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Légion d’honneur (maison d’éducation de la)

 L'institution des maisons d'éducation de la Légion d'honneur se rattache à la victoire d'Austerlitz. Napoléon, dans un premier décret daté du champ de bataille (16 frimaire an XIV — 7 décembre 1805), avait adopté tous les enfants de généraux, officiers et soldats français morts à l'ennemi, et décidé que ces enfants seraient élevés à ses frais, les garçons dans le palais de Rambouillet, les filles dans le palais de Saint-Germain. Mais, quelques jours auparavant (9 frimaire an XIV — 30 novembre 1805), le Conseil d'Etat avait été saisi d'un projet préparé par Mme Campan, qui demandait qu'il fût créé cinq établissements pour les filles des membres de la Légion d'honneur, — une maison principale payante établie à Saint-Germain, et quatre maisons gratuites à répartir dans les départements, — et il avait proposé de restreindre aux filles l'adoption de l'empereur et de réduire à trois le nombre des maisons indiquées par Mme Campan. C'est la base qu'avait finalement adoptée l'empereur dans un second décret signé à Schoenbrunn, le 24 frimaire an XIV — 15 décembre 1805.

Historique des maisons.— La maison principale devait d'abord être établie à Saint-Germain, suivant le voeu de Mme Campan, dans l'hôtel d'Harcourt ; puis à Versailles, dans le couvent fondé par Marie Leckzinska, lequel avait servi, jusqu'à la Révolution, à l'éducation des officiers attachés au service des princes et que l'empereur avait affecté à un lycée. Après le décret de Schoenbrunn, ce fut à qui, dans les circonscriptions régionales des seize cohortes entre lesquelles avait été partagée l'institution de la Légion d'honneur, obtiendrait un des deux autres établissements. Des demandes furent adressées de toutes parts au grand-chancelier. On proposa la maison de Mme d'Oraizon, à Aix, le couvent des Récollets, près Bruhl, l'abbaye du Bec, près Pont-Audemer, la Chartreuse de Moulins, l'abbaye des Bénédictines, près Saint-Maixent, le château de la Trémouille, près Thouars, le château de Bayonne, etc. L'empereur avait désigné lui-même Chambord (décret du 2 mai 1806) et deux mois après Ecouen (décret du 10 juillet 1806) ; et c'est Ecouen qui fut en définitive la première maison d'éducation de la Légion d'honneur. Mme Campan en eut la direction (décembre 1807).

Deux ans après, une seconde maison était créée à Saint-Denis, et les deux maisons recevaient une organisation commune, le 21 mars 1809.

Enfin, le 15 juillet 1810, un nouveau décret organisait six succursales, qui devaient être desservies par la congrégation de la Mère de Dieu ; et le 2 septembre de la même année l'empereur désignait les emplacements sur lesquels devaient être établies les quatre premières, savoir :

La première, à Paris, dans la maison Corberon, rue Barbette ;

La seconde, au Mont-Valérien, dans les bâtiments du Calvaire (ce fut la seule des quatre qui ne fut pas ouverte) ;

La troisième, près Fontainebleau, dans l'ancienne abbaye des Barbeaux ;

La quatrième, forêt de Saint-Germain, dans l'ancien couvent des Loges.

L'ensemble de ces maisons formait un institut dont Napoléon avait nommé protectrice, d'abord l'impératrice Joséphine, puis la reine de Hollande (décret du 16 novembre 1809).

La haute direction était entre les mains de Mme Campan. Intendante d'Ecouen et de Saint-Denis, Mme Campan, dit Gréard (De l'enseignement secondaire des filles), « avait également action sur les maisons préparatoires où les jeunes filles attendaient leur tour pour entrer dans les deux grandes maisons. Ses vues allaient même beaucoup plus loin. Elle avait demandé à l'empereur la création de plusieurs établissements publics pour élever les filles « de certaines catégories « des serviteurs civils ou militaires de l'Etat » et elle voulait que le gouvernement prît sous sa surveillance tous les établissements privés d'éducation ouverts en faveur des jeunes filles. Elle rêvait pour les femmes une Université qui remplaçât les abbayes et les couvents. Elle voyait déjà les maisons mères essaimer dans tout l'empire, à Naples, à Munich, à Milan. Si elle ne pouvait se flatter de donner à ces établissements la dernière main, elle espérait au moins vivre assez pour avoir le temps de tout monter. Mais, après avoir adopté son plan, le gouvernement impérial n'en avait pas suivi l'exécution. » Puis étaient venues les vicissitudes de la fin de l'empire, puis les deux Restaurations, qui avaient profondément modifié l'institution.

Une première ordonnance (19 juillet 1814) réunit Ecouen à Saint-Denis et ferma les établissements de Paris, des Barbeaux et des Loges. Quelque temps après (27 septembre), les établissements fermés furent rouverts. Le 14 avril 1815, le château d'Ecouen fut à son tour rendu à la Légion d'honneur par Napoléon revenu de l'île d'Elbe. Le 3 mars 1816, Louis XVIII ordonna de nouveau la réunion d'Ecouen à Saint-Denis. En même temps, l'existence des établissements de Paris et des Loges fut confirmée. Aucune décision ne fut prise pour les Barbeaux. Ils furent définitivement supprimés le 3 avril 1817.

Cette dernière situation subsista jusqu'en 1851. Saint-Denis était devenu la maison-mère. Les deux succursales étaient, l'une à Paris, rue Barbette, au Marais, l'autre aux Loges. En 1851, en vertu d'une loi datée du 20 juillet 1850, la succursale de la rue Barbette fut transférée au château d'Ecouen, déclaré propriété de l'Etat après le décès du prince de Condé, par jugement du 11 juillet 1838 ; et tels sont aujourd'hui encore les cadres de l'institution.

