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Madagascar

 Les premiers essais d'enseignement à Madagascar remontent à peu près à un siècle, car les premières écoles furent fondées en 1820 à Tananarive par le Français Robin et par le Révérend Jones de la Société des missions de Londres. Leur nombre augmenta assez rapidement jusqu'en 1835 : à cette époque on compte en Imerina une centaine d'écoles avec plusieurs milliers d'élèves. Mais la reine Ranavalona détestait les missionnaires, qui voulaient substituer une religion nouvelle aux croyances des ancêtres : elle les expulsa. De 1835 à 1862, il n'y eut plus en Imerina que quelques écoles clandestines où des indigènes chrétiens apprenaient aux enfants à lire le malgache par prosélytisme religieux. En 1862, Radama, par une simple tolérance, rouvrit aux missions le royaume hova : des 1863, la London Missionary Society y comptait 28 écoles et 1735 élèves, la Friends' Foreign Missionary Association 20 écoles et 500 élèves, la Mission norvégienne une dizaine d'écoles, et la Mission catholique une trentaine. Après la conversion de la reine au protestantisme et la condamnation solennelle des vieux cultes malgaches, le nombre des écoles s'accrut considérablement ; la London Missionary Society à elle seule en eut 359 (?) en 1870 ; elle commença, dès cette époque, à porter ses efforts hors de l'Imerina, en pays Sihanaka et surtout dans le Vakinankaratra et le Betsileo. En 1881, le gouvernement hova rendit l'enseignement obligatoire par une loi : il est inutile d'ajouter que l'édit n'eut de résultats pratiques qu'au point de vue religieux ; c'est d'ailleurs tout ce que voulaient les Missions. Une statistique dans laquelle on ne peut avoir qu'une médiocre confiance attribue, pour 1882, 102 000 élèves à la London Missionary Society, 27 600 à la Mission norvégienne, 25 000 à la Mission anglicane, et 14 000 à la Mission catholique : il va sans dire que dans toutes ces écoles l'enseignement était subordonné au prosélytisme religieux. Pendant la période troublée qui va de 1883 à 1895, l'enseignement fit peu de progrès ; les préoccupations des Hova allaient toutes aux questions de politique extérieure qui aboutirent à la conquête. La loi du 9 mars 1896, signée par la reine et contresignée par le résident général, est le premier acte relatif aux écoles inspiré par l'autorité française.

Etat actuel. — ENSEIGNEMENT OFFICIEL. — Enseignement des indigènes. — L'enseignement officiel est donné aux indigènes dans les écoles du premier, du deuxième et du troisième degré.

Il existait, au 31 décembre 1907, 389 écoles du premier degré : presque toutes sont mixtes ; il n'y a d'écoles distinctes pour les garçons et pour les filles qu'à Tananarive et dans quelques centres importants. Les programmes comportent des notions élémentaires d'enseignement général : arithmétique, système métrique, hygiène et morale, agriculture, dessin, histoire et géographie ; une place importante est réservée à l'étude de la langue française, qui est surtout enseignée par des exercices de conversation et par des lectures expliquées.

Chaque école possède, autant que possible, un jardin où chaque jour les élèves appliquent les notions d'agriculture qu'ils ont reçues en classe. Pour les filles, l'agriculture et le jardinage sont remplaces par l'enseignement ménager et la couture.

En principe, l'enseignement est obligatoire pour les enfants de huit à treize ans : il ne le devient en fait, dans le périmètre avoisinant une école, qu'à la suite d'un arrêté pris par le gouverneur général sur la proposition du chef du service de l'enseignement.

Le personnel d'une école du premier degré comprend le plus souvent un instituteur et une maîtresse de couture ; celle-ci est presque toujours la femme de l'instituteur et ne donne aucun enseignement généra!

Dans les centres importants ont été créées des écoles du second degré, dites écoles régionales. Une école régionale complète comprend une section d'enseignement général et une section d'enseignement professionnel.

