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Irlande

Sous plus d'un rapport, les conditions de l'éducation supérieure, pour les protestants, étaient plus avancées en Irlande, pendant les dix-huitième et dix-neuvième siècles, qu'elles ne l'étaient en Angleterre ; et, durant la première partie du dix-neuvième siècle, l'éducation catholique y était traitée avec beaucoup moins d'illibéralisme qu'en Grande-Bretagne.

Par quelques côtés, l'instruction primaire elle-même était supérieure à celle de l'Angleterre. Mais le grand réveil éducatif qui s'est produit en Angleterre dans la dernière partie du dix-neuvième siècle n'a guère trouvé, jusqu'ici, son pendant en Irlande ; en sorte qu'un exposé de l'état de l'éducation du peuple irlandais la fera voir, aujourd'hui, dans une situation retardataire. Cependant, il serait injuste de donner une semblable impression sans faire remarquer que les défauts du système sont dans bien des cas éclipsés par les mérites individuels des maîtres et des élèves, — fait surabondamment établi par le grand nombre de positions élevées occupées par les Irlandais dans toutes les parties du monde où l'on parle anglais. Mais il faut reconnaître que, dès le début, l'éducation élémentaire en Irlande fut fondée sur des idées erronées. On suivit les procédés de Lancaster, qui ne mettaient en jeu que la mémoire, plutôt que la méthode vraiment pédagogique de Pestalozzi ; à une population d'agriculteurs, on donna un savoir purement livresque, qui ne fut jamais mis en contact avec leur vie quotidienne ni avec leurs aspirations nationales. Cette éducation n'aidait pas les hommes à exécuter d'une façon plus intelligente leur travail journalier, ni les femmes à faire la cuisine et à tenir leur ménage propre. Sous ce rapport, on peut dire qu'elle manqua son but.

La difficulté religieuse est beaucoup plus sérieuse en Irlande qu'en Angleterre : La hiérarchie catholique romaine prétend à une domination absolue sur ses fidèles en tout ce qui concerne l'éducation, et ces fidèles, qui forment environ les trois quarts de la population, considèrent cette prétention comme légitime et refusent de faire usage dé toute institution désapprouvée par les évêques.

Enseignement élémentaire. — 1. Constitution générale. — Le système actuel d'éducation nationale a eu pour origine une modification de la Kildare Place Society, la première association qui ait fait un effort sérieux pour répandre l'éducation dans le peuple irlandais. Elle fut fondée en 1811 par quelques personnes appartenant a toutes les « dénominations », dans le but de donner aux classes pauvres une instruction régulière sur un plan uniforme. La Société prit pour principe que dans ses écoles la Bible serait lue, mais qu'il n'y serait donné aucun enseignement religieux sujet à controverse. La Société construisit des écoles dans un assez grand nombre de localités ; elle recevait un grant parlementaire qui l'aidait à payer ses instituteurs. Après quelques années, il fut fait, du côté catholique, une objection à la lecture de la Bible. Le grant fut retiré, et un Act passé en 1831 fonda le système actuel d'éducation « nationale » (National Education). L'Etat paie les salaires des instituteurs (les contributions locales produisent une somme qui donne un chiffre moyen inférieur à 30 shillings par instituteur), et il fournit aussi le logement gratuit à un huitième environ des instituteurs principaux. La création des écoles est laissée à l'effort individuel local. Aux vested schools (littéralement « écoles investies », écoles qui ont reçu l'investiture de l'Etat), l'Etat verse, à titre de subside, les deux tiers de la dépense initiale de fondation ; aux non-vested schools, il avance les deux tiers de cette dépense sous la forme d'un prêt consenti à des conditions spéciales, La différence entre les vested schools et les autres, c'est que, dans les vested schools, l'administrateur doit permettre que l'instruction religieuse soit donnée à des élèves appartenant à une autre dénomination que la sienne, et que la maison d'école ne peut être employée à des buts non-scolaires qu'avec l'autorisation expresse des Commissaires de l'éducation ; dans les non-vested schools, l'administrateur peut n'admettre d'autre instruction religieuse que celle de sa dénomination, et il peut employer la maison d'école à tout usage non-scolaire raisonnable, tant religieux que social.

La création et l'entretien d'une école dépendant ainsi de l'effort local, des droits considérables furent reconnus à la personne qui devenait responsable de cette école : elle, ou son représentant, reçut le titre d' « administrateur » (manager), avec le pouvoir d'exercer sur l'école une autorité aussi entière que possible.

