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Lycées et collèges

Nous divisons ce court exposé de l'histoire de l'enseignement secondaire en France en quatre sections correspondant n quatre périodes successives. La première partie de l'article, qui conduit le lecteur jusqu'en 1883, a été écrite, pour la première édition de ce Dictionnaire, par Jules Steeg ; la seconde partie est due à la plume de son fils, M. T. Steeg, député, qui a été rapporteur du budget de l'instruction publique de 1907 à 1910.

I — L'ancien régime.

Avant la Révolution française, l'enseignement secondaire était donné par des établissements appelés collèges. Primitivement ces collèges étaient des espèces d'hôtelleries où se réunissaient les jeunes gens qui suivaient les cours d'une université ; peu à peu ils furent soumis à une discipline régulière, et devinrent des pensionnats où les enfants des familles riches et ceux qui se distinguaient par des aptitudes exceptionnelles venaient étudier. — Voir Collèges (sous l'ancien régime).

Outre ces collèges universitaires, quelques corporations religieuses consacrées à l'enseignement avaient fondé de nombreux établissements du même genre, et tout particulièrement les Jésuites et les Oratoriens. Ces deux ordres étaient rivaux sur ce terrain, et s'y disputaient la faveur des familles. Les Jésuites l'emportaient par le nombre et la prospérité de leurs maisons d'éducation ; ils donnaient le ton à l'enseignement général. Le niveau des études était assez bas. Sauf quelques élèves que l'on distinguait et que l'on cultivait avec une sollicitude toute spéciale, le reste n'apprenait pas grand'chose. On en était demeuré, à part quelques essais dans les écoles bientôt dispersées de Port Royal, et quelques tentatives peu heureuses des Oratoriens, à la vieille routine, au système suranné des éludes presque exclusivement latines. Le grec était réservé à l'élite ; l'histoire ancienne était seule étudiée, et sans le moindre esprit critique ; la langue française était tenue en médiocre estime ; les sciences mathématiques, physiques et naturelles étaient regardées comme de simples accessoires, et les langues vivantes à peu près ignorées. En revanche, on poussait assez loin, surtout chez les Jésuites, l'art d'écrire en latin ; les pastiches de Cicéron et la mosaïque des vers latins y étaient en grand honneur. Le développement de la mémoire, la lecture et l'imitation des classiques expurgés, la phrase, le ton oratoire, les bonnes manières, l'obéissance aux maîtres, l'assiduité aux offices religieux, l'orthodoxie des doctrines, l'effacement de la volonté, le nivellement des caractères, voilà quel était le plan de l'éducation secondaire dans les collèges de la Compagnie de Jésus, qui servaient plus ou moins de modèles. En habiles pédagogues, les Pères avaient imaginé d'accorder une certaine place à des représentations théâtrales ; des élèves choisis jouaient non seulement devant leurs camarades, mais devant un public assez nombreux, des pièces de théâtre, tragédies ou même comédies, habituellement composées en latin par leurs maîtres ; les jeunes gens y prenaient goût, s'y formaient à l'aisance du ton et des allures, les parents étaient flattés, et les maisons y gagnaient de la notoriété et des élèves.

La discipline des collèges était rude ; peu de chose y était changé depuis le temps où Montaigne les appelait « vrayes geaules de jeunesse captive », où l'on « corrompt l'esprit des enfans à le tenir à la géhenne », jugement que justifiaient, pour un grand nombre de ces maisons, la hauteur des murs, l'étroitesse des classes et des dortoirs, la tristesse des cours sans verdure, sans fleurs, sans horizon, et l'usage barbare des châtiments corporels, le pain et l'eau, la prison, le fouet (Voir Punitions).

Sans doute les régents habiles et dévoués ne manquaient pas, et les principaux se consacraient pour la plupart avec un zèle absolu à leur tâche. Un grand nombre d'entre eux, prêtres, célibataires, n'ayant d'autre famille que leurs élèves, vivaient avec eux dans l'intimité, vivaient pour eux, et ceux des élèves qui embrassaient l'étude avec ardeur, qui avaient du loisir, qui aimaient les lettres, faisaient d'excellentes classes et portaient les fruits d'une culture délicate et vraiment exquise.

Lorsque les Jésuites furent expulsés de France, en 1762, leurs nombreux collèges (il y en avait 88) ne furent pas fermés ; ils passèrent en d'autres mains, et furent administrés par des bureaux (édit de lévrier 1763).

Au milieu du dix-huitième siècle, on comptait en France, pour une population de 25 millions d'âmes, 562 collèges. Par suite de la fusion de plusieurs établissements, Paris, qui avait eu au moyen âge vingt-huit collèges, n'en avait plus que dix : celui de la Sorbonne, fondé au treizième siècle, auquel avait été réuni par Richelieu celui du Plessis datant du quatorzième ; celui d'Harcourt, fondé au treizième siècle ; ceux du Cardinal Lemoine, de Navarre, de Montaigu, de Lisicux, de la Marche, datant du quatorzième siècle ; celui des Grassins, fondé au seizième siècle ; celui de Clermont, fondé au seizième siècle, par les Jésuites, qui lui donnèrent, au siècle suivant, le nom de Louis-le-Grand ; enfin, le collège Mazarin ou des Quatre-Nations, fondé au dix-septième siècle L'ensemble de la population scolaire de tous les collèges de France vers 1789 était de 72 747 élèves ; ce qui donne un élève sur 382 habitants, ou encore un élève sur 31 enfants en âge de faire des études. Cette proportion ne s'est pas beaucoup augmentée depuis lors ; elle a plutôt diminué à certains moments. En 1843, Villemain, ministre de l'instruction publique, constatait dans les établissements d'enseignement secondaire un élève sur 493 habitants, ou encore un élève sur 35 garçons en âge de faire des études. Il donnait de ce fait (rapport au roi) l'interprétation suivante :

« Cette réduction s'explique par les changements mêmes de la société, la place moins grande faite à la vie de loisir et d'étude, la tendance beaucoup plus générale vers les professions industrielles et commerçantes.

« Ajoutons à ces causes diverses tous les moyens de gratuité qui existaient avant 1789 pour l'instruction classique, de telle sorte que cette instruction, alors plus recherchée par le goût et l'habitude des classes riches, était en même temps plus accessible aux classes moyennes ou pauvres.

« Alors tout, dans les traditions et les moeurs, secondait l'instruction classique ; tout était préparé pour elle et la favorisait, le nombre des bourses et des secours de toute nature, la fréquentation gratuite d'une foule d'établissements, l'extrême modicité des frais dans tous les autres. Il y avait plus de 3000 bourses, et de nombreuses remises ou récompenses qui procuraient en outre l'éducation gratuite à plus de 7000 enfants. L'enseignement était donné sans rétribution aucune dans beaucoup de collèges, et spécialement dans tous les collèges de Paris, depuis 1719. »

Le nombre des élèves externes qui fréquentaient à ce titre les anciens collèges, à Paris et dans les provinces, est évalué à 30 000 ; si l'on y joint 10000 bourses et fondations particulières, on voit que l'enseignement secondaire était donné gratuitement soit en partie, soit en totalité, à plus de 40000 enfants.

Il n'en est pas moins vrai que l'éducation des collèges, sous l'ancien régime, s'adressait à l'aristocratie, n était destinée qu'à une élite, avait pour objet de former une société polie, lettrée, destinée aux jouissances et au luxe de la conversation ; bonne aux oisifs, aux écrivains, elle était peu propre à armer, sinon la foule, du moins les hommes de travail et de volonté, pour les luttes et les difficultés de l'existence.

II — La Révolution.

La Révolution ayant brisé les barrières qui séparaient les classes, ouvrant aux esprits entreprenants, aux familles pauvres, à la démocratie, une immense carrière, faisant appel à toutes les énergies, à tous les talents, il devenait nécessaire de leur offrir une autre éducation, une instruction qui fût tout à la fois une transition entre l'école primaire et la culture supérieure, et une préparation plus efficace aux nécessités de la vie nouvelle.

Déjà le procureur général au Parlement de Rennes, La Chalotais, avait exprimé des idées de réforme dans son Essai d'éducation nationale paru en 1763. Le président Rolland, à Paris, énumère dans son Compte-rendu du 13 mai 1768 les sérieuses critiques qu'il croit devoir adresser à l'éducation classique de son siècle et certaines réformes qui ont pris place dans le programme moderne. Plusieurs cahiers des Etats-généraux de 1789 émettent des voeux qui tendent à la réforme de l'enseignement et à l'organisation d'un système d'instruction publique ayant pour objet de former des citoyens. De nombreux plans de réforme de l'enseignement virent alors le jour, entre autres celui que Daunou présenta à la Constituante au nom des « instituteurs publics de l'Oratoire ».

Dans le projet d'organisation de l'instruction publique présenté par Talleyrand en 1791 au nom du Comité de constitution, l'enseignement secondaire devait être donné dans des écoles de district. On devait y enseigner les langues anciennes, une langue vivante ; » l'exposé des litres d'après lesquels la religion commande la croyance » ; les applications de la morale ; l'étude développée de la Déclaration des droits et de l'organisation des pouvoirs ; l'histoire des peuples libres et celle des Français « quand il en existera une » ; « les règles et les beautés de l'éloquence et de la poésie » ; les éléments des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la musique et de la peinture ; la natation, l'escrime, l'équitation et la danse.

Au nom du Comité d'instruction publique de l'Assemblée législative, Condorcet présenta en 1792 un projet de décret dans lequel l'enseignement que nous appelons secondaire formait le troisième degré de l'enseignement public ; il devait se donner dans des établissements appelés instituts, et embrasser « les éléments de toutes les connaissances humaines ». (Voir Condorcet.)

Nous ne referons pas ici l'histoire des divers projets discutés par la Convention : celui de Condorcet, adopté par le premier Comité de cette assemblée ; celui de la Commission des Six ; celui de la pétition du 15 septembre 1793 et de la Commission d'éducation nationale (1er octobre): et, après le 9 thermidor, celui du 26 frimaire an III sur les écoles centrales, qui devint le décret du 7 ventôse an III, remanié par celui du 3 brumaire an IV ; nous renvoyons aux articles Convention et Centrales (Ecoles).

Les écoles centrales, qui donnaient un enseignement libéral et laïc, ont rendu de réels services et auraient certainement contribué à élever le niveau général de l'instruction si elles avaient duré. Mais elles étaient extrêmement combattues par tous les amis de l'ancien régime, par tous ceux qui voyaient avec peine la démocratie s'établir, s'éclairer, puiser dans cette institution une sève et des forces qui l'eussent rendue invincible. On regrettait le vieux système classique et l'internat ; on se plaignait de l'absence d'instruction religieuse, de la diminution de la part faite aux langues anciennes. La Convention avait disparu et son oeuvre était suspecte. On revenait volontiers aux souvenirs et aux usages du passé.

En l'an VI, Roger-Martin, au nom d'une commission, présenta au Conseil des Cinq-Cents un projet de réforme, destiné, en réduisant le nombre des écoles centrales, à en accroître l'efficacité et à en rendre l'accès plus facile par la création d'écoles secondaires, intermédiaires entre l'école primaire et l'école centrale, Ce projet n'aboutit pas (Voir Conseil des Cinq-Cents).

III. — La restauration de l'ancien enseignement, de 1802 à la troisième République.

Le Consulat et l'Empire. — La réaction, pleinement victorieuse après le coup d'Etat du 18 brumaire, poursuivit dans la mesure du possible le rétablissement des institutions de l'ancien régime, et les écoles centrales succombèrent. Mais, devant le Tribunal et le Corps législatif, les orateurs chargés d'exposer les raisons qu'on alléguait pour les supprimer furent contraints par l'évidence d'en faire l'éloge. Le tribun Jard-Panvillier croyait qu'on eût pu remédier aux inconvénients signalés en élevant un peu l'enseignement dans les écoles primaires des villes et en le rendant plus élémentaire dans les écoles centrales, de manière à établir une transition plus facile entre les deux institutions. Il est vrai que ce n'était pas là du tout ce que désirait la réaction, plus pressée de reconstituer les anciennes distinctions et de relever les vieilles méthodes que de faire un pas en avant dans la voie ouverte par la Révolution.

Le tribun Jacquemont faisait cet aveu dans son rapport : « Le nombre des élèves que présentaient les écoles centrales dans ces dernières années s'était considérablement augmenté. L'ordre des études et la matière de l'enseignement s'étaient fixés, et l'administration avait pris d'elle-même une marche exacte et régulière. »

C'est sur ces institutions en pleine activité et en voie d'affermissement que Bonaparte décida de porter la hache. Indépendantes, vivant de la vie du département, animées d'un esprit démocratique et moderne, instruments de progrès et d'affranchissement intellectuel, elles ne répondaient pas à son idéal. Roederer, orateur du gouvernement, interprète fidèle de la pensée du premier consul et du parti réactionnaire, les condamnait en ces termes :

« Le système des écoles centrales a fait tout le contraire de ce qu'indiquait la nature des choses. Peu ou point d'enseignement littéraire, partout des sciences. Elles semblaient avoir entrepris de peupler la France d'encyclopédies vivantes. Il y avait plus de sagesse dans le système des anciens collèges ; là le fond de l'instruction était l'élude des langues anciennes, l'art d'exprimer ses pensées en prose, en vers. »

La loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), obéissant à cette inspiration, réorganisa complètement l'instruction publique. Elle divisait les établissements en trois catégories :

1° Les écoles primaires, créées par les communes ;

2° Les écoles secondaires, établies par les communes ou tenues par des particuliers. L'article 6 les définissait de la sorte : « Toute école établie par les communes ou tenue par les particuliers, dans laquelle on enseignera les langues latine et française, les premiers principes de la géographie, de l'histoire et des mathématiques, sera considérée comme école secondaire ». C'est l'origine des collèges communaux. Il ne pouvait être établi d'école secondaire sans l'autorisation du gouvernement ;

3° Les lycées et les écoles spéciales, entretenus aux frais du Trésor public.

Le Dictionnaire a donné, à l'article Consulat, les trois premiers titres de cette loi (articles 1-8), relatifs à la division de l'instruction, aux écoles primaires et aux écoles dites secondaires. Nous donnons ici les six autres titres, y compris les titres V et VI relatifs aux écoles spéciales, dont l'organisation est étroitement rattachée à celle des lycées :

« TITRE IV. — Des lycées.

« ART. 9. — Il sera établi des lycées pour l'enseignement des lettres et des sciences. Il y aura un lycée, au moins, par arrondissement de chaque tribunal d'appel.

« ART. 10. — On enseignera dans les lycées les langues anciennes, la rhétorique, la logique, la morale, et les éléments des sciences mathématiques et physiques.

« Le nombre des professeurs de lycée ne sera jamais au-dessous de huit ; il pourra être augmenté par le gouvernement, ainsi que celui des objets d'enseignement, d'après le nombre des élèves qui suivront les lycées.

« ART. 11. — Il y aura, dans les lycées, des maîtres d'études, des maîtres de dessin, d'exercices militaires et d'arts d'agrément.

« ART. 12. — L'instruction y sera donnée :

« A des élèves que le gouvernement y placera ;

« Aux élèves des écoles secondaires, qui y seront admis par un concours ;

« A des élèves que les parents pourront y mettre en pension ;

« A des élèves externes.

« ART. 13. — L'administration de chaque lycée sera confiée à un proviseur : il aura immédiatement sous lui un censeur des études, et un procureur gérant les affaires de l'école.

« ART. 14. — Le proviseur, le censeur et le procureur de chaque lycée seront nommés par le premier consul : ils formeront le conseil d'administration de l'école.

« ART. 15. — Il y a, dans chacune des villes où sera établi un lycée, un bureau d'administration de cette école. Ce bureau sera composé du préfet du département, du président du tribunal d'appel, du commissaire du gouvernement près ce tribunal, du commissaire du gouvernement près le tribunal criminel, du maire, et du proviseur.

« Dans les villes où il n'y aurait point de tribunal d'appel, le président du tribunal criminel fera partie du bureau d'administration du lycée. Dans celles où il n'y aurait ni tribunal d'appel, ni tribunal criminel, les membres de ce bureau seront nommés par le premier consul.

« ART. 16. — Les fonctions de ce bureau seront gratuites. Il s'assemblera quatre fois par an, et plus souvent s'il le trouve convenable, ou si le proviseur du lycée l'y invite. Il sera chargé de la vérification des comptes, et de la surveillance générale du lycée.

« Le proviseur rendra compte au bureau d'administration de l'état du lycée. Il y portera les plaintes relatives aux fautes graves qui pourraient être commises par les professeurs dans l'exercice de leurs fonctions, et par les élèves dans leur conduite. Dans le premier cas, la plainte sera communiquée au professeur contre lequel elle sera dirigée ; elle sera ensuite adressée, ainsi que la réponse, au gouvernement. Dans le cas d'inconduite et d'indiscipline, l'élève pourra être exclu du lycée par le bureau, à , la charge par celui-ci d'en rendre compte au gouvernement.

« ART. 17. — Il sera nommé par le premier consul trois inspecteurs généraux des études, qui visiteront une fois au moins l'année les lycées, en arrêteront définitivement la comptabilité, examineront toutes les parties de l'enseignement et de l'administration, et en rendront compte au gouvernement.

« ART. 18. — Après la première formation des lycées, les proviseurs, censeurs et procureurs des lycées devront être mariés ou l'avoir été. Aucune femme ne pourra néanmoins demeurer dans l'enceinte des bâtiments occupés par les pensionnaires.

« ART. 19. — La première nomination des professeurs des lycées sera faite de la manière suivante : les trois inspecteurs généraux des études, réunis à trois membres de l'Institut national désignés par le premier consul, parcourront les départements, et y examineront les citoyens qui se présenteront pour occuper les différentes places de professeurs. Ils indiqueront au gouvernement, et pour chaque place, deux sujets, dont l'un sera nommé par le premier consul.

« ART. 20. — Lorsqu'il vaquera une chaire dans les lycées une fois organisés, les trois inspecteurs généraux des études présenteront un sujet au gouvernement ; le bureau, réuni au conseil d'administration et aux professeurs des lycées, en présentera un autre : le premier consul nommera l'un des deux candidats.

« ART. 21. — Les trois fonctionnaires chargés de l'administration et les professeurs des lycées pourront être appelés, d'après le zèle et le talent qu'ils apporteront dans leurs fonctions, des lycées les plus faibles dans les plus forts, des places inférieures aux supérieures cette promotion sera proposée au premier consul, sur le rapport des trois inspecteurs généraux des études.

« ART. 22. — Les lycées correspondant aux arrondissements des tribunaux d'appel devront être entièrement organisés dans le cours de l'an XIII de la République.

« A mesure que les lycées seront organisés, le gouvernement déterminera celles des écoles centrales qui devront cesser leurs fonctions.

« TITRE V. — Des écoles spéciales.

« ART. 23. — Le dernier degré d'instruction comprendra, dans des écoles spéciales, l'étude complète et approfondie, ainsi que le perfectionnement, des sciences et des arts utiles.

« ART. 24. — Les écoles spéciales qui existent seront maintenues, sans préjudice des modifications que le gouvernement croira devoir déterminer pour l'économie et le bien du service. Quand il y vaquera une place de professeur, ainsi que dans l'école de droit qui sera établie à Paris, il y sera nommé par le premier consul, entre trois candidats qui seront présentés, le premier par une des classes de l'Institut national, le second par les inspecteurs généraux des éludes, et le troisième par les professeurs de l'école où la place sera vacante.

« ART. 25. — De nouvelles écoles spéciales seront instituées comme il suit :

« 1° Il pourra être établi dix écoles de droit : chacune d'elles aura quatre professeurs au plus ;

« 2° Il pourra être créé trois nouvelles écoles de médecine, qui auront au plus chacune trois professeurs, et dont une sera spécialement consacrée à l'élude et au traitement des maladies des troupes de terre et de mer ;

« 3° Il y aura quatre écoles d'histoire naturelle, de physique et de chimie, avec quatre professeurs dans chacune ;

« 4° Les arts mécaniques et chimiques seront enseignés dans deux écoles spéciales : il y aura trois professeurs dans chacune de ces écoles ;

« 5° Une école de mathématiques transcendantes aura trois professeurs ;

« 6° Une école spéciale de géographie, d'histoire et d'économie politique sera composée de quatre professeurs ;

« 7° Outre les écoles des arts du dessin, existant à Paris, Dijon et Toulouse, il en sera formé une quatrième avec quatre professeurs :

« 8° Les observatoires actuellement en activité auront chacun un professeur d'astronomie ;

« 9° Il y aura, près de plusieurs lycées, des professeurs de langues vivantes ; « 10° Il sera nommé huit professeurs de musique et de composition.

« ART. 26. — La première nomination des professeurs de ces nouvelles écoles spéciales sera faite de la manière suivante : les classes de l'Institut correspondantes aux places qu'il s'agira de remplir présenteront un sujet au gouvernement ; les trois inspecteurs généraux des études en présenteront un second : le premier consul choisira l'un des deux.

« Après l'organisation des nouvelles écoles spéciales, le premier consul nommera aux places vacantes entre trois sujets qui lui seront présentés comme il est dit à l'article 24.

« ART. 27. — Chacune ou plusieurs des nouvelles écoles spéciales seront placées près d'un lycée, et régies par le conseil administratif de cet établissement.

« TITRE VI. — De l'école spéciale militaire.

« ART. 28. — Il sera établi dans une des places-fortes de la République une école spéciale militaire, destinée à enseigner à une portion des élèves sortis des lycées les éléments de l'art de la guerre.

« ART. 29. — Elle sera composée de cinq cents élèves formant un bataillon, et qui seront accoutumés au service et à la discipline militaire ; elle aura au moins dix professeurs, chargés d'enseigner toutes les parties théoriques, pratiques et administratives de l'art militaire, ainsi que l'histoire des guerres et des grands capitaines.

« ART. 30. — Sur les cinq cents élèves de l'école spéciale militaire, deux cents seront pris parmi les élèves nationaux des lycées, en proportion de leur nombre dans chacune de ces écoles, et trois cents parmi les pensionnaires et les externes, d'après l'examen qu'ils subiront à la fin de leurs études. Chaque année il y sera admis cent des premiers, et cent cinquante des seconds : ils seront entretenus pendant deux ans aux frais de la République dans l'école spéciale militaire: ces deux années leur seront comptées pour temps de service.

« Le gouvernement, sur le compte qui lui sera rendu de la conduite et des talents des élèves de l'école spéciale militaire, pourra en placer un certain nombre dans les emplois de l'armée qui sont à sa nomination.

« ART. 31. — L'école spéciale militaire aura un régime différent de celui des lycées et des autres écoles spéciales, et une administration particulière ; elle sera comprise dans les attributions du ministre de la guerre. Les professeurs en seront immédiatement nommés par le premier consul.

« TITRE VII — Des élèves nationaux.

« ART. 32. — Il sera entretenu, aux frais de la République, six mille quatre cents élèves pensionnaires dans les lycées et dans les écoles spéciales.

« ART. 33. — Sur ces six mille quatre cents pensionnaires, deux mille quatre cents seront choisis par le gouvernement parmi les fils de militaires ou de fonctionnaires civils, judiciaires, administratifs ou municipaux qui auront bien servi la République ; et, pendant dix ans seulement, parmi les enfants des citoyens des départements réunis à la France, quoiqu'ils n'aient été ni militaires ni fonctionnaires publics.

« Ces deux mille quatre cents élèves devront avoir au moins neuf ans, et savoir lire et écrire. « ART. 34. — Les quatre mille autres seront pris dans un nombre double d'élèves des écoles secondaires, qui seront présentés au gouvernement d'après un examen et un concours.

« Chaque département fournira un nombre de ces derniers élèves proportionné à sa population.

« ART. 35. — Les élèves entretenus dans les lycées ne pourront y rester plus de six ans aux frais de la nation. A la fin de leurs études, ils subiront un examen d'après lequel un cinquième d'entre eux sera placé dans les diverses écoles spéciales, suivant les dispositions de ces élèves, pour y être entretenus, de deux à quatre années, aux frais de la République.

«ART. 36. — Le nombre des élèves nationaux placés près des lycées pourra être distribué inégalement par le gouvernement dans chacune de ces écoles suivant les convenances de la localité.

« TITRE VIII. — Des pensions nationales, et de leur emploi.

« ART. 37. — Le terme moyen des pensions sera de sept cents francs. Elles seront fixées pour chaque lycée par le gouvernement, et serviront tant aux dépenses de nourriture et d'entretien des élèves nationaux qu'au traitement des fonctionnaires et professeurs, et autres dépenses des lycées.

« ART. 38. — Le prix des pensions payées par les parents qui placeront leurs enfants dans les lycées ne pourra excéder celui qui aura été fixé par le gouvernement pour chacune de ces écoles.

« Les élèves externes des lycées et des écoles spéciales paieront une rétribution, qui sera proposée, pour chaque lycée, par son bureau d'administration, et confirmée par le gouvernement.

« ART. 39. — Le gouvernement arrêtera, d'après le nombre des élèves nationaux qu'il placera dans chaque lycée, et d'après le taux de leurs pensions, la portion fixe du traitement des fonctionnaires et professeurs, laquelle portion sera prélevée sur le produit de ces pensions. Il en sera de même de la portion supplétive de traitement, qui devra être fixée par le gouvernement d'après le nombre des pensionnaires et des élèves externes de chaque lycée.

« Les proviseurs des lycées sont exceptés de la dernière disposition ; ils recevront du gouvernement un supplément annuel et proportionné à leur traitement et aux services qu'ils auront rendus à l'instruction.

« TITRE IX. — Dispositions générales.

« ART. 40. — Les bâtiments des lycées seront entretenus aux frais des villes où ils seront établis.

« ART. 41. — Aucun établissement ne pourra prendre désormais les noms de lycée et d'institut. L'Institut national des sciences et des arts sera le seul établissement public qui portera ce dernier nom.

« ART. 42. — Il sera formé, sur les traitements des fonctionnaires et professeurs des lycées et des écoles spéciales, un fonds de retenue qui n'excédera pas le vingtième de ces traitements. Ce fonds sera affecté à des retraites, qui seront accordées après vingt ans de service, et réglées en raison de l'ancienneté. Ces retraites pourront aussi être accordées pour cause d'infirmités, sans que dans ce cas les vingt années d'exercice soient obligées.

« ART. 43. — Le gouvernement autorisera l'acceptation des dons et fondations des particuliers eu faveur des écoles ou de tout autre établissement d'instruction publique. Le nom des donateurs sera inscrit à perpétuité dans les lieux auxquels leurs donations seront appliquées.