Le but visé dans la section d'enseignement général est de préparer de bons candidats à l'Ecole normale et à l'Ecole administrative ; les différentes matières du programme des écoles du premier degré y sont reprises et développées, une place plus importante est réservée à l'étude du français. La durée des études dans cette section est de deux ans.

Dans la section professionnelle, les élèves font l'apprentissage d'un métier : l'enseignement général y est très réduit et donné surtout en vue du métier auquel se destinent les élèves. Une même école comporte plusieurs ateliers : deux au moins, celui du bois et celui du fer ; l'enseignement y est adapté toujours aux besoins de la région. C'est ainsi que chacune des écoles d'Ambositra et d'Antsirabe, localités placées sur la route du Sud, possède une section de charronnage. Un atelier de charpenterie de marine est installé à l'école de Maroantselra, sur la baie d'Antongil, et répond aux besoins du cabotage actif de cette partie de la côte. La durée des études est de trois ans, et exceptionnellement de deux ans pour les ferblantiers ; c'est parmi les anciens élèves de ces sections que se recrute l'Ecole professionnelle supérieure de Tananarive.

Le personnel d'une école régionale se compose d'un instituteur européen, de professeurs-assistants ou d'instituteurs indigènes, et de contremaîtres également indigènes.

A côté de l'école régionale existe souvent une école ménagère. Les jeunes filles malgaches y continuent les études commencées à l'école primaire ; elles se perfectionnent dans la couture, et, si elles le désirent, elles y apprennent un métier pouvant leur procurer plus tard des ressources dans la région qu'elles habitent : dentelle, broderie, chapellerie, etc. Le personnel de ces écoles de filles comprend une institutrice européenne, un professeur assistant ou un instituteur indigène, et des maîtresses également indigènes chargées d'assister la directrice dans l'enseignement professionnel.

En janvier 1908, Tananarive, Ambositra, Antsirabe, Fianarantsoa, Analalava possédaient une école régionale complète, et une école ménagère ; Miarinarivo et Maroantsetra ont aussi une école régionale complète, mais sans école ménagère adjointe ; enfin les écoles régionales de Tamatave et de Vangaindrano comprennent seulement jusqu'ici la section d'enseignement général.

Les écoles du troisième degré sont : l'Ecole normale, l'Ecole administrative, l'Ecole professionnelle supérieure, et l'Ecole de médecine. Toutes ces écoles se trouvent à Tananarive.

Les élèves de l'Ecole normale et de l'Ecole administrative sont recrutés parmi les meilleurs élèves des écoles régionales (section d'enseignement général). La durée des études à l'Ecole normale est de trois années ; la sanction est le certificat d'aptitude à l'enseignement dans les écoles primaires indigènes de Madagascar.

A l'Ecole administrative, les études durent également trois ans. Cette école comprend plusieurs sections : section administrative proprement dite, qui prépare les candidats aux fonctions d'écrivain-interprète, de secrétaire, etc. ; la section topographique, destinée aux futurs géomètres ; la section des candidats à l'Ecole de médecine. La sanction des études est un diplôme de fin d'études pour les élèves des deux premières sections, et le concours d'admission à l'Ecole de médecine pour ceux de la dernière.

Depuis le 15 janvier 1908 ces deux écoles — normale et administrative — sont réunies sous la direction d'un professeur d'école normale de la métropole : un nouveau plan d'études est en vigueur depuis cette date : pendant les deux premières années que les élèves passent à l'école, ils perfectionnent leur instruction générale et leur connaissance de la langue française : les programmes sont identiquement les mêmes pour les deux divisions administrative et morale. La troisième année est consacrée à la formation professionnelle, et naturellement les cours sont distincts pour les instituteurs, les écrivains-interprètes, les géomètres et les candidats à l'Ecole de médecine. Dans chaque section, une très large place est réservée aux exercices pratiques.

Les élèves de l'Ecole normale subissent en deux fois les épreuves du certificat d'aptitude à l'enseignement ; ils passent une première série d'épreuves à la fin de la seconde année ; leur succès atteste la valeur de leur instruction générale. La seconde série d'épreuves, qu'ils affrontent à la fin de la troisième année, est toute pédagogique et sanctionne leurs aptitudes et leur préparation professionnelles.

