bannière

l

Ling

 Pierre-Henri Ling, fondateur de la gymnastique suédoise, naquit en 1776, à Ljunga, dans la province de Smàland, en Suède ; il était fils d'un pasteur de village. Il étudia la théologie à Upsal, devint ensuite précepteur, puis voyagea en Allemagne, en Danemark, en France, en Angleterre. Après une jeunesse assez aventureuse, durant laquelle il avait à plusieurs reprises servi comme soldat, Ling revint dans sa patrie. Passionné pour les exercices du corps, et très habile en escrime, il avait formé le projet d'introduire la gymnastique en Suède : l'exemple de Gutsmuths en Allemagne et de Nachtegall en Danemark paraît avoir exercé sur lui une certaine influence, En 1805, il obtint à l'université de Lund la place de professeur d'escrime, et réussit en peu de temps à gagner les étudiants de cette ville à la cause de la gymnastique. Ling voyait dans les exercices corporels un facteur important et trop négligé de la vie nationale et individuelle ; mais if n'attachait pas moins de prix aux éléments intellectuels, à la poésie et à la musique : c'était de celte double culture, esthétique et gymnastique, qu'il espérait la régénération de son peuple, auquel il proposait, comme idéal à imiter, les Hellènes et les vieux héros Scandinaves. Il voulut, de plus, fonder la gymnastique sur une base scientifique et rationnelle : aussi s'appliqua-t-il avec beaucoup d'ardeur à l'étude de l'anatomie et de la physiologie, afin de déterminer exactement quels étaient, parmi les mouvements et les exercices, ceux qui avaient un caractère d'utilité réelle. Cette étude le conduisit à l'idée que la gymnastique n'avait pas seulement une valeur éducative, mais qu'elle pouvait être employée comme moyen curatif : et il créa ainsi la gymnastique médicale. D'autre part, considérant les exercices du corps dans leur relation avec l'usage des armes, il traça également les règles de la gymnastique militaire.

En 1813, Ling fut appelé à l'Académie militaire de Karlberg, près de Stockholm, comme professeur d'escrime. La même année, il fonda à Stockholm même l'Institut central de gymnastique, dans lequel, à côté des exercices éducatifs et militaires, il commença l'organisation régulière de la gymnastique médicale. Cet établissement obtint une subvention de l'Etat, et Ling en garda la direction jusqu'à sa mort, arrivée en 1839. En 1834, il avait fait imprimer, sous le titre de Principes généraux de la gymnastique (Gymnastikens allmänna Grunder), les premières pages d'un traité contenant l'exposé de sa théorie ; mais cet ouvrage était resté inachevé, et ce fut seulement après sa mort que la publication en fut reprise et complétée par deux de ses disciples. Le traité de Ling se compose de six parties, dont voici les titres : 1° Lois de l'organisme humain ; 2° Principes de la gymnastique pédagogique ; 3° Principes de la gymnastique militaire ; 4° Principes de la gymnastique médicale ; 5° Principes de la gymnastique esthétique ; 6° Pratique de la gymnastique. Dans ses considérations générales, Ling est parfois trop systématique et s'appuie sur des principes hasardés ; ainsi, il distingue dans la vie de l'organisme humain trois éléments : l'élément dynamique (vie intellectuelle, fonctions du système nerveux), l'élément chimique (fonctions de nutrition), et l'élément mécanique (mouvement, locomotion, fonctions du système musculaire), et il fonde là-dessus toute une théorie de l'éducation et de l'hygiène. Mais dans la pratique, comme professeur et initiateur, Ling a rendu des services éminents, et son nom mérite une place d'honneur parmi ceux des fondateurs de la gymnastique moderne.

Ling était aussi poète. Il a publié deux épopées sur des sujets Scandinaves : Gylfe Tirfing, 1812, et Asarme, 1816-1826 (deux parties), ainsi qu'un poème pastoral, Karleken, et plusieurs drames historiques.

Les Principes généraux de la gymnastique ont été traduits en allemand par Massmann (Magdebourg, 1847). Un officier prussien, Rothstein, avait attiré en 1843 l'attention de l'Allemagne sur la gymnastique de Ling ; à la suite d'une mission en Suède, dont le gouvernement prussien l'avait chargé en 1846, pour l'étude approfondie de ce système, Rothstein fut placé à la tête d'un Institut central pour l'enseignement de la gymnastique dans l'armée, que le ministre de la guerre fonda à Berlin en 1847. A cette occasion, une guerre qui dura de longues années éclata entre les partisans de l'ancienne gymnastique allemande et ceux de la gymnastique suédoise ; ces derniers, conduits par Rothstein, reprochaient aux disciples de Jahn leurs procédés empiriques, l'abus des agrès et engins de toute sorte, et faisaient valoir en faveur de la méthode de Ling l'avantage de la simplicité et de la rigueur scientifique. Il faut ajouter que la politique n'était pas étrangère à la querelle. Rothstein fit paraître un exposé du système suédois sous ce titre : Die Gymnastik nach dem System Lings, 1847— 1851, 2 volumes. L'Institut de Berlin, qui avait passé, en 1851, sous la direction du ministère de l'instruction publique et pris le nom de Central-Turnanstalt, demeura fidèle au système de Ling pendant dix-sept ans ; mais en 1863 les doctrines de l'école allemande l'emportèrent ; le reck et les barres furent introduits dans la Central-Turnanstalt ; Rothstein donna sa démission, et la gymnastique suédoise se vit exilée de Berlin.

L'Institut fondé par Ling à Stockholm existe encore ; mais il a perdu tout caractère pédagogique et s'est transformé en un établissement exclusivement consacré à la gymnastique médicale.