« ART. 44. — Toutes les dispositions de la loi du 3 brumaire an IV qui sont contraires à la présente loi sont abrogées. »

En exécution de la loi du 11 floréal an X, un arrêté consulaire du 19 frimaire an XI (10 décembre 1802) développa le plan d'enseignement, dont le premier article disait : « On enseignera essentiellement dans les lycées le latin et les mathématiques ». Il devait y avoir six classes pour l'étude du latin (comprenant l'histoire et la géographie comme annexes), et six classes parallèles pour l'étude des mathématiques (comprenant comme annexes les sciences physiques et naturelles), mais de manière que les élevés d'un talent et d'une application ordinaire pussent faire deux classes par an. Au faîte de ces deux séries figurait un cours bisannuel de belles-lettres et de mathématiques « transcendantes », qui représentait l'enseignement actuel des facultés. (Cournot, Des Institutions d'instruction publique en France, 1864.)

Un autre arrêté, du 21 prairial an XI (10 juin 1803), régla l'administration et le régime intérieur des lycées, fixa le costume des élèves, et détermina minutieusement tout ce qui concernait la discipline, les communications avec le dehors, les congés, les examens et les prix, etc. L'arrêté du 15 brumaire an XII (7 novembre 1803) divisa les lycées en trois classes, et fixa les traitements des fonctionnaires et des professeurs attachés à ces établissements. Dans les lycées de la dernière classe, le traitement du proviseur était de 3000 francs, celui du censeur et celui du professeur de première de 1500 francs, celui du professeur de seconde de 1200, celui du professeur de troisième de 1000 francs, celui d'un maître d'étude de 700 francs ; à Paris, les traitements étaient respectivement de 5000 francs (proviseur), 3000 (censeur), 3000, 2500, 2000 (professeurs de première, de seconde et de troisième) et 1200 francs (maîtres d'étude).

Pour les écoles secondaires communales, l'arrêté du 30 frimaire an XI (21 décembre 1802) fixa les conditions auxquelles les communes et les particuliers pourraient obtenir la concession gratuite de locaux ; l'arrêté du 19 vendémiaire an XII (12 octobre 1803) régla l'administration, le plan d'études et le régime intérieur de ces établissements.

Ce n'était là qu'un début. Cette organisation, encore trop lâche et trop indépendante, ne pouvait suffire au mouvement de concentration à outrance que le maître de la France voulait imprimer à toutes les institutions. Devenu empereur, Napoléon résolut de prendre et de garder seul dans sa main toute-puissante l'instruction du pays, comme il tenait déjà l'armée, l'administration et le culte. Il voulait s'assurer le gouvernement des esprits par l'éducation comme il espérait l'avoir déjà par la religion, et il rêvait un clergé d'enseignement comme il venait de créer un clergé concordataire. Il a longtemps hésité, pour lui confier la jeunesse, entre le personnel ecclésiastique, déjà constitué, enrégimenté, assoupli, et un personnel laïque à créer. Le premier était mieux façonné à l'obéissance, mais n'obéirait pas qu'à lui seul ; le second pouvait être fondu, formé, pétri à son gré par ses propres mains. Il se décida pour ce dernier parti, résolut d'écarter les anciennes corporations qui offraient leurs services, qui trouvaient dans son entourage des défenseurs zélés. Il organisa un corps spécial, dont les membres devaient contracter des obligations civiles qui les séparaient momentanément de la société, les constituaient en une sorte de congrégation laïque, à laquelle revenait exclusivement la charge de l'enseignement dans la France entière. A l'avenir, — ainsi l'avait décidé l'empereur, — les proviseurs et les censeurs des lycées, les principaux et régents des collèges, ainsi que les maîtres d'étude de ces écoles, allaient être astreints au célibat et à la vie commune.

Le décret qui organisait l'Université impériale ne fut promulgué que le 17 mars 1808. Fontanes fut nommé grand-maître de la nouvelle institution.

C'est lui qui se chargea d'expliquer à diverses reprises à tous les fonctionnaires de l'enseignement l'esprit de la nouvelle législation.

« Dieu et l'empereur, disait-il dans sa circulaire aux recteurs le 15 janvier 1810, voilà les deux noms qu'il faut graver dans le coeur des enfants ; c'est à cette double pensée que doit se rapporter tout le système de l'éducation nationale. »

Et dans sa circulaire aux recteurs du 4 avril 1811 il dit : « L'Université n'a pas seulement pour objet de former des orateurs et des savants ; avant tout, elle doit à l'empereur des sujets fidèles et dévoués ».

Nous voilà loin de Condorcet, de Romme et de Lakanal !

Dans son plan d'études, l'Université impériale se rapproche encore plus que la loi de 1802 de l'ancien type classique. Le règlement du 19 septembre 1809 distingue deux années de grammaire (cinquième et quatrième), deux années d'humanités (troisième et seconde) et une de rhétorique, à laquelle s'ajouta bientôt celle de philosophie, destinée d'abord aux lycées des chefs lieux d'académie, et qui fut installée peu à peu dans tous les lycées. L'étude du grec commençait avec la quatrième, celle des mathématiques avec la troisième. Après la rhétorique, ceux des élèves qui se proposaient de se consacrer aux sciences suivaient une classe « spéciale » de mathématiques.

Un arrêté du 27 mars 1810 institua les classes préparatoires aux années de grammaire, la septième et la sixième. Ainsi se trouvèrentorganisées les trois divisions qui subsistent encore : la division élémentaire, la division de grammaire et la division supérieure. Un décret du 15 novembre 1811 porta le nombre des lycées à cent, chiffre correspondant aux agrandissements qu'avait reçus le territoire français ; les locaux des lycées devaient être arrangés de façon à ce que les lycées existants pussent contenir 300 élèves, les lycées nouveaux au moins 200. Mais ce décret ne fut pas mis à exécution.

Les institutions particulières placées dans les villes où existait un lycée ou un collège ne pouvaient, dit ce même décret, enseigner que les premiers éléments, et leurs élèves devaient suivre, pour les autres classes, le lycée ou le collège ; la même obligation était imposée aux élèves des écoles secondaires ecclésiastiques.

Les institutions et pensions autorisées étaient tenues de payer à l'Université un impôt équivalent au vingtième de la rétribution de leurs élèves. Le certificat d'études, obligeant à faire dans un lycée les classes de rhétorique ou de philosophie, achevait de constituer le monopole universitaire et contribuait à amener, de gré ou de force, des élèves dans les classes des lycées.

En 1809, il existait dans les lycées de France 9068 élèves qui se répartissaient ainsi : 2141 externes, 4199 boursiers, 1728 pensionnaires. En 1813, on compte 14492 élèves : le progrès est sensible. Quant aux collèges communaux, où l'instruction était de quelques degrés inférieure, ils comptaient 18 507 élèves en 1809 et 26 495 en 1813. Ils étaient plus près des familles, ils coûtaient moins cher, ils donnaient un enseignement plus restreint et probablement plus approprié aux nécessités locales.

La Restauration et la monarchie de Juillet. — La Restauration n'osa pas détruire l'Université, et Fontanes fut même prié tout d'abord d'en garder la direction. Néanmoins l'ordonnance du 17 février 1815 supprima la charge de grand-maître, et remplaça l'Université unique par dix sept universités distinctes ; les lycées reçurent le nom de collèges royaux. Durant les Cent-Jours, l'Université impériale fut rétablie sur l'ancien pied, avec Lacépède, puis Lebrun, connue grands-maîtres. Après Waterloo, l'ordonnance du 15 août 1815, qui remplaça celle du 17 février, admit provisoirement la conservation des académies de l'ancienne Université impériale, et plaça à la tête du corps universitaire une Commission, la Commission de l'instruction publique. En 1820, la Commission lut transformée en Conseil royal, et Corbière, président de ce Conseil, contresigna l'ordonnance du 27 février 1821, qui livrait l'enseignement public à la « Congrégation », et disait : « Les bases de l'éducation des collèges sont la religion, la monarchie, la légitimité et la charte. L'enseignement des sciences sera séparé de celui des lettres. Le cours de philosophie des collèges durera deux ans. Les leçons ne pourront être données qu'en latin. » On se méfiait des sciences et de la philosophie ; on séquestrait les unes, on les tenait en dehors des humanités ; on enfermait l'autre dans les formes de la scolastique, on l'enseignait dans une langue morte qui ne risquait pas d'enflammer les jeunes gens.

En 1822, la charge de grand-maître fut rétablie, et l'abbé Frayssinous y fut nommé. Cette année-là , l'Ecole normale fut supprimée. En 1824, une ordonnance augmenta les pouvoirs du grand-maître, et peu après celui-ci reçut le titre de ministre des affaires ecclésiastiques et de l'instruction publique. En 1828, la domination de la « Congrégation » ayant été ébranlée par les élections de 1827, l'instruction publique fut séparée des affaires ecclésiastiques ; le ministre de l'instruction publique, grand-maître de l'Université, fut M. de Vatimesnil. Celui-ci fit signer à Charles X l'ordonnance du 26 mars 1829: elle exigeait que les maîtres d'étude des collèges royaux fussent tous bacheliers ès lettres, que les proviseurs et censeurs fussent licenciés, soit des sciences, soit des lettres. C'était relever le niveau de l'administration. Elle prescrivait, de plus, dans son art. 17, que les mesures nécessaires fussent prises : 1° pour que l'étude des langues vivantes, eu égard aux besoins des localités, fît partie de l'enseignement dans les collèges royaux ; 2° pour que dans ces mêmes collèges l'étude de l'histoire ne se terminât que dans la classe de rhétorique ; 3° pour que la philosophie fût enseignée en français.

La monarchie de Juillet, issue d'un mouvement libéral, s'appliqua activement à développer toutes les institutions d'instruction publique. Ce qui caractérise cette époque, c'est la lutte très vive que l'Université eut à soutenir contre les assauts réitérés du parti catholique, qui réclamait la liberté de l'enseignement pour établir, au moyen des écoles ecclésiastiques, une concurrence aux collèges royaux et communaux (Voir Liberté de l'enseignement). Plusieurs projets de loi sur cette matière furent présentés ou discutés, qui n'aboutirent pas. Le régime intérieur des collèges ne subit, pendant toute cette période, aucune modification importante. Aussi peut-il être utile de s'y arrêter un instant et d'examiner quelle était alors la situation de l'enseignement secondaire en France.

Villemain, ministre de l'instruction publique, adressa le 3 mars 1843 un rapport au roi sur cet enseignement. C'était la première fois qu'un état général de situation était dressé. En 1808, Napoléon avait ordonné qu'on lui présentât et même qu'on imprimât chaque année un rapport annuel sur ce sujet ; mais le rapport de Villemain fut le premier travail de cette nature ; et, bien qu'un décret du roi eût ordonné que pareil travail fût dressé à l'avenir tous les cinq ans, il n'y en a eu depuis que deux autres, l'un de Duruy en 1865, l'autre de Bardoux en 1876.

« L'instruction secondaire, disait Villemain, embrasse les études de langues anciennes, de lettres, de sciences mathématiques et physiques, qui doivent préparer aux professions savantes, aux grands travaux intellectuels, aux principaux emplois de la société. Elle s'adresse particulièrement à ceux que les sacrifices de leurs familles, ou la libéralité de l'Etat et des villes, mettent à même d'appliquer à l'étude non seulement toute leur enfance, mais quelques années de la jeunesse qui, dans d'autres destinations, sont occupées déjà par un travail rétribué. Presque toujours cette instruction attire à elle les enfants que distinguent d'heureuses dispositions ; elle est souvent la seule fortune qu'un homme qui a servi longtemps l'Etat, qu'un officier parvenu lentement aux grades les plus honorables, laisse aux héritiers de son nom. Elle est, dans notre société si favorable à l'égalité des droits, la base même de cette égalité, par la concurrence qu'elle prépare et renouvelle sans cesse, entre le mérite, pouvant s'élever à tout, et la fortune, obligée de se recommander elle-même par le travail et le savoir. »

Il est intéressant d'entendre l'un des principaux représentants de l'Université de France, l'un de ceux qui ont le mieux personnifié l'esprit et les méthodes de l'enseignement classique, s'expliquer sur le système qui a été la base de l'instruction secondaire pendant une période de près d'un demi-siècle. La citation est un peu longue, mais elle donne une peinture si exacte et si complète des études de collège par lesquelles ont passé tant de générations, qu'il vaut la peine de la faire :

« Au fond et sur le point principal, c'est l'ancien système de Port-Royal et de l'université de Paris, le système qui depuis deux siècles a formé, pour la magistrature et les affaires, tant d'hommes capables et d'esprits éclairés. La création de l'Université, dès 1808, fut un retour à ce système ; et malgré des modifications nombreuses et diverses, c'est le caractère qui prévaut encore aujourd'hui, et qui s'est même fortifié dans ces dernières années. Seulement, à côté de cette étude dominante des tangues anciennes, particulièrement propre à exercer et mûrir l'esprit, on a fortifié l'enseignement historique, et maintenu pour les mathématiques des cours diversement gradués, les uns préparatoires, les autres développés et complets. L'étude des langues vivantes a pris, en même temps, une forme plus régulière, qui s'unit aux études classiques, au lieu d'en distraire.

« Les maîtres profitent de toutes les occasions qui se présentent pour rappeler aux élèves ce qu'ils doivent à Dieu, à leurs parents, au Roi et à leur pays (Statut des collèges royaux et communaux).

« Dans les classes inférieures, presque toujours précédées de classes élémentaires, l'enseignement comprend des études de grammaire française, latine et grecque, des exercices de mémoire, des explications d'auteurs, des essais de traduction, des notions de calcul, des leçons sur l'histoire sainte, sur l'histoire ancienne, sur l'histoire romaine et 3ur la géographie qui s'y rapporte.

« L'étude des langues modernes commence en quatrième.

« La troisième et la seconde sont presque exclusivement consacrées à cette étude des langues anciennes qui, par le travail de l'explication et de la traduction, devient un exercice perpétuel de raisonnement, une épreuve continue d'exactitude et de sagacité.

« La part trop considérable faite, il y a quelques années, dans ces classes, à la géométrie, est retranchée, sans que, toutefois, pour le plus grand nombre des élèves, les notions élémentaires de cette science soient interrompues. Les études historiques, réparties dans un ordre méthodique, donnent appui à l'instruction littéraire, qui fait le fond de ces cours.

« Le caractère de cette instruction est déterminé par le nombre et le choix des modèles. Ce sont quelques courts chefs-d'oeuvre de l'antiquité grecque et latine. Quelques fragments des Pères grecs s'y mêlent à des textes de Démosthène et de Platon. Le génie de Home, exprimé par ses grands historiens, se retrouve encore décrit et expliqué par Bossuet. Les premières leçons de goût sont empruntées à Fénelon. Nos classiques français y paraissent dans une proportion plus grande qu'autrefois.

« Le cours de rhétorique achève cette suite de lectures, en y ajoutant le travail de la composition. Dans ce cours, prolongé pendant deux années par quelques élèves, à de fortes études d'antiquité et à la méditation assidue des modèles les plus purs du génie français, se joint aujourd'hui une étude spéciale de l'histoire de France.

« L'année de philosophie donne à l'intelligence plus exercée des élèves un nouveau travail de réflexion. Le programme de ce cours embrasse, avec les règles de la logique, tous les grands principes de psychologie, de morale et de théodicée. Quelques ouvrages de Platon, d'Aristote et de Cicéron. Parmi les modernes, à partir de Bacon jusqu'à Reid, les principaux ouvrages qui ont marqué l'effort, le progrès., Descartes, Malebranche, Arnaud, Bossuet et Fénelon ; Clarke, Buffon, Locke, Leibnitz, Euler.

« Une partie de l'année de philosophie est appliquée à des études de mathématiques, de physique, de chimie et d'histoire naturelle. Cette variété d'objets ne permet pas une étude approfondie de chacun, mais elle donne de tous une connaissance sommaire, suffisante pour former cette instruction générale qui convient aux hommes éclairés de notre temps.

« Ceux qui ont besoin de pénétrer plus avant trouvent, dans une seconde année consacrée tout entière aux mathématiques et à la physique, une préparation complète au programme de l'Ecole polytechnique.

« Pour les autres élèves, destinés soit à des professions de la société dans lesquelles l'instruction classique n'est pas nécessaire, soit à des services publics où on est admis trop jeune pour y porter cette instruction, les classes de lettres et de philosophie sont remplacées par un enseignement plus court, qui a également pour objet de former le jugement et le langage. »

En 1843, le nombre des collèges royaux était de 46 ; il y avait 36 lycées en 1812. L'augmentation n'avait donc été que de dix en trente années.

Dans la première pensée de Bonaparte (loi du 11 floréal an X), la création des lycées entraînait pour le Trésor une charge de 4 millions représentée par 6400 bourses entières. Cette charge a baissé peu à peu par suite de la diminution des bourses ; la dépense de l'Etat n'était plus, à la fin de l'empire, que de 1 900 000 francs. En 1843 elle était de 1 940 477 francs.

L'ensemble des ressources des collèges royaux se composait de leurs revenus propres, de la subvention fixe votée au budget pour les traitements et pour les bourses, de crédits pour les bourses allouées par les communes ou les départements, des rétributions des internes et des externes.

Le total des recettes des 46 collèges royaux en 1842 était de 8 600 000 francs.

Le personnel des collèges se partageait en deux sortes de fonctions principales, et il n'y a rien de changé à cet égard : les fonctions d'administration ou de direction, et les fonctions de l'enseignement. Le proviseur gouverne l'établissement, est responsable de tout, et a sous ses ordres, pour la gestion matérielle, un économe choisi d'après des conditions déterminées d'aptitude (ordonnance du 1" novembre 1837), obligé au dépôt d'un cautionnement, et comptable envers la Cour des comptes. Sous l'autorité du proviseur, le censeur est plus spécialement chargé de la surveillance des études et de la discipline ; il a, pour l'aider, un surveillant général.

Le personnel enseignant était ainsi constitué :

L'aumônier ; les professeurs en nombre égal au nombre des classes ou subdivisions ; ils étaient partagés en trois ordres :

1° Professeurs de philosophie, rhétorique, physique et mathématiques spéciales ;

2° Professeurs d'histoire et d'humanités ;

3° Professeurs de mathématiques élémentaires et de grammaire.

Il faut ajouter, mais à un rang qui était tout à fait secondaire, les professeurs de langues vivantes, puis ceux de dessin, de musique, etc.

Les fonctions de maîtres d'étude tiennent à la fois de l'administration et de l'enseignement.

A partir de 1830, la règle des grades, jusqu'alors assez flottante, est devenue absolument obligatoire. Aucun emploi n'a été accordé depuis lors dans l'Université sans la condition préalable d'un diplôme correspondant.

Sur 1216 fonctionnaires de l'administration ou de l'enseignement dans les 46 collèges royaux, en 1843, 324 étaient licenciés ès lettres, 52 docteurs ès lettres, 116 licenciés ès sciences, 27 docteurs ès sciences, 385 agrégés ; les autres, bacheliers travaillant à obtenir la licence.

A côté des lycées, la loi du 11 floréal an X avait, comme nous l'avons dit, placé les écoles secondaires.

Un assez grand nombre de ces écoles furent établies par les communes dans les bâtiments d'anciens collèges supprimés après 1792. Elles étaient placées sous l'inspection des préfets. Le ministre de l'intérieur en nommait les directeurs et les principaux fonctionnaires.

A la création de l'Université, elles entrèrent dans le cadre de cet établissement : le décret du 17 mars 1808 leur donnait le nom de collèges. On les appela collèges communaux, lorsque les lycées prirent le nom de collèges royaux.

Le nombre de ces établissements avait peu varié de 1812 à 1842 ; il avait plutôt baissé dans cette période : de 337 il était tombé à 312. Cela tenait en partie à ce que, avant 1830, la dotation pouvait être portée d'office au budget des villes, tandis que depuis elle est devenue facultative.

Il faut ajouter, néanmoins, que le nombre des élèves y avait augmenté.

L'autorité publique surveillait la direction des collèges communaux comme celle des collèges royaux. Elle en nommait tous les fonctionnaires. Un bureau d'administration, composé de membres du conseil municipal et d'autres notables, siégeait près de chaque collège communal, dressait le budget, veillait au bien-être des élèves, indiquait les améliorations nécessaires.

Les bâtiments devaient être fournis et entretenus par les communes. Elles pouvaient administrer leurs collèges en régie à leur compte ; elles étaient aussi autorisées à céder la gestion du pensionnat au principal à ses risques et périls ; c'était le mode le plus habituel.

Les collèges communaux étaient divisés en deux ordres :

1° Ceux de plein exercice ;

2° Ceux qui offraient la partie inférieure de l'enseignement classique et les connaissances préparatoires qui pouvaient suffire aux professions où cet enseignement n'était pas exigé.

L'ordonnance du 29 janvier 1839 établit un minimum pour les traitements, qui jusque-là n'avaient rien de fixe ni d'uniforme. Ce minimum était de 2400 francs pour la fonction la plus élevée, de 1400 pour la moindre dans les collèges de plein exercice. Or, ce minimum, en 1843, n'était atteint que par 235 fonctionnaires sur 1370. Dans les collèges de second ordre, il était fixé de 1200 à 2000 francs, et là n'était atteint par aucun fonctionnaire.

Le nombre entier des fonctionnaires en 1843, dans les collèges communaux, était de 2538 (sur lesquels 165 ecclésiastiques soit comme principaux, soit comme régents). La moyenne du traitement pour chacun n'excédait pas 1200 francs.

Cette modicité des traitements ne nuisait pas au zèle des maîtres universitaires ; l'ensemble des études était bon, le niveau s'élevait, le progrès était sensible. Le nombre des élèves des collèges communaux, qui était de 18 554 en 1816, était monté à 22 969 en 1833 et à 26 584 en 1842. L'augmentation se produisait également dans les collèges royaux à la même époque, ils comptaient une population scolaire de 18697 élèves, dont 8030 pensionnaires et 10 667 externes. Cette prospérité désolait le parti clérical.

De 1848 à 1870. — La réaction, triomphante en 1850, profita de son succès pour porter à l'Université des coups qu'elle crut décisifs. La loi de 1850 établissait victorieusement l'enseignement congréganiste, sans garantie d'aucun genre, à côté, en face, au-dessus de l'enseignement universitaire. Non seulement les ennemis de l'Université lui créèrent une concurrence redoutable par toutes les ressources d'argent, d'influence, de séduction et d'intimidation dont ils disposaient, mais encore ils pénétrèrent dans la place, s'installèrent dans ses conseils, cherchèrent à bouleverser ses méthodes. Fortoul, ministre de l'instruction publique de 1851 à 1856, s'est signalé par diverses mesures qui ont profondément atteint le régime universitaire. C'est à lui qu'est dû le décret du 10 avril 1852, dont la principale disposition consistait en ceci :

Les lycées (c'est le nom que les collèges royaux avaient repris en 1848, et qu'ils ont gardé depuis lors) devaient comprendre désormais deux divisions :

1° Celle de grammaire, commune à tous les élèves jusqu'à la quatrième inclusivement ;

2° La division supérieure, partagée en deux enseignements distincts, les lettres et les sciences.

C'est ce qu'on a appelé la bifurcation. En sortant de la classe de quatrième, les élèves étaient appelés à faire un choix entre les lettres et les sciences, à décider de l'orientation de leur vie, à choisir leur carrière, à rompre à peu près entièrement avec l'une ou l'autre branche de l'enseignement public. Sans doute, on essayait bien de conserver çà et là quelque classe commune aux élèves de lettres et de sciences ; mais l'essai ne fut pas heureux, le niveau était trop différent, et chaque section en était arrivée vite à mépriser les études de l'autre section. Les sciences n'y gagnèrent pas ce que les lettres y perdirent ; les mauvais élèves, les paresseux, les étourdis, fatigués de la grammaire, des langues, se hâtaient d'opter pour un changement dont ils espéraient plus d'agrément ou moins de travail ; ils négligeaient même leurs éludes classiques dans la division de grammaire, supposant qu'elles étaient bien inutiles en vue de l'étude des sciences. Il y eut des hésitations, des regrets, des retours de la part des élèves ou des parents, les uns et les autres incapables de prononcer sur les aptitudes et l'avenir des enfants d'une façon prématurée et décisive.

L'esprit des prétendus réformateurs de cette triste époque se manifeste clairement dans le rapport du ministre : « Les discussions historiques et philosophiques, disait-il, conviennent peu à des enfants. Lorsque l'intelligence n'est pas formée, ces recherches intempestives ne produisent que la vanité et le doute ; il est temps de couper dans sa racine un mal qui a compromis l'enseignement public et a excité les justes alarmes des familles. » Il faut noter qu'il s'agissait ici des exercices des plus hautes classes, destinées à des jeunes gens de seize à dix-neuf ans. En conséquence de ces principes, la philosophie était supprimée et remplacée par une année de logique, ayant simplement pour objet « l'exposition des opérations de l'entendement et l'application des principes généraux de l'art de penser à l'étude des sciences et des lettres ». On redescendait au-dessous de la Restauration et de M. de Vatimesnil. En revanche, les professeurs des lycées recevaient l'ordre formel et sans réplique d'avoir à raser leurs moustaches et à ne jamais faire leurs leçons sans robe.

Le ministère de Rouland, de 1856 à 1863, ne changea presque rien à cet état de choses. Il fallut arriver au ministère vraiment réparateur de Victor Duruy pour entrer dans une ère de réformes. Membre éminent de l'Université, Duruy savait aussi bien que personne le mal que ses prédécesseurs avaient fait, et il s'est appliqué, avec un zèle digne d'éloges, à relever les études, à perfectionner les programmes, à donner aux lycées et aux collèges une vie nouvelle.

A peine arrivé au pouvoir, il supprimait ou du moins retardait la bifurcation : par le décret du 2 septembre 1863, il rétablissait pour les élèves de troisième la communauté des études littéraires et scientifiques et reportait dans la classe de seconde le point de séparation. Un an après, le décret du 4 décembre 1864 supprimait les classes dites seconde scientifique, rhétorique scientifique et philosophie scientifique. L'organisation normale des lycées devait être à l'avenir : 1° les classes ordinaires d'humanités, avec un enseignement scientifique plus fort, ayant pour sanction le baccalauréat ès lettres ; 2° ces mêmes classes, suivies d'une classe de mathématiques élémentaires, conduisant au baccalauréat ès sciences.

Quant à ceux des élèves qui voulaient interrompre, avant la fin, leurs études d'humanités, ils devaient trouver, dans une classe de mathématiques préparatoires, les études littéraires que réclament le baccalauréat ès sciences et les examens d'admission aux grandes écoles.

Dès les premiers jours de son ministère, M. Duruy avait rétabli l'agrégation de philosophie et rouvert la classe de philosophie clans les lycées et collèges.