L'Ecole professionnelle supérieure forme des ouvriers d'élite et des contremaîtres : la durée des études y est de trois ans. Les élèves y sont répartis en plusieurs sections : menuiserie et ébénisterie, charronnage, forge et ajustage, ferblanterie, céramique. Le personnel se compose d'un directeur, possédant le certificat d'aptitude à l'enseignement du travail manuel, d'un instituteur européen, de contremaîtres européens, et d'agents indigènes (professeurs-assistants, instituteurs, contremaîtres). L'Ecole de médecine et la Maternité officielle (Ecole de sages-femmes de Tananarive et Ecole de sages-femmes de Fianarantsoa) ont pour but de préparer des médecins et des sages-femmes indigènes. L'Ecole de médecine se recrute parmi les élèves de la section correspondante de l'Ecole administrative, et la Maternité officielle parmi les élèves des écoles primaires ou des écoles ménagères. Dans ces deux écoles, les cours sont professés par des médecins européens, et par des indigènes ayant fait leurs études médicales en France, présentant par conséquent toutes les garanties désirables : le directeur actuel de ces écoles est le chef du service de santé.

Les élèves des écoles du second et du troisième degré sont recrutés par voie de concours ; depuis l'année 1906, sont seuls admis à subir les épreuves de ces concours les élèves ayant suivi, pendant les deux années précédentes, les cours d'une école officielle. Il convient de remarquer que les candidats aux écoles du troisième degré sont presque tous préparés dans les sections d'enseignement général des écoles régionales. Au passage d'un degré à l'autre, il se produit forcément des déchets : pour éviter que les candidats ainsi éliminés ne deviennent des déclassés, les sections préparatoires n'admettent que des indigènes jeunes (de douze à quatorze ans). En cas d'échec, après leurs deux années d'études au second degré, ils peuvent retourner à la terre ou apprendre un métier manuel.

Enfin, pour permettre à tous l'accès aux deux degrés supérieurs de l'enseignement et aux fonctions publiques, des bourses sont accordées aux élèves méritants et nécessiteux des écoles régionales et des écoles du troisième degré.

A la tête de l'enseignement est placé le chef du service, qui doit appartenir ou avoir appartenu aux cadres de l'enseignement secondaire ou de l'enseignement supérieur de la métropole. Il est assisté de deux inspecteurs primaires européens et de trois inspecteurs indigènes. Le Conseil supérieur de l'enseignement, récemment réorganisé, a pour attributions d'étudier les questions de programmes et de donner une direction unique à l'enseignement à Madagascar ; il est chargé aussi d'émettre un avis sur les réclamations formulées par les intéressés au sujet de l'ouverture des écoles privées et des garderies. Le Conseil est composé comme suit: le gouverneur général, président ; un administrateur, un professeur de l'Ecole de médecine, un magistrat, un inspecteur primaire, un instituteur directeur d'école, une institutrice directrice, un inspecteur indigène, un secrétaire désigné par le gouverneur général.

Enseignement des Européens. — C'est à dessein que nous plaçons en seconde ligne l'enseignement des Européens, car il n'a jamais occupé qu'une place accessoire au point de vue du nombre des écoles et des résultats obtenus, et il est presque sans relations, au point de vue administratif, avec l'enseignement des indigènes.

Les écoles primaires européennes sont ainsi réparties dans l'île : à Tananarive et à Tamatave, une école de garçons, une école de filles, et une école maternelle: à Diego, à Hell-Ville et à Majunga, une école mixte et une école maternelle ; à Mananjary, une école mixte. Officiellement, les écoles de garçons de Tananarive et de Tamatave portent le nom d'écoles préparatoires, mais elles ne sont en fait que de modestes écoles primaires. Les écoles préparatoires étaient destinées à donner l'enseignement primaire supérieur, l'enseignement professionnel et renseignement secondaire (premier cycle, division B). Un essai d'application de ce programme a été tenté à Tamatave, et vite abandonné, car il ne produisit aucun résultat appréciable.

