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Lemonnier (madame Elisa)

Elisa Grimailh (plus tard Mme Lemonnier) naquit à Sorèze (Tarn) le 25 mars 1805, de Jean Grimailh et d'Etiennette-Rosa-lie Aldebert, tous deux protestants. Elle perdit son père de bonne heure, et fut élevée par sa mère et par sa grand'mère, ainsi que par sa cousine, Mme Saint-Cyr de Barrau de Muratel. Elisa Grimailh était douée d'une grande beauté, mais elle se faisait encore plus remarquer par la vivacité de son intelligence, l'ardeur de son imagination et l'inépuisable bonté de son coeur. Elle prit part au mouvement d'idées créé par les directeurs du célèbre collège de Sorèze, MM. Ferlus, et rencontra dans les salons de ces derniers M. Ch. Lemonnier, jeune professeur de philosophie, qu'elle épousa le 22 avril 1831. Les deux époux devinrent adeptes de l'école saint-simonienne et consacrèrent à la propagande de leurs idées tout ce qu'ils possédaient. Mais l'école saint-simonienne ne tarda pas à se disperser, et M. Lemonnier se fit inscrire au barreau de Bordeaux. Sans se désintéresser de l'étude des questions sociales qui l'avait attirée au saint-simonisme, Mme Lemonnier sut, pendant cette période de sa vie, se renfermer dans le cercle étroit d'un petit ménage et déployer toutes les vertus d'une mère de famille. Après dix ans de séjour à Bordeaux, M. Lemonnier fut nommé, à Paris, directeur du contentieux du chemin de fer du Nord. Bientôt la révolution de 1848 éclata. Mme Lemonnier s'émut des misères dont elle fut témoin. Avec le concours de quelques amies, elle organisa un ouvroir et le dirigea pendant plus de deux mois. L'inhabileté des ouvrières qui fréquentaient cet ouvroir fit naître chez Mme Lemonnier la première pensée de la fondation d'un enseignement professionnel pour les femmes, et, depuis lors, cette pensée ne la quitta plus.

Après des essais divers, elle réussit, en 1856, à créer la Société de protection maternelle, qui se transforma, le 9 mai 1862, et prit le titre de Société pour l'enseignement professionnel des femmes. Un local fut loué, au nom de Mme Lemonnier, rue de la Perle, n° 9, et la première école professionnelle pour les jeunes filles s'ouvrit le 1er octobre 1862. Le succès rapide de cette première école permit bientôt d'en ouvrir une seconde, 72, rue Rochechouart. Mais les fatigues occasionnées par cette double fondation altérèrent profondément la santé de Mme Lemonnier, qui succomba, le 5 juin 1865, après une maladie de quelques jours.

Le nouvel enseignement répondait si bien à l'une des nécessités de l'ordre social contemporain que l'exemple fut suivi ; à l'étranger, d'abord, en Suisse, en Belgique, en Italie. Plusieurs municipalités françaises ouvrirent, dans quelques grandes villes de province, des écoles professionnelles de jeunes filles. L'Exposition universelle de 1878, où les écoles Elisa Lemonnier obtinrent une médaille d'or, mit au jour nombre de tentatives heureuses, nombre d'efforts consciencieux, et la loi sur les écoles manuelles d'apprentissage, promulguée le 11 décembre 1880, vint enfin pourvoir officiellement à l'organisation de ce nouveau degré de l'enseignement.

La municipalité de Paris ne resta pas en arrière ; elle ouvrit, vers 1882, ses premières écoles professionnelles de jeunes filles, qui adoptèrent l'emploi du temps et les programmes des écoles Elisa Lemonnier.

Dès lors, la Société pour l'enseignement professionnel des femmes jugea que son mode d'action devait être modifié et quelle devait viser dorénavant, non plus à multiplier ses écoles, mais à perfectionner l'organisation d'une ou deux d'entre elles, de façon à pouvoir les présenter comme des écoles modèles.

En conséquence, la Société s'appliqua à compléter ses programmes, et elle fit construire, 24, rue Duperré, et 41, rue des Boulets, sur des plans longuement étudiés, deux maisons d'école, offrant, à son sens, les dispositions et les aménagements nécessaires au bon fonctionnement de l'enseignement professionnel.

Les bons résultats obtenus dans ces écoles sont trop connus pour qu'il soit nécessaire de les énumérer ici ; le nombre est grand des jeunes filles ou des femmes sorties des écoles Elisa Lemonnier qui gagnent leur vie par leur travail. Les écoles obtinrent un grand prix à l'Exposition de 1889 et furent mises hors concours à celle de 1900.

Mais le budget des deux écoles imposait à la Société une charge financière des plus lourdes ; certaines des ressources qui lui permettaient de la supporter vinrent à s'affaiblir, et l'alternative de laisser péricliter des établissements en pleine prospérité, ou de les remettre en des mains qui pussent assurer leur avenir, se posa devant le conseil d'administration. La cession des écoles à la ville de Paris fut résolue, et elle se réalisa au 1" octobre 1906. L'une d'elles, celle de la rue Duperré, est devenue une école spéciale d'art appliqué à l'industrie ; celle de la rue des Boulets a conservé son organisation et ses programmes. Les deux écoles gardent le nom d'écoles . Elisa Lemonnier.

Le nom d'Elisa Lemonnier a été donné à une rue de Paris.

Julie Toussaint