Organisation générale des établissements. — La création des maisons de la Légion d'honneur témoigne du premier effort fait par l'Etat depuis 1789 pour organiser l'enseignement secondaire des jeunes filles. Voici en quels termes Gréard en établit l'origine :

« Quatre jours après le 9 thermidor, raconte Mme Campan, je pensai qu'il fallait vivre et faire vivre une mère âgée de soixante-dix ans, mon mari malade, mon fils âgé de neuf ans, et une partie de ma famille ruinée. Je n'avais plus rien au monde qu'un assignat de 500 francs. J'avais signé pour 30 000 francs de dettes de mon mari. Les monastères étaient fermés, les religieuses dispersées. Je choisis Saint-Germain pour y établir un pensionnat. Je n'avais pas le moyen de faire imprimer mon prospectus, j'en écrivis cent et les envoyai aux gens de ma connaissance qui avaient survécu. Au bout d'un an j'avais 60 élèves, bientôt après 100. L'année de la paix avec l'Angleterre, j'en ai compté jusqu'à 115 payant pension : j'en ai toujours, depuis ce moment, élevé dix gratuitement. Cette année, j'eus 20 000 francs de bénéfice ; mais la guerre fit partir 10 Anglaises de Saint-Germain ; 10 autres qui étaient déjà arrivées à Boulogne et à Calais se rembarquèrent ; les villes maritimes n'envoyaient plus d'enfants ; les pensionnats se multiplièrent à l'infini, les couvents se rouvrirent, et les années 1805, 1806 et 1807 furent très désavantageuses à mon établissement. » Ces pensionnats « multipliés à l'infini » étaient sans doute plus nombreux que florissants, et ce n'est point par la gravité de la direction qu'ils cherchaient, pour la plupart, à gagner la confiance des mères. L'enseignement était pris comme un métier facile à exercer : plus d'une femme, rapporte un écrivain du temps, avait passé sans transition d'une boutique à une école. D'autre part, les établissements les plus sérieux cédaient aux entraînements de la mode. L'éducation seculière n'avait pas encore de règle, comme le disait plus tard l'une de celles qui ont contribué à la fonder, Mme Le Groing La Mai-sonneuve ; elle avait emprunté ses disciplines et ses usages à ces couvents « mondains » contre lesquels Fénelon s'élevait de son temps avec une pénétrante éloquence. Les représentations scéniques, le jeu, la danse, y tenaient une grande place, la plus grande peut-être. Mme de Genlis, qui s'était fait ouvrir Tes portes de tous les établissements de Paris, même de ceux que son titre ne lui donnait pas le droit de visiter, « en prenant « le prétexte », dit-elle, « d'avoir des enfants à y placer », se félicitait publiquement des mesures de réforme sévère qu'elle avait provoquées par ses rapports. Les familles le plus souvent étaient complices des abus qu'elles auraient dû être les premières à réprimer : le goût du luxe, de la frivolité, du plaisir emportait tout le monde. « L'éducation », disait Mme Campan, « est en ce moment livrée à des dévots exagérés ou à des femmes sans moeurs ; les exemples nombreux sont aisés à trouver. Les maires des arrondissements de Paris, jusqu'à ce jour, ont laissé prendre l'état de maîtresse de pension à qui l'a voulu prendre ». Un décret avait dû intervenir pour faire cesser le désordre, et un grand nombre de maisons furent fermées. Les mieux tenues, d'ailleurs, avaient à compter avec la dépense. La profession rapportait peu. Mme Campan déclare qu'il lui fallait cent élèves à 1200 francs pour se payer de ses frais. Ses quatorze années d'exercice ne lui avaient donné que le moyen de vivre sans le secours d'autrui.»

C'est dans cette situation que Napoléon vint faire appel à son expérience, en 1807, pour fonder la maison d'Ecouen. Dans sa défiance de ce qu'il appelait les écoles de raisonneuses, l'empereur posa lui-même les bases générales de l'organisation de l'établissement :

L'emploi et la distribution du temps, écrivait-il de Finkenstein au grand-chancelier (15 mai 1809), sont des objets qui exigent principalement votre attention. Je n'ai attaché qu'une importance médiocre aux institutions religieuses de Fontainebleau (école militaire), et je n'ai prescrit que tout juste ce qu'il fallait pour les lycées. C'est tout le contraire pour l'institution d'Ecouen. Il faut que les élèves fassent chaque jour des prières régulières, entendent la messe et reçoivent des leçons sur le catéchisme. Cette partie de l'éducation est celle qui doit être la plus soignée. Il faut ensuite apprendre aux élèves à chiffrer, à écrire, les principes de leur langue, afin qu'elles sachent l'orthographe. Il faut leur apprendre un peu de géographie et d'histoire, mais bien se garder de leur montrer ni le latin, ni aucune langue étrangère. On peut enseigner aux plus âgées un peu de botanique et leur faire un léger cours de physique et d'histoire naturelle, et encore tout cela peut-il avoir des inconvénients. Il faut se borner, en physique, à ce qui est nécessaire pour prévenir une crasse ignorance et une stupide superstition, et s'en tenir aux faits, sans raisonnements, qui tiennent directement ou indirectement aux causes premières. On examinera s'il serait possible de donner à celles qui sont parvenues à une certaine classe une masse pour leur habillement. Elles pourraient s'accoutumer à l'économie, à calculer la valeur des choses et à compter avec elles-mêmes. Mais, en général, il faut les occuper toutes, pendant les trois quarts de la journée, à des ouvrages manuels : elles doivent savoir faire des bas, des chemises, des broderies, enfin toute espèce d'ouvrage de femme. Je ne sais s'il y a possibilité de leur montrer un peu de médecine et de pharmacie, du moins de cette espèce de médecine qui est du ressort d'une garde-malade. Il serait bon aussi qu'elles sussent un peu de cette partie de la cuisine qu'on appelle l'office. Je n'oserais plus, comme j'ai essayé pour Fontainebleau, prétendre leur faire faire la cuisine ; j'aurais trop de monde contre moi ; mais on peut leur faire préparer leur dessert, et ce qu'on voudrait leur donner, soit pour leur goûter, soit pour leurs jours de récréation. Je les dispense de la cuisine, mais non pas de faire elles-mêmes leur pain. L'avantage de tout cela est qu'on les exerce à tout ce qu'elles peuvent être appelées à faire, et qu'on trouve l'emploi naturel de leur temps en choses solides et utiles. Il faut que leurs appartements soient meublés du travail de leurs mains, qu'elles fassent elles-mêmes leurs chemises, leurs bas, leurs robes, leurs coiffures. Tout cela est une grande affaire dans mon opinion. Il faut dans cette matière aller jusqu'auprès du ridicule. Je veux faire de ces jeunes filles des femmes utiles, certain que j'en ferai par là des femmes agréables. Je ne veux pas chercher à en faire des femmes agréables, parce que j'en ferais des petites-maîtresses. On sait se mettre, quand on fait soi-même ses robes ; dès lors on se met avec grâce. La danse est nécessaire à la santé des élèves ; mais il faut un genre de danse spécial, et qui ne soit pas une danse d'opéra. J'accorde aussi la musique, mais la musique vocale seulement. Si l'on me dit que l'établissement ne jouit pas d'une grande vogue, je réponds que c'est ce que je désire, parce que mon opinion est que, de toutes les éducations, la meilleure est celle des mères ; parce que mon intention est principalement de venir au secours de celles des jeunes filles qui ont perdu leurs mères et dont les parents sont pauvres. ; qu'enfin si ces jeunes personnes, retournant dans leurs provinces, y jouissent de la réputation de bonnes femmes, j'ai complètement atteint mon but, et je suis assuré que l'établissement arrivera à la plus solide, à la plus haute réputation. »