De là résulta une curieuse combinaison de centralisation et de décentralisation de l'autorité. La fixation des programmes, jusques et y compris le choix des livres pouvant être employés dans l'école, aussi bien que le traitement de l'instituteur, et, dans les cas extrêmes, son maintien en fonctions, sont les attributions des Commissaires de l'éducation nationale. Conseil de trente membres, quinze catholiques et quinze protestants, nommés à vie par la couronne, et dont les fonctions sont gratuites, à l'exception de celles du commissaire résident. Les commissaires ne visitent pas eux-mêmes les écoles, et ne communiquent pas directement avec les instituteurs : ils reçoivent des rapports d'un corps d'environ quatre-vingts inspecteurs (dont un petit nombre seulement ont débuté par être eux-mêmes instituteurs). D'autre part, l'administrateur d'une école a seul le droit de choisir l'instituteur, et celui de le congédier, sans être tenu à motiver le congé ; dans quelques cas, le congé doit être contresigné par un arbitre (ordinairement l'évêque), mais il n est pas nécessaire que l'instituteur ait été entendu par celui-ci.

2. Conséquences du système. — 1° L'absence de tout crédit applicable au mobilier et à l'entretien de l'école a eu pour conséquence que l'organisation matérielle de l'école est d'ordre très inférieur. Un huitième environ des écoles ne possèdent aucune accommodation sanitaire. Environ trois quarts d'entre elles ne possèdent qu'une seule salle de classe, où, dans le plus grand nombre des cas, deux ou plusieurs instituteurs donnent leurs leçons simultanément. Dans beaucoup d'écoles rurales, il n'y a pas de moyens de chauffage en hiver. Les pupitres laissent beaucoup à désirer.

2° Les objections les plus sérieuses au système venaient, directement ou indirectement, de la position humiliée de l'instituteur. Il n'avait pas le droit : d) d'être entendu pour sa propre défense, lorsqu'il est congédié avec ou sans motif énoncé ; b) de connaître les termes ou les conclusions du rapport de l'inspecteur duquel peut dépendre son avancement ou son renvoi ; c) de communiquer avec les Commissaires s'il avait quelque plainte à émettre : il devait demander à l'administrateur de le faire pour lui. Ces abus ont été heureusement réformés par de récentes dispositions.

3° Cette dépendance de l'instituteur de l'administrateur, et la préférence donnée aux ecclésiastiques pour les fonctions d'administrateur, ont été une cause déterminante de la multiplication des petites écoles, ce qui est un mal très sérieux pour l'Irlande. L'administrateur ecclésiastique s'assure, en la personne de l'instituteur, une sorte de curé laïque payé par l'Etat, qui donne une instruction religieuse régulière pendant les heures d'école, et qui, se trouvant si entièrement dans la dépendance de l'administrateur, peut rarement refuser ce que celui-ci désire. Une femme ou une soeur connaissant la musique peut être, pour la nomination de l'instituteur, ou pour son maintien en fonctions, un important facteur. Un ecclésiastique trouve généralement le moyen de recueillir assez d'argent pour fonder une école, même s'il ne peut l'entretenir ensuite convenablement ; en outre, les administrateurs catholiques ont en général trois écoles séparées, une pour les garçons, une pour les filles, une pour les petits enfants, chacune avec son directeur ou sa directrice, — les garçons et les filles étant séparés parce que la coéducation est considérée comme immorale par l'Eglise romaine. Un quart environ des écoles ont moins de trente élèves, et plus de la moitié en ont moins de quarante-cinq. C'est seulement dans ces dernières années que les Commissaires semblent avoir compris la nécessité d'arrêter cette multiplication, qui n'est pas limitée aux districts ruraux seulement, car il y a des villes de moins de 3000 habitants qui ont chacune huit de ces écoles. Mais, sous le régime actuel, les arrangements pour l'amalgame de plusieurs petites écoles en une doivent être imposés de force aux administrateurs ; et, pour éviter des désagréments aux instituteurs, on attend qu'une direction soit vacante.

4° Enfin, dans la pratique, on se trouve avoir obtenu un résultat précisément contraire à l'objet primitif qu'on s'était proposé, et qui, par une amère ironie, est encore inscrit comme le premier des « principes fondamentaux du système », à savoir « d'offrir aux enfants de toutes les confessions une instruction littéraire et morale donnée en commun, et une instruction religieuse donnée séparément ». Les rapports montrent que, sur 8600 écoles, il n'y en a que 44 où des instituteurs catholiques et protestants enseignent conjointement ; qu'il n'y a pas un dixième des élèves protestants qui fréquentent une école catholique, et pas un centième des élèves catholiques qui fréquentent une école protestante, malgré les précautions très minutieuses qui ont été prises pour prévenir toute tentative d'immixion dans les croyances religieuses d'un élève.