De plus, il instituait, dans cette même classe de philosophie un cours nouveau d'histoire contemporaine, qui devait s'étendre de 1789 jusqu'à nos jours. Innovation hardie qu'il justifiait ainsi dans une circulaire aux recteurs :

« Il faut que ceux qui, dans quelques années, feront les affaires du pays, sachent de quelle manière ce pays a vécu jusqu'à présent. Notre société actuelle, avec son organisation et ses besoins, date de la Révolution, et pour la bien comprendre, comme pour la bien servir, il faut la bien connaître.

« J'ai introduit dans l'histoire des idées et des événements de ce siècle quelques notions d'économie politique. Depuis un siècle que les économistes sont à l'oeuvre, ils ont mis en lumière un certain nombre de vérités que personne ne conteste plus, et dont l'éducation doit déjà s'emparer, au profit de nos élèves et du pays.

« Grâce à cet enseignement, nos élèves, en sortant du lycée, ne tomberont plus dans l'inconnu. Nous leur aurons montré le terrain où, jusqu'à cette heure, ils marchaient sans guide, et nous lés aurons mis en état de comprendre les événements au milieu desquels la vie sérieuse vient les surprendre. Jeter un jeune homme dans la cité sans lui avoir rien dit de l'organisation et des nécessités qu'il y rencontre, c'est comme si l'on jetait dans la bataille un chasseur à pied avec l'armement des francs-archers de Charles VII. »

Une place plus importante fut accordée aux langues vivantes, assez délaissées jusque-là . Au lieu de les retarder jusqu'à l'âge de quatorze et quinze ans, on les commença avec les jeunes enfants, « dont les organes plus souples se prêtent à rendre tous les sons, et dont l'esprit encore peu exigeant retient les mots plus aisément que les idées ». On donna une place aux langues vivantes dans les compositions du concours général et dans l'examen du baccalauréat, ce qui était l'un des moyens les plus efficaces de les arracher au discrédit dans lequel elles étaient tombées. Enfin le décret du 27 novembre 1863 établit une agrégation spéciale des langues vivantes.

Tant d'efforts furent couronnés de succès. Le nombre des élèves croissait tous les ans.

A la rentrée des classes d'octobre 1868, la population scolaire dans les lycées et collèges de la France s'était accrue sur l'année précédente de 283b élèves, dont 1695 pour les lycées et 1140 pour les collèges.

Le nombre total des élèves était de 71 594 pour 81 lycées (soit 20 de plus qu'en 1848) et 251 collèges.

Le niveau des études montait également. Duruy raconte quelque part qu'il a fait faire, en 1864, un examen des compositions des lauréats du grand concours de la Sorbonne depuis 1830. La « courbe géométrique du mouvement des études » durant cette série d'années a donné le résultat suivant : de 1830 à 1840, oscillation sans caractère déterminé ; de 1841 à 1851, marche ascensionnelle ; de 1852 à 1859, décadence générale dans les sciences aussi bien que dans les lettres, sauf pour une faculté, l'histoire. A partir de 1859, la courbe abaissée se relève, et l'on commence à regagner une partie du terrain perdu. C'est le moment où l'on se relâche des prescriptions Fortoul ; les réformes du ministère Duruy ont fortement contribué à faire remonter la pente.

Enseignement secondaire spécial. — L'enseignement secondaire spécial, qui prit une si grande place dans les collèges et dans plusieurs lycées, dont quelques-uns lui étaient même entièrement consacrés, doit son origine légale et son organisation à Duruy.

Déjà , le 28 décembre 1846, M. de Salvandy chargeait la faculté des sciences de Paris de constater l'état de l'enseignement scientifique dans les établissements universitaires et de lui faire connaître « quels compléments cet enseignement devrait recevoir pour conduire le pays en avant, selon ses instincts, dans toutes les voies de l'industrie, du travail et de la science ». La commission choisie insista sur la nécessité de donner à l'enseignement des sciences une direction plus pratique, de diminuer la part faite aux subtilités des mathématiques et d'accroître la part de l'élément scientifique dans le baccalauréat ès lettres. Dans un arrêté du 5 mars 1847, le ministre essayait de faire droit à ces observations. « Il faudrait, disait-il, dans les collèges royaux et communaux, sous le nom d'enseignement spécial, un cours triennal, distinct de l'enseignement littéraire et parallèle à cet enseignement, où les élèves seraient admis après la quatrième. » On essaya aux collèges Charlemagne et Bourbon ; mais, peu à peu, ces cours d'enseignement spécial finirent par ressembler aux cours de français déjà annexés à la plupart des collèges de province.

L'idée fut reprise par Duruy. Il conçut le projet de préciser l'enseignement professionnel, vaguement ébauché en 1829 et en 1847, ou plutôt d'organiser dans les lycées et dans les collèges un enseignement nouveau, non intermédiaire entre l'école primaire et l'instruction secondaire et destiné à faire passer les esprits de l'une à l'autre, mais supérieur à l'école primaire et parallèle à l'instruction classique. Ce n'était autre chose que l'enseignement primaire supérieur, tel que l'avait conçu M. Guizot, mais non pas livré au hasard, aux caprices ou aux ressources des communes, sans secours, sans unité et sans guide. De fait, on sait de quelle façon incomplète, incohérente, insuffisante cet enseignement primaire supérieur s'était établi dans notre pays. Alors que les Realschulen ont eu en Allemagne un si complet succès et ont rendu de si grands services, nos écoles primaires supérieures, inscrites dans la loi du 28 juin 1833, passées sous silence par la loi de 1850, étaient restées, sauf de très rares exceptions, à l'état de projet et d'espérance.

Duruy pensa qu'il fallait introduire cet enseignement dans les établissements d'Etat déjà existants, lui donner la cohésion et l'unité, profiter des locaux, de l'administration, des ressources déjà disponibles. Tel fut l'objet de la loi du 21 juin 1865 : Voir Lois scolaires, p. 1087.

L'article 8 spécifie expressément que la nouvelle loi ne fait pas obstacle à ce que les écoles primaires supérieures, établies en vertu de la loi de 1833, continuent d'exister. Cet article était d'autant plus nécessaire que ces deux genres d'établissement n'ont au fond qu'un seul et même enseignement

« Cette loi, disait Duruy dans un de ses discours, permettra d'organiser enfin le mode d'instruction propre à un temps où la science transforme incessamment l'agriculture, l'industrie, le commerce, et que réclamait cette foule qui, pour mieux exécuter les travaux des champs, du comptoir ou de l'usine, veut aller plus loin que l'école primaire, sans aller aussi haut que le lycée. »

Dans l'instruction aux recteurs, relative à l'organisation du nouvel enseignement, il faisait ces remarques à propos des programmes :

« Lorsqu'un élève entre au lycée, c'est pour en suivre successivement toutes les classes. Nous sommes donc assurés de son attention et de son travail pour sept ou huit ans, et nous disposons nos méthodes en conséquence. Presque tous les fruits de l'enseignement classique seraient perdus pour celui qui n'achèverait pas le cours entier des études du lycée. Mais l'enseignement spécial a été institué en faveur des enfants qui ne peuvent disposer d'un assez gros capital de temps et d'argent. Beaucoup n'iront pas jusqu'à la fin des cours ; quelques-uns même n'y resteront qu'une année ou deux. Il a donc fallu distribuer les matières de cet enseignement de telle sorte que chaque année d'études formât un tout complet en soi, et que les plus indispensables fussent placées dans les premiers cours. Les éludes des diverses années consacrées à cet enseignement formeront ainsi comme un ensemble de cercles concentriques d'un rayon plus grand à chaque cours nouveau. »

L'enseignement littéraire occupait plus de place dans les premières années, tandis que l'importance des études scientifiques allait croissant avec l'âge des élèves ; le dessin prenait quatre heures par semaine dans les trois premières années et six dans les deux dernières ; la durée commune des classes était réduite à une heure, afin de n'épuiser ni les forces des maîtres ni l'attention des élèves (elle était généralement de deux heures dans l'enseignement classique) ; enfin, les programmes représentaient si bien l'enseignement primaire supérieur, que le ministre déclarait les avoir développés de manière à pouvoir servir de sommaires dans les cours supérieurs des classes d'adultes. De plus, il recommandait qu'on habituât les élèves à manier quelques outils, « non pas en vue de leur apprendre un métier, mais afin que leur main, exercée à tenir le marteau ou la lime, fût prête pour les travaux de l'apprentissage, comme leur esprit pour ceux du bureau ou du laboratoire ».

Si l'école primaire supérieure n'avait pas prospéré, c'est que tout lui manquait, locaux, ressources, direction et maîtres spéciaux. Pour fournir des professeurs, sans lesquels la nouvelle création fût restée lettre morte, le ministre fonda l'école normale de Cluny (Voir Cluny), institua un brevet de sortie, et créa même une agrégation spéciale, « afin que est ordre d'enseignement eût, comme tous les autres, son couronnement » (Décret du 28 mars 1866). Un décret du 25 septembre 1872 assimila plus tard les professeurs agrégés de l'enseignement spécial aux chargés de cours de l'enseignement classique.

En 1868, l'établissement de Cluny renfermait déjà 170 élèves-maîtres et 300 jeunes élèves dans le collège annexé. Une troisième année d'études, destinée spécialement aux candidats à l'agrégation, comprenait 24 élèves. Indépendamment des brevets de capacité décernés aux élèves de Cluny, les jurys d'examen délivrèrent, dans les sessions de cette même année, le certificat d'études à 123 candidats sur 160, et le brevet de capacité à 16 sur 40. Au concours pour l'agrégation spéciale de 1869, neuf élèves de Cluny obtinrent le litre d'agrégé: parmi les concurrents se trouvaient des élèves de l'École centrale.

A la rentrée de 1868, l'enseignement spécial comptait dans les lycées 7034 élèves, soit 650 de plus que l'année précédente, et dans les collèges communaux 11 429, soit plus du tiers de leur population totale. En ajoutant la population scolaire des lycées à celle des collèges, on trouve que 18 463 élèves, ou plus du quart de la totalité, suivaient alors les cours de l'enseignement spécial.

Le lycée de Mont-de-Marsan, consacré exclusivement à cet ordre d'enseignement, devenait insuffisant pour le nombre d'élèves qui affluaient ; il fallut lui donner comme succursale le collège communal de Saint-Sever. Plusieurs collèges se modifièrent dans le même sens. Le voeu du ministre était que la plupart des villes en vinssent à transformer peu à peu leurs collèges en établissements d'enseignement secondaire spécial : « Ce changement, disait-il, est la seule voie de salut pour le plus grand nombre de nos collèges communaux. Savez-vous ce qu'ils coûtent annuellement? — Plus de onze millions. — Ce qu'ils rapportent? — 253 bacheliers ès lettres!»

La statistique officielle de l'enseignement secondaire faite en 1876, dix ans après la loi Duruy, constata que l'enseignement secondaire spécial, était organisé dans tous les lycées, sauf cinq de la ville de Paris, qu'il y était donné par 325 maîtres, dont 65 professeurs titulaires (presque tous agrégés), 140 chargés de cours, et 120 maîtres élémentaires (parmi lesquels 69 instituteurs). Il comptait 8696 élèves sur les 40 995 élèves que possédaient les 81 lycées au 31 décembre 1876. Depuis la première organisation, en 1865, l'enseignement secondaire spécial avait gagné 3694 élèves, soit en moyenne 71 par lycée. Dans les 248 collèges où il était organisé en 1876, il comprenait 527 chaires, ce qui, en y ajoutant les leçons des principaux et des maîtres d'éludes, donnait un total de 647 professeurs, dont les traitements variaient de 400 à 2500 francs. Parmi ces professeurs, on remarquait 12 licenciés, 107 bacheliers, 68 brevetés de Cluny, 34 brevetés de l'enseignement spécial, et 347 instituteurs. Les élèves de cet enseignement dans les collèges étaient au nombre de 14 012, sur une population scolaire de 38236, soit une augmentation de 2132 élèves de l'enseignement spécial depuis 1865.

L'enseignement secondaire spécial fut complété et amélioré dans les années suivantes, en particulier par le décret du 4 août 1881 et par le nouveau plan d'études du 28 juillet 1882. Voici comment le sous-secrétaire d'Etat à l'instruction publique, M. Eugène Durand, résumait ce plan dans un discours prononcé le 4 novembre 1883, à Tourcoing, pour l'inauguration du nouveau lycée consacré exclusivement à cet ordre d'instruction :

« L'enseignement secondaire spécial comprend aujourd'hui trois cycles. Le premier correspond aux classes élémentaires de l'enseignement classique, et se résume, pour ceux qui ont jusque-là suivi l'école primaire, en une seule année de préparation particulière. C'est là la période d'initiation. Avec le deuxième cycle commence, sous le nom de cours moyen, l'enseignement spécial proprement dit, que, sous le nom de cours supérieur, complétera et fortifiera ensuite le troisième cycle.

« Le cours moyen comprendra trois années ; il suffira à ceux que pressent les nécessités de la vie et qu'appellent immédiatement les professions agricoles, commerciales et industrielles. Le cours supérieur sera de deux années ; il sera suivi par ceux qui ont l'ambition d'une culture intellectuelle plus élevée, et ses programmes seront assez riches pour former des esprits cultivés et solides. L'un et l'autre auront d'ailleurs leur sanction. Ils seront couronnés, le premier par un certificat d'études qui aura sa valeur, car il sera la preuve d'études sérieuses suivies avec fruit ; le second, par un diplôme de bachelier, par le baccalauréat de l'enseignement secondaire spécial, qui sera, dans la plupart des cas, l'équivalent du diplôme de bachelier ès sciences, et qui ne lardera pas à être aussi recherché que lui. »

En réalité, ce baccalauréat de l'enseignement spécial ne fut jamais recherché : la clientèle de cet enseignement ne visait pas aux diplômes. Elle allait chercher dans les lycées et collèges qui lui étaient ouverts des connaissances pratiques et immédiatement utilisables : rudiments de français, de langues étrangères, de calcul, de comptabilité, de géographie, es cours inférieur et moyen étaient surpeuplés, le cours supérieur désert. Introduit dans les lycées à défaut d'écoles primaires supérieures capables de le donner, cet enseignement, qui ne fut jamais secondaire, mais utilitaire, commercial, professionnel, devait disparaître et disparut le jour où les écoles primaires supérieures, les écoles professionnelles, les écoles d'industrie et de commerce furent sérieusement organisées. L'école normale de Cluny fut alors supprimée, et les professeurs agrégés d'enseignement spécial assimilés aux agrégés de l'enseignement secondaire classique (Décret du 16 juillet 1887).

Classes élémentaires des lycées et collèges. — L'enseignement primaire trouva aussi sa place dans les lycées et collèges : « C'est la classe primaire, disait M. Bardoux, qui fournit au recrutement de l'enseignement classique et de l'enseignement spécial». Dans les lycées, elle reçut le nom de neuvième. La statistique officielle indiquait pour cette classe 4799 élèves et 191 maîtres, dont 2 licenciés, 18 bacheliers, soit ès lettres, soit ès sciences, et 165 instituteurs. A la plupart des collèges communaux se trouvait également annexée une classe primaire ; elle comptait, en 187b, 9232 élèves et 356 maîtres, dont les traitements varient de 300 à 2300 francs. Dans le nombre, on en remarquait 309 avec le brevet d'instituteur, contre 11 bacheliers seulement.

En retardant le début des études latines jusqu'à la sixième, le plan d'études du 2 août 1880 (Voir plus loin) a assimilé complètement les classes de neuvième, de huitième et de septième aux classes primaires ; l'enseignement qui doit s'y donner est absolument conforme au programme des" écoles primaires publiques, en sorte que désormais un élève sortant de l'école primaire communale peut, s'il a commencé les langues vivantes, entrer de plain pied dans la classe de sixième du lycée, sans qu'il existe aucune différence de préparation entre lui et ceux de ses camarades qui ont suivi les classes élémentaires d'un établissement secondaire.

IV. — La troisième République.

Le projet de réforme de Jules Simon. — Lorsque Jules Simon devint ministre de l'instruction publique, il entreprit de réformer et d'améliorer l'enseignement classique. Il commença par quelques règlements indispensables sur la gymnastique, les langues vivantes, l'histoire et la géographie. On lui demandait, de différents côtés, d'aller plus loin, de faire des réformes profondes. « Je résiste, disait-il, à ces prières et à mes désirs, parce qu'en matière d'enseignement il vaut mieux procéder par des améliorations successives ; c'est là surtout qu'il faut agir à coup sûr, et qu'il n'est plus permis de risquer des expériences. »

Dans une circulaire du 27 septembre 1872 aux proviseurs, Jules Simon exposa les principales réformes qui lui paraissent praticables. Il voulait des réunions périodiques de professeurs, au moins une fois par mois, sous la présidence du proviseur ou du censeur, avec la constitution d'un conseil élu, devant exercer des fonctions analogues à celles du conseil de l'ordre des avocats.

Le ministre insistait sur la nécessité du développement des exercices gymnastiques et militaires, d'équitation, d'escrime, de natation, les longues promenades avec but instructif et exercices de topographie. Il voulait que les leçons de géographie allassent du connu à l'inconnu, des environs immédiats de la commune au département et au monde, et fussent accompagnées sans cesse de confection de cartes. Il s'étendait surtout sur les modifications urgentes à apporter dans l'enseignement du latin et du grec. Un grand nombre d'études complémentaires, disait-il, ont fini par développer le programme au point d'en faire une véritable encyclopédie. Un élève qui posséderait cet ensemble de connaissances serait un savant au sortir du collège. Mais en surchargeant les enfants de travail outre mesure, on nuit également à leur santé et à leur progrès. Or toutes les études nouvelles qui ont été introduites sont nécessaires ; on ne peut en omettre aucune. Ce serait un crime que de supprimer l'étude des langues anciennes ; il ne reste donc qu'à la modifier.

Le principe de la réforme à faire, ajoutait le ministre, sera celui-ci : on apprend les langues vivantes pour les parler, et les langues mortes pour les lire. Le vers latin, le thème, la dissertation latine, le discours latin, ont pour but principal d'enseigner à écrire et à parler le latin ; la lecture, l'explication des auteurs, la traduction à haute voix et la version écrite ont pour but principal d'enseigner à lire le latin. De ces deux ordres d'exercices, les premiers sont à supprimer ou à restreindre ; les seconds sont à développer.

De là découle la suppression complète des vers latins, la diminution de moitié du temps donné jusqu'alors aux thèmes et aux compositions en langue latine, et en général à tous les devoirs écrits. Ce temps gagné sera employé à la lecture et à l'explication des auteurs grecs et latins et à une étude plus sérieuse du français. Les compositions françaises devront moins porter sur les sujets qui encouragent à traiter des lieux communs ; des lettres, des récits, des jugements sur un événement ou sur un livre seront préférés à des sujets de discours de pure rhétorique.

Ces réformes parurent trop hardies au Conseil supérieur reconstitué par la loi de 1873. Le doyen de la faculté des lettres de Paris, Patin, proposa de rétablir les vers latins ainsi que le thème latin pour les classes de quatrième, de troisième et de seconde ; il en fut de même pour le thème grec. En conformité avec ces vues, et tout en tenant compte d'un certain nombre d'améliorations reconnues nécessaires, un arrêté ministériel (signé de M. de Cumont), en date du 23 juillet 1874, fixait le nouveau plan d'études et le plan des programmes d'examen, ainsi qu'un tableau de l'emploi du temps. Un décret du même mois divisait les examens du baccalauréat ès lettres en deux séries d'épreuves qui ne pouvaient être subies qu'à un an d'intervalle, et qui assuraient un degré supérieur de préparation et de maturité.

Plusieurs années s'écoulèrent pendant lesquelles les luttes ardentes de la politique détournèrent l'attention des réformes scolaires. Le triomphe incontesté du parti républicain fut le signal de nouveaux efforts et de nouveaux progrès dans le domaine de l'instruction publique. L'année 1880 vit la réorganisation du Conseil supérieur sur la base de l'élection et l'adoption d'un nouveau plan d'études pour les lycées et collèges, plus conforme aux réclamations et aux exigences de la société moderne.

Le nouveau Conseil supérieur, présidé par Jules Ferry, s'inspirant des idées émises non seulement par Victor Duruy et Jules Simon, mais par un grand nombre de professeurs et de publicistes éminents, arrêta toute une série de mesures et de programmes" qui portent la date du 2 août 1880.

La reforme de 1880. — Ce nouveau plan ne fait plus commencer l'étude du latin qu'à partir dé la sixième et l'étude du grec à partir de la quatrième. Il donne à l'étude de la langue française et des sciences physiques et naturelles une très grande place dans les premières années ; il réduit, pendant toute la durée des études, les exercices écrits, qu'il remplace le plus possible par des exercices oraux ; il diminue et supprime graduellement les compositions latines ; il abolit l'exercice du vers latin, qu'il rend facultatif pour quelques sujets d'élite ; il donne un développement considérable à l'étude de l'histoire moderne et particulièrement de l'histoire de France ; il accorde autant de temps à l'étude des langues vivantes qu'à celle des sciences ou qu'à celle de l'histoire.

La physique, la chimie, la botanique, la minéralogie, la géologie sont enseignées dans les classes de lettres depuis la huitième jusqu'à la quatrième inclusivement, avec quelques notions d'arithmétique. De la troisième à la philosophie, il s'y joint des études mathématiques plus sérieuses, arithmétique, géométrie, algèbre, cosmographie, etc.

Le Conseil supérieur a résumé dans une instruction de quelques pages les principes des nouvelles méthodes. Dans tout le cours des études et dès les premières classes, l'enseignement aura pour objet de développer le jugement de l'enfant en même temps que sa mémoire et de l'exercer à exprimer sa pensée. Il faudra mettre aux mains de l'élève, pour chaque période et pour chaque langue, une grammaire proportionnée à son âge et à ses connaissances. On mettra fin à l'abus des analyses grammaticales écrites et en général de tous les devoirs écrits qui peuvent être remplacés par des exercices oraux. L'étude des règles sera réduite à l'indispensable, et pour le latin et le grec, comme pour le français, on fera sortir successivement les règles des textes, au lieu de n'aborder les textes qu'après avoir épuisé le formulaire des règles abstraites. On ira des textes aux règles, de l'exemple à la formule. Le thème oral fait en classe devra être associé au thème écrit fait par l'élève isolément. L'explication approfondie des textes prendra la plus grande place dans les études littéraires ; le mot à mot écrit disparaîtra. Les compositions latines seront courtes, rares, sur des sujets variés. Les compositions françaises ne seront plus uniquement des narrations, des discours ou des lettres ; tous les sujets propres à entretenir l'habitude de la réflexion, à former le goût, à fortifier le jugement, seront utilement employés aux exercices de la classe. On restreindra sensiblement l'usage des dictionnaires ; l'usage de bonnes traductions françaises sera admis pour l'étude des auteurs. L'étude de la métrique latine et française remplacera le vers latin.

L'enseignement de l'histoire doit tendre à développer la connaissance des institutions, des moeurs et des usages ; l'histoire de France en particulier devra mettre en lumière le développement général des institutions d'où est sortie la société moderne ; elle devra inspirer le respect et l'attachement pour les principes sur lesquels cette société est fondée.

Tel est l'esprit général du nouvel enseignement. Jules Ferry y a joint des prescriptions de détail pour ménager la transition, pour s'assurer que professeurs et élèves ne soient pas surchargés outre mesure ; il veut des professeurs spéciaux d'histoire et de sciences dans les classes de grammaire ; il demande que les classes trop nombreuses soient dédoublées ; le but auquel il veut tendre est qu'un professeur n'ait jamais plus de trente élèves sous sa direction.

Le vrai fléau des lycées et collèges, ce sont les élèves qui suivent machinalement et comme fatalement la série des classes, non d'après leurs progrès, mais uniquement d'après leur âge. Afin de remédier à ce mal, des examens pour le passage d'une classe à l'autre dans les lycées avaient été établis par le statut du 4 septembre 1821. En vain ont-ils été rappelés et prescrits de nouveau par des arrêtés et des circulaires en 1838, 1852, 1855, 1857 : on n'en tenait nul compte. Jules Simon y était revenu et v avait insisté vivement en 1872:

« Ces examens, disait-il, ont à mes yeux une importance capitale. Les enfants qui remplissent les derniers bancs, et qui, faute de préparation antérieure, ne comprennent pas ce qui se dit devant eux, détournent l’attention de leurs camarades, découragent le professeur. Prévenu à temps, un père renoncerait à pousser son fils jusqu'au baccalauréat ; il le mettrait dans l'industrie, dans le commerce, et ne s'épuiserait pas en sacrifices pour préparer à la société le pire des parasites, un ignorant présomptueux. J'entends donc qu'à la suite du dernier examen public, les élèves reconnus incapables soient maintenus dans la classe inférieure ou impitoyablement exclus du lycée. »

Objurgations sans effet. La routine, la complaisance furent plus fortes. Jules Ferry dut à son tour revenir à la charge.

Il le fit dans sa circulaire du 28 septembre 1880 :

« Les professeurs se plaignent généralement d'avoir à subir des élèves mal préparés, hors d'état de suivre avec fruit les exercices de la classe, et qui sont un embarras pour le maître, un mauvais exemple pour leurs camarades. Au moment où de sérieux efforts sont tentés pour coordonner et restaurer renseignement classique, il est plus nécessaire que jamais que les familles soient exactement renseignées sur les véritables intérêts de leurs enfants. Les examens de passage devront avoir lieu dans la semaine qui suivra la rentrée ; tous les élèves y seront soumis. Le proviseur décidera de l'admission ou du rejet d'après l'ensemble des notes. Sous aucun prétexte, il ne devra consentir à placer l'élève dans un cours dont il ne tirerait aucun profit et où il ne pourrait qu'entraver la marche régulière de l'enseignement. »

Les examens de passage, sérieusement pratiqués, rendent de réels services à l'enseignement des lycées et collèges ; ils stimulent les enfants ; ils dégagent les classes d'un élément de gêne et d'affaiblissement, en dirigeant vers de nouvelles voies les esprits qu'on aurait voulu contraindre à suivre malgré eux un enseignement qui ne leur convient pas.

Discipline. — Les punitions comme les récompenses jouent un rôle important dans la vie des lycées et collèges. L'article 74 du décret du 15 novembre 1811 interdit toute punition corporelle, et soumet à des peines disciplinaires tout professeur qui, sous prétexte de punitions, se permettrait de frapper un enfant. Après quelques tâtonnements, les moyens de discipline et d'encouragement employés dans Tes lycées ont été réglés par l'arrêté du 7 avril 1854.

