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Jardin scolaire

L'arrêté du 17 juin 1880 disait (art. 72) : « Un jardin clos, d'une étendue minimum de 300 mètres, sera annexé à toutes les écoles rurales ». L'Instruction du 28 juillet 1882 pour la construction des écoles primaires élémentaires, qui remplaça cet arrêté, ne reproduisit plus cette prescription ; elle dit seulement, à l'article 35 : « La cour de récréation pourra comprendre un petit jardin à l'usage des enfants ». Et l'Instruction du 18 janvier 1887 a reproduit la même disposition, dans les mêmes termes, en son article 35.

Il est évident que les Instructions des 28 juillet 1882 et 18 janvier 1887 ne doivent pas être interprétées dans un sens restrictif. Si le ministère, tenant compte de certaines difficultés locales, a dû se contenter, après expérience faite, du jardin scolaire facultatif au lieu du jardin obligatoire, il n'en est pas moins certain que le voeu de l'autorité supérieure serait de voir toutes les écoles primaires en possession de cette annexe si utile, et qui offre à l'instituteur de si précieux avantages pour l'enseignement des sciences naturelles.

Il y a longtemps qu'en France la création des jardins scolaires avait été recommandée. L'Instruction du 31 décembre 1847 avait déjà encouragé l'annexion d'un jardin aux écoles rurales, afin d'exercer les enfants à la pratique de l'agriculture ; une location d'une dizaine d'ares, représentant 20 à 30 francs de dépense annuelle, était considérée comme suffisante ; « dans beaucoup de communes, ajoutait l'Instruction, le jardin pourra être établi à peu de frais sur quelque terrain inoccupé ».

Lors de l'enquête sur l'instruction primaire, ouverte en 1864 par Victor Duruy, le questionnaire annexé à la circulaire du 28 mai 1864 demandait des renseignements sur la situation « des maisons d'école au triple point de vue de la classe, du logement de l'instituteur, et du jardin pour l'enseignement de la culture maraîchère et fruitière ».

Une circulaire de Jules Simon, en date du 25 février 1872, contient, sur la plantation des jardins des écoles communales, des prescriptions qui sont encore en vigueur. Nous en citons le texte :

« Les terrains affectés à ces jardins, dit le ministre, exigent parfois des frais de défoncement, d'engrais et de plantations qui restent le plus souvent à la charge de l'instituteur, et ce fonctionnaire n'est pas toujours en état de les supporter. Ces terrains, par suite, ne sont pas cultivés comme ils devraient l'être, ou, lorsque des instituteurs se sont imposé quelques sacrifices, les arbres fruitiers qu'on y trouve appartiennent rarement aux meilleures espèces.

« D'un autre côté, les instituteurs qui sont propriétaires de ces arbres les enlèvent des jardins lorsqu'ils sont nommés dans une autre localité. C'est là, sans doute, une faculté qui ne saurait leur être contestée, si les communes se refusaient à tenir compte des frais d'achat et, s'il y avait lieu, des frais de main-d'oeuvre pour la plantation ; mais il résulte de l'exercice de ce droit que les jardins scolaires sont exposés à des dévastations à peu près périodiques et que l'enseignement de l'arboriculture est interrompu ou supprimé dans les écoles auxquelles ils sont annexés.

« Il m'a paru qu'il était utile de remédier aux inconvénients que présente l'état de choses actuel. Pour atteindre ce but, il conviendrait tout d'abord de comprendre dans les frais d'installation de l'école, construction ou appropriation, les dépenses de défoncement et de plantation du sol. Dans ces conditions, les arbres appartenant aux communes seraient inventoriés comme les objets mobiliers, et les instituteurs, à qui reviendrait nécessairement le produit des récolles, ne seraient plus alors considérés que comme de simples usufruitiers. C'est seulement ainsi qu'on arrivera à créer, à maintenir et à développer un enseignement qui tend à accroître le bien-être des populations.