Quelques indications fournies par Mme Campan achèveront de marquer le caractère de la création impériale. « L'établissement formé à Ecouen et ceux projetés par S. M. l'Empereur et Roi, écrivait Mme Campan (20 octobre 1809), ne sont point des imitations de Saint-Cyr et de l'Enfant-Jésus. L'éducation des femmes françaises appartenait jadis au clergé de France, sous la direction des monastères de filles. Ce privilège exclusif n'est plus entre leurs mains, il ne peut pas non plus rester dans celles d'une foule de femmes presque sans aveu. Dans le premier cas, l'empire des vieux préjugés et l'ignorance trop forte à laquelle notre sexe était condamné avaient toujours subsisté ; dans le second, les moeurs avaient fini par en souffrir. La rivalité des pensionnats, réunie au mauvais goût et au mauvais ton, faisait à la vérité prendre trop le dessus aux talents superficiels sur l'éducation des jeunes Françaises. » Quelques jours plus tard, dans une nouvelle lettre à l'empereur, elle résumait sa pensée ainsi qu'il suit : « Le but de ces éducations doit être porté : 1° vers les vertus domestiques ; 2° vers l'enseignement, à un tel degré de perfection, pour la connaissance de la langue, des calculs, de l'histoire, de l'écriture, de la géographie, que toutes les élèves soient assurées du bonheur de pouvoir instruire elles-mêmes leurs filles. L'éducation publique pour les femmes finira par devenir l'éducation maternelle. »

Décrets constitutifs de l'organisation. — Les règles de l'organisation établie d'après ces principes ont été fixées dans les décrets ou ordonnances des 21 mars 1809, 15 juillet 1810, 3 mars 1816, 9 mai 1816, 14 août 1857 et 30 juin 1881. Nous nous bornons à indiquer celles de ces règles qui, aux différentes périodes marquées par les changements de législation, ont subi des modifications essentielles.

L'institution des maisons impériales Napoléon d'Ecouen et de Saint-Denis, dit le décret du 21 mars 1809, sera sous la protection spéciale d'une princesse de notre famille, qui devra inspecter ces maisons, veiller à ce que les règlements y soient strictement exécutés, et nous exposer tous les besoins de ces établissements. Elle prendra le titre de Protectrice. — Six cents demoiselles, filles, soeurs, nièces ou cousines germaines de membres de la Légion d'honneur, seront élevées dans les deux maisons séparées appartenant à la Légion, savoir : trois cents dans la maison impériale d'Ecouen, et trois cents dans la maison impériale de Saint-Denis. — Sur ce nombre de six cents demoiselles, deux cents seront élevées aux frais des familles ; trois cents seront à demi-pension de la Légion, et cent à pension entière, aussi de la Légion. — Les élèves aux frais de la Légion, soit à pension entière, soit à demi-pension, devront être filles ou soeurs de membres de la Légion d'honneur. Les élèves pensionnaires devront être filles, soeurs, nièces ou cousines germaines de membres de la Légion. — Le prix de la pension est fixé à 1000 francs par an. Le prix de la demi-pension est fixé à 500 francs — A leur entrée dans la maison, les élèves gratuites et pensionnaires verseront dans la caisse la somme de 400 fr., représentant la valeur du trousseau qui leur sera fourni par la maison. — Les parents des élèves devront s'engager à verser chaque année, au trésor de la Légion, une somme de 400 francs qui sera employée en achat d'inscriptions sur le Grand-Livre. Le capital avec les intérêts, au taux de 5 pour 100, seront accumulés pendant dix ans pour le montant en être remis à l'élève après ce laps de temps. — Les parents des élèves pensionnaires ne seront pas tenus de payer cette dot annuelle ; mais ils devront présenter une personne connue, ayant domicile à Paris, qui s'engagera à recevoir la pensionnaire à sa sortie de la maison. — Aucune élève ne pourra être retirée par ses parents avant qu'elle ait atteint l'âge de dix-huit ans accomplis ou que son éducation ait été achevée. — Aucune élève âgée de plus de vingt ans ne pourra rester dans la maison à moins que la Protectrice n'en ait accordé l'autorisation spéciale. — Chaque maison sera régie par une surintendante qui sera nommée par nous, sur la présentation de la Protectrice. — Il y aura pour chaque maison six dames dignitaires, six dames de première classe, et vingt demoiselles ou dames de deuxième classe, qui porteront le titre de demoiselles. — A compter de l'an XV (septembre 1806), les dames dignitaires, les dames de première classe et les demoiselles seront choisies parmi les élèves sortant de l'une et l'autre maison. Il n'y aura d'exception que pour les personnes comprises dans la première organisation, sans que cela puisse servir d'exemple pour l'avenir, et, dans cette première organisation, ne pourra être conservée aucune femme en * puissance de mari. — Les dames de première classe qui deviendront dames dignitaires contracteront l'obligation de rester pendant leur vie entière dans la maison. — Les demoiselles, dames et dames dignitaires mangeront à la même table que les élèves. La surintendante seule pourra avoir à ses frais une table particulière. — Les demoiselles et les dames de première classe seront sujettes à la clôture. La surintendante et les dames dignitaires n'y seront pas assujetties. Les dames de première classe pourront sortir avec la permission de la surintendante. La clôture sera de rigueur pour la seconde classe ; la Protectrice seule pourra les en dispenser toutes les fois que des causes majeures l'exigeront. — Aucun homme ne pourra être admis dans l'intérieur de la maison. Auront seuls ce droit les princes de notre sang, les grands dignitaires de l'Empire, notre grand-aumônier, l'archevêque de Paris et le grand-chancelier de la Légion d'honneur. — Les six dames dignitaires, présidées par la surintendante, composeront le conseil d'administration de la maison. — Le grand-chancelier de la Légion d'honneur est chargé de faire, au moins une fois par an, une visite générale des maisons impériales Napoléon pour nous rendre compte de leur état et de leurs besoins ; il fera tenir le conseil d'administration en sa présence, et recevra les plaintes qui pourraient lui être adressées. — Les demoiselles, dames et dames dignitaires pourront, en vertu d'un ordre spécial de la Protectrice, passer d'une maison à l'autre lorsque le bien du service l'exigera.