Les punitions admises par cet arrêté sont au nombre de huit, savoir : 1° la mauvaise note ; 2° la retenue avec tâche extraordinaire (appelée pensum) pendant une partie de la récréation ; 3° la retenue avec tâche extraordinaire pendant une partie du temps destiné à la promenade ; 4° l'exclusion momentanée de la classe ou de l'étude, avec renvoi devant le proviseur (ces quatre punitions peuvent être prononcées par le censeur, les professeurs, les surveillants généraux et les maîtres répétiteurs ; — les quatre suivantes ne peuvent l'être que par le proviseur) ; 5° privation de sortie chez les parents ; 6° mise à l'ordre du jour du lycée ; 7° arrêts avec tâche extraordinaire dans un lieu isole, sous la surveillance d'un maître ; 8° exclusion du lycée ; elle ne devient définitive qu'après l'approbation du recteur, et, pour les boursiers, du ministre.

La salle d'arrêt devait, selon les instructions ministérielles, être suffisamment éclairée et chauffée, et facile à surveiller ; il n'en était généralement pas ainsi ; cette punition, appelée aussi séquestre, se faisait le plus souvent dans quelque coin torride ou glacé, grenier ou cabinet sans air, mal surveillé, et ne produisait guère que de mauvais effets. Jules Ferry l'a supprimée en 1883. Quant aux retenues et pensums, ils sont peut-être distribués avec trop de prodigalité par un certain nombre de maîtres, peu préoccupés de l'effet physique et moral de ces punitions, infligées parfois à des enfants simplement étourdis et remuants, à qui le manque de jeu et d'exercice rend un triste service.

M. Duvaux, ancien professeur de l'Université, écrivait aux proviseurs, pendant qu'il était ministre, en novembre 1882 :

« Je voudrais que les punitions, réduites aujourd'hui à un simple travail manuel, empruntassent à la lecture des auteurs quelque chose de son intérêt et de son utilité. Sans doute il est commode à un maître de se débarrasser d'un élève turbulent ou paresseux, en le consignant à la porte de sa classe avec quelques centaines de lignes à copier. Mais, pour l’élève, quel en est le résultat? Une perte de temps considérable, beaucoup d'ennui, peut-être un irrémédiable dégoût pour des études qu'il faudrait lui faire aimer. Mieux vaudrait cent fois rendre à leurs familles les enfants reconnus incapables de l'application nécessaire aux études secondaires, et traiter les autres par des remèdes plus rationnels. Il convient du moins de rechercher si des traductions, des analyses d'auteurs, soigneusement surveillées par les professeurs, c'est-à -dire des travaux qui mettent en jeu l'intelligence, ne remplaceraient pas avec avantage le vulgaire pensum dont on a trop abusé. »

En somme, les meilleurs maîtres sont ceux qui ont le moins besoin de recourir aux punitions. Ils savent inspirer à leurs élèves le désir de bien faire, le goût de l'étude, le respect du professeur, et la crainte de l'affliger.

Les récompenses, qui sont l'autre face de la discipline, sont instituées de la façon suivante : 1° bonne note ; 2° mise à l'ordre du jour de la classe ou de l'étude ; 3° satisfecit (ou exemption) de trois ordres ; 4° sortie de faveur ; 5° prix accordé en échange d'un certain nombre de satisfecit ; 6" mise à l'ordre du jour du parloir ; 7° prix décernés à la distribution solennelle de la fin de l'année scolaire.

Il va sans dire que certaines de ces punitions et de ces récompenses ne s'adressent qu'aux pensionnaires ; les externes ne les connaissent pas. Ces deux catégories d'élèves sont bien distinctes, ne se mêlent jamais ; ils ont des places séparées dans les classes, ne se voient plus une fois la classe finie, sauf ceux des externes qui, sous le nom d'externes surveillés ou de demi-pensionnaires, prennent part à l'étude, à certains repas et à certaines récréations.

L'emploi du temps est rigoureusement fixé, pour les internes, du réveil au sommeil et du dimanche au samedi ; une discipline exacte, sous la surveillance incessante des maîtres d'étude, prescrit le moment de chaque travail, celui des devoirs, celui des leçons, celui du silence, celui des jeux, celui de la promenade, celui du lever, celui du coucher, et mène l'enfant comme par la main, depuis le jour où il entre tout petit jusqu'à celui où il sort presque un homme. On peut élever des critiques contre ce système ; il est bien difficile de le supprimer aussi longtemps que subsistera le régime des grands internats, imposé aux lycées et collèges par les traditions, les moeurs et les nécessités. Paris a des lycées d'externes, Charlemagne et Condorcet ; on a dû y introduire le régime de l'externat surveillé ; de plus, ils sont entourés de grandes ou petites institutions privées qui sont des internats, dont les familles ne peuvent ou ne savent pas se passer.

Il ne faut pas croire que l'Etat entretienne ses internats dans une pensée de lucre, et qu'il en tire un bénéfice. Duruy calculait, dans son rapport de 1867, que le prix moyen de la pension payée par les internes des lycées était de 739 francs (soit une augmentation de 34 francs seulement sur 1842, malgré le renchérissement général proportionnellement plus élevé). Or la dépense moyenne pour chaque élève interne était de 829 francs, d'où une insuffisance de 90 francs par élève, ce qui représentait un déficit annuel de un million et demi que l'Etat devait fournir. Ce qui décide les villes et l'Etat à conserver leurs internats, c'est la conviction justifiée que leur brusque suppression remplirait aussitôt les pensions ecclésiastiques, ou « susciterait immédiatement la plus honteuse et la plus dangereuse des industries, qui s'empresserait d'offrir aux familles des asiles où se compromettraient le succès des études, la santé des élèves, et, ce qui est plus grave, leur moralité ». (Jules Simon, La réforme de l'enseignement secondaire.)

Institutions privées. — Les institutions privées, tenues en tutelle par la législation impériale et incorporées de force à l'Université, étaient comme des satellites ou des auxiliaires des lycées et des collèges. Peu à peu, grâce surtout aux persistants efforts du parti clérical en faveur de la liberté d'enseignement, elles avaient vu leur lien se relâcher de fait, mais non encore légalement.

« Avant 1850, dit M. Gréard (Rapport de 1879 sur les lycées et collèges de Paris), l'enseignement secondaire libre comprenait deux catégories d'établissements distincts suivant les titres des maîtres qui les dirigeaient, suivant le degré d'instruction recherché par les élèves qui les fréquentaient. Pour être chef d'institution, il fallait posséder au moins le baccalauréat ès lettres et le baccalauréat ès sciences. Le diplôme de bachelier ès lettres ne donnait que le droit de tenir pension. Les institutions entretenaient auprès des collèges, surtout des collèges d'externes, de fortes pépinières d'élèves. En outre, grâce à leur prospérité matérielle, les chefs d'établissement pouvaient faire de notables sacrifices pour mettre l'éducation classique à la portée des familles de modeste aisance.

Sur les 1016 établissements secondaires privés qui existaient en 1842 en France, il y avait 102 institutions (dont 23 de plein exercice) avec 8859 élèves, et 914 pensions avec 34336 élèves, dont 11311 élèves primaires : 40 institutions envoyaient des élèves à un collège royal ou communal ; 233 pensions envoyaient des élèves à un collège royal, et 62 en envoyaient à un collège communal ; 40 institutions et 120 pensions avaient pour chefs des ecclésiastiques.

La loi de 1850, qui semblait faite pour favoriser ces établissements, ne fut réellement utile qu'aux maisons ecclésiastiques. Les autres déclinèrent et une grande partie succomba. La statistique officielle de 1866 dit : « Pendant les onze années qui se sont écoulées de 1854 à 1865, on a perdu 168 maisons laïques, et l'on a eu en plus 22 maisons ecclésiastiques ». La statistique officielle de 1876 constate une situation analogue : « Pendant les onze années qui se sont écoulées de 1865 à 1876, 163 maisons laïques ont disparu, et il y a eu en plus 31 établissements ecclésiastiques. »

Pendant cette dernière période, la population scolaire a diminué, dans les établissements laïques, de 11 760 élèves, dont 6039 internes et 5721 externes ; elle s'est accrue à peu près du même nombre dans les maisons ecclésiastiques, c'est-à -dire de 11 919 élèves, dont 9543 internes et 2376 externes. Ces chiffres ont certainement une valeur.

Il faut ajouter que le nombre total des élèves qui fréquentent les établissements secondaires privés n'a augmenté dans ces onze années-là que de 159, tandis que, pour le même temps, les établissements publics d'enseignement secondaire, lycées et collèges, ont eu un accroissement de 13563 élèves. Ce chiffre aussi est significatif.

Dans nos 85 lycées, nous avions, en 1882, 48313 élèves, et 41 344 dans nos 267 collèges communaux, soit en tout 89657 élèves. L'enseignement secondaire libre, à la même époque, comptait 72373 élèves, répartis ainsi : 371 maisons laïques, 25917 ; 331 maisons ecclésiastiques, 46456. De 1876 à 1882, l'enseignement secondaire libre a perdu 5692 élèves, appartenant presque tous aux maisons laïques ; les maisons ecclésiastiques n'en ont, dans cet intervalle, perdu que 360. Dans le même temps, les lycées et les collèges ont gagné près de 10 000 élèves. On voit que la progression est constante.

[JULES STEEG.]

La réforme de 1890. — Les exercices physiques. — La discipline. — M. Léon Bourgeois, ministre de l'instruction publique, a énoncé nettement tes principes de cette réforme si heureuse, à laquelle son nom reste attaché :

« Deux idées générales me paraissent dominer et résumer l'oeuvre du Conseil supérieur : au point de vue de l'enseignement, simplifier, coordonner, graduer, de manière à proportionner exactement la matière enseignée à la puissance d'assimilation de l'élève, en visant la formation de l'esprit plutôt que l'accumulation du savoir. Au point de vue de la discipline et de l'éducation, unir et solidariser les forces disciplinaires de chaque établissement, fortifier par là l'autorité de tous et de chacun, afin de pouvoir se relâcher sans danger sur le nombre et la rigueur des punitions ; obtenir ainsi de l'enfant qu'il obéisse, non plus a la crainte du châtiment, mais au sentiment spontané du devoir devenu la condition même de la santé de son esprit. C'est avec ces principes aussi justes que féconds que nous formerons la jeunesse aux moeurs de la liberté. » (Discours prononcé le 2 mai 1890 à la réception du haut personnel de l'Université et des représentants des différents services.)

Ajoutons que les exercices physiques, trop longtemps négligés, prenaient enfin dans la vie scolaire la place qui leur est due. On réduisait les heures de classe et d'études ; on voulait bannir des heures de récréation « l'oisiveté languissante », cette forme de l'ennui, aussi préjudiciable à l'esprit qu'au corps.

Les partisans — très nombreux — de l'ancien régime s'alarmèrent. Le niveau des études n'allait-il pas baisser brusquement? Les exercices physiques qu'un enthousiasme excessif et de première heure mettait au premier plan, ne nuiraient-ils pas aux exercices scolaires? L'autorité désarmée des maîtres se montrerait-elle capable de résister à une indiscipline croissante ? L'ancien arsenal des punitions n'était-il pas rigoureusement nécessaire?

Sur tous ces points, M. Léon Bourgeois apporta à la tribune du Sénat (19 juin 1890) des renseignements très rassurants :

« Les exercices physiques ont pris dans ces derniers temps un certain développement extérieur et je ne sais quoi d'un peu théâtral qui alarme quelques esprits. On s'est complu à voir dans ces luttes et dans ces concours comme une résurrection des nobles jeux olympiques. S'il y a eu quelques exagérations relatives dans ces manifestations extérieures, l'esprit des familles aura été frappé, les parents dorénavant n'hésiteront plus à l'aire pratiquer à leurs enfants ces exercices physiques qui, si on ne les avait pas montrés au dehors, seraient peut-être mort-nés dans nos lycées. L'inspection générale vient de constater que les études sont loin d'avoir souffert du développement donné à l'éducation physique. » Et le ministre étayait cette appréciation, dont l'optimisme pouvait paraître un peu suspect, de preuves surabondantes.

Quant à la discipline nouvelle, ajoutait-il, elle donne déjà les meilleurs résultats : « Il est certain qu'on demande aujourd'hui une discipline moins étroite, plus souple, plus humaine, plus maternelle, a dit tout à l'heure M. Chalamet ; je ne vais pas jusque-là : plus paternelle, simplement ; — je crois que c'est le mot juste. Il existe entre les maîtres et les élèves des rapports différents de ceux qui existaient autrefois, des rapports plus cordiaux et, pour ainsi dire, de confiance réciproque ; et cette confiance a tourné, je l'affirme, au profit de l'ordre véritable, de l'ordre qui est obtenu par le consentement réfléchi de ceux qui l'observent et qui, par conséquent, ne se détruit pas facilement, parce qu'il est fondé dans les consciences mêmes. Cet ordre-là existe dans nos établissements universitaires, et je puis ajouter qu'il ne m'est pas encore parvenu de preuve qu'il ait été sérieusement troublé sur un point quelconque dans notre Université. »

Tous ceux qui doutaient alors de l'efficacité de la discipline nouvelle, substituant l'éducation de la volonté et du caractère à la répression impitoyable des fautes les plus futiles, sont aujourd'hui convertis, Pour se rendre compte de l'importance et de l'excellence de celle réforme de 1890, il faut avoir connu la grêle de punitions — pensums, arrêts pendant les récréations, retenues de promenade, consigne du dimanche, séquestre — qui s'abattait sur les élèves et notamment sur les internes à la moindre peccadille. Les meilleurs élèves, ceux dont les professeurs se déclaraient absolument satisfaits, étaient souvent, dans l'internat, les plus punis. Car il était défendu de parler dans les rangs, au réfectoire. Ne pas respecter cette loi du silence, de l'ordre dans les rangs, exposait à des punitions qui n'en finissaient plus, attendu qu'une heure d'arrêts mal faits en entraînait deux autres qui s'achevaient rarement sans encombre, je veux dire sans retenue de promenade. Enervés par cette sévérité sans raison, perdant patience, des premiers de classe attiraient sur leur tête toutes les foudres administratives, tandis que de pacifiques cancres, dont la seule vertu était de rester aussi muets au réfectoire qu'en classe, passaient pour de bons esprits, de charmants enfants, dociles, disciplinés, joie des maîtres d'étude et consolation des proviseurs. Les autres étaient de « fortes têtes » qu'il fallait à tout prix mater ou exclure. Exagération ? Non pas. Un seul fait permettra d'en juger : Il y avait, par jour, une heure un quart de récréations ; et la moindre hésitation à se lever le matin, au dernier coup du roulement de cinq heures, était punie d'une heure d'arrêts.

« La vieille Université, — déclarait, au lendemain de la réforme, M. de Chaumont, principal du collège de Nantua, — vient d'avoir son 89. Ce que veut l'Université moderne, ce que nous voulons tous, c'est que les collèges ne soient plus des casernes détestées des mères. A quel étrange spectacle — je dis étrange par comparaison avec l'ancien régime — n'assistons-nous pas? Aujourd'hui, sans avoir à encourir la grêle des pensums, l'averse des retenues, on parle sur les rangs. Aujourd'hui vous vous rendez en classe, gais et expansifs comme de jeunes intelligences qui vont recevoir leur nourriture spirituelle. Aujourd'hui vos repas sont égayés par une libre conversation. »

La réforme de 1890 maintint, pour les professeurs, le droit de punir, dont ils n'abusaient certes pas : la discipline de la classe formait, à cet égard, un saisissant contraste avec celle de l'étude. Mais les répétiteurs devaient, à l'avenir, proposer au proviseur les punitions jugées par eux indispensables. C'en était fait du pouvoir sans contrôle, de la vigilante et cruelle tyrannie qu'ils avaient si longtemps exercés. On se demande, maintenant que le temps a passé, que la réforme bénie est entrée pour toujours dans les moeurs universitaires, par quelle aberration on avait pu laisser jusqu'alors les élèves à l'entière discrétion de répétiteurs si mal recrutés, si inférieurs, nous le verrons plus loin, à ceux d'aujourd'hui. Espérait-on par là compenser tout ce qui leur manquait d'autorité personnelle? Les maîtres actuels savent s'imposer, comme le demandait en 1890 M. Léon Bourgeois, pat-leur valeur, leur ascendant moral, et il n'en est pas un qui souhaite qu'on rétablisse, à leur intention, l'ancien arsenal des punitions, tout ce système de répression brutale qui a laissé dans beaucoup d'hommes de cette génération, non seulement le souvenir de mauvais et injustes jours, mais encore, il faut l'avouer, une tare ineffaçable de la volonté.

Henri Marion lui-même (L'Education dans l'Université) n'est-il pas obligé d'accepter en partie ce grave reproche, à notre avis mérité par l'ancienne discipline: qu'après des années de ce régime, le lycéen « est devenu ou bien le résigné qui accepte en aveugle toute autorité, ou bien le révolté pour qui le terme défendu au lycée ou l'acte réprimé par le règlement devient la chose à dire ou la chose à faire. Il confondra éternellement l'habitude puérile de la révolte avec le noble et viril emploi de la liberté. Il n'est pas un seul administré français qui ne soit ou un révolté à outrance ou un résigné à l'excès. »

Si tous les administrés français ne sont pas réellement taillés sur ce modèle, c'est que la vie s'est chargée de leur donner — souvent à leurs dépens — une éducation du caractère, une mentalité d'hommes libres qu'ils n'avaient pas reçue du lycée. Il est certain que l'ancien caporalisme universitaire, par son système mécanique de punitions, par le soin que mettait l'autorité à ne jamais expliquer et faire accepter librement ses ordres, ne tendait à rien de moins qu'à annihiler ou à exaspérer l'indépendance naturelle et jusqu'à un certain point légitime des élèves. De là ces révoltes qui, de temps à autre, faisaient trembler l'administration et qui restaient célèbres dans les fastes scolaires de l'établissement. A cet indéniable état de guerre, la réforme de 1890 a fait, selon la profonde parole du ministre, succéder l'état de paix : « Le travail n'a pas souffert, le bon ordre n'a pas été compromis, l'autorité ne s'est pas trouvée en péril. Elle s'est exercée avec plus de réserve ; elle a été acceptée avec plus de déférence. C'est bien un état de paix qui règne dans nos lycées. »

L'Université sentait tellement la nécessité de cette réforme qu'en dépit de « la répugnance naturelle des grandes corporations à se réformer elles-mêmes », ce sont des universitaires qui, dans la Commission générale des réformes et dans la sous-commission de discipline, ont été les collaborateurs dévoués et convaincus du ministre. En retour de la confiance qu'il lui a témoignée et de l'immense service qu'il lui a rendu en 1890, l'Université garde à M. Léon Bourgeois une profonde reconnaissance.

La réforme de 1891. — L'enseignement secondaire moderne. — Une commission réunie le 31 mars 1886 par René Goblet, ministre de l'instruction publique, et dans laquelle il avait tenu à faire entrer des représentants du commerce et de l'industrie, avait adopté diverses propositions qui toutes découlaient de la première, ainsi conçue :

« Le nouvel enseignement sera général et classique ; il devra être organisé de manière à répondre aux besoins nouveaux de la société moderne et à attirer vers les études secondaires françaises les jeunes gens qui n'ont ni le goût ni le loisir de se livrer à l'étude des langues mortes. »

Le ministre avait proposé d'appeler ce nouvel enseignement, qui devait remplacer l'enseignement secondaire spécial, « Enseignement classique français ». Mais le Conseil supérieur n'adopta pas ce nom! (Voir Goblet.)

En 1890, le ministère proposait de conserver le vieux nom de spécial, en y joignant le mot de « classique ». Le Conseil supérieur, sur la demande des partisans des langues anciennes, écarta le mot classique et adopta le titre de moderne.

Une Note sur l'ensemble du projet de réorganisation de l'enseignement secondaire spécial exposait les raisons et le plan de cet enseignement nouveau. Il suffira d'en rappeler les passages essentiels, d'autant que cet enseignement n'offre plus aujourd'hui qu'un intérêt tout rétrospectif. A bien des égards, cependant, cet enseignement « moderne » de 1891 se retrouvera, transformé encore, dans les lycées et collèges soumis au régime de 1902.

« On a souvent, — dit la Note, — au sein du Conseil supérieur, posé à l'administration cette question : Qu'est ce que l'enseignement spécial ? Est-ce un enseignement libéral et classique? Est-ce un enseignement pratique et professionnel? Jusqu'à ce jour, il n'a pas été possible de répondre catégoriquement à cette question.

« Est-ce un enseignement pratique et professionnel? Mais, en ce cas, pourquoi lui avoir donné des programmes identiques sur tant de points à ceux de l'enseignement classique? Pourquoi un cours d'études de six années? Pourquoi un baccalauréat au moins aussi difficile que le baccalauréat ès sciences et donnant accès, comme celui-ci, aux grandes administrations publiques, à l'Ecole de Saint-Cyr, à l'Ecole polytechnique, a la licence, à l'Ecole normale supérieure?

« Est-ce au contraire un enseignement classique? Mais alors pourquoi ce nom de spécial, ces certificats spéciaux, ces maîtres spéciaux? Toutes choses qui semblent faites pour déterminer une orientation spéciale. « Ce caractère persistant d'ambiguïté n'est de la faute de personne : il vient des choses mêmes ; il résulte de l'origine première de l'enseignement spécial, des circonstances au milieu desquelles il s'est développé, des besoins distincts auxquels il a dû, jusqu'à présent, pourvoir simultanément.

« Or le parti à prendre est indiqué et en quelque sorte imposé par les conditions mêmes dans lesquelles l'enseignement spécial se trouve placé, par le sens de son évolution depuis son origine. Appelé à fonctionner à côté de l'enseignement classique qui se trouve, de longue date, en possession du prestige et de l'autorité, perpétuellement comparé à l'enseignement classique par les élèves, par les maîtres, par l'administration, par les familles, il semble s'abaisser au-dessous de cet enseignement dans la mesure même où il s'en distingue. Dans nos lycées et collèges, l'enseignement spécial n'a jamais été, il ne peut pas être réellement, spécial, pratique, professionnel. Un tel enseignement ne peut avoir foi en lui-même et rester lui que s'il est chez lui. Placé près de l'enseignement classique, l'attraction de celui-ci le fera fatalement dévier.

« C'est pourquoi toute l'évolution de l'enseignement spécial s'est accomplie dans le sons de l'enseignement classique.

« De là ces remaniements profonds qu'on a dû faire subir aux programmes de 1886. Ainsi on a mis fin à cette disposition du plan d'études en une série de cercles concentriques dont le but était de permettre aux élèves de quitter le collège après une ou deux ou trois années d'études, en emportant néanmoins un bagage de connaissances « formant un tout complet » en soi», avantage trop compensé par des inconvénients sur lesquels il est inutile d'insister, aujourd'hui qu'on les a bien reconnus. — Les exercices d'atelier, destinés à habituer les élèves à manier quelques outils, ont été réservés aux écoles d'apprentissage, aux écoles d'arts et métiers. — On a prolonge la durée normale des éludes, qui, de quatre ans, a été portée à cinq, puis à six. Les études littéraires ont été renforcées et ont reçu pour couronnement un cours de philosophie scientifique et morale. — Les programmes scientifiques ont cessé d'être orientés vers les applications, et, en donnant à la théorie la place qui lui revient, on a renoncé à la faculté de les varier selon les besoins de chaque région, de chaque localité, ce qui n'a de raison d'être que pour l'enseignement professionnel. »

A mesure que l'enseignement spécial abandonnait ainsi la partie de sa tâche à laquelle il se sentait apparemment inhabile, un enseignement nouveau, régulièrement institué à cette fin par le législateur, s'en est saisi et en a fait sa tâche propre. L'enseignement primaire supérieur se développe de jour en jour. Le nombre de ses élèves augmente. De 20 000 en 1884, il s'élève à 25 824 en 1889, tandis que celui de l'enseignement spécial descend de 23 267 en 1884 à 22 164 en 1889.

Mais est-il possible de constituer, avec des études de français, de langues vivantes et de sciences, c'est-à -dire sans grec ni latin, un enseignement classique?

« On entend, ce me semble, généralement par enseignement classique, un enseignement qui, n'étant ni rétréci, ni écourté par des nécessités pressantes de carrière ou de métier, s'étudie à parfaire, avec le loisir voulu, l'éducation de l'esprit qui le reçoit. Par suite, cet enseignement est justement appelé libéral et désintéressé. Or, quand on a renoncé au grec et au latin, a-t-on encore à sa disposition une matière d'enseignement qui puisse constituer le programme suffisant d'une telle éducation? Il est permis de faire observer que le nom de classique n'a jamais été contesté au baccalauréat ès sciences, ni aux études faites dans les classes de mathématiques préparatoires, élémentaires et spéciales. » La raison en est que « si les sciences, comme d'ailleurs les langues et l'histoire, peuvent s'enseigner d'une manière qui n'a rien de classique, enseignées d'une autre façon elles constituent, au contraire, un élément incomplet sans doute, mais essentiel, d'une éducation classique ».

Pour la compléter, on fait appel aux langues vivantes, qui offrent des textes, des exercices d'une haute valeur et d'une réelle efficacité, à la condition toutefois de ne pas les enseigner uniquement en vue de la pratique.

« Il est bien vrai qu'on propose d'enseigner ces langues, au moins au début, principalement par la pratiqué, et, sous ce rapport, la méthode même d'enseignement est fort inférieure, comme discipline, à la méthode traditionnelle de l'enseignement gréco-latin. Mais par contre on espère que, par cette méthode plus facile, l'élève arrivera à les savoir et à s'en servir, résultat que, jusqu'à ce jour, on n'atteint guère pour le latin et le grec par les méthodes classiques. »

La conséquence nécessaire de cette réorganisation était la suppression de l'agrégation d'enseignement spécial. Pour élever le niveau d'un enseignement, il faut spécialiser les professeurs ; or ce qu'on demandait aux professeurs de l'enseignement spécial, surtout de l'ordre des lettres, c'était de suffire aux enseignements les plus divers (grammaire, littérature, histoire ancienne et moderne, géographie, philosophie, morale, législation économie politique).

Les deux principales matières de l'enseignement secondaire moderne étaient le français et les langues vivantes. L'histoire disposait d'une heure et demie par semaine pendant toute la durée des études (six années). La géographie avait le même nombre d heures. Les sciences n'avaient qu'une part restreinte dans toutes les classes, sauf la dernière année où les élèves pouvaient opter pour la Première-lettres ou la Première-sciences.

« En somme le nouvel enseignement moderne reproduisait à peu près, — avec une classe en moins, la rhétorique, — le plan de l'ancien enseignement classique, en remplaçant le latin et le grec par l'allemand et l'anglais. En première la philosophie était un peu resserrée par l'histoire de la civilisation, le droit et l'économie. »

(Ch. Seignobos.)

