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Krause

 Charles-Christian Frédéric Krause, philosophe allemand, est né en 1781 à Eisenberg, dans le duché de Saxe-Altenburg ; il est mort à Munich en 1832. Fils d'un pasteur, il étudia la théologie à léna ; mais bientôt il se consacra entièrement à la philosophie, et suivit les leçons de Fichte et de Schelling. Dès 1802, il ouvrit à son tour un cours dans lequel il exposa les fondements d'un nouveau système. Il résida successivement à Dresde, à Berlin, à Goellingue, sans pouvoir obtenir une chaire de professeur, et enseignant comme Privât-Docent. En dernier lieu, il se fixa à Munich. Il a publié de nombreux ouvrages, qui forment une encyclopédie des connaissances humaines, présentées au point de vue de sa doctrine particulière. Son système est une sorte de théosophie humanitaire, où les dogmes fondamentaux du christianisme sont interprétés de manière à les concilier avec la philosophie naturelle de Schelling et avec les préceptes de la franc-maçonnerie. Outre ses traités sur des sujets spéciaux, mathématiques, linguistique, logique, droit, morale, esthétique, etc., il a publie un ouvrage populaire intitulé Urbild der Menschheit (Archétype de l'humanité, Dresde, 1811), dans lequel il expose les points essentiels de sa doctrine. Les ouvrages de Krause se distinguent par l'emploi d'une terminologie spéciale qui en rend la lecture difficile. Il n'a trouvé que peu d'adhérents en Allemagne ; mais ses idées ont reçu un accueil plus favorable dans quelques pays étrangers, notamment en Belgique et en Espagne, où il compte aujourd'hui encore quelques disciples. Son gendre, M. von Leonhardi, a publié ses oeuvres posthumes, et s'est consacré à la propagation de son système. Deux congrès de philosophes, convoqués par les soins de M. von Leonhardi, en 1868 à Prague et en 1870 à Francfort, ne semblent pas avoir produit des résultats considérables.

Krause, quel que soit le jugement que l'on porte sur sa philosophie, mérite à un double titre une mention dans l'histoire de la pédagogie. Il a, le premier, attiré de nouveau l'attention sur Coménius, qui à ce moment était complètement oublié. Il publia en 1811 une analyse de la Panegersia du vieil évêque morave, dans lequel il voyait l'un des inspirateurs de la franc-maçonnerie. Il a, d'autre part, exercé sur Froebel une influence incontestable. Ce dernier ayant publié en 1822 une brochure intitulée Sur l'éducation allemande en général et sur le caractère allemand de l'institut de Keilhau en particulier, Krause consacra à cet écrit un article dans la revue Isis, et objecta à Froebel que la véritable éducation ne devait pas être « allemande », mais « humaine ». Cette circonstance attira l'attention de Froebel sur le philosophe, dont il lut les ouvrages, et dont il se déclara le disciple, comme il ressort d'une longue lettre écrite par Froebel à Krause en 1828. Froebel se rendit même à Goettingue pour y faire la connaissance de Krause, et ce fut à cette occasion que ce dernier lui fit connaître la Schola materni gremii de Coménius, et l'engagea à tourner ses efforts vers l'éducation de la première enfance (Voir Froebel, p. 698). M. von Leonhardi se lia à la même époque avec Froebel, dont il demeura toujours l'ami. La fille de Krause, Sidonie, alla passer quelque temps à Burgdorf auprès de Froebel en 1835 ; et les écrits de ce dernier datés de cette époque, particulièrement l'étrange fantaisie intitulée Erneuung des Lebens fordert das neue Jahr 1836, ainsi que son association avec von Leonhardi et les frères Frankenberg, et son projet d'émigration en Amérique, fournissent la preuve de son adhésion, au moins momentanée, aux doctrines du philosophe. Ajoutons que M. von Leonhardi fut, avec Mme de Marenholtz, l'un des fondateurs de l'Allgemeiner Erzie Uungsvercin. qui se constitua en 1871 pour la propagation de la méthode froebelienne, et que jusqu'à ce jour les rares disciples de Krause en Allemagne ont figuré au premier rang des admirateurs de Froebel.

Nous avons dit qu'en Espagne les idées de Krause avaient eu et ont encore des adhérents. C'est un penseur remarquable, Sanz del Rio (1814-1869), qui fit connaître la philosophie krausienne à ses compatriotes: il s'était familiarisé avec elle pendant un séjour en Allemagne, de 1843 à 1845, et il en fit la base de son enseignement à l'université de Madrid. Il cherchait avant tout à éveiller dans la jeunesse l'esprit de libre recherche ; en même temps il proclamait ce principe, que la philosophie n'est pas chose purement intellectuelle et abstraite, et quelle doit être une oeuvre vivante, manifestée par les actes de la vie pratique : celui-là seul est philosophe qui ne se meut pas uniquement dans la sphère de la pensée, mais qui conforme sa vie entière à ses idée? théoriques. De là vient l'influence morale considérable que Sanz del Rio a exercée autour de lui. Les ouvrages de Krause lui-même sont généralement restés étrangers aux Krausistas espagnols : ils n'ont guère connu sa doctrine — et moins encore sa doctrine métaphysique que ses idées morales — qu'à travers l'enseignement de Sanz del Rio, et, plus tard, aussi par l'intermédiaire du juriste allemand Ahrens et du métaphysicien belge Tiberghien. On doit citer, parmi les Krausistas de la péninsule ibérique, deux éminents professeurs de l'université de Madrid, Nicolas Salmeron, qui fut un moment, en 1873, président de la République espagnole, et M. Francisco Giner, le fondateur de la Institucion libre de ensenanza : l'un et l'autre sont des exemplaires accomplis du philosophe et du moraliste formé à l'école de Sanz del Rio.