Le décret du 15 juillet 1810, qui crée six maisons ou succursales, détermine, pour chacune de ces saisons, le nombre des élèves, l'âge de la scolarité, la direction des éludes, et crée dans chacune des maisons des places de veuves. Le texte, qui en est peu connu, et qui n'a même pas été inséré dans le Bulletin des lois, mérite d'être reproduit en partie ici : « Il est créé six maisons ou couvents destinés à recueillir et à élever les orphelines dont les pères sont morts officiers ou chevaliers de la Légion d'honneur, ou à notre service, dans quelque grade que ce soit, pour la défense de l'Etat, ou dont les mères étant mortes les pères sont appelés pour notre service hors de l'empire. — Le nombre des élèves dans ces six maisons sera de six cents. Elles y seront reçues depuis l'âge de quatre jusqu'à douze ans, et elles resteront jusqu'à l'âge de vingt et un ans. Il pourra y être reçu un nombre égal de pensionnaires. — L'institution sera desservie par la congrégation religieuse existant sous le nom de Dames de la congrégation des orphelines. Cette congrégation ne reconnaîtra d'autre supérieur spirituel que notre grand-aumônier, ou, en vertu de sa délégation, l'évêque diocésain. — Sur les six cents élèves qui seront reçues dans les six maisons, trois cents seront à pension entière, et trois cents à demi-pension, à raison de 400 francs pour la pension, de 200 francs pour la demi-pension. Il est créé dans ces maisons cent places pour des veuves. La pension de ces veuves sera de 500 francs par an. Quarante seulement seront aux frais de la Légion d'honneur, les soixante autres veuves seront reçues à leurs frais. — Une dotation en biens d'un revenu annuel de deux cent mille francs sera affectée à la Légion d'honneur pour la mettre à même de subvenir à cette dépense. — Les bâtiments nécessaires pour chaque établissement seront fournis par la ville où il sera formé. — La clôture étant une des premières règles de ces maisons, personne ne pourra y entrer qu'avec une délégation du grand-aumônier »

L'ordonnance du 3 mars 1816 est spéciale à Saint-Denis, où avaient été réunies les élèves de Saint-Denis et d'Ecouen. Les prescriptions générales des décrets du 21 mars 1809 et 15 juillet 1810 y sont maintenues, notamment en ce qui concerne la clôture et les bases de l'organisation administrative. Mais l'établissement prend un caractère plus aristocratique ; c'est à la fois aux filles des membres des ordres royaux qui ont de la fortune et à celles de ceux qui n'en ont pas que les portes en sont ouvertes.

D'autre part, le nombre des élèves est restreint, et la période d'études obligatoires est réduite. De plus, en même temps que les cadres du personnel administratif et enseignant sont élargis, les avantages attachés à chaque fonction sont déterminés avec précision. Enfin une distinction honorifique graduée suivant le rang est attachée à chaque fonction.

« Le nombre des élèves des maisons royales d'Ecouen et de Saint-Denis, réunies, est-il dit, est de 500. Sur ce nombre, 400 places seront gratuites et les 100 autres seront aux frais des familles. — Le prix de la pension d'une élève gratuite, à la charge de la Légion d'honneur, est fixé à 800 francs. Le prix de la pension d'une élève aux frais des familles est porté à 1000 francs. — Des places gratuites seront accordées aux filles des membres de nos ordres royaux qui se trouveront hors d'état de pourvoir à leur éducation. — Les places d'élèves pensionnaires seront données aux filles, soeurs, nièces ou cousines des membres de nos ordres royaux ayant de la fortune. — La sortie d'une élève est fixée à l'âge de dix-huit ans ; néanmoins, les parents pourront la retirer avant cet âge, si son éducation est terminée ou si d'autres raisons l'exigent. — Il aura sept dignitaires, dix dames de première classe, trente dames de seconde classe, et vingt novices. — La surintendante, les dignitaires, les dames de première et de seconde classe, ainsi que les novices, auront toutes un costume uniforme, qui sera fourni aux frais de la maison. Elles porteront une distinction honorifique. — Les dignitaires, présidées par la surintendante, composeront le conseil d'administration. — La voix de la surintendante comptera pour deux en cas de partage. — Le traitement de la surintendante sera de 6000 francs ; celui d'une dignitaire, de 1500 francs ; celui d'une dame de première classe, de 1000 francs ; celui d'une dame de seconde classe, de 500 francs. — La dame de seconde classe qui aura passé dix années dans la maison en sus du noviciat jouira d'une pension de retraite de 250 francs ; après quinze ans cette pension sera de 375 francs ; et ainsi progressivement de cinq ans en cinq ans, de manière cependant que le maximum n'excède jamais 800 francs La dame de première classe qui aura passé douze années en cette qualité dans la maison aura une pension de 400 francs en sus de celle à laquelle elle aura eu droit pour le nombre d'années pendant lesquelles elle aura rempli les fonctions de dame de seconde classe. Après dix-huit années, cette pension sera de 500 fr., et ainsi progressivement de six en six ans, avec la faculté de cumuler accordée par le paragraphe ci-dessus, de manière cependant que le maximum n'excède jamais 1200 francs. »

Ce qui caractérise l'ordonnance du 16 mai 1816, c'est qu'elle établit entre la maison de Saint-Denis et les deux succursales une hiérarchie qui, jusque-là, était restée indécise. En même temps, toutes les places créées dans ces deux maisons sont réservées aux familles qui se trouvent hors d'état de pourvoir à l'éducation de leurs enfants. Sur ces différents points, l'ordonnance introduit dans l'organisation des maisons un élément nouveau.