3. Fréquentation. — On pourrait croire que les administrateurs ecclésiastiques tiennent au moins à ce que leurs écoles soient régulièrement fréquentées : mais les 739006 élèves inscrits sont, en moyenne, absents un jour sur trois. Il existe une loi très inefficace, appliquée dans la moitié environ de l'Irlande seulement, exigeant, de tous les enfants entre six et quatorze ans, la présence à l'école pendant trois heures et demie durant soixante-quinze jours par semestre. Le maximum de l'amende encourue est de cinq shillings. Il ne peut pas être exercé de nouvelle poursuite avant un délai de deux mois ; en sorte que, si l'enfant est occupé à quelque travail qui lui pro cure un salaire, l'intérêt des parents est de payer l'amende. Il n'est fait que peu d'efforts pour obtenir l'exécution de cette loi si imparfaite : dans plus de la moitié du pays, il n'existe pas de comités de fréquentation (School Attendance Committees), en sorte que la loi y demeure lettre morte.

Par un Act passé en 1892, l'éducation élémentaire est devenue gratuite, excepté dans 245 écoles. Mais aucun crédit n'a été alloué, en dehors d'un grant initial, pour la fourniture gratuite des livres classiques et du matériel scolaire.

Il y a 425 écoles du soir, pour des élèves âgés de plus de quatorze ans, et pour ceux qui ne peuvent pas fréquenter les écoles du jour.

4. Le programme. — En 1899 encore, l'enseignement était limité à ce qui pouvait être appris par la lecture de manuels. Il n'y avait pas d'exercices physiques, ni de leçons de choses ; le chant était enseigné dans un sixième des écoles seulement, et le dessin dans moins d'un quart. En outre, le résultat du travail des insti tuteurs était vérifié par un examen conduit selon des règles si mécaniques qu'elles paralysaient même l'inspecteur le plus intelligent. Aussi le salaire des instituteurs, dans ce système de payment by results, risquait-il d'être compromis, à moins que le maître maintînt l'enfant dans le standard le plus bas qu'il le pouvait légalement, parce que la perfection dans le psittacisme était ce qui rapportait le plus d'argent.

En 1900 une révolution eut lieu : non seulement le dessin, les leçons de choses, le chant, mais la science élémentaire, la cuisine, le blanchissage, les exercices froebeliens, et les travaux manuels, furent ajoutés aux autres matières du programme scolaire, qui sont : la lecture, l'écriture, la composition, la grammaire, la géographie, l'arithmétique, ainsi que es travaux à l'aiguille pour les filles. L'histoire n'est pas une matière obligatoire, mais elle peut être enseignée par des livres de lecture. En même temps, l'examen officiel annuel que l'inspecteur faisait subir aux élèves fut aboli.

Jusqu'à présent, toutefois, le changement dans le programme est plus apparent que réel. La majorité des vieux instituteurs ont naturellement trouvé impossible d'apprendre les nouvelles branches d'une manière suffisante pour pouvoir les enseigner convenablement, surtout parce que les ressources financières mises à leur disposition pour leur instruction sont minimes, et aussi parce que des difficultés matérielles empêchent souvent l'enseignement de la cuisine, du blanchissage, et même de la science élémentaire. C'est ainsi qu'il est arrivé que, tandis que le chant, le dessin, et les exercices physiques sont enseignés à presque tous les élèves, la science élémentaire n'est enseignée que dans moins d'un quart des écoles, la cuisine et l'économie domestique à moins de 40 000 élèves, et le blanchissage à 4000 seulement.

Les changements de 1900 ont été critiqués comme trop radicaux ; l'absence complète de tout examen est en effet une mesure d'une valeur contestable ; mais il est peu de personnes aujourd'hui qui mettent en doute que les changements effectués aient orienté l'école vers la bonne direction. Des « certificats de mérite » ont été récemment introduits : ils expriment l'opinion de l'instituteur sur les connaissances acquises par l'élève en lecture, en écriture, en arithmétique et en géographie ; ils doivent être contresignés par l'inspecteur, mais il n'y a pas d'examen.

5. Le personnel enseignant. — Des élèves bien doués sont engagés comme moniteurs salariés, dans les grandes écoles, et reçoivent ensuite une prépa ration professionnelle pour devenir .instituteurs. Environ 70 0/0 des instituteurs principaux [principal teachers) ont reçu une préparation professionnelle ; aucun assistant non préparé professionnellement (untrained) ne peut désormais devenir instituteur principal, excepté dans des écoles de couvent. Les études normales, qui sont faites principalement dans des collèges de caractère confessionnel, durent deux ans, ou un an pour les instituteurs principaux ou assistants. Les Training Colleges font un bon travail, mais ils sont gênés par l'insuffisante instruction des élèves au moment de leur admission, ce qui oblige à consacrer beaucoup de temps à des matières élémentaires, et entraîne de trop longues heures d'étude.

