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Joubert

Moraliste ingénieux, délicat, mais un peu précieux et trop raffiné, Joubert (1754-1824) avait d'abord enseigné chez les Doctrinaires de Toulouse : plus tard, devenu l'ami de Fontanes, le premier grand-maitre de l'Université, il fut nommé inspecteur général des études. Dans ses oeuvres, publiées après sa mort sous le titre de Pensées et correspondance, il est souvent question d'éducation, et ses réflexions sur ce sujet témoignent de beaucoup de finesse d'esprit, mais aussi de beaucoup de préjugés.

Notons d'abord des maximes de discipline un peu sévères : « Il faut que l'enfant craigne ; la crainte trempe les âmes ». On pourrait soutenir qu'elle les affaiblit. « La crainte fixe l'amour. » N'est-il pas vrai plutôt qu'elle l'empêche de naître? « N'habituez pas l'enfant à être sensible. »

Remarquons surtout que Joubert se défie de trop d'instruction. Dans les lettres intéressantes adressées à son ami Fontanes à propos du mémoire de Cuvier sur l'instruction publique en Hollande, il se plaint que l'on étende les programmes de l'instruction primaire : « Que le ciel préserve les enfants du peuple d'être propres à apprendre tout ce que le ministre de Hollande veut qu'on leur enseigne. Ils ne seraient plus capables de travailler. Il y a dans tout cela du luxe et de la prodigalité. » Amoureux des lettres anciennes dont il parle avec un goût exquis, Joubert dédaigne l'histoire, la géographie, et en général les études modernes.

Ajoutons que, quoique conseiller de l'Université, Joubert ne cachait pas sa préférence pour l'éducation donnée par les religieux, « Ce que j'aime le plus au monde, après un jésuite, disait il, c'est un janséniste pieux. »

Tel était l'esprit pédagogique, étroit et par Suite un peu faux, d'un homme qui par sa situation officielle, comme par ses relations avec Fontanes, a été l'un des collaborateurs de l'Université impériale dans ses premiers débuts. Quel qu'ait été le talent de Joubert comme penseur et comme écrivain, il est impossible de voir en lui autre chose qu'un admirateur attardé des vieilles méthodes pédagogiques, et un ami plus que froid de l'instruction.

Gabriel Compayré