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Jullien (Marcel Bernard)

Né à Paris, le 2 février 1798, mort en 1881, B. Jullien a représenté, pendant une longue suite d'années, avec une notoriété très justement méritée, l'enseignement grammatical à tous les degrés.

Fils d'un ancien professeur d'humanités au Prytanée de Saint-Cyr, il suivit avec distinction les classes du collège de Versailles, et débuta dans l'enseignement comme professeur de septième à Sainte-Barbe. Il professa ensuite la rhétorique dans différents collèges, revint quelque temps à Paris, puis exerça, de 1831 à 1835, les fonctions de principal au collège de Dieppe. Définitivement fixé à Paris, il prit les grades de docteur ès lettres et de licencié ès sciences, et se consacra à de nombreux travaux d'érudition et d'enseignement.

Bernard Jullien a été l'un des membres les plus actifs et pendant longtemps le secrétaire de la Société des méthodes d'enseignement ; de 1843 à 1850, il dirigea la Revue de l'instruction publique, créée en 1842 par Louis Hachette ; pendant cette même période, il fut, pour l'enseignement de la langue française, le collaborateur assidu du Manuel général de l'instruction primaire. Plus tard, quand Littré entreprit la publication de son grand Dictionnaire de la langue française, Bernard Jullien fut, avec Sommer, l'aide de tous les jours de l'illustre lexicographe. « Tous les deux, dit Littré dans sa préface, mettent au service du Dictionnaire leurs lectures, leur expérience, leur savoir ; et quand j'ai sous les yeux ces épreuves où sont consignées leurs observations et leurs critiques, je ne puis jamais assez me féliciter de leur zèle, de leurs lumières et de la sécurité qu'ils me donnent. « Littré écrivait cela en 1863 ; Sommer, depuis, est mort prématurément en 1866 ; Bernard Jullien, plus heureux, a pu conduire l'oeuvre jusqu'au terme.

Il était de l'école, trop dédaignée peut-être aujourd'hui, des grammairiens philosophes du dix-huitième siècle, et il s'en était approprié les doctrines avec beaucoup de bon sens et d'élévation. Plusieurs de ses livres, par exemple son Cours supérieur de grammaire, font encore autorité, bien qu'ils ne répondent plus aux programmes actuels, bien que l'esprit de l'enseignement ne soit plus, ni dans les collèges, ni dans les écoles, ce qu'il était il y a trente ans. Et, parmi ceux qui sont destinés à renseignement primaire, il en est, comme Le langage vicieux corrigé, comme le Manuel de la conjugaison des verbes français ou l'Explication des principales difficultés de l'enseignement de la grammaire, qui peuvent être très utilement étudiés par les maîtres, les élèves des écoles normales et les élèves des cours supérieurs de nos écoles.

Bernard Jullien appuyait ses doctrines grammaticales sur une étude approfondie de l'antiquité. Ses connaissances scientifiques lui ont permis d'écrire une thèse latine sur la physique d'Aristote. C'était aussi un amateur et un connaisseur très distingué en archéologie musicale ; ses études sur la musique et la métrique anciennes sont estimées par les meilleurs juges. Il a enfin publié des travaux d'histoire littéraire, notamment une Histoire de la littérature française à l'époque impériale.

Frédéric Baudry, conservateur de la bibliothèque Mazarine, a fait de Bernard Jullien, dans le Journal des Débats, un portrait juste et piquant. « Jullien n'était pas, dit-il, un simple maître de grammaire, c'était un érudit dans la plus sérieuse acception du mot, docteur ès lettres et licencié ès sciences, auteur de sept volumes de thèses littéraires, critiques, historiques et philosophiques, qui dénotent un esprit précis et fécond. Son caractère indépendant lui suscita plus d'un adversaire. D'ailleurs, il faut avouer que la polémique ne lui déplaisait pas et qu'il ne faisait rien pour l'éviter. Il n'était pas complaisant aux nouveautés, et la grammaire historique, à la mode maintenant, avait spécialement le don de l'agacer. Il en était de même pour tout ce qui n'était pas le pur classique, dans lequel, par malheur, il comprenait le classique de la décadence. Il n'hésita jamais à rompre des lances à tout venant pour l'école du premier Empire : c'était le temps de sa jeunesse. Il eut plus d'une fois maille à partir à ce sujet avec Sainte-Beuve, dont cette école était la bête noire. Pourtant, il y avait un sujet où Jullien était fort compétent et où il n'approuvait pas l'esprit de conservation à outrance. C'était en fait d'orthographe. Comme Firmin Didot, il y proposait des réformes qui auraient mérité d'être prises en considération. Ses conseils à cet égard n'ont pas été suivis, et Dieu sait quelle débâcle future cela nous présage! Un de ses principaux titres fut sa contribution au grand dictionnaire de Littré. C'est assurément un titre fait pour honorer toute une carrière. »

Voici des indications bibliographiques sur ceux des ouvrages de Bernard Jullien qui peuvent le plus directement intéresser nos lecteurs : Observations sur la conjugaison française (1824, brochure), devenues le Manuel de la conjugaison des verbes français (1 vol. in-16), que nous avons cité ; ? Abrégé de grammaire française (1834), in-8° ; ? Petits traités d'analyse grammaticale et d'analyse logique (1842, in-16) ; ? Cours supérieur de grammaire (1849, 2 vol. in-8° : Grammaire proprement dite et Haute grammaire) ; ? Cours raisonné de langue française (1851-1856, 19 volumes in-16) ; ? Thèses de grammaire (1857, in-8°) ; ? Les principales étymologies de la langue française (1862, in-16) ; ? Les éléments matériels du français (1875, in-16). Les autres ouvrages que nous avons cités font partie du Cours raisonné de langue française.

Charles Defodon