Chaque année ont lieu à Tananarive, Tamatave, Diégo-Suarez, Majunga, des sessions pour l'obtention du certificat d'études primaires élémentaires.

L'enseignement secondaire est donné depuis le 15 janvier 1908 dans deux établissements, destinés l'un aux garçons, l'autre aux filles. Le premier, le collège de Tananarive, comprend : 1° une division élémentaire destinée aux jeunes élèves qui se préparent à suivre les classes d'enseignement secondaire ; 2° le premier cycle des études secondaires (classe de sixième, cinquième, quatrième et troisième, division A et division B). Les cours secondaires de jeunes filles de Tananarive comprennent une classe primaire, correspondant à peu près au cours moyen des écoles primaires, et deux années d'études secondaires, l'une répondant à la première période de l'enseignement des lycées (1™, 2e et 3e années), l'autre à la deuxième période (4e et 5e années).

ENSEIGNEMENT PRIVE. — L'enseignement privé, à Madagascar, est régi par l'arrêté du 23 novembre 1906. Les établissements d'enseignement privé comprennent des écoles et des garderies.

Les conditions requises pour diriger un établissement privé destiné aux Européens sont : être Français, âgé de vingt-cinq ans au moins, avoir fait un stage de deux ans dans l'enseignement, ou posséder le diplôme de sortie d'une école normale nationale ; avoir un certificat de bonnes vie et moeurs relatif aux cinq années précédentes ; jouir de ses droits civils et politiques ; posséder le certificat de capacité nécessaire à l'ordre de l'enseignement auquel l'établissement est destiné, c'est-à-dire le brevet simple pour une école primaire, le brevet supérieur pour une école supérieure, le baccalauréat pour un établissement d'enseignement secondaire.

Les mêmes conditions sont exigées des adjoints, à l'exception du certificat de stage et des conditions d'âge. Les étrangers, et également les indigènes, peuvent remplir les fonctions d'adjoint ou de professeur dans une école européenne, à la condition de présenter les mêmes garanties que les maîtres français, et de justifier de la connaissance de la langue française.

Les maîtres européens des deux sexes peuvent être autorisés à ouvrir des écoles indigènes ou à y enseigner, s'ils remplissent les conditions exigées pour la direction des établissements d'instruction destinés aux Européens ou pour l'enseignement dans ces mêmes établissements. Il en est de même pour les indigènes, s'ils possèdent le certificat d'aptitude à l'enseignement et produisent un certificat de bonnes vie et moeurs.

Les garderies peuvent être autorisées dans les localités situées à plus de 6 kilomètres de toute école, officielle ou privée, ou de toute garderie autorisée. Aucun diplôme n'est exigé des directeurs de garderie, qui doivent seulement présenter les garanties indispensables de moralité, et savoir lire et écrire.

Les écoles d'églises, que les diverses missions avaient le droit d'ouvrir, avant la publication de l'arrêté du 23 novembre 1906, dans toutes les localités où elles possédaient un temple, n'existent plus. Elles ont été remplacées, quand la chose a été possible, par de véritables écoles ou par des garderies.

C'est le gouverneur général qui décide l'acceptation ou le refus des demandes d'ouverture d'établissements d'enseignement privé.

Il est à remarquer, et ce sont là des conditions nouvelles, très importantes, fixées par l'arrêté du 23 novembre 1906 :

1° Qu'aucun établissement d'enseignement privé ne peut fonctionner dans un édifice consacré au culte ;

2° Que les autorisations sont accordées, non à telle mission, ainsi que cela s'est fait pendant très longtemps, mais à telle personne, désignée dans l'arrêté d'autorisation.

Les tableaux ci-après donnent la situation de l'enseignement à Madagascar au 31 décembre 1907 :

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NOTA. — En janvier 1908, les établissements suivants ont été ouverts :

1° 37 écoles primaires indigènes (de plus, 6 écoles fermées depuis plus d'un an et ne figurant pas sur cette statistique ont été rouvertes) ;

2e 2 écoles régionales (Tananarive, Tamatave) ;

3° Le collège de garçons et les cours secondaires de jeunes filles (Tananarive).