La réforme de 1902. — M. Georges Leygues, ministre de l'instruction publique, écrivait, en janvier 1902, à M. Ribot, président de la Commission de l'enseignement de la Chambre des députés : « L'enquête que vous avez dirigée, au cours de laquelle vous avez recueilli les dépositions des hommes les plus éminents de toutes les professions et de tous les partis, et qui est, sans contredit, l'une des plus complètes et des plus fructueuses que nous ayons enregistrées, les travaux de la Commission parlementaire et de ses rapporteurs, les travaux du Conseil supérieur de l'instruction publique et de mon administration, les éludes poursuivies dans le Congrès des professeurs, dans l'Université et hors de l'Université, par les hommes que passionnent ces hauts problèmes, tant de bonnes volontés, l'accumulation de documents si précieux, un si immense effort, ne peuvent être perdus».

Celte longue enquête devait en effet aboutir à la vaste réforme de 1902, qui a modifié profondément le plan des études et, par suite, le régime économique des lycées, le provisorat, la préparation des professeurs, le répétitorat.

Principe de la réforme. — Il a paru nécessaire de moderniser l'enseignement secondaire pour lui permettre de répondre aux besoins réels de la nation, aux exigences nouvelles des sociétés modernes.

« Dans un pays comme la France, où la population professionnelle et active (industriels, négociants, agriculteurs) représente 40 % de la population totale, 18 millions d'individus sur 38 millions d'habitants, où le capital industriel s'élève a 96 milliards 700 millions de francs, où le capital agricole atteint 78 milliards de francs ; où les exportations se sont chiffrées, en 1900, à plus de 4 milliards de francs, l'Université ne peut se contenter de préparer les jeunes gens qui lui sont confiés aux carrières libérales, aux grandes écoles, au professorat ; elle doit les préparer aussi à la vie économique, à l'action. »

Est-ce bien l'enseignement secondaire, dont le but essentiel est la culture générale de l'esprit, qui doit répondre à ces besoins évidents? La Commission d'enquête et le ministre se sont trouvés d'accord pour croire que l'enseignement pouvait rester secondaire tout en donnant « à l'élève l'instruction la plus utile en vue de sa carrière future ».

« Il faut donner aux élèves le moyen de choisir l'enseignement le mieux approprié à leurs aptitudes, à leurs vocations présumées et aux nécessités économiques des régions où ils vivent, sans préjudice d'ailleurs pour ce fonds commun de connaissances générales qui caractérise l'enseignement secondaire et qui assure l'unité de cet enseignement. »

Mais plus encore que ces connaissances générales, dont les élèves, plus utilitaires que l'enseignement qu'ils reçoivent, pourraient peut-être se désintéresser, les lycées et collèges sont appelés à donner une méthode, une tournure d'esprit, une discipline mentale qui leur est propre et qui est aussi indispensable « à l'élite éclairée et libérale, à l'aristocratie de l'esprit » qu' « à l'état-major et aux cadres de l'armée du travail ».

Le plan d'études. — Par décret du 31 mai 1902, les élèves, après quatre années d'études primaires et élémentaires, faites au lycée ou ailleurs, entrent dans le premier cycle des études secondaires. Ils peuvent alors choisir entre l'enseignement sans grec ni latin et l'enseignement avec latin. A ceux qui commencent (en sixième) l'étude du latin, est réservé, ultérieurement, un cours facultatif de grec (quatrième et troisième)

Trois catégories d'élèves sortent donc du premier cycle : la première a fait du latin et du grec, la seconde du latin sans grec, la troisième n'a fait ni latin ni grec, études remplacées pour elle par celle des sciences. Il semble donc, à première vue, que le second cycle doit comporter trois sections! Or il y en a quatre : 1° La Section A (Latin-Grec), pour les élèves qui ont commencé et qui poursuivront l'étude des deux langues classiques ; — 2° et 3° Parmi les élèves qui ont commencé le latin, il en est qui désirent le continuer et qui compléteront leur programme, les uns par des langues vivantes, les autres par des sciences. De là , deux sections r Section B (Latin-Langues vivantes) ; Section G (Latin-Sciences) ; 4° Ceux qui renoncent au latin vont rejoindre les élèves qui sortent du premier cycle sans latin ni grec et dorénavant leur programme commun se composera de sciences et de langues vivantes : Section E (Sciences-Langues vivantes) Le second cycle a une durée de trois ans (classes de seconde, de première, de mathématiques ou de philosophie). Le baccalauréat reste divisé en deux parties, séparées par un an au moins d'intervalle. A la fin de la classe de première se passe la première partie, dont les quatre séries d'épreuves correspondent aux matières enseignées dans les quatre sections A, B, C, D. L'année suivante, les élèves achèvent leurs éludes secondaires dans la classe de mathématiques ou de philosophie, selon leurs préférences ou leurs aptitudes, sans être gênés, comme autrefois, par les prérogatives différentes attachées aux diplômes de bachelier ès lettres et de bachelier ès sciences. Il n'y a plus, sous deux formes, qu'un seul baccalauréat qui confère à tous les bacheliers les mêmes droits,

N'oublions pas qu' « une sortie est ménagée, en cours de route, aux plus pressés ou aux moins capables ». Le premier cycle ne conduit pas nécessairement au second. Il se suffit à lui-même. L'élève peut quitter le lycée à la fin de la troisième, car il a appris « autre chose que des commencements et emporte un bagage de connaissances, modeste sans doute, mais formant un ensemble complet en soi et utilisable ».

L'article 5 du décret spécifie qu'un certificat d'études secondaires du premier degré pourra être délivré à , l'élève en raison des notes obtenues pendant ses quatre années d'études, après délibération de ses professeurs.

On peut prévoir encore que des élèves, sortant du premier cycle, désireront continuer leurs études au lycée, sans se préoccuper du baccalauréat. Une cinquième section, dite section nouvelle, leur est immédiatement offerte. Il sera institué dans un certain nombre d'établissements publics, à l'issue du premier cycle, un cours d'études dont l'objet principal sera l'étude des langues vivantes et l'étude des sciences spécialement en vue des applications Ce cours d'études aura une durée de deux ans. Il sera approprié aux besoins des diverses régions. Le programme en sera préparé par les Conseils académiques et arrêté par le ministre de l'instruction publique. A l'issue de ce cours et à la suite d'un examen public subi sur le programme établi comme il est prévu ci-dessus, un certificat pourra être délivré, sur lequel seront portées, avec le nom de l'académie où l'examen a été passé, les matières de cet examen et les notes obtenues (article 7 du décret). Non seulement le ministre souhaite la création de cette section nouvelle partout où il sera possible, mais encore, dans son arrêté du 31 mai 1902, il appelle la création de « nouveaux enseignements », qui pourront être créés par les recteurs, après avis des assemblées de professeurs et des conseils d'administration, dans les lycées autonomes.

La réforme économique. L'autonomie. — Il ne peut être question d'une autonomie absolue, tous les établissements publics devant appliquer les mêmes programmes, préparer aux mêmes examens, aux mêmes concours. Mais, pour répondre aux besoins régionaux, chaque administration collégiale doit jouir d'une certaine indépendance morale et économique. L'Etat n'a pas à faire les frais de ces expériences locales. La réforme de 1902 a donc séparé les budgets de l'internat et de l'externat. L'Etat, qui n'a jamais prétendu tirer profit de l'enseignement qu'il donne, verse une subvention fixe à l'externat et demande à l'internat de se suffire à lui-même. Pendant les premières années d'application de la réforme et par mesure transitoire, l'Etat a continué de verser et il verse encore les subventions nécessaires à l'internat d'un certain nombre d'établissements (734 560 francs en 1908 — 656 560 en 1909). Mais en principe cette aide est provisoire. Les lycées autonomes ont à la fois la charge et les bénéfices de leur internat. Les bonis réalisés, tant sur l'externat que sur l'internat, leur appartiennent et constituent la caisse où ils peuvent puiser pour créer les chaires et fonder les enseignements indispensables. Le régime de l'autonomie semble appelé à donner des résultats financiers satisfaisants. La situation, qui se liquidait en 1901 par un déficit de 258 041 fr. se présente en 1906 avec un boni global de 560 795 francs.

En 1908 le boni global de l'externat est de 181 987 fr. : 79 lycées sont en boni, 29 en déficit (de 158 107 fr.) ; celui de l'internat est de 333 918 fr. : 101 lycées sont en boni, 7 en déficit (de 4 013 fr.).

Le provisorat. — Le budget de l'internat est dressé par le proviseur et arrêté par le conseil d'administration pour être proposé à l'approbation du recteur. La responsabilité du proviseur est donc étendue ; sa situation, devenue plus importante, plus délicate, « devra être relevée, son autorité renforcée ». En fait, on a relevé sensiblement le traitement des proviseurs, mais il semble qu'on ait surtout songé à remédier aux erreurs possibles de leur administration en les classant comme professeurs et en leur allouant une indemnité de direction de 2000 à 4000 francs. Le proviseur est donc aujourd'hui un professeur délégué dans des fonctions administratives et dont la délégation peut être très simplement rapportée (décrets du 31 mai et du 7 août 1902). Pour l'aider dans sa lourde tâche, la réforme de 1902 a placé auprès de lui un conseil d'administration dont il doit prendre l'avis pour la création des chaires, l'amélioration du matériel, la fondation des cours spéciaux. Composé de membres de droit : le préfet, président, l'inspecteur d'académie, Je maire, le proviseur, auxquels le ministre adjoint des notables, commerçants, industriels, présidents d'associations d'anciens élèves, etc., ce conseil, depuis 1902, n'était mis au courant des questions concernant le lycée que par le proviseur. Force lui était donc de prendre des décisions dans des circonstances importantes, dans les cas de suppression de chaires notamment, sans connaître l'avis et les raisons des professeurs, dont la compétence en matière d'enseignement n'est pas négligeable et devrait toujours être consultée. En 1909, on a fait droit, dans une certaine mesure, aux réclamations des professeurs sur ce point. Ils voulaient pouvoir élire leur représentant au conseil. Le ministre s'est réservé de nommer l'un d'entre eux sur la proposition du recteur. Il faut espérer que le choix des recteurs se portera toujours sur un professeur particulièrerement estimé de ses collègues et faisant partie de l'Association amicale du lycée. Mais lors même que cette mesure ne serait pas modifiée dans l'avenir, elle aurait encore besoin d'être complétée. Aujourd'hui que le rôle des répétiteurs et des professeurs-adjoints est nettement défini, on ne voit pas pourquoi les uns et les autres n'apporteraient pas, eux aussi, le concours de leur expérience et de leur zèle à la direction d'un établissement dont la prospérité offre pour eux un intérêt matériel et moral de premier ordre.

Le professorat. — L'enseignement est donné :

1° Par des professeurs titulaires reçus au concours des différents ordres d'agrégation (mathématiques, physique, sciences naturelles, — philosophie, histoire, lettres, grammaire, langues vivantes), du certificat d'aptitude à l'enseignement des classes élémentaires, et du certificat d'aptitude à l'enseignement du dessin.

Le titre d'agrégé est conféré aux candidats qui ont subi deux catégories d'épreuves, des épreuves scientifiques devant les Facultés et l’Ecole normale supérieure, sanctionnées par un certificat d'études supérieures, — des épreuves professionnelles (dissertations, leçons, explications de textes) devant des jurys d'agrégation nommés par le ministre. Ces jurys, qui ne se préoccupaient auparavant que de l'étendue et de la profondeur des connaissances acquises, doivent tenir le plus grand compte des qualités de professeur, des aptitudes pédagogiques des candidats.

L'Ecole normale supérieure est réorganisée. Depuis longtemps son enseignement faisait double emploi avec celui de l'université de Paris. Le petit nombre de ses professeurs obligeait même les normaliens à suivre assidûment les cours de la Faculté. La réforme de 1902 Ta cependant maintenue ; mais elle ne doit plus être qu'un « Institut pédagogique ». Ses élèves reçoivent la préparation professionnelle en commun avec les étudiants de la Sorbonne candidats à l'agrégation. Ils sont nommés à la suite d'un concours auquel se présentent tous les candidats à l'Ecole normale et aux bourses de licence. Une liste est dressée des candidats admis. Les premiers entrent à l'Ecole normale, les autres sont répartis comme boursiers de licence entre les facultés de province. (En 1909, dans la section des lettres, les 3b premiers d'une liste de 75 noms ont été nommés élèves de l'Ecole normale supérieure.)

Tous les candidats à l'agrégation sont tenus de faire un stage dans les lycées (pendant trois mois, à raison de deux classes par semaine — ou pendant six semaines, à raison de quatre classes). L'obligation de ce stage est excellente, en principe. Les étudiants ne peuvent que trouver profit à ces premiers essais d'enseignement sous la direction très bienveillante de maîtres expérimentés. Mais, dans la pratique, elle se heurte à des difficultés, surtout dans les classes où le temps est déjà très mesuré pour traiter toutes les questions d'un programme, dont il est impossible de rien négliger sans compromettre le succès des élèves aux examens de fin d'année ;

2° Par des professeurs titulaires non agrégés, choisis parmi les chargés de cours réunissant certaines conditions de mérite et d'ancienneté (Loi de finances du 22 avril 1905) ;

3° Par des professeurs chargés de cours, pourvus du titre de licencié ou du certificat d'aptitude à l'enseignement des langues vivantes. Les chargés de cours licenciés sont recrutés parmi les meilleurs professeurs des collèges. Remarquons que les chargés de cours actuellement en exercice n'ont pas tous cette provenance. Pendant longtemps, le nombre relativement restreint des agrégés a nécessairement entraîné la nomination comme chargés de cours d'admissibles à l'agrégation, d'anciens élèves de l'Ecole normale, d'anciens boursiers de licence recommandés aux recteurs par les universités qui les avaient préparés, etc. ;

4° Par les anciens répétiteurs que la réforme de 1902 a promus aux fonctions et au titre de professeurs adjoints.

Le professorat adjoint. — En 1902, la Commission parlementaire et le ministre ne pouvaient manquer d'être frappés de « la disconvenance [qui existait] entre les titres requis des répétiteurs et leurs fonctions actuelles ». Les répétiteurs bacheliers et licenciés étaient toujours astreints aux anciennes besognes de surveillance d'internat que remplissaient jadis les maîtres d'étude. Or quelle comparaison établir entre ces répétiteurs intelligents, instruits, d'une tenue irréprochable, d'une parfaite dignité de vie, et leurs malheureux prédécesseurs, dépourvus trop souvent de tout titre universitaire, humble personnel laissé à l'entière discrétion des proviseurs et des principaux, surveillants qu'il fallait surveiller, et que préposait à la garde matérielle des internes la confiance inquiète et trop avertie des administrations collégiales? Dès lors, comment refuser de mieux adapter les fonctions aux titres et à la valeur de ce personnel nouveau que la diffusion de l'enseignement supérieur avait insensiblement substitué à l'ancien, pour le plus grand bien de l'Université? M. Léon Bourgeois ne s'inspirait-il pas de la réalité la plus vraie quand il disait à la Commission parlementaire : « Nous avons mis en deux catégories distinctes le professeur et le répétiteur. Chacun d'eux, précisément à cause de cette séparation réglementaire, considère l'autre, je me garderai bien de dire comme un ennemi, mais comme une personne inconnue, étrangère, n'ayant rien à faire dans son service à lui. Ne devraient-ils pas, au contraire, se considérer comme des collègues étroitement associés pour l'éducation des enfants? J'admettrais que le professeur pût et dût même, dans certains cas, prendre des enfants en dehors de la classe et les faire travailler ; j'admettrais aussi que les répétiteurs pussent contribuer à l'enseignement pour certaines parties ; je les chargerais de cours complémentaires. Pourquoi ne feraient-ils pas des cours de langues vivantes, de sciences élémentaires, etc., s'ils possèdent les licences correspondantes? »

Il y a, dans ce corps de répétiteurs, déclarait le ministre, « un fonds de bon vouloir, d'intelligence et de savoir qui s'use dans l'inaction et que nous devons mieux utiliser ».

Sans doute, certaines satisfactions avaient déjà été accordées aux répétiteurs. Depuis quinze ans ils étaient nommés par le ministre ; on leur avait donné des garanties au point de vue de la discipline, du service exigible et de l'externement après un certain temps de service. Tour le traitement et pour la retraite, on leur promettait de les assimiler aux professeurs de collège du même ordre. On voulait donc faire de la carrière du répétitorat une carrière équivalant à celle des professeurs de collège. Mais, matériellement équivalente, elle demeurait, moralement, très inférieure, confinée dans la surveillance des dortoirs, des récréations, des promenades. Etait-il cependant nécessaire d'aller plus loin? Ne suffisait-il pas de rappeler aux répétiteurs que le répétitorat n'était pas une carrière, que les répétiteurs licenciés et bacheliers seraient appelés, sur leur demande, aux chaires vacantes des collèges? Ces chaires de collège, n'est-ce pas ce qu'on leur offre, aujourd'hui, comme récompense d'un stage maximum de dix ans dans le professorat-adjoint des lycées? Mais n'anticipons pas.

Le 14 février 1902, la Chambre ratifia de son vote la proposition du ministre, déjà adoptée par la Commission de l'enseignement : « Les répétiteurs actuellement en activité peuvent être promus aux fonctions et au titre de professeurs-adjoints ».

Cette réforme a suscité bien des polémiques. Nous nous contenterons de signaler les difficultés d'application qu'elle a rencontrées. D'abord les répétiteurs, dispensés désormais de la surveillance d'internat, confiée à des surveillants spéciaux dont nous aurons à parler, se trouvaient trop nombreux. Le maintien en surnombre de beaucoup d'entre eux a eu pour effet d'immobiliser dans les collèges une foule de répétiteurs qu'aucune vacance n'appelait plus dans les lycées. Fuis, dans quelle mesure associerait-on les répétiteurs à l'enseignement ? Les professeurs, habitués à un complément de traitement, grâce aux heures supplémentaires qui leur étaient imposées en plus de leur maximum de service, ne virent pas sans mécontentement ces précieuses heures constituer le service des répétiteurs. À un autre point de vue, plus sérieux et plus pédagogique, était-il sans inconvénient de confier l'enseignement à tous les répétiteurs, licenciés ou non, qui, dans l'enthousiasme de la première heure, demandaient à faire des heures de classe et n'avaient qu'à les demander pour les obtenir? A l'épreuve, l’inconvénient se révéla tellement grand et les plaintes des parents furent si vives que les proviseurs se virent bientôt forcés de choisir avec quelque discernement ceux qui « pouvaient » être appelés aux fonctions de professeur adjoint. Mais les licenciés eux-mêmes qui n'avaient jamais fait leurs preuves comme professeurs, qui n'avaient jusque-là manifesté leur zèle pour l'enseignement qu'en refusant couramment des chaires de collège, étaient-ils bien qualifiés pour professer dans des lycées très importants où les chargés de cours et les agrégés n'arrivent qu'après un long et fructueux stage dans des lycées de début ? De plus, ce légitime et lent avancement des professeurs titulaires et chargés de cours n'était-il pas menacé par la distribution d'un grand nombre d'heures d'enseignement aux répétiteurs des grands lycées ? Les instructions de 1902, adressées aux proviseurs, autorisaient bien des craintes : « On doit s'interdire de demander la suppression d'une chaire qui serait remplacée par un service complet d'enseignement donné à un répétiteur ; mais, en certains cas, la suppression d'une chaire d'importance relativement secondaire pourra être admise s'il s'agit de répartir entre plusieurs répétiteurs un enseignement donné dans plusieurs classes ». C'est en vain que, par une circulaire du 7 août 1905, M. Bienvenu-Martin, ministre de l'instruction publique, s'est efforcé de rassurer les professeurs en stipulant que les professeurs-adjoints pourraient être chargés de quelques conférences complémentaires pour des groupes d'élèves faibles, que le dépeçage des cours essentiels et des classes magistrales était interdit, que les enseignements du français, du latin et du grec formaient dans une même classe un faisceau qui ne doit pas être rompu. Deux ans plus tard, le rapporteur du budget de l'instruction publique constate que dans les huit lycées suivants : Buffon, Condorcet, Henri IV, Alais, Bordeaux, Lille, Lons-le-Saulnier, Marseille, les heures d'enseignement confiées à des professeurs-adjoints sont assez nombreuses pour donner lieu à la création de huit chaires de mathématiques et à celle d'une chaire de physique au lycée de Marseille. Les proviseurs autonomes ne devaient-ils pas céder trop facilement à la tentation d'utiliser le professorat-adjoint pour réaliser de notables économies, par la transformation des heures supplémentaires payées en heures d'enseignement imposées aux répétiteurs? Si l'on ajoute enfin que des répétiteurs ont été chargés de certains enseignements auxquels leurs études antérieures ne les avaient nullement préparés, on comprendra que les professeurs aient pu faire entendre cette plainte désintéressée qui a toute la valeur d'un avertissement: L'amour des économies est poussé jusqu'à l'abaissement du niveau des études, et l'Université est en train de perdre, par suite d'une réforme inconsidérée, son principal titre a la confiance et à l'estime des parents, sa supériorité jusqu'ici incontestée sur tous les autres établissements d'instruction secondaire.

Mal accueillie des professeurs de lycée, cette réforme du répétitorat ne l'était pas mieux des professeurs de collège, qui craignaient de voiries professeurs-adjoints leur fermer l'accès des lycées en se faisant nommer, sur place, chargés de cours, après un certain temps d'exercice. M. Georges Leygues ne disait il pas, dans sa lettre à M. Ribot : « Auxiliaires réels des professeurs, les répétiteurs deviendront de véritables professeurs-adjoints et seront désignés pour les fonctions de professeurs titulaires »?

Parmi les répétiteurs eux-mêmes, la réforme a été très diversement appréciée. On peut dire qu'en général elle les a plus surpris que charmés. Le titre de professeur-adjoint, qui relève leur prestige, n'est pas pour leur déplaire, mais beaucoup d'entre eux, pour ne parler que des répétiteurs licenciés, estiment qu'il n'est pas nécessaire, pour le mériter, de participer à l'enseignement proprement dit. Les bribes d'enseignement qu'on leur offre dans les petites classes n'ont rien qui les tente. Ils pensent, non sans raison, que la direction, si délicate quand elle est effective, du travail des élèves pendant l'étude ; que des cours complémentaires exclusivement réservés aux élèves que leur faiblesse met hors d'état de suivre efficacement leur classe, constitueraient une collaboration très réelle et très suffisante avec les professeurs.

Quoi qu'il en soit, le décret du 30 juillet et la circulaire du 23 septembre 1909 viennent enfin d'organiser officiellement le professorat-adjoint. L'avenir nous apprendra ce que vaut cette organisation, dont voici les dispositions essentielles :

Dans les lycées, les répétiteurs sont fonctionnaires de l'externat. Ils sont chargés de la surveillance, au point de vue de l'éducation et du maintien de la discipline, dans tous les services, mouvements et récréa-tiens auxquels participent les externes et externes surveillés. Le temps pendant lequel les études leur sont confiées doit être effectivement consacré par eux au contrôle et à la direction du travail des élèves.

Le titre de professeur-adjoint peut être conféré par le ministre, sur la proposition du recteur (après avis de la section de l'enseignement secondaire du Comité consultatif), aux répétiteurs licenciés ou certifiés comptant au moins deux ans de services et vingt-cinq ans d'âge, qui auront enseigné avec succès dans les classes des lycées ou collèges, pendant une durée totale de cent heures au moins.

Le titre de professeur-adjoint est conféré pour une période de dix ans. La durée des services en qualité de professeur-adjoint chargé d'enseignement assure aux répétiteurs un tour de choix pour l'obtention des chaires du premier ordre des collèges.

A moins d'insuccès régulièrement constaté dans leur enseignement, les professeurs-adjoints seront nommés à une chaire de premier ordre dans un collège, au plus tard à l'expiration de la durée décennale de leurs fonctions. Si, à ce moment, faute de poste vacant, ils n'ont pu être nommés professeurs de collège, ils conserveront provisoirement leur titre et leurs fonctions jusqu'à leur nomination à une chaire de collège. Eu cas d'insuccès régulièrement constaté, ils reprennent le titre et conservent seulement les fonctions de répétiteur.

Après un premier échec, les répétiteurs pourront être admis à une deuxième et dernière épreuve d'une durée égale ; faute de l'avoir subie avec succès, ils cesseront de participer à renseignement. Il est en effet de l'intérêt général, aussi bien de celui des études que de celui du répétiteur, de ne pas prolonger inutilement une épreuve déjà suffisamment probante.

Le Conseil supérieur de l'instruction publique n'a pas cru qu'il fût possible de donner indistinctement aux répétiteurs licenciés et bacheliers actuellement en fonctions le droit de prétendre au titre et aux fonctions de professeur-adjoint. Considérant que, depuis plusieurs années déjà , les bacheliers n'ont plus accès aux chaires de collège, il a estimé qu'il y aurait une sorte d'anomalie à leur confier des services d'enseignement dans les lycées où les classes sont, le plus souvent, beaucoup plus nombreuses que dans les collèges.

L'enseignement dont seront chargés les professeurs-adjoints doit correspondre rigoureusement à la spécialité du titre dont ils sont pourvus.

On ne confiera à un professeur-adjoint que les enseignements portés au plan d'études pour une, deux ou trois heures au plus par semaine.

Dans une même classe, deux professeurs-adjoints au plus pourront participer à l'enseignement.

Dans une même classe, le total des heures confiées à des professeurs-adjoints ne dépassera pas cinq heures par semaine. Dans un même établissement, le nombre total des heures d'enseignement confiées aux professeurs-adjoints et aux répétiteurs dans une même spécialité ne pourra atteindre le minimum nécessaire pour la création d'une nouvelle chaire de cette spécialité.

Le nombre total des heures d'enseignement confiées à un même professeur-adjoint sera de six au plus par semaine.

Les conférences complémentaires aux élèves faibles, sous la direction du professeur de la classe, constituent une partie essentielle de la fonction de professeur-adjoint.

La circulaire ministérielle conclut en faisant remarquer que le décret du 30 juillet 1909 « règle avec toute la précision possible des questions qui, depuis plusieurs années, préoccupaient les répétiteurs et les professeurs. Il marque nettement que le rôle essentiel du répétiteur est d'assurer la discipline intérieure des lycées et collèges et de diriger le travail des élèves dans les études, et c'est là une fonction dont l'importance est trop évidente pour qu'on ne cherche pas à en rendre l'exercice à la fois plus facile et plus fécond. D'autre part, il fixe dans quelles limites les répétiteurs pourront, par la participation à l'enseignement, se préparer aux fonctions de professeur, tout en augmentant leur autorité morale. » Les répétiteurs seront-ils satisfaits ? Ce qui est certain, c'est que ces questions ainsi tranchées continueront de « préoccuper » les professeurs, auxquels on fera difficilement oublier que les représentants de leur Fédération nationale des professeurs de lycées ont été seuls exclus de la commission chargée par le ministre d'étudier le fonctionnement définitif du professorat-adjoint.

