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Leprince de Beaumont (madame)

 Marie Leprince, née à Rouen en 1711, était la soeur du peintre J.-B. Leprince. Ayant épousé un homme indigne d'elle, M. de Beaumont, elle obtint en 1745 l'annulation de son mariage, et, devenue libre, elle se consacra aux lettres et à l'éducation. Elle se rendit à Londres, où elle trouva des élèves à instruire, et y publia divers ouvrages qui eurent du succès. Les principaux sont le Nouveau Magasin français ou Bibliothèque instructive, recueil mensuel imité des Magazines anglais (Londres. 1750-1755) ; L'Education complète, ou Abrégé de l'histoire ancienne, mêlé de géographie et de chronologie, à l'usage de la famille royale de la princesse de Galles (Londres, 1753, 5 vol. in-12) ; le Magasin des enfants ou Dialogues entre une sage gouvernante et ses élèves (Londres, 1757, 4 vol. in-12), ouvrage fréquemment réimprimé, et qui fut traduit dans toutes les langues de l'Europe ; le Magasin des adolescents, ou Dialogues entre une sage gouvernante et ses élèves (Londres, 1764, 4 vol. in-12), faisant suite à l'ouvrage précédent. Remariée à un de ses compatriotes, M. Pichon, et devenue mère de six enfants, elle quitta l'Angleterre après un séjour de dix-sept ans, et se retira à Chavanod près d'Annecy, en Savoie. C'est là qu'elle mourut en 1780, après avoir fait paraître encore de nombreux volumes, parmi lesquels on peut citer les Instructions pour les jeunes dames qui entrent dans le monde et qui se marient, Londres (Lyon), 1764, 4 vol. in-12 ; le Magasin des pauvres, des artisans, des domestiques et des gens de (a campagne, Lyon, 1768, 2 vol. in-12 ; le Mentor moderne, ou Instructions pour les garçons et pour ceux qui les élèvent, Paris, 1772, 11 volumes.

Le Magasin des enfants, qui eut tant de vogue pendant près d'un siècle, et qui a été l'un des premiers livres de lecture de la plupart de nos grand' mères, mérite encore aujourd'hui d'être cité comme l'une des meilleures productions de cette littérature de l'enfance où Berquin, Mme de Genlis et Bouilly ne firent guère que suivre les traces de Mme Leprince de Beaumont. Les conversations de Mlle Bonne, gouvernante de Lady Sensée, avec son élève et les jeunes amies de celles-ci, lady Spirituelle, lady Tempête, lady Babiole, sont écrites dans un style naturel et facile, et les enseignements qu'elles contiennent dénotent, chez l'auteur, des qualités réelles de discernement et de sagesse. Dans l'avertissement placé en tête de l'ouvrage, Mme de Beaumont plaide en fort bons termes la cause de l'instruction des femmes : « D'autres, dit-elle, trouveront que j'ai eu tort de parler aux enfants de choses qu'ils supposeront au-dessus de leur portée, de choses qu'ils prétendent que les femmes même doivent toujours ignorer! Qu'ont-elles besoin, me diront-ils, de connaître la différence de leurs âmes avec celles des animaux? Elles croient cette vérité et mille autres sur la foi d'autrui ; elles ne sont pas faites pour en savoir davantage. On dirait que vous prétendez en faire des logiciennes, des philosophes. — Et vous en feriez volontiers des automates, leur répondrai-je. Oui, messieurs les tyrans, j'ai dessein de les tirer de cette ignorance crasse à laquelle vous les avez condamnées. Certainement j'ai dessein d'en faire des logiciennes, des géomètres et des philosophes. Je veux leur apprendre à penser, à penser juste, pour parvenir à bien vivre. Si je n'avais pas l'espoir de parvenir à cette fin, je renoncerais dès ce moment à écrire et à enseigner. Il est assez de personnes capables de faire entrer dans la mémoire des enfants quelques milliers de mots qu'ils ignorent, les règles du langage et plusieurs autres connaissances à peu près aussi importantes : je ne regarde l'élude de la langue française (il faut se rappeler que l'auteur écrivait en Angleterre), par rapport à mes écolières, que comme un moyen qui m'est offert par la Providence pour former leur esprit et leur coeur. »

Si Mme Leprince de Beaumont n'a fait preuve ni d'un esprit très original, ni d'un talent de premier ordre, elle n'en occupe pas moins une place très honorables parmi les institutrices françaises du dix-huitième siècle.