« J'ajouterai que, pour faciliter l'organisation de cet enseignement, il importe d'en restreindre les frais autant que possible. Ce résultat pourra être obtenu si, comme j'ai tout lieu de le supposer, les pépinières des écoles normales sont, chaque année, en état de fournir à un certain nombre d'écoles rurales des greffes, des boutures et des plants des espèces nouvelles ou les plus utiles. Je suis convaincu que MM. les directeurs de ces établissements s'empresseront de seconder les vues de l'administration sous ce rapport. »

Une circulaire du 11 décembre 1887, rappelant les prescriptions d'une circulaire antérieure en date du 31 décembre 1867, porte qu'en vue de développer l'enseignement agricole et horticole, aucun plan d'école primaire rurale pour la construction de laquelle le concours de l'Etat est sollicité ne sera accepté si ce plan ne présente pas de jardin, soit annexé à l'école, soit situé en dehors de la commune, mais à proximité du maître et des élèves.

Il convient d'observer qu'il s'agit là de jardins devant servir de champs d'expériences agricoles et non destinés à l'usage personnel de l'instituteur. En conséquence, le Conseil d'Etat a émis l'avis qu'il n'y a pas lieu, lorsqu'il s'agit d'acquisition d'immeubles pour installation d'écoles, d'étendre le bénéfice de l'expropriation pour cause d'utilité publique aux terrains à affecter à des jardins d'instituteur ou d'institutrice. Il n'en va pas de même lorsque le terrain à acquérir n'est pas destiné à l'usage personnel de l'instituteur, mais doit servir de champ d'expériences agricoles où seront faites les démonstrations pratiques qui complètent et éclairent les leçons du maître. Dans ce cas, le champ est considéré comme une annexe de l'école et, comme tel, peut être exproprié.

D'autre part, les communes ont toujours la possibilité, lorsqu'elles le désirent, de doter les instituteurs ou institutrices d'un jardin privé, à la condition d'en faire l'acquisition à l'amiable. (Circ. du 6 mars 1901.)

A l'article Horticulture, on trouvera quelques indications sur l'usage à faire du jardin scolaire au profit de l'instruction des élèves.

Dans quelques pays étrangers, l'institution du jardin scolaire a été non seulement encouragée, mais prescrite par la loi et les règlements.

C'est au petit duché d'Oldenbourg que revient, d'après le Dr Erasmus Schwab., l’honneur d'avoir le premier, dès la fin du dix-huitième siècle, pourvu par voie législative à la création d'un jardin pour chaque école. Le gouvernement du Wurtemberg a voulu doter aussi ses écoles de cette annexe si utile ; mais il n'a pu réaliser entièrement ce projet, le prix élevé du terrain dans ce pays constituant un obstacle sérieux. En Bavière, où l'enseignement de l'arboriculture (Obstbaumzucht) fait partie du programme de l'école primaire, l'existence du jardin scolaire est la règle ; mais chaque province possède à cet égard ses règlements particuliers ; voici, par exemple, les dispositions qui ont été édictées dans la province du Haut-Palatinat.

« A moins d'impossibilité constatée, toute école doit posséder son jardin. Si le climat ne permet pas la culture des arbres fruitiers, on doit y cultiver d'autres arbres ou arbrisseaux utiles. Lorsque le jardin est de dimensions suffisantes, on peut y essayer aussi la culture des plantes fourragères, celle de certaines plantes utiles, et même celle des plantes vénéneuses du pays ; ces dernières sont cultivées dans un carré spécial désigné à l'attention par un poteau portant l’inscription : Plantes vénéneuses. Le défrichement et la première installation du jardin sont à la charge de la commune scolaire ; l'entretien ultérieur incombe à l'instituteur, qui doit se faire aider par les élèves de l'école du dimanche et par les plus âgés des élèves de l'école quotidienne. La moitié du produit du jardin appartient à l'instituteur à titre de dédommagement, l'autre moitié à la caisse de l'école. L'enseignement agricole se donne dans le jardin scolaire, en dehors des heures de classe.

En Autriche, la loi organique du 14 mai 1869 dit, à l'article 63, que dans les communes rurales « l'école doit, autant que possible, être pourvue d'un jardin pour l'instituteur et d'un terrain permettant de faire des expériences agricoles ». En Hongrie, l'ordonnance ministérielle du 2 septembre 1876 prescrit aux communes de mettre à la disposition de l'école, pour l'enseignement de l'agriculture prévu par la loi, un terrain convenable pouvant être cultivé en jardin.

On consultera avec fruit la série d'articles publiés par M. P. Joigneaux, dans la Revue pédagogique, années 1878 et 1879, sous ce titre : le Jardin de l'instituteur, et la brochure du Dr Erasmus Schwab intitulée Der Volksschulgarten, Vienne, 1873.