« Les maisons royales d'orphelines de la Légion d'honneur prendront le titre de succursales de la maison royale de Saint-Denis ; elles continueront d'être desservies par la congrégation religieuse existant sous le nom de Congrégation de la Mère de Dieu, qui se conformera, pour son régime, à ses statuts particuliers. — La maison royale de Saint-Denis, déjà organisée par le statut du 3 mars, tiendra le premier rang ; la succursale de Paris, le deuxième rang ; la succursale des Loges, le troisième rang. —

Le nombre des places est fixé à 400 ; elles seront toutes gratuites ; on ne recevra point, à l'avenir, d'élèves pensionnaires dans ces maisons. — Les places gratuites seront accordées aux filles des membres de nos ordres royaux qui se trouveraient hors d'état de pourvoir à leur éducation. — Le prix de la pension d'une élève de la succursale de Paris est fixé à 500 francs par an, et celui de la pension d'une élève de la succursale des Loges est porté à 400 francs par an. Le montant de ces pensions sera payé sur les fonds de la Légion d'honneur. — La Légion d'honneur paiera aux maisons 200 francs pour la valeur du trousseau qui sera fourni à une élève lors de son entrée. Il sera alloué annuellement 40 000 francs pour les dépenses de la congrégation. Il sera également accordé des fonds pour l'entretien des bâtiments. »

Le décret du 14 août 1857 nous ramène aux décrets de 1809 et de 1815. Tout ce qui concerne la vie intérieure, les rapports des maîtresses avec les élèves et des maîtresses entre elles, les insignes, le costume, la clôture, est prescrit avec une rigueur militaire. La hiérarchie établie entre les trois maisons est maintenue: on ne peut avoir accès dans l'une ou dans l'autre que suivant le grade du père. Une place est faite aux filles des légionnaires de l'ordre civil. Les liens entre les dignitaires des différentes classes, les novices et les postulantes sont resserrés. Au point de vue des études, l'innovation la plus importante est la création d'un postulat auquel on n'arrive qu'après avoir subi un examen règlementaire. Nous ne donnerons ici que les articles qui se rapportent à ces objets :

« Les maisons destinées à l'éducation des filles des membres de la Légion d'honneur sont : la maison impériale Napoléon de Saint-Denis ; et les deux succursales : la maison impériale Napoléon d'Ecouen et la maison impériale Napoléon des Loges. — Le nombre des places gratuites est fixé à 800, dont 400 pour la maison de Saint-Denis et 400 pour les deux succursales. Les places gratuites dans la maison impériale Napoléon de Saint-Denis sont réservées exclusivement aux tilles légitimes des membres de la Légion d'honneur sans fortune, ayant au moins le grade de capitaine et au-dessus, ou une position civile correspondante à ce grade. Les filles légitimes des légionnaires des grades inférieurs, jusqu'à celui de soldat inclusivement, peuvent être admises dans les succursales d'Ecouen et des Loges. — Il ne peut être accordé qu'une seule place gratuite par famille. Des élèves pensionnaires aux frais des familles pourront être admises dans les maisons impériales Napoléon. Le nombre en est fixé à 50 pour la maison de Saint-Denis et à 40 pour les deux succursales. — Il y a cinq dignitaires, douze dames de première classe, trente-trois dames de deuxième classe, dix dames novices, dix demoiselles novices et vingt postulantes au noviciat. — Aucune dame ou demoiselle ne peut être promue à une classe ou à un grade sans avoir passé successivement par les classes ou grades inférieurs. — Les postulantes au noviciat sont choisies parmi les élèves qui, ayant terminé leurs études, ont atteint l'âge de dix-huit ans. — Les élèves qui demandent le titre de postulante doivent passer, devant le conseil de la maison auquel seront adjointes trois dames de première ou de deuxième classe, un examen sur toutes les parties de l'enseignement, y compris les travaux d'aiguille. Le résultat de l'examen est transmis au grand-chancelier qui prononce, s'il y a lieu, l'admission au postulat. — La surintendante, les dames, les novices et les postulantes de la maison impériale de Saint-Denis portent la distinction honorifique dont la forme et les ornements sont ci-après détaillés : croix à quatre branches émaillées de blanc, avec des rayons en or poli dans les entre-deux, et surmontée de la couronne impériale ; le centre est un médaillon de forme ovale, représentant la Vierge, émaillée sur un fond d'or rayonnant avec la légende émaillée bleu, lettres réservées en or, et portant ces mots : Maison de Saint-Denis ; l'autre côté de la croix est émaillé bleu, en plein dans le milieu, portant ces mots réservés en or : Honneur et Patrie, et autour : Légion d'honneur, également sur fond bleu. La croix est en argent pour les dames et demoiselles novices, en or pour la surintendante, les dignitaires et les dames de première et de deuxième classe. — La surintendante porte le grand ruban de la Légion d'honneur passant de l'épaule droite au côté gauche, et au bas duquel est attachée la décoration, dont le diamètre est de 53 millimètres. Les dignitaires portent la décoration en sautoir, attachée à un ruban de la largeur de celui de commandeur de la Légion d'honneur ; le diamètre de cette décoration est de 48 millimètres. Les dames de première classe portent la décoration à l'épaule gauche, attachée au ruban d'officier de la Légion d'honneur. Les dames de deuxième classe portent la même décoration à l'épaule gauche, attachée au ruban de chevalier de la Légion d'honneur. Les clames novices portent la décoration en argent à l'épaule gauche, attachée au ruban de la Légion d'honneur. Les demoiselles novices portent la même décoration, mais sans la couronne impériale. Les décorations des dames de première et de deuxième classe et des novices ont 40 millimètres de diamètre. Les postulantes portent seulement, à l'épaule gauche, le ruban de chevalier de la Légion d'honneur. — Aucune dame ne peut porter la décoration à l'extérieur de la maison impériale. — Il y a un costume uniforme pour les dames et les élèves, les aides, filles de service, etc. ; il est fourni aux frais de la maison ; notre grand-chancelier en détermine l'étoffe et la couleur. — Les dames et les novices mangent à la même table que les élèves. Les dignitaires réunies prennent leur repas au réfectoire, après celui des élèves. La surintendante seule peut avoir une table particulière. — La clôture est de rigueur pour la surintendante, les dames, les novices et les élèves. Néanmoins la surintendante peut s'absenter de la maison impériale avec l'autorisation de notre grand-chancelier, qui accorde aussi, par exception, aux dignitaires, dames, novices et élèves, des congés de santé ou de convalescence, d'après des certificats motivés du médecin en chef de l'établissement, transmis par la surintendante. Notre grand-chancelier peut également accorder des congés de courte durée pour les affaires de famille constatées par la surintendante, pourvu cependant que le service de la maison n'en souffre pas. Le traitement de la surintendante est fixé à 9000 francs ; celui de la dignitaire inspectrice à 2400 francs ; celui d'une dignitaire à 2000 francs ; celui d'une dame de première classe, à 1200 francs ; celui d'une dame de deuxième classe, à 800 francs ; celui d'une dame novice, à 400 francs. »