Les surveillants d'internat. — Le régime nouveau des lycées a déterminé l'apparition des surveillants d'internat. Ils sont chargés de la surveillance purement matérielle des dortoirs, promenades, etc. Mais il n'y a pas, en matière d'éducation, de surveillance purement matérielle. Aussi le choix de ces surveillants— qui passent de nombreuses heures chaque jour avec les élèves, et qui, par leur caractère, leurs manières, leur valeur intellectuelle et morale, peuvent exercer sur eux une excellente ou une déplorable influence— est-il particulièrement délicat. Il est confié au proviseur, qui organise comme il l'entend le régime et le budget de l'internat.

Ces surveillants d'internat ne sont pas des fonctionnaires. Ils ne sont pas nommés par le ministre, ils ne versent aucune retenue pour la retraite, et l'on n'a pas hésité à les laisser bénéficier de la loi de 1884: ils se sont groupés en syndicats. Ils se serviront évidemment dé ce droit pour améliorer leur situation. La nécessité de faire des économies oblige les proviseurs à leur demander beaucoup de temps contre très peu d'argent. Ce prolétariat des lycées ne va-t-il pas s'agiter ou « s'aigrir dans une vie misérable » (Lanson) ? Pour parer à ce danger, il faut empêcher la surveillance d'internat de devenir une carrière, et certains proviseurs attribuent déjà à ces modestes fonctions une durée maximum. Dans les lycées de faculté, ces surveillances sont très demandées, parce qu'elles constituent une véritable bourse d'études. On recrute très facilement d'excellents surveillants parmi les jeunes étudiants, les instituteurs-adjoints sortant des écoles normales et désirant suivre les cours de l'université, les répétiteurs de collège aspirant à une licence, etc. Mais dans les villes de moyenne importance ou éloignées du chef-lieu de l'académie, le recrutement est difficile, et l'administration locale peut être tentée de conserver indéfiniment les surveillants dont elle appréciera les services. Une règle précise serait donc nécessaire, dans l'intérêt des surveillants d'internat non moins que dans celui des proviseurs et des élèves. La durée de ces fonctions ne devrait pas dépasser quatre années. Les « Amicales » de l'enseignement secondaire. — Depuis 1904, les professeurs, s'autorisant de la loi de 1901 sur les associations, ont fondé entre professeurs d'un même lycée des Amicales (A1). Les Amicales d'une même académie se groupent pour former une Fédération régionale (A2). Les Fédérations régionales réunies constituent la Fédération nationale (A5), dont le bureau permanent, ou commission exécutive, prépare les congrès annuels et doit représenter lé corps entier des professeurs dans toutes les circonstances et toutes les questions qui l'intéressent. Les membres élus de l'enseignement secondaire aux Conseils académiques et au Conseil supérieur de l'instruction publique auront certainement à s'inspirer des voeux exprimés par les Fédérations régionales et par la Fédération nationale. Il existe également une Fédération des professeurs de collège et une Fédération des répétiteurs. — L'A4, non constituée, serait la Fédération des trois Fédérations.

Réforme des traitements. — On peut dire que la réforme de 1902 a tout modifié dans l'enseignement secondaire, sauf les traitements, dont beaucoup sont restés immuables depuis 1872. Seuls les proviseurs ont reçu en 1902 des avantages importants. Cependant le régime de l'autonomie, d'abord essayé dans quelques lycées et progressivement généralisé jusqu'au 1er janvier 1908, a eu pour effet de mettre le plus d'élèves possible dans chaque division et d'imposer à chaque professeur son maximum réglementaire d'heures de service. La statistique des congés pour raisons de santé prouve qu'à ce dur régime le personnel enseignant se fatigue vite. Le nombre de ces congés est passé de 88 en 1901-1902 à 212 en 1905-1906, et a suivi depuis lors une progression régulière. Les prévisions pour frais de suppléance des fonctionnaires atteints de maladie ont atteint, au budget de 1908, le chiffre de 110 000 francs. M, Couyba, rapporteur du budget de l'instruction publique, n'a pas hésité à attribuer ce fâcheux état de choses à la surcharge du personnel ; et, tout en tenant compte de l'accroissement numérique de ce personnel, il paraît difficile de l'expliquer autrement. Or, de 1902 à 1910, les professeurs agrégés et les chargés de cours ne se sont vu accorder aucune compensation pécuniaire. On n'a relevé légèrement, en 1905 et 1906, que les traitements des professeurs des classes élémentaires et ceux des répétiteurs. La situation matérielle des professeurs, loin de s'améliorer depuis 1873, a donc toujours été en empirant. La suppression, en 1887, des catégories de lycées, et le classement des professeurs des différents ordres en plusieurs classes, ont eu pour effet d'encombrer les premières classes, dont les traitements sont les plus élevés, de beaucoup de professeurs jeunes ; d'où lenteur extrême des promotions dans les basses classes et impossibilité d'atteindre à la première classe avant la retraite. Si l'on ajoute à cela que l'enseignement secondaire des jeunes filles s'est organisé et a cessé de faire appel aux professeurs des lycées de garçons, — que le professorat-adjoint a entraîné la suppression des heures supplémentaires, — que la valeur de l'enseignement rend de plus en plus rares les leçons particulières, on concevra sans peine que les professeurs, obligés de faire face, avec des ressources toujours décroissantes, au renchérissement général du prix de la vie, aient fini par faire entendre une plainte trop justifiée, et que le nombre des candidats au professorat ait baissé dans des proportions inquiétantes pour le bon recrutement de l'Université, comme le montre le tableau ci-dessous :

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La Commission extraparlementaire. — En 1906, 6ur la proposition de M Couyba, et d'un grand nombre de ses collègues, la Chambre décida la nomination d'une Commission extraparlementaire chargée d'étudier les améliorations à apporter aux traitements. Des députés, des sénateurs, des membres de la haute administration universitaire, des représentants des associations de toutes les catégories du personnel se réunirent, sous la présidence de M. Bienvenu-Martin, pour écouter les doléances des intéressés. « La Chambre s'en est donc remise aux représentants des intéressés eux-mêmes du soin de dresser les modestes cahiers de leurs voeux légitimes. » Ils se sont montrés si prudents, si réservés dans leurs revendications, que les conclusions de la Commission ont paru réalisables. Mais ces conclusions, formulées dans le rapport de M. Faivre-Dupaigne, comment les réaliserait-on? Dans la séance du 6 novembre 1907, M. Aristide Briand, ministre de l'instruction publique, et M. Caillaux, ministre des finances, prirent l'engagement de commencer, dès l'exercice 1909, la réalisation des réformes demandées. La loi du 7 avril 1908 apporta au personnel de l'enseignement secondaire tout entier des conditions d'avancement plus rapides et plus sûres. La Commission extraparlementaire avait placé cette réforme en tête de celles dont elle proposait l'accomplissement. Grâce au maximum de stage dans chaque classe, les nouveau-venus sont désormais assurés de ne plus attendre indéfiniment, comme leurs aînés, des promotions aléatoires. Quant aux professeurs déjà anciens dans la carrière et qui ont connu les mauvais jours, ils peuvent espérer arriver à la première classe de leur grade, — si toutefois la loi de 1908 se complète par des mesures favorables à ceux d'entre eux qui ont été trop retardés dans leur avancement.

Mais il restait à procéder au relèvement des traitements et à déterminer le nombre d'annuités sur lesquelles serait répartie la dépense. La Commission extraparlementaire demandait qu'on appliquât à l'enseignement secondaire le procédé de relèvement adopté pour l'enseignement primaire en 1905, 1906, 1907 et 1908. En conséquence, quatre annuités égales de 1266 725 fr. ou, au plus, cinq annuités égales de 1 013 380 fr., seraient allouées à partir de 1910.

L'administration de l'instruction publique n'a pas cru devoir recourir à ce système, auquel elle a trouvé divers inconvénients. Elle n'a pas jugé équitable de faire attendre quatre ou cinq ans la dernière fraction d'une augmentation de 100 francs à des fonctionnaires qui ne recevraient que 25 ou 20 francs par an, tandis que certains de leurs collègues pourraient toucher, dès la première année, 250 ou 200 francs, parce que le total de leur augmentation doit s'élever à 1000 francs. Certes, il était telle catégorie qui aurait mérité de bénéficier plus rapidement de l'augmentation ; mais des raisons d'ordre administratif et d'ordre budgétaire ne le permirent pas.

Le système proposé par le ministre de l'instruction publique à son collègue des finances consistait dans une distribution uniforme, pendant quatre ans, de 100 francs par an d'augmentation à chaque fonctionnaire jusqu'à concurrence de l'augmentation qui lui doit être dévolue. Enfin, ceux dont l'augmentation totale de traitement excéderait 400 francs devraient se voir attribuer le solde au début de la cinquième année. Si ce projet avait été adopté par le ministère des finances, les annuités nécessaires pour couvrir la dépense auraient été de :

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La dernière annuité parut trop lourde au ministère des finances, qui demanda que la période de relèvement des traitements fût prolongée d'une année et que l'on n'attribuât, la cinquième année, qu'une augmentation de 100 francs à tous ceux dont l'augmentation totale devait dépasser 500 francs. La sixième année seulement, les fonctionnaires augmentés de plus de 500 francs recevront le complément définitif de leur traitement.

On peut donc dresser, dès maintenant, de la manière suivante, le tableau des traitements dans les lycées de garçons pour 1915 :

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NOTA. — Les demandes des fonctionnaires des lycées de garçons, indépendamment des indemnités de résidence, s'élevaient à 4 108 800 fr. ; les réductions opérées par la Commission extraparlementaire ont été de 1 144 520 fr.

Le tableau suivant résume les relèvements de traitements qui ont été accordés aux fonctionnaires des collèges de garçons et qui leur seront versés en six annuités, comme aux lycées :

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(a) En dehors des 136 répétiteurs ci-dessus, les autres répétiteurs sont de 6e classe ou stagiaires, sans augmentation.

NOTA. — Les demandes des fonctionnaires des collèges de garçons s'élevaient à 3 079 600 francs ; les réductions opérées parla Commission ont été de 1 790 700 francs.

Les bourses dans l'enseignement secondaire des garçons. — L'enseignement secondaire permet seul d'entrer dans les carrières libérales, d'obtenir les fonctions publiques qui sont au sommet de la hiérarchie, de bénéficier de la haute culture littéraire ou scientifique. Les avantages sociaux, politiques, intellectuels et économiques qu'il porte avec lui ne doivent pas être le privilège exclusif d'une classe sociale. C'est sans doute à cette pensée que la République a obéi en dotant de sommes considérables, mais insuffisantes, les crédits affectés aux bourses. Celles-ci devraient donc être accordées à l'élite des élèves qui fréquentent l'école primaire ou l'école primaire supérieure.

Or, il ne semble pas que ce soit tout à fait ainsi que les choses se passent : en 1900, le ministre de l'instruction publique accordait 1000 bourses dans les lycées ou collèges de garçons. Sur les candidats admis, 707 étaient déjà élèves de l'enseignement secondaire, 275 seulement venaient directement de l'enseignement primaire ou primaire supérieur.

En 1901, 253 bourses furent accordées à des élèves sortant de l'enseignement primaire ; en 1902, 278: 196 en 1903 ; 296 en 1904 ; 276 en 1905 ; 287 en 1906'. Si l'on admet que six ans représentent le temps moyen que passe au lycée un élève boursier, il en résulterait que 1586 boursiers actuellement dans les établissements de l'Etat auraient obtenu leurs bourses en quittant l'école primaire sans stage préalable dans les lycées ou collèges. Ces 1586 boursiers représentent un peu plus du quart et un peu moins du tiers des 5528 boursiers qui se trouvent dans nos établissements d'enseignement secondaire.

On le voit, l'obligation de suivre pendant un temps plus ou moins long, et aux frais de leurs parents, les cours des lycées ou collèges, s'impose à la grande majorité des boursiers. Il est évident que l'immense majorité des prolétaires ne peut pas s'imposer un tel sacrifice, même pendant une courte durée. L'institution des bourses ne donne donc pas à cet égard tous les résultats qu'on en pourrait espérer. Elle ne les donne pas non plus parce que les programmes et la composition de la Commission d'examen arrivent à réserver le succès à ceux qui ont suivi durant un certain temps les cours du collège et du lycée. Les bourses devraient, à notre avis, être réservées aux enfants que leurs parents ont confiés aux écoles de l'Etat.

L'accès de l'enseignement secondaire doit être ouvert aux fils des prolétaires les plus pauvres, par la multiplication des bourses complètes d'internat qui feraient de ces enfants les « élèves de la patrie », selon la touchante et nette expression de Condorcet.

Enfin, la grande majorité des bourses — il faut en réserver pour les élèves de l'enseignement secondaire que des revers de fortune de leurs parents mettraient hors d'état de poursuivre leurs études — devrait être attribuée aux élèves qui viennent de terminer le cycle des études primaires dans les écoles publiques. Les jurys d'examen, composés d'instituteurs et de professeurs, s'assureraient plutôt de la réalité des aptitudes des candidats que de la précision de leurs connaissances en ce qui concerne les Pharaons ou le Forum.

L'institution des bourses pourrait recevoir de faciles perfectionnements. Telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, elle rend néanmoins des services qui ne sont pas négligeables. Les élèves des lycées et collèges remportent chaque année de brillants succès aux concours d'entrée des grandes écoles. Les boursiers sont toujours reçus en plus grand nombre que leurs camarades payants, comme l'indiquent les chiffres ci-dessous :

École normale : Les établissements secondaires de l'Etat ont fait recevoir, en 1906, 51 candidats sur 67 places. Les autres candidats reçus appartenaient à l'enseignement supérieur universitaire. Candidats boursiers reçus : 22 % ; candidats non boursiers, élèves de l'enseignement secondaire public, reçus : 16 %.

Ecole polytechnique : Elèves sortant des établissements de l'Etat : 138 admis sur 183 admissions, en 1906. Candidats boursiers reçus : 21 % ; candidats non boursiers : 20 %.

Ecole de Saint-Cyr : Candidats boursiers reçus : 37 % ; candidats non boursiers reçus : 23 %.

Ecole navale : Sur 48 places, 39 ont été obtenues par des élèves des lycées et collèges de l'Etat, en 1906. Candidats boursiers reçus : 18 %. Candidats non boursiers reçus : 10 %.

Institut agronomique ; Sur 61 places, 48 ont été obtenues par des élèves de l'enseignement secondaire public, en 1906. Candidats boursiers reçus : 70 % ; candidats non boursiers reçus : 38 %.

Il ne faudrait pas croire que les boursiers qui échouent chaque année aux écoles du gouvernement se trouvent ainsi dévoyés et grossissent le nombre des déclassés aigris et vaniteux. Il est assez rare que la première tentative réussisse dans ces difficiles concours. Finalement la plupart des boursiers arrivent au succès. Les moins favorisés sortent comme répétiteurs ou professeurs adjoints dans l'enseignement secondaire. Mais il ne nous a pas été possible de dresser sur ce point une statistique rigoureuse.

Les bourses en 1906-1907 ont été accordées dans la proportion de 18, 20 % (garçons) et de 27, 40 % (filles] à des enfants dont les parents appartenaient à renseignement primaire ; dans la proportion de 15, 63 % (garçons) et de 13, 10 % (filles) à des fils et filles de cultivateurs, fermiers, meuniers, artisans et ouvriers. Le tableau ci-dessous montré que les enfants des membres de l'enseignement primaire, des artisans et des ouvriers, sont ceux qui reçoivent le plus grand nombre des bourses. Les membres de l'enseignement secondaire et supérieur ne figurent sur ce tableau que pour 2, 93 % (garçons). Remarquons que pour donner à ce pourcentage sa véritable signification, il ne faut pas oublier que les artisans, cultivateurs et ouvriers constituent l'immense majorité de la population française, et que dès lors la situation qui leur est faite dans cette répartition est singulièrement modeste. Nous ne demandons pas que l'on retire aux fils d'employés, de commerçants, de petits fonctionnaires les bourses qui leur sont accordées. Nous voudrions voir accroître le nombre de celles qu'obtiennent les enfants qui vont à l'école primaire et qui ne peuvent pas aller ailleurs, ne fût-ce que quelques mois. Il est déplorable que sur l'immense population scolaire des écoles publiques de France, qui comprend une foule de garçons vifs, intelligents, laborieux, l'Etat ne trouve pas le moyen d'en appeler chaque année plus de 300 à profiter de l'enseignement secondaire qu'il donne dans ses propres établissements.

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On trouvera à la fin du présent article des indications détaillées sur les conditions à remplir pour l'obtention d'une bourse dans les lycées et collèges de garçons et de filles, avec quelques autres documents officiels relatifs aux bourses.

Population scolaire des lycées et collèges de garçons. — Le tableau suivant montre l'accroissement de la population scolaire des lycées de garçons, de 1875 à 1908. Le nombre des élèves in ternes, qui a été en augmentant jusqu'en 1885, a constamment décru depuis, tandis que le nombre des élèves externes s'est accru dans la proportion de 2 à 3 :

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La diminution de l'effectif scolaire total, à partir de 1907, dont il a été tant parlé, a été insignifiante et est déjà complètement arrêtée. Mais le nombre des internes subit une réduction très sensible. Beaucoup de causes ont contribué à cette désertion de l'internat. La facilité des moyens de transport et la multiplicité des établissements secondaires permettent à beaucoup de parents, jadis obligés de se séparer de leurs enfants, de les garder aujourd'hui chez eux. De plus il s'est fondé des internats libres qui envoient leurs élèves suivre les cours des lycées. Certains parents, alarmés sans doute par les campagnes excessives menées contre l'internat du lycée, croient bon d'assurer à leurs fils le double bénéfice d'une instruction universitaire et d'une éducation privée. Ajoutons que le chiffre total des élèves des lycées serait certainement plus élevé si les écoles primaires supérieures ne recevaient pas un grand nombre d'enfants qui constituaient autrefois une partie de la clientèle secondaire. La même remarque s'applique aux collèges de garçons, dont la population scolaire est donnée dans le tableau ci-dessous :

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La population scolaire des établissements secondaires de l'Etat ne cesse de s'accroître, depuis l'enquête parlementaire de 1902. Au 5 novembre 1906 le gain était de 16 642 élèves sur la statistique de 1901. On comptait, à cette date, 98 963 élèves (y compris l'Algérie), soit 60 347 pour les lycées et 38 616 pour les collèges. Pendant la même période, les établissements libres laïques gagnaient 3456 élèves avec une population totale de 12 309 élèves.

De 1898 à 1906 les établissements ecclésiastiques, devenus laïques ou restés séculiers, par application de la loi de 1901 sur les associations, ont perdu 23 271 élèves, tandis que le gain de l'enseignement laïc, public ou libre, a été de 20 098.

Au 5 novembre 1906, 154892 élèves suivaient les cours de l'enseignement secondaire. Ce nombre se décompose ainsi :

Enseignement public……………………..… 98 963

Enseignement libre laïque (y compris les institutions séculières ou congréganistes devenues laïques) ………..…………….. 20 820

Enseignement libre séculier………………… 35 049

En 1908, les lycées de garçons comptaient 59998 élèves ; les collèges de garçons, 36 282. En 1909, les lycées de garçons comptaient 60 548 élèves ; les collèges de garçons, 36580.

L'enseignement secondaire libre comptait en 1908 : 253 établissements laïques avec 19 935 élèves et 371 établissements ecclésiastiques avec' 44 558 élèves, soit un total de 624 établissements libres avec 64 493 élèves.

La concurrence dans l'enseignement secondaire. — Mais la qualité de l'enseignement importe beaucoup plus que le nombre des élèves qui le reçoivent. Or la lutte engagée entre l'Eglise et l'Etat, sur le terrain tout désigné de l'enseignement secondaire, a conduit les administrations collégiales à s'inquiéter surtout de l'effectif de leurs établissements. Il s'est agi, alors, d'attirer à soi, par la prudente réserve, par la neutralité stricte de l'enseignement, par le silence et l'effacement des professeurs hors de leur chaire, la clientèle récalcitrante des maisons congréganistes.

Talonnée par la concurrence, l'Université se fait donc insinuante, parfois insignifiante, et elle s'efforce de combattre les établissements cléricaux, trop souvent, en les imitant. « Collège d'Eglise et collège d'Etat, écrivait un jour M. Lavisse, se ressemblent lamentablement, celui ci étant né de celui-là . » Chacune des deux maisons rivales cherche à enlever à l'autre sa clientèle, en lui empruntant quelques-uns des procédés qu'elle suppose utiles à son succès. L'école libre demande à l'Université ses professeurs et ses diplômes, le lycée prend à l'école libre son aumônier, invite ses maîtres à taire leurs opinions personnelles dans leur classe, à ne les manifester qu'avec une extrême « prudence » au dehors.

Est-ce à dire qu'il faille supprimer cette concurrence, obliger les parents à mettre leurs enfants au lycée, abroger la loi Falloux et revenir au monopole universitaire qu'en soixante ans le Parlement, saisi de nombreuses propositions, n'a pas encore rétabli? La grande majorité du personnel enseignant secondaire ne le désire pas. Le plus clair résultat de ce monopole serait de paralyser le professeur, qu'il livrerait à toutes les attaques des associations de parents « bien pensants », exaspérés par la contrainte imposée. Il suffirait d'un mot d'ordre des curés et des évêques pour que, dans le lycée obligatoire de demain, se déchaînât la pieuse révolte dont l'école primaire obligatoire nous offre aujourd'hui l'édifiant spectacle. Cela doit donner à réfléchir aux réformateurs trop pressés, zélés partisans d'une mesure radicale, dont l'efficacité apparente leur dissimule le réel danger. Qu'on laisse donc l'enseignement universitaire gagner lui-même sa cause, qui est celle de la démocratie et de la science ; qu'on lui permette de se répandre par sa propre valeur, par ses succès, par l'ardeur de ses convictions, toujours respectueuses de la liberté des consciences. Il saura bien gagner à lui les sympathies hésitantes. Il vaincra à force de convaincre. Mais, s'il existe contre lui d'aveugles et irréductibles haines, pourquoi les ameuter imprudemment contre ses maîtres? Pourquoi vouloir introduire l'ennemi dans la place? Il ne désarmerait qu'après l'avoir conquise. Si l'enseignement secondaire bénéficiait du jour au lendemain de la sympathie ou même de l'engouement des catégories sociales auxquelles il paraît destiné, nous n'en devrions pas conclure qu'il a trouvé sa vraie formule et qu'il remplit exactement le rôle qui doit lui revenir dans une démocratie républicaine. On ne peut songer sans frémir à ce qu'il faudrait accorder à la clientèle congréganiste pour qu'elle se déclarât satisfaite! Devra-t-on renoncer à enseigner les vérités évidentes, dénoncées déjà comme monstrueuses lorsqu'elles trouvent place dans les plus anodins des manuels primaires? Tiendra-t-on école de surnaturel?

Qu'on maintienne donc la concurrence ; mais, si nous laissons aux autres leur liberté, que ce soit à la condition de rendre la sienne à l'enseignement universitaire. Malheureusement, il faudrait pour cela que la concurrence perdît son caractère commercial ; et il est permis de craindre que le régime de l'autonomie des lycées ne soit guère conciliable avec la large et loyale concurrence des idées et des méthodes, qui rendrait aux leçons de l'enseignement public l'accent, l'initiative, la franchise nécessaires.

Enseignement secondaire des jeunes filles. — Depuis la loi du 21 décembre 1880, la France possède des lycées et collèges pour l'enseignement secondaire des filles. Le Dictionnaire a placé ailleurs (Voir Filles) les indications relatives à cet enseignement, à ses élèves, et au personnel spécial qui a été préparé' pour le donner.

« Le lycée ou le collège ne s'ouvre à la jeune fille qu'à partir de douze ans. Jusque-là elle doit suivre l'école primaire, ou faire ailleurs des éludes équivalentes. [Aujourd'hui, les lycées et collèges de jeunes filles possèdent une classe enfantine et trois classes primaires.] De douze à dix-sept ans, la scolarité est partagée en deux périodes : de douze à quinze ans, période d'enseignement commun et obligatoire, embrassant presque dans une égale mesure toutes les matières scientifiques et littéraires ; de quinze à dix-sept, période d'enseignement mi-partie obligatoire, mi-partie facultatif, portant sur les mêmes matières, revues de plus haut et avec plus de développement. Par ces dispositions, on s'est proposé, d'une part, de faciliter aux élèves de l'école primaire l'accès du lycée, d'autre part de donner à la jeune fille, au bout de trois ans, un ensemble complet des connaissances qu'elle doit posséder. » (Gréard, L'enseignement secondaire des filles.)

Le diplôme institué par la loi à la fin de la cinquième année est délivré à la suite d'un examen portant sur les matières obligatoires, avec interrogations sur les cours facultatifs suivis par l'élève. Le voeu exprimé par le rapporteur de la commission devant le Conseil supérieur était qu'on ne laissât pas dégénérer cet examen en une sorte de baccalauréat, demandant au dernier moment un effort de mémoire, et comportant, par suite, une préparation plus ou moins hâtive ; ce doit être un diplôme de fin d'études donné dans l'intérieur de la maison, sous le contrôle d'un représentant de l'Etat, et qu'on méritera sûrement par ce seul fait d'avoir suivi tout le cours d'études, grâce à de « sérieux examens de passage », qui devront être exigés dès le commencement.

Mais ce diplôme d'études secondaires, précisément parce qu'il n'est pas un examen, ne saurait conférer les mêmes droits que le baccalauréat des lycées de garçons. Beaucoup de jeunes filles se présentent, et avec succès, à celles des épreuves de ce baccalauréat qui ne comportent ni grec ni latin, donnant ainsi la preuve de la valeur de l'enseignement qu'elles reçoivent. L'enseignement facultatif du latin, qui commence à s'introduire dans les lycées de jeunes filles, permet à d'excellentes élèves de réussir brillamment aux séries Latin-Sciences, Latin-Langues vivantes.

Les créateurs des lycées de jeunes filles, s'inspiraient de cette idée, aujourd'hui dépassée, qu'il doit exister entre les lycées de garçons et les lycées de jeunes filles des différences essentielles. On craignait sans doute de faire des pédantes, d'insupportables « femmes savantes». Mais un enseignement vraiment secondaire donne à ses élèves, en même temps qu'une haute idée de la science, un trop juste sentiment des limites de leurs connaissances pour qu'un tel danger soit à redouter.

L'enseignement secondaire des jeunes filles est aujourd'hui en pleine prospérité. On a pu dire qu'il était « une, des créations les plus parfaites de la République ». La portée sociale en apparaît incontestable. La bourgeoisie elle-même, devenue plus sensible à l'instabilité des fortunes, s'habitue à ne plus voir une « déclassée » dans la femme qui s'efforce, par son initiative personnelle et son labeur instruit, de s'assurer une existence indépendante.

Le personnel des lycées et collèges de filles a passé de 84.3 unités en 1893 à 2122 en 1906.

