables, mais dénués de volonté tenace et de persévérance. Ils possèdent à merveille l'art de se maîtriser, mais aussi, quand la détente nerveuse s'opère, elle est terrible, et l' « amok », sorte de folie subite qui s'empare de l'individu, ainsi que d'autres névroses, ont été mainte fois décrites comme des affections caractéristiques de la race indonésienne. Au demeurant, cette race est très bien douée, et, quand elle arrive à profiter de la civilisation européenne, elle peut produire des savants, des lettrés, des hommes d'action comme on en a vu parmi les Tagals des Philippines et parmi les Japonais ; si l'on n'en trouve pas dans les Indes Néerlandaises, c'est parce que les Hollandais ont été systématiquement opposés à l'européanisation des indigènes.

Les langues malaises sont de structure dite agglutinante, avec préfixes et suffixes, et ont une tendance vers la flexion par l'introduction des infixes. Parmi les cinquante et quelques dialectes, le tagal est la plus riche en affixes et donne les nuances les plus fines aux mots. Le dialecte le moins compliqué comme grammaire est le malais proprement dit, devenu la langue usuelle du commerce et la langue officielle des Malais musulmans, qui forment la grande majorité de la population de l'Archipel Asiatique, où ils portent le nom de « Malais » et de « Moros ». Les Malais non-musulmans comprennent : une partie des Indonésiens des Philippines, qui sont christianisés (les Indios) ; les tribus demi-sauvages de ces îles (les Infieles des Espagnols), ainsi que quelques peuplades de Bornéo et de Sumatra, qui sont animistes ; enfin les insulaires de Bali et de Lombok, qui sont brahmanistes.

La patrie primitive des Indonésiens paraît être l'Indo-Chine ; de là, ils se répandirent dans Sumatra (où ils formèrent le royaume de Menangkabau), à Java (empire du Madjapahit), puis à Bornéo, aux Philippines et à Madagascar. Brahmanistes d'abord, puis bouddhistes aux cinquième et sixième siècles à Java, les Malais de cette île devinrent musulmans vers le quinzième siècle. La conquête du reste de l'Archipel par l'Islam est postérieure à cette date.

Joseph Deniker