Les succursales de la maison impériale Napoléon de Saint-Denis, ajoutait le décret, sont desservies par la congrégation religieuse existant sous le nom de Congrégation de la mère de Dieu. Le prix de la pension d'une élève gratuite ou pensionnaire est fixé à 600 francs par an.

Sous la troisième République, les maisons d'éducation de la Légion d'honneur ont subi de profondes modification. Le régime de particularisme semi-militaire que nous venons de décrire et qui en a fait pendant près de quatre-vingts ans une des institutions les plus originales, pour ne pas dire les plus bizarres de ce pays, a été peu à peu entamé, sans disparaître complètement.

La première réforme date du décret du 30 juin 1881. En voici les traits caractéristiques :

C'est l'enseignement qui est la base de l'organisation. Il n'est pas du même degré aux Loges qu'à Ecouen, à Ecouen qu'à Saint-Denis. Mais l'intervalle qui sépare les trois maisons n'est pas infranchissable, et les jeunes filles qui se distinguent dans leurs études peuvent passer des Loges, où l'enseignement professionnel tient une grande place, à Ecouen, qui représente plus particulièrement l'enseignement primaire supérieur, et d'Ecouen à Saint-Denis, où les études embrassent en partie les programmes de l'enseignement secondaire. En second lieu, la clôture est supprimée. Le personnel chargé de l'enseignement dans les trois maisons est exclusivement laïque ; des professeurs appartenant aux établissements universitaires sont, à Saint-Denis notamment, chargés en partie des cours supérieurs ; un inspecteur général de l'Université surveille la direction des études. Le premier fonctionnaire chargé de cette mission fut M. Ebrard, qui la remplit pendant une douzaine d'années.

« Les trois maisons de la Légion d'honneur de Saint-Denis, d'Ecouen et des Loges, dit le décret, sont instituées pour faire gratuitement l'éducation de huit cents filles légitimes de légionnaires sans fortune, une seule pouvant être admise par famille, excepté dans le cas d'orphelines de père et de mère. Sur ces huit cents élèves, la maison de Saint-Denis en reçoit quatre cents, la maison d'Ecouen deux cents, et celle des Loges deux cents. — Des élèves payantes, filles, petites-filles, soeurs ou nièces des membres de l'Ordre, peuvent, en outre, être admises dans ces maisons d'éducation, savoir : soixante-quinze à Saint-Denis et quarante entre les deux autres maisons. — Le prix de la pension d'une élève payante est fixé à 1000 francs pour la maison de Saint-Denis et à 700 francs pour les maisons d'Ecouen et des Loges. — Les élèves sont reçues dans les maisons de neuf à onze ans ; elles en sortent à dix-huit ans, sauf l'exception prévue par l'art. 11 du présent décret. Dans ce cas, elles pourront prolonger jusqu'à dix-neuf ans leur séjour dans les établissements. Si une élève des maisons d'éducation de la Légion d'honneur vient à décéder, ou bien est obligée d'en sortir définitivement pour cause de santé, on pourra autoriser une soeur de cette élève à la remplacer jusqu'à la fin des études. — Aucune élève ne pourra être admise pendant le cours de l'année scolaire qu'à titre exceptionnel et pour des raisons majeures. — La maison de Saint-Denis reçoit les filles des membres de la Légion d'honneur ayant au moins le grade de capitaine en activité de service, ou une position civile correspondante. La maison d'Ecouen reçoit les filles des capitaines en retraite, des lieutenants et sous-lieutenants, et des légionnaires civils ayant une position équivalente. La maison des Loges reçoit les filles des sous-officiers et soldats ou des légionnaires civils ayant une position équivalente. Dans le cas où la maison d'Ecouen n'offrirait pas un nombre de places suffisant pour faire droit aux demandes, une partie des enfants sollicitant une place dans cet établissement pourraient être désignées pour la maison des Loges. — Le service religieux est assuré par des ministres des différents cultes. — Un inspecteur de l'Université, délégué par le ministre de l'instruction publique et agrée par le grand-chancelier, inspectera, par son ordre, à des époques indéterminées, au point de vue de l'enseignement, les maisons de la Légion d'honneur. Il adressera son rapport au grand-chancelier. — Les maisons d'éducation de la Légion d'honneur sont administrées par des conseils qui sont composés de la manière suivante. Pour la maison de Saint-Denis : La surintendante, l'inspectrice, la secrétaire générale, la directrice des études et l'économe, qui, lorsqu'il s'agira de questions concernant la comptabilité, n'aura que voix consultative. Pour la maison d'Ecouen: l'intendante, la directrice des études, la surveillante, une dame institutrice, et l'économe dans les mêmes conditions que ci-dessus. Pour la maison des Loges, l'intendante, la directrice des études, la directrice des ateliers, une dame institutrice, et l'économe dans les mêmes conditions que ci-dessus. Le chef du service des maisons d'éducation à la Grande-Chancellerie, et l'inspecteur de l'Université, pourront, dans certains cas, faire partie du conseil, sur l'ordre du grand-chancelier. — Lorsqu'il s'agit de questions d'intérêt général, l'intendante et la directrice des études de chaque succursale sont adjointes au conseil d'administration de Saint-Denis, lequel prend alors le titre de Conseil général des maisons d'éducation de la Légion d'honneur. L'administration centrale de la Grande Chancellerie est représentée à ce conseil par le secrétaire général de l'Ordre, ou, à son défaut, par le chef du service des maisons d'éducation, et, s'il y a lieu, par l'inspecteur de l'Université. — Pour la présentation des candidats aux places vacantes, les conseils des maisons d'éducation de la Légion d'honneur se réunissent en Conseil général, et présentent trois candidats pour chaque emploi. L'inspecteur de l'Université fait, de son côté, des propositions quand il s'agit de places de directrices des études, d'institutrices et de suppléantes ; le grand-chancelier fait les nominations. — Tous les ans, on choisira parmi les élèves qui auront obtenu le brevet de premier ordre ou le brevet d'enseignement secondaire, qui donneront les garanties nécessaires par leur caractère et leur conduite, et qui demanderaient à rester à Saint-Denis pour être employées dans les maisons d'éducation de la Légion d'honneur, un nombre de sujets suffisant pour compléter à seize le cadre des stagiaires candidates aux emplois d'enseignement vacants dans les trois maisons. Ces stagiaires pourront être utilisées dans les classes. Seront choisies, dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties, parmi les élèves qui se sont consacrées à la musique et à la peinture, quatre stagiaires candidates aux emplois de maîtresses d'arts d'agrément. — Peuvent être autorisées à loger en dehors des établissements, si elles sont mariées ou si elles vivent avec leurs parents, les dames chargées de la roberie et de la lingerie, les institutrices, les dames professeurs d'arts d'agrément, la directrice des travaux manuels et ses adjointes. — La surintendante de Saint-Denis inspecte les succursales deux fois par an au point de vue de la discipline des dames et des élèves et du régime intérieur de la maison.— A la suite de chaque inspection, elle adresse un rapport au grand-chancelier. — A la fin de chaque année scolaire, une distribution de prix aura lieu, publiquement, clans chacune des trois maisons. Les palmarès de ces distributions seront imprimés. — Le 14 juillet de chaque année, le personnel des deux succursales (maîtresses et élèves) se réunira à la maison de Saint-Denis pour y célébrer en famille la fête nationale. »