Le nombre des lycées et collèges de filles, qui était de 10 en 1883, de 16 en 1887, de 57 en 1893, était de 103 en 1906.

Le nombre des élèves s'est élevé de 96 en 1881 à 2761 en 1886. Il dépasse aujourd'hui 35 000. La progression est indiquée dans le tableau suivant :

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La Commission extraparlementaire ne pouvait se désintéresser du relèvement trop nécessaire des traitements d'un personnel auquel on doit cette prospérité. Pour des raisons d'une valeur discutable, les traitements féminins restent inférieurs à ceux du personnel des lycées de garçons. Ils seront cependant l'objet des augmentations suivantes:

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Les traitements dans les établissements d'enseignement secondaire de jeunes filles étaient les suivants avant l'application des conclusions de la Commission extraparlementaire de l'enseignement :

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Nota. — Les membres du personnel administratif ou enseignant pourvus d'une agrégation de langues vivantes reçoivent, en sus des traitements indiqués ci-dessus, une indemnité d'agrégation de 500 fr. soumise aux retenues pour pensions civiles.

Les fonctionnaires du personnel de surveillance ont droit au logement et aux prestations.

Les économes des lycées de jeunes filles qui sont en outre chargées des fonctions d'agent spécial dans l'internat municipal annexé reçoivent en sus une indemnité non soumise aux retenues, qui ne peut être inférieure à 1200 fr.

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Nota. — Les fonctionnaires du personnel de surveillance ont en outre droit gratuitement au logement.

Conclusion. — Le succès de l'enseignement secondaire des jeunes filles prouve qu'il répond à un réel besoin qu'il sait satisfaire. Les réformes successives de l'enseignement secondaire des garçons témoignent d'un sincère effort pour adapter à des exigences modernes les études qui s'en désintéressaient trop. Il serait prématuré de juger, dès maintenant, dans le détail, la réforme de 1902. Le temps seul pourra montrer ce qu'elle contient d'excellent et de durable ; il faut compter sur lui pour en corriger les erreurs. Ce qui paraît dès maintenant acquis, c'est que les études sans latin ni grec peuvent former d'excellents esprits, habitués aux méthodes secondaires et parmi lesquels se recrutent de très bons élèves — parfois les meilleurs — de la classe finale de mathématiques ou de philosophie. La faveur dont jouit, auprès des parents, la section Latin-sciences paraît très justifiée ; mais la section Sciences-Langues vivantes, que les boursiers de l'enseignement primaire forment en grande partie, peut aisément soutenir la comparaison.

Le commencement des études secondaires dans les lycées et collèges de jeunes filles et de garçons après une solide instruction primaire, la possibilité d'études secondaires sans latin ni grec, l'importance donnée dans les classes élémentaires aux études de français, autant, de jalons posés pour établir dans la mesure du possible l'unité de l'éducation française, qu'avait rêvée la Convention et qu'elle avait essayé de réaliser par l'institution des écoles centrales. Il est clair que la tendance naturelle de la démocratie, que l'instinct même de la justice, que l'intelligence des véritables intérêts de notre société moderne, poussent dans cette voie, nous demandent de combler l'abîme qui séparait jadis les différents ordres d'instruction, de poser un pont entre l'instruction primaire et l'instruction secondaire, de faciliter les études de longue haleine à l'élite de la population enfantine, non seulement par des bourses attribuées au mérite, et qui constituent une sorte de gratuité, mais encore par un ingénieux agencement de programmes qui abaisse les barrières entre l'école primaire et le lycée, et permette de passer, sans un effort extraordinaire, de l'une à l'autre.

Ecole primaire, collège communal, lycée d'Etat, enseignement classique, enseignement scientifique, tout doit, à travers les différences inévitables, avoir pour but d'élever de plus en plus le niveau des intelligences, de faire naître les vocations, de créer, à des degrés divers, un esprit commun dans le pays, de fonder, au profit de tous, une éducation commune, laïque, moderne, émancipatrice et vraiment nationale.

[T. STEEG.]

Nous donnons ci-après sept documents relatifs aux bourses nationales dans les lycées et collèges de garçons et de jeunes tilles, et aux conditions à remplir pour leur obtention :

A — Note

Indiquant les conditions et les formalités à remplir pour l'obtention d'une bourse nationale, départementale ou communale, dans les lycées ou collèges de garçons.

I — Des différentes natures de bourses.

L'Etat, les départements et les communes entretiennent dans les lycées et collèges de garçons des bourses d'internat, de demi-pensionnat, d'externat simple ou surveillé.

Ces bourses sont conférées aux enfants de nationalité française dont l'aptitude a été constatée, et particulièrement à ceux dont la famille a rendu des services au pays. Elles ne sont accordées qu'après enquête établissant l'insuffisance de fortune de la famille.

Elles sont de deux catégories : 1° les bourses d'essai, accordées à titre provisoire ; 2° les bourses de mérite, accordées à titre définitif.

Les bourses d'essai sont accordées à partir de la classe de sixième ; elles sont concédées pour une année scolaire.

Aucune condition de stage dans un lycée ou collège n'est imposée aux candidats aux bourses d'essai.

Les bourses de mérite sont accordées soit à des élèves jouissant d'une bourse d'essai, et dont l'aptitude a été constatée, soit à des candidats ayant subi avec succès l'examen et justifiant, en outre, d'un stage d'un an au moins dans un lycée ou collège.

Aucune bourse de mérite ne peut être accordée pour la classe de sixième.

II. — Formalités à remplir par les familles des candidats.

Les examens ont lieu dans la première quinzaine d'avril au chef-lieu de chaque département.

Les candidats doivent être inscrits, du 1er au 25 mars, au secrétariat de la préfecture de leur résidence ou de la résidence de leur famille.

La demande d'inscription est accompagnée : 1° de l'acte de naissance de l'enfant ; 2° d'un certificat du chef de l'établissement auquel il appartient ; ce certificat donne le relevé sommaire des notes obtenues par l'élève pour la conduite et le travail depuis la rentrée des classes et pendant l'année scolaire précédente, la liste de ses places de composition, avec indication de sa classe et du nombre des élèves de sa division, la liste de ses prix et accessits ; 3° d'une déclaration du père de famille faisant connaître sa profession et celle de sa femme, les prénoms, âge, sexe et profession de chacun de ses enfants vivants, le montant de ses ressources annuelles et celui de ses contributions ; ladite déclaration, qui doit être signée du postulant et certifiée exacte par le maire de la commune, indiquera, en outre, si des bourses, remises ou dégrèvements ont déjà été accordés précédemment au candidat ou à ses frères ou soeurs.

III. — Examen d'aptitude.

Les bourses d'essai ne peuvent être accordées qu'à des candidats ayant passé avec succès l'examen spécial d'aptitude aux bourses.

Cet examen est subi devant une commission siégeant au chef-lieu du département.

Les candidats aux bourses fondées et entretenues par les départements, les communes et les particuliers sont soumis au même examen.

L'obtention du certificat d'aptitude ne confère aucun droit absolu. Toutes les demandes de bourses de l'Etat sont soumises à une commission centrale siégeant au ministère, qui les classe par ordre de mérite, d'après l'ensemble des titres produits à l'appui.

Les candidats sont distribués en séries, suivant leur âge, chaque série correspondant à une classe.

Toutefois, par application de l'article 6 du décret du 6 août 1895 et de l'article 3 de t'arrête du 31 mai 1902, si un candidat appartient déjà à une classe supérieure à celle de son âge, il est tenu de subir l'examen sur les matières de cette classe, à moins que sa famille n'ait fait connaître expressément, dans sa demande, son intention de la lui faire redoubler.

Le résultat de l'examen n'est valable que pour un an.

Aucune dispense d'âge ou de stage n'est accordée.

La 1re série comprend les candidats qui doivent entrer en sixième ;

La 2e série ceux qui doivent entrer en cinquième et ainsi de suite.

Pour être inscrits, les candidats doivent avoir, avant le 1er janvier de l'année où l'examen est subi :

Dans la 1re série (entrée en sixième), moins de douze ans ; Dans la 2e série (entrée en cinquième), moins de treize ans ;

Dans la 3e série (entrée en quatrième), moins de quatorze ans ;

Dans la 46 série (entrée en troisième), moins de seize ans ;

Dans la 5e série (entrée en seconde), moins de dix-sept ans ;

Dans la 6° série (entrée en première), moins de dix-huit ans.

Les candidats pourvus de la première partie du baccalauréat sont dispensés de l'examen d'aptitude s'ils sont âgés de moins de vingt et un ans et s'ils se préparent à une grande école de l'Etat.

IV. — Programme des examens.

Les candidats sont examinés, savoir :

Dans la 1re série, sur les parties communes au programme du cours moyen de l'enseignement primaire et au programme des classes élémentaires des lycées.

Dans la 2e série, sur les matières de sixième ; dans la 3e série, sur les matières de cinquième, et ainsi de suite. L'examen comprend deux épreuves : une épreuve écrite et une épreuve orale.

L'épreuve écrite est éliminatoire ; elle comprend :

Pour la 1re et la 2e série de la Division A :

1° Une dictée française suivie de questions sur certaines parties du texte dicté, permettant de constater chez les candidats la connaissance de la langue et l'intelligence du texte ; 2e une composition française ou une composition sur une des matières du cours (histoire, géographie, sciences) ;

Pour la 3e, la 4e et la 5e série de la Division A :

1° Une composition française ou une composition sur une matière du cours ; 2° une version latine ;

Pour la 1re et la 2e série de la Division B :

1° Une dictée française suivie de questions sur certaines parties du texte dicté, permettant de constater chez les candidats la connaissance de la langue et l'intelligence du texte ; 2° une composition française ou une composition sur une des matières du cours ;

Pour la 3e, la 4e et la 5e série de la Division B :

1° Une composition française ou une composition sur une matière du cours ; 2° un exercice écrit de langues vivantes ;

Pour la 6e série (2e cycle) :

1° Section A : Une composition française et une version latine ou grecque ;

2° Section B : Une composition de langues vivantes et une version latine ;

3° Section C : Une composition de sciences et une version latine ;

4° Section D : Une composition de sciences et une composition de langues vivantes.

Pour la version latine et la version grecque, l'usage du dictionnaire est autorisé.

Les épreuves de langues vivantes, à l'examen écrit et à l'examen oral, portent sur l'anglais, l'allemand, l'italien ou l'espagnol. Dans les séries où deux langues sont représentées, l'une des épreuves porte obligatoirement sur l'allemand ou l'anglais. L'usage du lexique est autorisé dans les épreuves écrites. — Depuis 1906, le lexique dont l'usage est autorisé pour les épreuves écrites de langues vivantes ne peut être qu'un lexique en langue étrangère, sans traduction.

V. — Dossiers des candidatures.

Les demandes de bourses de l'Etat doivent être adressées au ministre, mais remises dans les bureaux de la préfecture, avec les pièces nécessaires, savoir :

1° L'acte de naissance de l'enfant ;

2° Le certificat scolaire mentionné au paragraphe II ;

3° Le certificat d'aptitude, délivré au secrétariat de la préfecture et indiquant le nombre des points obtenus par le candidat, ou le certificat d'admission à la première partie au moins des épreuves du baccalauréat ;

4° Une note détaillée ou un état dûment certifié des services sur lesquels la demande est fondée ;

5° La déclaration du père de famille mentionnée au paragraphe II ;

6° L'engagement écrit des parents de payer les frais du trousseau et de pension qui, en cas de nomination, seraient laissés à leur charge.

Tous les dossiers doivent être constitués sans retard, de manière que les préfets puissent les envoyer le plus tôt possible, par l'intermédiaire des recteurs d'académie, au ministre de l'instruction publique.

En ce qui regarde les demandes présentées par des candidats qui ont subi avec succès l'examen d'aptitude en avril, tout dossier qui ne parviendrait au ministère qu'après le 1er septembre ne pourrait plus être soumis à la commission centrale et serait renvoyé à la famille.

Quant aux dossiers relatifs aux demandes formées par des candidats pourvus du baccalauréat, ils ne doivent être transmis au ministère, ni avant le 1er juillet, ni après le 1er décembre. (Circulaire du 4 juin 1904.)

VI. — Dispositions diverses.

Les bourses d'essai peuvent être renouvelées, mais une fois seulement.

Elles peuvent être converties en bourses définitives, après avis délibéré par les professeurs et les répétiteurs de la classe réunis, sur la présentation du chef de l'établissement et la proposition du recteur, et à la condition que les titulaires sont inscrits sur un tableau d'honneur spécial. En cas de faute grave, »ou d'insuffisance dans les notes de conduite ou de travail, la déchéance de la bourse peut être prononcée par le ministre.

B — Note

indiquant les conditions et les formalités à remplir pour l'obtention d'une bourse nationale, départementale ou communale, dans les lycées ou collèges de jeunes filles.

I. —.Des différentes natures de bourses.

L'Etat, les départements et les communes entretiennent dans les lycées et collèges de jeunes filles des bourses d'internat, de demi-pensionnat et d'externat.

Ces bourses sont conférées aux enfants de nationalité française dont l'aptitude a été constatée, et particulièrement à celles dont la famille a rendu des services au pays. Elles ne sont accordées qu'après enquête établissant l'insuffisance de fortune de la famille.

Elles sont de deux catégories : 1° les bourses d'essai, accordées à titre provisoire ; 2° les bourses de mérite, accordées à titre définitif.

Les bourses d'essai sont concédées pour une année scolaire.

Les bourses de mérite sont accordées, soit à des élèves jouissant d'une bourse d'essai et dont l'aptitude a été constatée, soit à des aspirantes ayant subi avec succès l'examen et justifiant, en outre, d'un stage d'un an au moins dans un lycée ou collège.

Aucune bourse de mérite n'est accordée pour une classe inférieure à la deuxième année secondaire.

II. —Formalités à remplir par les familles des aspirantes.

Les familles des aspirantes doivent les faire inscrire, du 1er au 25 mars, au secrétariat de la préfecture du département de leur résidence ou de la résidence de leurs enfants.

La demande d'inscription est accompagnée : 1° de l'acte de naissance de l'enfant ; 2° d'un certificat de la directrice de l'établissement où elle a commencé ses études : ce certificat donne le relevé des notes obtenues par l'élève pour la conduite et le travail depuis la rentrée des classes et pendant l'année scolaire précédente, la liste de ses places et notes de composition, avec indication de sa classe et du nombre des élèves de sa division, la liste de ses prix et accessits, les appréciations de ses professeurs ; le certificat n'est pas exigé des aspirantes qui ont été élevées dans leur famille ; 3° d'une déclaration du père de famille faisant connaître sa profession, les prénoms, âge, sexe et profession de chacun de ses enfants vivants, le montant de ses ressources annuelles et celui de ses contributions : ladite déclaration, qui doit être signée du postulant et certifiée exacte par le maire de la commune, indiquera, en outre, si des bourses, remises ou dégrèvements ont déjà été accordés précédemment à l'aspirante ou à ses frères ou soeurs.

III. Examen d'aptitude.

Les bourses d'essai ne peuvent être accordées qu'à des aspirantes ayant subi avec succès l'examen spécial du certificat d'aptitude aux bourses.

Cet examen est subi devant une commission siégeant au chef-lieu du département.

Les aspirantes aux bourses fondées et entretenues par les départements, les communes et les particuliers sont soumises au même examen.

L'obtention du certificat d'aptitude ne confère aucun droit absolu. Toutes les demandes de bourses de l'Etat sont soumises à une commission centrale, siégeant au ministère, qui les classe par ordre de mérite, d'après l'ensemble des titres produits à l'appui. Les aspirantes sont distribuées en séries, suivant leur âge. Chaque série correspond à une classe.

Aucune dispense d'âge n'est accordée.

Les aspirantes peuvent, sur leur demande, subir l'examen dans une série supérieure à celle de leur âge. Les aspirantes qui appartiennent à une classe correspondant à une série supérieure à celle de leur âge doivent subir l'examen d'après le programme de cette classe, si elles ne veulent pas la doubler. La classe dont l'élève, nommée boursière, doit être admise à suivre les cours, à la rentrée, dans rétablissement qui lui est assigné, est déterminée par l'examen qu'elle a passé au mois d'avril. Par exemple, l'aspirante, pour entrer en deuxième année, est tenue d'avoir satisfait aux épreuves de la deuxième série ; pour entrer en troisième année, aux épreuves de la troisième série, et ainsi de suite. Un examen subi sur les matières de la première année ne pourrait pas être valable pour l'admission en troisième année. Ce te règle est absolue.

Les bourses sont accordées pour les classes auxquelles donne accès l'examen subi.

Aucune aspirante ne peut être admise comme boursière dans une classe supérieure à celle pour laquelle elle a concouru.

Les aspirantes doivent avoir pour entrer :

Dans la 1re année de cours, moins de treize ans accomplis au 1er octobre de l'année où l'examen est subi, 1re série ;

Dans la 2e année de cours, moins de quatorze ans accomplis au 1er octobre de l'année où l'examen est subi, 2e série ;

Dans la 3e année de cours, moins de quinze ans accomplis au 1er octobre de l'année où l'examen est subi. 3e série ;

Dans la 4e année de cours, moins de seize ans accomplis au 1er octobre de l'année où l'examen est subi, 4e série ;

Dans la 5° année de cours, moins de seize ans accomplis au 1er octobre de l'année où l'examen est subi, 5e série.

Les aspirantes pourvues du grade de bachelier ou du diplôme de fin d'études secondaires et âgées de moins de vingt et un ans sont dispensées de l'examen d'aptitude aux bourses.

IV. Programmes des examens.

Les aspirantes aux bourses de l'enseignement secondaire sont interrogées, savoir :

Pour la 1re année de cours, sur les matières du cours moyen de l'enseignement primaire obligatoire ;

Pour la classe de 2e année, sur les matières du programme de la 1re année, et ainsi de suite jusqu’à la classe de 5e année.

L'examen comprend deux épreuves : une épreuve écrite et une épreuve orale.

L'épreuve écrite est éliminatoire ; elle comprend :

Pour la 1re série, une dictée française suivie de questions sur certaines parties du texte dicté permettant de constater chez les aspirantes la connaissance de la langue et l'intelligence du texte, et une composition sur une des matières du cours moyen de l'enseignement primaire obligatoire ;

Pour la 2e et la 3e série, deux compositions : l'une littéraire, l'autre scientifique, sur les matières des cours de 1re et de 2e année ;

Pour la 4e et la 5e série, deux compositions : l'une littéraire ou historique, l'autre scientifique, sur les matières des cours de 3e et de 4e année ; une version de langue vivante.

Les épreuves orales portent sur les matières suivantes :

1re série. — Grammaire, calcul, histoire, géographie ;

2e et 3e séries. — Langue française, histoire et géographie, mathématiques et histoire naturelle ;

4e série. — Littérature, histoire et géographie, sciences, langues vivantes ;

5e série. — Morale et littérature, histoire, sciences, langues vivantes ; les élèves de cette série peuvent demander à être interrogées, en outre, sur les matières facultatives des cours de 4e année.

V. Dossiers des demandes de bourses de l'Etat.

Les demandes de bourses de l'Etat doivent être adressées au ministre et remises dans les bureaux de la préfecture, avec les pièces nécessaires, savoir :

1° L'acte de naissance de l'enfant ;

2° Le certificat scolaire mentionné au paragraphe II ;

3° Le certificat d'aptitude, délivré au secrétariat de la préfecture et indiquant le nombre des points obtenus par l'aspirante, ou le certificat d'admission au grade de bachelier ou au diplôme de fin d'études ;

4° Une note détaillée ou un état dûment certifié des services sur lesquels la demande est fondée ;

5° La déclaration du père de famille mentionnée au paragraphe II ;

6° L'engagement écrit des parents de payer les frais de trousseau et de pension qui, en cas de nomination, seraient laissés à leur charge.

VI. Dispositions diverses.

Les bourses d'essai ne peuvent être renouvelées qu'une fois.

Elles peuvent être converties en bourses définitives, après avis délibéré par les professeurs et les répétitrices de la classe réunis, sur la présentation de ht directrice et la proposition du recteur, et à la condition que les titulaires soient inscrites sur un tableau d'honneur spécial.

En cas de faute grave, la directrice a le droit de rendre une boursière à sa famille.

Les boursières qui, sans avoir encouru la peine de l'exclusion, n'obtiennent que des notes insuffisantes pour la conduite ou le travail, sont déférées au conseil de discipline qui leur inflige, s'il y a lieu, un avertissement. Cet avertissement est notifié à la famille par l'inspecteur d'académie.

Après deux avertissements, les élèves boursières qui continuent à être mal notées encourent la déchéance de leur bourse.

La déchéance peut être également prononcée contre celles qui, à la suite des examens de passage, sont reconnues incapables d'entrer dans une classe supérieure.

C — Décret

relatif aux bourses dans les lycées et collèges de garçons et aux remises de faveur dans les lycées de garçons.

(6 août 1895.)

ARTICLE PREMIER. — Les bourses dans les lycées et collèges de garçons sont conférées aux enfants de nationalité française dont l'aptitude a été constatée, et particulièrement à ceux dont la famille a rendu des services au pays. Elles ne sont accordées qu'après enquête établissant l'insuffisance de fortune de la famille.

ART. 2. — Les bourses sont de deux catégories : 1° les bourses d'essai, accordées à titre provisoire ; 2° les bourses de mérite, accordées à titre définitif.

ART. 3. — Les bourses d'essai ne peuvent être accordées qu'à des candidats ayant subi avec succès un examen spécial dont les conditions et les programmes sont déterminés par des règlements délibérés en Conseil supérieur de l'instruction publique.

ART. 4. — Cet examen est subi devant une commission de cinq membres nommée par le recteur et siégeant au chef-lieu du département.

ART. 5. — Les candidats aux bourses fondées et entretenues par les départements, les communes et les particuliers sont soumis au même examen.

ART. 6. — Les bourses sont accordées pour les classes auxquelles donne accès l'examen subi.

Aucun candidat ne peut être admis comme boursier dans une classe supérieure à celle pour laquelle il a concouru.

ART. 7. — Les bourses d'essai sont accordées à partir de la classe de septième (abrogé) ; elles sont concédées pour une année scolaire.

Elles peuvent être renouvelées : deux fois pour les élèves auxquels elles ont été attribuées pour la classe de septième (abrogé) ; une fois seulement pour ceux qui les ont obtenues pour une classe supérieure à la septième.

Les candidats aux bourses de la classe de septième doivent justifier, au moment de l'examen, d'un stage de six mois au moins dans un lycée ou dans un collège (abrogé). ART. 8. — Les bourses de mérite sont accordées, soit à des élèves jouissant d'une bourse d'essai et dont l'aptitude a été constatée, soit à des candidats ayant subi avec succès l'examen prévu par l'article 3 et justifiant, en outre, d'un stage d'un an au moins dans un lycée ou collège.

Aucune bourse de mérite n'est accordée pour une classe inférieure à la cinquième.

ART. 9. — Les bourses d'essai peuvent être converties en bourses définitives, après avis délibéré par les professeurs et les répétiteurs de la classe réunis, sur la présentation du chef de l'établissement et la proposition du recteur.

Peuvent seuls prétendre aux bourses définitives les élèves qui sont inscrits sur un tableau d'honneur spécial dressé conformément à l'article 11.

ART. 10. — Lorsqu'une bourse d'essai n'a pas été, à la fin de l'année scolaire, renouvelée ou convertie dans les conditions prévues par les articles 7 et 10, la jouissance de cette bourse cesse de plein droit.

ART. 11. — Les tableaux d'honneur des boursiers d'essai et des boursiers de mérite sont dressés par le chef de l'établissement avec le concours des professeurs et des répétiteurs de la classe.

Aucun élève ne peut y être inscrit s'il n'a obtenu, à chacun des trimestres de l'année scolaire, des notes supérieures à la moyenne pour sa conduite, son aptitude et ses progrès.

ART. 12. — Les bourses nationales d'essai sont concédées par arrêté ministériel, les bourses nationales de mérite par décret du Président de la République, après avis d'une commission chargée du classement des candidatures.

Cette disposition est applicable aux boursiers des lycées et collèges de l'Algérie, le gouverneur général conservant, d'ailleurs, le droit de présentation pour les deux tiers des bourses affectées à la colonie.

ART. 13. — Les bourses de l'Etat, des départements et des communes sont concédées en totalité ou par fractions.

Des promotions de bourse peuvent être accordées aux élèves qui justifient de leur inscription au tableau d'honneur visé par l'article 11.

ART. 14. — Les boursiers de mérite de l'Etat, des départements et des communes restent en possession de leur bourse jusqu'à l'âge de dix-neuf ans accomplis. S'ils atteignent cet âge avant l'expiration de l'année scolaire, leur bourse est prorogée de plein droit jusqu'à la fin de ladite année.

Les boursiers âgés de dix-neuf ans et de moins de vingt ans peuvent obtenir une prolongation de bourse d'une année, à la condition d'être inscrits au tableau d'honneur des boursiers ; ceux qui sont âgés de vingt ans accomplis doivent, pour obtenir une prolongation, justifier, en outre, de l'admissibilité à une grande école de l'Etat.

ART. 15. — Des bourses peuvent être concédées sans examen à des élèves ayant moins de vingt et un ans, s'ils ont subi avec succès au moins la première partie des épreuves du baccalauréat, et s'ils se préparent à une grande école de l'Etat.

Sont exclus du bénéfice de la disposition ci-dessus les élèves, âgés de plus de dix-neuf ans, à qui une prolongation de bourse n'a pas été accordée.

ART. 16. — En cas de faute grave, le chef d'établissement a le droit de rendre provisoirement un boursier à sa famille, sauf à en référer immédiatement au recteur de l'académie.

Les boursiers qui, sans avoir encouru la peine de l'exclusion, n'obtiennent que des notes insuffisantes pour la conduite ou le travail, sont déférés au Conseil de discipline qui leur inflige, s'il y a lieu, un avertissement. Cet avertissement est notifié à la famille par l'inspecteur d'académie.

Après deux avertissements, les élèves boursiers qui continuent à être mal notés encourent la déchéance de leur bourse.

La déchéance peut être également prononcée contre ceux qui, à la suite des examens de passage, sont reconnus incapables d'entrer dans une classe supérieure.

La déchéance des boursiers nationaux et des boursiers communaux est prononcée par le ministre.ART. 17. — L'article 14 du décret du 19 janvier 1881, * interdisant le cumul de fractions de bourse d'origine différente, est abrogé.

ART. 18. — Les remises de frais de pension ou d'études, dites « remises de faveur », sont supprimées.

