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Lemare

 Pierre-Alexandre Lemare, polygraphe français, né en 1766, mort en 1835, mérite une mention dans ce Dictionnaire pour ses ouvrages de grammaire et sa méthode de lecture. Nous n'avons pas à raconter sa carrière agitée et aventureuse, ses actes politiques tels que sa résistance au 18 brumaire, sa participation à la conspiration du général Mallet, son opposition à l'empire pendant les Cent-Jours ; nous ne parlerons pas davantage de ses travaux comme médecin et physicien. Nous nous bornerons à citer les plus importantes de ses publications relatives à l'enseignement de la langue française et de la langue latine.

Il fit paraître en 1804 un Cours théorique et pratique de langue latine, qui reçut l'approbation du Lycée des arts ; ce cours fut refondu en 1817, sous le titre de Méthode prénotionnelle ; une dernière édition, imprimée en 1831 et considérablement augmentée, est suivie d'un Traité de la manière d'apprendre les langues. La méthode de Lemare est fort originale. Il veut que, dans l'enseignement de la langue maternelle, au début, toute parole soit accompagnée d'un geste explicatif, jusqu'au moment où la phrase parlée est assez connue de l'enfant pour suffire seule à lui rappeler l'idée, sans le geste qu'on y associait. Puis, modifiée peu à peu par des substitutions qu'expliquent de nouveaux gestes, cette phrase parlée éveille dans l'esprit des idées nouvelles qui s'ajoutent à celles qu'elle exprimait sous sa première forme, et qui concourent à la formation d'un répertoire varié, où chaque mot a une valeur exacte, et chaque phrase une signification nettement déterminée. Une fois la langue maternelle ainsi apprise, l'étude dune langue étrangère quelconque, vivante ou morte, devient relativement aisée. La langue maternelle remplace le geste explicatif et devient la clef de la langue étrangère. Etant donné plusieurs phrases étrangères où se retrouvent des expressions semblables, on y cherche l'analogie entre les divers éléments qui les composent, on y observe par comparaison l'étymologie et la fonction de chaque terme, et l'on fait entrer les diverses expressions analysées dans la construction des phrases où elles sont appelées à jouer le même rôle. La difficulté la plus sérieuse consiste alors dans le choix d'un nombre suffisant de phrases propres à réunir toutes les tournures de la langue étudiée, contenant assez de faits pour fonder les analogies et fournir les moyens de généraliser, sans toutefois multiplier les citations ' outre mesure. Dans son cours de langue latine, Lemare a extrait ces phrases prénotionnelles des meilleurs auteurs ; son recueil, divisé en trois parties, ? lexicographie, syntaxe et etymologie, ? en comprend environ 4500, qu'on doit apprendre par coeur et avoir toujours présentes à la mémoire, afin d'y pouvoir revenir toutes les fois que le besoin s'en fera sentir pour tourner une difficulté ou simplifier une traduction.

La méthode de lecture de Lemare est exposée dans un ouvrage intitulé: « Cours de lecture, où, procédant du composé au simple, on apprend à lire des phrases, puis des mots, sans connaître ni syllabes ni lettres ; composé de 41 figures en taille-douce, représentant chacune, selon la manière dont elles sont envisagées, une lettre, une syllabe, un mot ou une phrase ; de phrases préparées, tirées de la Bible, et amenant, dans les syllabes initiales de chaque ligne, tous les genres d'assemblage nécessaires, dont se composent les syllabaires, et terminé par un Dictionnaire de prononciation a l'usage des Français et des étrangers ; Paris, chez l'auteur, janvier 1818 ; » 1 vol. in-8°. Il fait commencer par l'étude d'un alphabet composé de quarante et un signes ; à chacun de ces signes alphabétiques correspond une figure qui simule la forme de la lettre, et qui reçoit un nom dans lequel se trouve le son représenté par cette lettre. Ainsi, pour la lettre A, la figure est celle d'un homme penché qui se heurte contre un tronc d'arbre, et qui s'écrie Ah ; pour la lettre D, ce sont deux lutteurs dont l'un est debout, tandis que l'autre s'arcboute contre lui : comme il y a deux hommes, la figure s'appelle Deux ; pour la lettre B, ce sont deux têtes de boeuf liées à un joug, qui est placé verticalement : la figure s'appelle Boeufs. Quand l'élève connaît tous ces signes et le son auquel ils correspondent, on lui présente des phrases, qu'il décompose en syllabes, puis en lettres. Cette méthode est une combinaison de système hiéroglyphique de Bertaud et du procédé analytique recommandé par l'abbé de Radonvilliers et N. Adam (Voir Lecture).

Citons encore de Lemare son Cours théorique et pratique de langue française, 1807, 2vol. in-4° oblong ; seconde édition refondue sous le titre de Cours pratique et théorique, 1817-1819, 2 vol. in-8°. C'est un ouvrage original, qui témoigne d'une étude approfondie de la langue, mais qui n'offre plus guère aujourd'hui qu'un intérêt de curiosité.