Programme de l'enseignement. — Nous avons réservé, pour les mieux détacher de l'ensemble, les programmes de l'enseignement.

A l'origine, les programmes furent établis par Mme Campan sans qu'aucune décision spéciale paraisse les avoir confirmés. Elle les a résumés elle-même ainsi qu'il suit : L'histoire embrassait l'histoire sainte et l'histoire profane ; à l'étude de la langue française était jointe celle de l'anglais et de l'italien ; au calcul, le grand-chancelier de Lacépède avait ajouté (7 avril 1808) le système décimal et la nomenclature des nouveaux poids et mesures, qu'on commençait à peine à enseigner dans les lycées ; la géographie mathématique faisait partie de la géographie. Le programme comprenait enfin les arts d'agrément: dessin, peinture, musique, danse.

Le décret du 15 juin 1810 est très bref sur ce sujet : « Les orphelines, y est-il dit (art. 4), seront nourries et entretenues pendant tout le temps qu'elles passeront dans la maison. Outre la religion, qui sert de base à leur éducation, elles apprendront à lire, écrire, compter, et à travailler, de manière à pouvoir gagner leur vie en sortant de la maison. »

L'ordonnance du 3 mars 1816 et celle du 16 mai de la même année sont plus explicites. En voici les prescriptions :

« La religion sera la base de l'enseignement.

Les élèves entendront la messe tous les jours.

Il y aura, tous les dimanches et fêtes, une grand'-messe, un catéchisme et une instruction à la portée des élèves.

Les vêpres seront chantées par les élèves tous les dimanches et fêtes.

Le élèves recevront des leçons de lecture, d'écriture, de calcul, de grammaire, d'histoire, de géographie, de dessin, de musique et de botanique usuelle.

Elles recevront également les leçons de danse qui pourront être nécessaires à leur santé et à leur maintien.

Les élèves feront leurs robes, leur linge et celui de la maison.

On enseignera aux élèves tout ce qui peut être nécessaire à une mère de famille pour la conduite de l'intérieur de sa maison, la préparation du pain et des autres aliments, ainsi que pour les travaux de buanderie.

Pour la succursale de Paris, l'éducation sera uniforme pour les élèves ; la religion en sera la base.

Les élèves recevront des leçons de lecture, d'écriture, de 'calcul, de grammaire, d'histoire et de géographie.

Elles recevront également les leçons de danse qui pourront être nécessaires à leur santé et à leur maintien.

Le linge de la maison, les robes et les articles du trousseau seront faits par les élèves ; on leur apprendra tous les ouvrages de broderie.

On enseignera aux élèves tout te qui peut être nécessaire à une mère de famille pour la conduite de l'intérieur de sa maison, la préparation du pain et des autres aliments, ainsi que pour les travaux de buanderie.

Pour la succursale des Loges, l'éducation sera uniforme pour les élèves ; la religion en sera la base ; elles apprendront à lire, écrire, compter et à travailler de manière à pouvoir gagner leur vie en sortant de la maison.

Les élèves feront leurs robes, leur linge et celui de la maison ; on leur apprendra tous les ouvrages de broderie.

On enseignera aux élèves tout ce qui peut être nécessaire pour la préparation du pain et des autres aliments, pour les travaux de buanderie, et on les instruira dans ce qui est relatif aux soins d'une garde-malade attentive et éclairée. »

Le décret du 14 août 1857 ne fait guère que reproduire ce règlement en le resserrant et en l'appliquant à la fois aux trois maisons :

« La religion est la base de l'enseignement.

Les élèves entendent la messe tous les jours ; il y a, les dimanches et fêtes reconnues, la grand'messe, les vêpres et une instruction à la portée des élèves. Les offices sont chantés par les élèves.

Les élèves reçoivent des leçons de lecture, d'écriture, d'arithmétique, de grammaire, d'histoire, de géographie, de cosmographie et de botanique usuelle, et les leçons de danse nécessaires à leur maintien et à leur santé. Elles peuvent aussi, suivant leur aptitude, recevoir des leçons de musique et de dessin.