Des exemptions peuvent être exceptionnellement accordées : 1° à des enfants déjà présents dans un lycée, dont la famille a rendu des services signalés à l’Etat et se trouve, par suite d'événement grave, hors d'état de continuer à acquitter les frais des études secondaires ; 2° aux soldats en congé ou régulièrement autorisés par leur chef de corps à suivre les cours d'un lycée en vue de la préparation à une grande école de l'Etat et à condition qu'ils aient été, l'année précédente, déclarés admissibles au concours de cette école ; 3° aux enfants de troupe. Toutefois, pour ces derniers, la condition d'examen est obligatoire.

ART. 19. — Les dispositions des règlements antérieurs sont abrogées en ce qu'elles ont de contraire au présent décret.

ART. 20. — Le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes est chargé de l'exécution du présent décret.

D. — Arrêté

concernant les examens d'aptitude aux bourses dans les lycées et collèges de garçons. .

(31 mai 1902.)

ARTICLE PREMIER. — Les commissions chargées d'examiner les candidats aux bourses des lycées et collèges de garçons sont composées d'un inspecteur d'académie, président, et de quatre membres choisis par le recteur parmi les professeurs ou les anciens professeurs des facultés, des lycées et des collèges. Des professeurs de langues vivantes sont adjoints au jury pour les catégories où les langues vivantes sont obligatoires.

ART. 2. — Les examens ont lieu dans la première quinzaine d'avril au chef-lieu de chaque département.

Les candidats doivent être inscrits du 1er au 25 mars, au secrétariat de la préfecture de leur résidence ou de la résidence de leur famille.

La demande d'inscription est accompagnée : 1° de l'acte de naissance de l'enfant ; 2° d'un certificat du chef de l'établissement où il a commencé ses études ; ce certificat donne le relevé sommaire des notes obtenues par l'élève pour la conduite et le travail depuis la rentrée des classes et pendant l'année scolaire précédente, la liste de ses places de composition, avec indication de sa classe et du nombre des élèves de sa division, la liste de ses prix et accessits ; le certificat n'est pas exigé des candidats qui ont été élevés dans leur famille ; 3° d'une déclaration du père de famille faisant connaître sa profession, les prénoms, âge, sexe et profession de chacun de ses enfants vivants, le montant de ses ressources annuelles et celui de ses contributions ; ladite déclaration, qui doit être signée du postulant et certifiée exacte par le maire de la commune, indiquera en outre si des bourses, remises ou dégrèvements ont déjà été accordés précédemment au candidat ou à ses frères ou soeurs.

ART. 3. — Les candidats sont distribués en séries, suivant leur âge, chaque série correspondant à une classe.

Toutefois, par application de l'article 6 du décret du 6 août 1895, si un candidat appartient déjà à une classe supérieure à celle de son âge, il est tenu de subir l'examen sur les matières de cette classe, à moins que sa famille n'ait fait connaître expressément, dans sa demande, son intention de la lui faire redoubler.

Le résultat de l'examen n'est valable que pour un an.

Aucune dispense d'âge ou de stage n'est accordée [abrogé).

Pour la 1re série et les séries supérieures, aucun stage préalable dans un lycée ou collège n'est exigé des candidats.

La 1re série comprend ceux qui doivent entier en sixième ;

La 2e série ceux qui doivent entrer en cinquième, et ainsi de suite.

ART. 4. — Pour être inscrits, les candidats doivent avoir, avant le 1er janvier de l'année où l'examen est subi :

Dans la 1er série, moins de douze ans ;

Dans la 2e série, moins de treize ans ; Dans la 3e série, moins de quatorze ans ;

Dans la 4e série, moins de seize ans ;

Dans la 5e série, moins de dix-sept ans ;

Dans la 6e série, moins de dix-huit ans ;

ART. 5. — Les candidats sont examinés, savoir :

Dans la 1er série, sur les parties communes au programme du cours moyen de l'enseignement primaire et à celui des classes élémentaires des lycées ;

Dans la 2e série, sur les matières de sixième ; dans la 3° série, sur les matières de cinquième, et ainsi de suite.

ART. 6. — L'examen comprend deux épreuves : une épreuve écrite et une épreuve orale.

L'épreuve écrite est éliminatoire ; elle comprend :

Pour la 1re et la 2e série de la Division A :

1° Une dictée française suivie de questions sur certaines parties du texte dicté permettant de constater chez les candidats la connaissance de la langue et l'intelligence du texte ; 2° une composition française ou une composition sur une des matières du cours (histoire, géographie, sciences).

Pour la 3e, la 4e et la 5e série de la Division A :

1° Une composition française ou une composition sur une matière du cours ; 2° une version latine.

Pour la 1re et la 2e série de la Division B :

1° Une dictée française suivie de questions sur certaines parties du texte dicté, permettant de constater chez les candidats la connaissance de la langue et l'intelligence du texte ; 2° une composition française ou une composition sur une des matières du cours ;

Pour la 3e, la 4e et la 5° série de la Division B :

1° Une composition française ou une composition sur une matière du cours ; 2° un exercice écrit de langues vivantes ;

Pour la 6e Série (2° cycle) :

1° Section A : Une composition française et une version latine ou grecque ;

2° Section B : Une composition de langues vivantes et une version latine ;

3° Section C : Une composition de sciences et une version latine

4° Section D : Une composition de sciences et une composition de langues vivantes.

Pour la version latine et la version grecque, l'usage du dictionnaire est autorisé ART. 7. — La durée des épreuves écrites est fixée ainsi qu'il suit (non compris le temps et la dictée du sujet) :

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Dans les autres séries, la durée de chacune des compositions est de deux heures.

ART. 8. — Le nombre maximum des points à compter pour chaque épreuve écrite est de 20. Pour être admis à l'épreuve orale, le candidat doit obtenir au moins 20 points dans l'ensemble des deux épreuves écrites.

La nullité d'une composition peut entraîner l'ajournement.

ART. 9. — L'examen oral comprend :

Pour la 1re série des Divisions A et B, Trois épreuves :

Lecture et explication d'un texte français (coefficient double) ;

Interrogations sur les sciences:

Interrogations sur l'histoire et la géographie.

Pour la 2e, la 3e et la 4e série de la Division A,

Cinq épreuves :

Explication française ;

Explication latine ;

Interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ;

Interrogations sur une langue étrangère.

Pour la 2°, la 3e et la 4e série de la division B,

Cinq épreuves :

Explication française ;

Deux interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ;

Interrogations sur une langue étrangère.

Pour la 5° série de la division A,

Cinq épreuves :

Explication française ;

Explication latine ou grecque ;

Interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ;

Interrogations sur une langue étrangère.

Pour la 5e série de la division B,

Cinq épreuves :

Explication française ;

Deux interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ;

Interrogations sur une langue étrangère.

Pour la 6° série,

Section A, Six épreuves :

Explication française ;

Explication latine ;

Explication grecque ;

Interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ; Interrogations sur une langue étrangère.

Section B, Six épreuves :

Explication française ;

Explication latine ;

Interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ;

Explications et interrogations sur deux langues étrangères.

Section C, Six épreuves :

Explication française ;

Explication latine ;

Deux interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ;

Interrogations sur une langue étrangère.

Section D, Six épreuves :

Explication française ;

Deux interrogations sur les sciences ;

Interrogations sur l'histoire et la géographie ;

Explications et interrogations sur deux langues étrangères.

ART. 10. — Une note de 0 à 10 est attribuée à chaque épreuve orale.

Nul ne peut être admis définitivement au certificat d'aptitude qu'avec la moitié du maximum des points attribués à l'ensemble des épreuves écrites et orales.

La nullité d'une épreuve peut entraîner l'ajournement.

ART. 11. — Les épreuves de langues vivantes, à l'examen écrit et à l'examen oral, portent sur l'anglais, l'allemand, l'italien ou l'espagnol.

Dans les séries où deux langues sont représentées, l'une des épreuves porte obligatoirement sur l'allemand ou l'anglais.

L'usage du lexique est autorisé dans les épreuves écrites.

ART. 12. — Immédiatement après les examens, le président du jury rédige un procès-verbal auquel il joint la liste nominative des candidats qui se sont présentés, avec les notes qu'ils ont obtenues ; les candidats sont inscrits sur cette liste, par ordre alphabétique et par séries.

Le procès-verbal est transmis au ministère avec la liste des candidats, dans la quinzaine qui suit la clôture de la session.

ART. 13. — Les examens qui n'auraient pas été subis dans les conditions réglementaires peuvent être annulés par le ministre.

ART. 14. — L'obtention du certificat d'aptitude ne confère aucun droit absolu. Toutes les demandes de bourses de l'Etat sont soumises à une commission centrale, siégeant au ministère, qui les classe par ordre de mérite, d'après l'ensemble des titres produits à l'appui.

Cette commission tient compte aux candidats des deux premières séries de la production du certificat d'études primaires.

ART. 15. — Sont dispensés de l'examen d'aptitude, en vue de l'obtention d'une bourse nationale :

1° Les boursiers nationaux d'enseignement primaire supérieur transférés dans l'enseignement secondaire par application de l'article 61 de l'arrêté sur les bourses d'enseignement primaire supérieur ;

2° Les boursiers départementaux ou communaux d'enseignement secondaire qui ont été nommés antérieurement à la suite d'un examen subi dans les conditions réglementaires.

ART. 16. — Les arrêtés des 12 janvier 1887 et 13 janvier 1892 sont et demeurent rapportés.

E. — Décret

relatif aux bourses dans les deux cycles d'études.

(4 août 1903.)

ARTICLE PREMIER. — Les bourses de mérite concédées, dans les lycées et collèges, au cours du premier cycle d'études, prennent fin de plein droit à l'achèvement de ce cycle. Elles ne peuvent être renouvelées pour le second cycle qu'en faveur des boursiers qui justifient de leur inscription au tableau d'honneur visé par l'article 11 du décret du 6 août 1895 et sont l'objet d'une proposition spéciale du proviseur ou du principal, après avis délibéré par le conseil des professeurs, professeurs-adjoints ou répétiteurs de la classe de troisième.

ART. 2. — L'article 14, § 1er, du décret du 6 août 1895 est abrogé en ce qu'il a de contraire au présent décret, qui aura son effet à dater de la fin de l'année scolaire 1903-1904.

ART. 3. — Le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts est chargé de l'exécution du présent décret.

F. — Décret

supprimant les bourses pour la classe de septième.

(16 janvier 1904.)

Les bourses d'essai instituées en vertu de l'article 7 du décret du 6 août 1895, pour la classe de septième, sont supprimées.

Les dispositions des règlements antérieurs sont abrogées en ce qu'elles ont de contraire au présent décret, qui aura son effet à dater de l'année 1905.

G — Note

sur le rôle et le travail de la Commission centrale des bourses, approuvée par cette Commission. (Rapporteur : M. Henri Bernés, membre de la Commission et du Conseil supérieur de l'instruction publique.)

La Commission centrale des bourses a été instituée en 1882 par M. Duvaux, ministre de l'instruction publique. Sa création répondait à une double pensée : continuer l'oeuvre, inaugurée par la loi de 1880 sur les Conseils universitaires, d'association du personnel enseignant, sous forme consultative, au travail d'administration et de direction de l'Université ; donner au pays, pour la répartition des bourses d'enseignement secondaire, des garanties d'égalité et d'impartialité plus complètes.

La Commission se compose, depuis sa fondation, de professeurs, d'administrateurs de lycée, d'inspecteurs généraux de l'enseignement secondaire, en exercice ou en retraite. Le vice-recteur de l'académie de Paris y a longtemps siégé. Le directeur de l'enseignement secondaire, le chef et le sous-chef du 1er bureau, en font partie de droit. Des membres du Parlement ont à diverses reprises participé à ses travaux.

Grâce à son éloignement des centres de composition, à son caractère de collectivité, à l'absence de publicité donnée au nom de ses membres, elle échappe aisément aux influences d'intrigue personnelle et de recommandations.

Choisissant, pour chaque épreuve écrite du concours des bourses, un sujet unique qui est donné partout, comparant les dossiers venus de toutes les parties de la France, elle met soit dans les épreuves mêmes, soit dans l'appréciation des situations de famille et de la valeur des postulants, une unité que ne sauraient assurer au même degré des commissions locales.

Le choix des compositions est chaque année longuement délibéré par elle. Plusieurs de ses membres apportent, pour les épreuves qui ont été désignées d'avance à chacun d'eux en raison de sa compétence particulière, un certain nombre de sujets, qui sont discutés en commun. Toutes les fois que cela est jugé nécessaire, des indications sont jointes à ces sujets sur la manière dont ils doivent être traités, ou transmises aux commissions d'examen départementales, sur la méthode et l'esprit qui doivent présider à la correction. L'effort de la commission, depuis qu'elle existe, a toujours été de rendre les épreuves le plus probantes possible au point de vue de l'intelligence et des qualités de réflexion. Pour les problèmes d'arithmétique, par exemple, elle a toujours insisté sur l'importance d'un raisonnement soigneusement rédigé ; elle a transformé l'ancienne épreuve de dictée, par l'adjonction de questions écrites portant sur l'analyse grammaticale et logique, le sens précis de tel ou tel mot, de telle ou telle phrase, ou l'idée générale du morceau ; questions qui comptent pour moitié dans l'appréciation de l'épreuve.

Sur la correction même des épreuves écrites, en ce qui concerne du moins les candidats déclarés admissibles dans chaque département, elle exerce un contrôle. Les copies étant jointes aux dossiers, elle peut, s'il y a lieu, relever, abaisser une note après délibération spéciale ; il lui est même arrivé, tout exceptionnellement il est vrai, de faire transmettre un avis à telle commission départementale dont l'indulgence paraissait excessive ou la méthode de correction contestable.

Le rôle des commissions départementales, qui n'ont à s'occuper que de l'aptitude des postulants, consiste essentiellement à opérer parmi les candidats un premier triage. Environ la moitié d'entre eux, après les épreuves écrites et orales, se trouvent éliminés. Il s'en faut de beaucoup, du reste, les copies des admissibles permettent de s'en rendre compte, que tous ceux que laisse passer ce premier crible soient prêts, ou aptes, à suivre utilement les classes d'un lycée ou d'un collège, ou méritent que l'Etat les y aide. Choisir entre eux d'après la seule considération des situations de famille aurait, quant à la valeur moyenne des boursiers, des conséquences déplorables.

Les documents dont l'étude permet à la Commission centrale de fixer son choix se divisent en deux groupes : un dossier scolaire, un dossier de famille.

Le dossier scolaire ne contenait, primitivement, que le procès-verbal de l'examen et un certificat de bonne conduite délivré par le chef de l'établissement auquel appartenait le candidat. Sur la demande de la Commission, des éléments d'appréciation beaucoup plus nombreux et plus précis y ont été introduits. Il comprend maintenant : les copies mêmes de l'épreuve écrite, qu'elle revoit et apprécie à son tour ; le relevé des notes de conduite et de travail, des notes et des places de composition, des récompenses et éloges de diverse nature obtenus par le candidat pendant l'année en cours et la précédente, le nombre des élèves de sa classe, les appréciations motivées, et signées, soit de son instituteur s'il est à l'école primaire, soit, s'il est au collège ou au lycée, de chacun de ses professeurs ; enfin, pour les élèves déjà en cours d'études secondaires, le résultat d'un classement général des candidats aux bourses, que, dans chaque lycée ou collège, le chef d'établissement doit, à titre d'indication, arrêter d'accord avec l'assemblée des professeurs, en tenant compte de tous les ordres de considérations à leur connaissance.

Le dossier de famille comprend une déclaration du chef de la famille faisant connaître sa profession, celle de sa femme si elle en a une, les services publics, s'il y a lieu, de l'un ou de l'autre ou de leurs ascendants, les prénoms, âges, sexe, profession de tous leurs enfants vivants, le nombre de ceux qu'ils élèvent ou ont élevés, le montant annuel du gain professionnel et des autres ressources, celui des contributions, l'indication des bourses, remises, dégrèvements, qui ont pu être déjà accordés au candidat ou à ses frères et soeurs dans tout enseignement ou tout établissement communal, départemental, ou d'Etat. Cette déclaration, signée, doit être en outre certifiée exacte par le maire de la commune. L'inspecteur d'académie et le préfet y ajoutent des renseignements complémentaires ou leur appréciation personnelle, selon les éléments particuliers d'information dont ils disposent.

La Commission trouve en outre dans le dossier l'avis préalable donné, après examen de toutes ses parties, par le recteur de l'académie.

Les dossiers, pendant les quatre ou cinq mois, à raison de deux ou trois séances hebdomadaires, que dure chaque année le travail de classement, sont, avant chaque séance, distribués aux membres de la Commission, qui les étudient en détail. A la séance suivante, chacun d'eux présente un rapport sur chacun de ces dossiers, et la Commission le discute : le dossier reçoit ensuite une note de classement qui peut varier de 0 à 20. Les candidats obtenant une note supérieure à 14 ou 15 sont proposés par la Commission au ministre pour une décision favorable. Mais cette décision appartient au ministre seul. Il peut écarter des candidats proposés par la Commission ; il peut en admettre qu'elle a écartés. Il fixe seul aussi d'une façon définitive, après proposition de la Commission, la quotité de la bourse accordée à chacun.

Quand le candidat n'est pas encore élève d'un lycée ou d'un collège, ce n'est plus, comme il y a quelques années, à titre définitif (sauf retraits toujours exceptionnels) qu'il obtient du premier coup sa bourse. La Commission centrale a demandé et obtenu l'institution, pour ce cas, des bourses d'essai (décret du 6 août 1895).

Elles sont accordées pour un an ; au bout de l'année, selon les résultats obtenus, elles peuvent être retirées, prolongées pour une seconde année d'essai, ou converties en bourses définitives, désormais appelées à juste titre bourses de mérite. Peuvent seuls obtenir une bourse de mérite les boursiers d'essai inscrits sur un tableau d'honneur spécial, après délibération des professeurs et répétiteurs de la classe. Après deux ans de bourse d'essai, l'élève qui n'obtient pas de bourse définitive cesse d'être boursier.'

Pendant quelques années, les dossiers pour transformation, prolongation ou retrait des bourses d'essai ont été examinés par la Commission centrale. Ce sont maintenant les bureaux de chaque académie qui préparent sur ce point les décisions ministérielles.

Mais la Commission centrale a gardé un moyen précieux de contrôle sur le travail des boursiers, et de contrôle aussi, on peut le dire, sur ses propres désignations. Une bourse entière, du moins quand il s'agit du demi-pensionnat ou de l'internat, n'est guère, à moins d'extrême nécessité, accordée du premier coup. Il y a lieu, au cours des études, à l'octroi de compléments successifs, parfois à des transformations de bourses d'externat simple en bourses d'externat surveillé, de celles-ci en bourses de demi-pensionnat, des bourses de demi-pension en bourses d'internat (ces dernières n'étant du reste qu'exceptionnellement accordées quand les parents habitent la ville même où se font les études). Ce système, qui permet de faciliter, en fractionnant les bourses quand c'est possible, le début des études secondaires à un plus grand nombre d'enfants, constitue en même temps, par l'attrait des promotions à gagner, un moyen efficace de tenir les boursiers en haleine, et de stimuler leurs efforts. Les promotions sont accordées, comme les bourses elles-mêmes, sur l'avis de la Commission centrale. Le dossier scolaire est alors, naturellement, l'élément essentiel de ses appréciations.

Quant aux décisions qui accordent ou refusent, depuis la réforme de 1902, la prolongation pour le second cycle des bourses obtenues pour le premier, elles sont prises sur l'avis des recteurs d'académie. La Commission centrale n'est consultée que sur les prolongations au delà de dix-neuf et vingt ans, sollicitées par des candidats aux grandes écoles.

Au point de vue scolaire, les garanties dont l'intervention de la Commission centrale entoure le premier choix, l'institution des bourses d'essai, celle des promotions, ont singulièrement amélioré le recrutement des boursiers, des boursiers d'Etat tout au moins, seuls soumis à ce régime. Les plaintes sur leur valeur, si fréquentes autrefois, ont pour ainsi dire cessé de se produire. Les rapports des proviseurs, des recteurs, font unanimement leur éloge. Le travail des promotions permet chaque année à la Commission centrale de constater que les boursiers proposés par elle, dans l'enseignement des garçons surtout, se montrent presque tous dignes du soutien qui leur a été accordé, et tiennent en général la tête de leurs classes. De bonnes notes des professeurs, deux ou trois prix ou accessits, ne suffisent souvent pas pour obtenir une promotion : c'est que la moyenne des boursiers à pourvoir présente des résultats meilleurs encore. Aux concours d'entrée dans les grandes écoles, les boursiers d'Etat tiennent aussi la tête. De calculs faits en 1899 sur les chiffres des années précédentes, il résulte que, formant 6 % de la population totale des lycées et collèges, ils obtenaient, calcul fait sur les reçus de l'enseignement libre aussi bien que de l'Université, 29 % des admissions à Saint-Cyr, 35 % des admissions à l'Ecole polytechnique. Pour le concours de l'Ecole normale et des bourses de licence, la proportion approcherait de 100 %.

Quant à l'équité, au point de vue social, de la répartition des bourses, elle est, avec le bon recrutement des boursiers, le grand souci de la Commission centrale. Aux termes mêmes des décrets, elle doit tenir grand compte des services militaires ou civils rendus par les parents des candidats. Elle se conforme à cette prescription. Mais elle s'applique à ne pas la laisser tourner au détriment des familles qui, par d'autres formes de travail, servent également le pays. Elle ne perd jamais de vue, en tout cas, que l'insuffisance des ressources est une des conditions essentielles auxquelles doit être soumise l'obtention d'une bourse.

Sans doute, apprécier chaque situation exactement est chose délicate. Le nombre des enfants, aussi bien que le chiffre des revenus, doit entrer en ligne de compte. Les indications fournies par les dossiers sont quelquefois, par la faute des intéressés, incomplètes ou obscures, quelquefois, sans doute, erronées. La Commission demande, quand elle le croit nécessaire, un supplément d'informations prises sur place. Là où les autorités locales n'apportent pas de rectification, elle serait fort empêchée d'y voir plus clair qu'elles. Dans l'ensemble, cependant, munie par le préfet, l'inspecteur, le maire, l'avis du conseil municipal parfois, et la feuille du percepteur, de tous les renseignements dont disposerait une commission départementale, elle se croit en droit de dire que son oeuvre est juste. La publication au Journal officiel du nom des boursiers, et des titres de chaque famille à la bourse, permet du reste de la contrôler. Il en ressort avec évidence que le soutien de l'Etat ne va qu'à des familles de situation modeste, et surtout aux familles nombreuses, dont les demandes, à moins de médiocrité notoire des enfants, sont rarement rejetées.

Sur ce point essentiel, les statistiques sont, croyons-nous, probantes. La dernière établie, celle des boursiers nommés en 1905, donne, pour la répartition du nombre — bien modeste — de 1513 bourses ou de fractions de bourses (1288 pour renseignement des garçons, 225 pour celui des jeunes filles) que les crédits disponibles ont permis d'accorder, les résultats suivants :

Professions libérales (médecins, avocats, pharmaciens, architectes, hommes de lettres, artistes, etc.): garçons, 32 bourses (2, 59%) ; filles, 6 (2, 7 %) ;

Officiers ministériels (notaires, avoués, greffiers, huissiers) : garçons, 26 (2, 01 %) ; filles, 2 (0, 08) ;

Pasteurs et rabbins : garçons, 7 (0, 54 %) ; filles 1 (0, 04%) ; Officiers en activité ou en retraite : garçons, 69 (5, 36 %) ; filles, 8(3, 5%) ; .

Fonctionnaires de l'enseignement supérieur ou de l'enseignement secondaire (ces derniers, dans les lycées du moins, jouissent pour leurs enfants de l'externat surveillé gratuit ; il ne leur est guère accordé de bourses de demi-pension ou d'internat que si leurs enfants sont obligés, pour achever leurs études, de quitter la ville où les parents enseignent) : garçons, 57 (4, 42 %) ; filles, 25(11, 1 %) ;

Fonctionnaires de l'enseignement primaire : garçons, 252 (19, 56 %) ; filles, 52 (23, 1 %) ; ces chiffres sont en augmentation ; la proportion, il y a huit ans, était de 16, 5 %. Depuis lors, la gratuité de l'externat a été accordée à ces fonctionnaires ; pour en profiter, un plus grand nombre qu'autrefois de ceux qui n'habitent pas à proximité d'un collège ou d'un lycée postulent des compléments, bourses d'externat surveillé, de demi-pension, d'internat.

Autres fonctionnaires ou employés de l'Etat, des départements ou des communes : garçons, 278 (22, 35 %) ; filles, 50 (22, 5 %) ;

Commerçants : garçons, 113 (8, 77 %) ; filles, 14 (6, 2%) ;

Sous-officiers, gendarmes, gardes forestiers, etc.: garçons, 102 (7, 90 %) ; filles, 11 (4, 9 %) ;

Employés de chemins de fer : garçons, 39 (3, 02 %) ; filles, 9(4 %) ;

Employés de commerce : garçons, 83 (6, 46 %) ; filles, 24 (10, 7 %) ;

Cultivateurs, fermiers, petits propriétaires : garçons, 95 (7, 53 %) ; filles, 8 (3, 5 %) ;

Artisans et ouvriers : garçons, 135 (10, 48 %) ; filles, 7 (3, 1 %).

Pour cette dernière catégorie, l'augmentation progressive du quantum est intéressante à noter. En 1885, les boursiers (garçons) de cette origine formaient 1 % du total ; en 1898, 7, 5 % ; la proportion est de 10, 48% en 1905. Il importe d'ailleurs de remarquer que dans les milieux ouvriers, comme dans tous ceux où les parents sont, par leur culture propre, plus éloignés du souci des études, et, par leurs habitudes d'esprit, moins portés que d'autres à diriger leurs enfants vers des fonctions publiques, très peu d'enfants sont poussés, soit par leurs familles, soit par les instituteurs, à se présenter au concours des bourses. Les boursiers de cette origine, et de certains autres également modestes, dont le nombre, nous venons de le montrer, s'accroît déjà d'une façon continue, seraient à coup sûr plus nombreux encore si, dans les milieux auxquels ils appartiennent, il se produisait plus de candidatures.

Quant aux plaintes que les postulants malheureux font quelquefois entendre sur les nominations de boursiers, la Commission, qui ne peut d'ailleurs y répondre que pour sa part de responsabilité, estime, sans se croire cependant infaillible, qu'elles tiennent le plus souvent à cette double cause : illusions assez naturelles des plaignants sur l'importance de leurs titres personnels et la valeur scolaire de leurs enfants ; impossibilité où ils sont, ne jugeant que sur deux, ou trois cas dont le leur est le seul, du reste, qu'ils connaissent dans le détail, de se rendre compte des exigences moyennes, soit comme situation, soit comme qualités intellectuelles et morales, soit comme notes d'examen, auxquelles une longue habitude et la comparaison annuelle de milliers de dossiers amènent naturellement, et justement, la Commission centrale.

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