Les élèves font leurs robes, leur linge et celui de la maison. On leur enseigne tout ce qui peut être utile à une mère de famille, comme la préparation des aliments et les travaux de buanderie. »

Le caractère du décret du 30 juin 1881, contrairement à celui du décret du 14 août 1857, est d'approprier l'enseignement de chaque maison aux besoins des élèves qui en suivent les cours, sans établir toutefois entre les maisons une ligne de démarcation absolue. On y trouve enfin la préoccupation que nous marquions tout à l'heure : celle de faire de l'enseignement proprement dit un instrument d'éducation. « L'éducation des maisons de la Légion d'honneur — y lit-on — a pour but d'inspirer aux élèves l'amour de la patrie et les vertus de famille. Les élèves y reçoivent une instruction et y acquièrent des talents qui puissent, au besoin, leur fournir des moyens d'existence. »

L'enseignement est réglé ainsi qu'il suit :

Aux trois maisons, dans le cours des sept années : préparation au brevet de second ordre ; — aux Loges, enseignement professionnel pour les élèves qui, après les premières années, ne montrent pas des dispositions spéciales pour l'étude ; elles continuent néanmoins de recevoir l'instruction primaire ; — à Saint-Denis, une classe supérieure pour la préparation au brevet de premier ordre ; et pour les stagiaires, préparation au brevet de l'enseignement secondaire.

Les élèves des trois maisons qui auront obtenu le brevet de deuxième ordre, et qui seront signalées comme aptes à acquérir en un an le brevet de premier ordre, seront admises à suivre pendant ce temps la classe supérieure de Saint-Denis, même après l'âge de dix-huit ans.

Les élèves, à leur entrée, sont réparties dans les diverses classes suivant le degré de leur instruction.

Les élèves font leurs robes, entretiennent leur linge et celui de la maison. On leur enseigne tout ce qui peut être utile à une mère de famille, comme la préparation des aliments et les travaux de buanderie.

Pendant les deux premières années, les élèves ne reçoivent que des leçons élémentaires de musique vocale et de dessin. Pourront être exceptionnellement autorisées à prendre, dès leur entrée, des leçons de piano, celles qui en auraient déjà fait une étude sérieuse. A partir de la troisième année, les élèves qui montreront des dispositions particulières pour le piano ou le dessin pourront commencer à en prendre des leçons spéciales, sans interrompre toutefois le cours régulier des études classiques. Après la quatrième année, les élèves des trois maisons qui montreront de grandes dispositions pour la musique ou la peinture pourront être dispensées, avec l'autorisation de leur famille, de certaines parties des études classiques, et consacrer plus de temps à des cours spéciaux établis pour ces arts d'agrément dans la maison de Saint-Denis, où les élèves des succursales seront transférées.

Nous n'entrerons pas dans le détail des décrets et arrêtés qui achevèrent la transformation des maisons de la Légion d'honneur". Celui de 1890 et ceux des années suivantes réformèrent et le programme des études, et le travail professionnel des ateliers, et le régime intérieur pour les maîtresses et pour les élèves, dans le sens d'un élargissement de plus en plus libéral. Ainsi que l'écrivait le rapporteur du budget de la Légion d'honneur en 1900, M. Dujardin-Beaumetz, c'est le général Faidherbe, qui « par d'importantes réformes non moins que par l'autorité qui s'attachait à son nom, put éviter la dispersion des élèves dans les établissements de l'Université. Ce fut lui, en effet, qui le premier opéra une notable réduction du nombre beaucoup trop grand des dames-maîtresses, exigea qu'elles fussent pourvues des brevets règlementaires, qui décida que le bénéfice des travaux manuels exécutés aux Loges par les élèves leur serait remis à la sortie (décret du 10 janvier 1897), et qui fit instituer de la manière la plus large l'enseignement des arts et l'enseignement professionnel. »

Depuis lors, presque tous les ans a recommencé devant le Parlement un débat qui n'est pas clos encore : d'abord, sur l'utilité de maintenir les trois établissements ; ensuite, s'ils sont maintenus, sur les réformes dont ils seraient susceptibles.

M. Dujardin-Beaumetz, puis M. Noulens, dans leurs rapports sur le budget, ont résumé cette longue controverse et conclu provisoirement à des améliorations partielles, qui se sont successivement réalisées (développement de l'enseignement professionnel et pratique, adoucissement du régime intérieur, accroissement des congés, sorties et communications avec les familles, suppression d'usages surannés dans le classement des élèves, etc.). Divers membres du Parlement rappellent périodiquement les critiques auxquelles l'institution en elle-même donne lieu. Le reproche de cléricalisme, si justifié jadis, n'est plus fondé aujourd'hui. Le danger de l'esprit de caste, et d'une éducation semi-claustrale dans des conditions trop spéciales pour ne pas engendrer un particularisme fâcheux à tous égards, ne paraît pas encore absolument dissipé malgré de louables efforts. On ne parvient pas bien à voir pour quels motifs les filles de légionnaires ne seraient pas élevées avec celles de toutes les autres familles, que reçoivent les lycées, les collèges, les écoles primaires supérieures, les écoles professionnelles. Des partisans du maintien des maisons allèguent le grand nombre relatif des orphelines et de celles dont les parents sont dans la marine ou aux colonies : elles ne sauraient où aller, dit-on, pendant les vacances. Il ne serait peut-être pas impossible de donner satisfaction à ces conditions particulières sans entretenir trois établissements à cet effet. On répond alors qu'il ne faut pas, par amour de l'unité et de l'uniformité, supprimer une organisation un peu exceptionnelle, il est vrai, mais justifiée par une situation exceptionnelle aussi.

Une commission extra-parlementaire nommée en 1907 étudie ce problème. Plusieurs inspecteurs d'académie, chargés d'enquêtes et d'inspections scolaires, ont émis des avis en somme favorables au maintien de tout ou partie de l'état des choses actuel. La question en est là, et elle paraît plutôt, d'année en année, perdre de son acuité à mesure que les maisons se rapprochent du type commun de l'enseignement laïque ordinaire.

Une statistique publiée dans le rapport sur le budget de 1905 établissait ainsi la récapitulation des situations occupées par les élèves sorties de la maison des Loges de 1882 à 1900 :

Nombre d'élèves sorties 532

Placées comme institutrices ou professeurs en France ou à l'étranger 102

Placées dans les postes ou autres ad ministrations47

Placées dans le commerce ou les magasins de broderie, confections, mo des, etc 100

Un patronage des élèves de la Légion d'honneur a été fondé en 1895 à l'aide de souscriptions des légionnaires, et fournit notamment aux élèves des étoffes nécessaires à la confection de leur trousseau. L'Association amicale des anciennes élèves, fondée en 1892, aide au placement des élèves sortantes. Pour l'historique de ces institutions, on peut consulter Brasier, Histoire des maisons d'éducation de la Légion d'honneur.