Les salaires des instituteurs sont bas, et la cause en est surtout dans le nombre considérable de petites écoles. La majorité des instituteurs principaux reçoit moins de £ 90 par an ; la plupart des assistants reçoivent moins de £ 79 ; les institutrices reçoivent, respectivement, £ 70 et £ 58. En plus du salaire fixe, il existe des grants dits de capitation, dont la moyenne est de 3 s. 4 d. par élève, qui sont répartis entre les membres du personnel enseignant.

6. Absence d'intérêt public. — L'opinion publique s'intéresse peu à l'éducation élémentaire. Les membres irlandais du Parlement n'en ont pas fait un point de leur programme de politique nationale ; récemment, ils ont consenti à ce que des sommes considérables, pro venant de fonds qui appartiennent à l'éducation, fussent consacrées à des emplois qui ne touchaient en rien à l'instruction publique. L'administration des écoles ne compte en son sein aucun élément électif. Il n'existe pas de courant d'opinion dans le public au sujet des écoles ; seuls les instituteurs cherchent à créer un peu d'agitation autour de la question, mais uniquement en vue d'obtenir une augmentation de leurs salaires. Il n'y a point d'associations comme on en rencontre on France.

Néanmoins on peut noter quelques symptômes qui annoncent un changement. Depuis l'introduction, par le Board of Agriculture, de meilleures méthodes pour la laiterie, les travaux de la ferme et l'éducation pratique, on commence à reconnaître ce fait, que la réussite dans la vie dépend de l'éducation. Et c'est dans ce sentiment que réside la meilleure espérance d'avenir. La pression de la concurrence étrangère amènera de plus en plus l'opinion publique à comprendre qu'aucune considération, ni religieuse, ni politique, ne doit empêcher de donner satisfaction aux légitimes exigences de l'éducation séculière.

7. Corrélation entre les écoles primaires et les écoles secondaires. — Le manque complet de toute disposition législative établissant une coordination entre les divers degrés de l'instruction est un grand défaut. Les écoles primaires nationales sont expressément exclues de tout droit à participer aux subsides institués par la loi relative à l'instruction dite intermédiaire (Intermediate Act) ; et il n'existe pas de bourses permettant à des jeunes garçons pauvres, mais intelligents, de continuer leur éducation dans des écoles secondaires.

Les efforts volontaires ont jusqu'à un certain point suppléé à cette lacune. Il existe quelques écoles protestantes qui ont pour but de donner une instruction plus élevée aux meilleurs élèves des écoles nationales, comme le font aussi un certain nombre de séminaires catholiques diocésains. Mais le seul système complet de « corrélation » est celui des Frères chrétiens (Christian brothers). Fondée en 1802 par un riche marchand de Waterford, qui consacra sa vie et sa fortune à cette oeuvre, cette congrégation acquit rapidement une grande influence. Elle possède maintenant 97 écoles, avec environ 30 000 élèves ; presque toutes ces écoles ont à la fois une section primaire et une section secondaire ; et ces sections secondaires préparent avec un remarquable succès leurs élèves aux examens intermédiaires (intermediate examinations). La congrégation, qui attache une grande importance au caractère religieux de ses écoles, s'est récemment séparée de l'organisation nationale, afin d'avoir une plus grande liberté sous ce rapport.

Enseignement secondaire. — Les anciennes fondations, datant de l'époque de la reine Elizabeth, ou d'une période plus rapprochée, avaient été instituées sur le modèle des grammar schools anglaises ; elles étaient destinées principalement ou exclusivement aux épiscopaliens (c'est-à-dire aux membres de l'Eglise anglicane officielle), et elles ont conservé cette destination. Les études, en général, y sont meilleures en mathématiques, et moins bonnes dans les branches classiques, qu'elles ne le sont dans les Public schools anglaises ; la rétribution scolaire y est beaucoup moins élevée ; les écoles sont beaucoup plus petites ; on y attache plus d'importance au travail intellectuel, et on y accorde moins de place aux jeux athlétiques. Outre ces écoles, il en a été fondé, au cours du dernier siècle, par les presbytériens, les méthodistes et d'autres communions religieuses, un certain nombre d'autres, qui donnent à leurs élèves une excellente éducation. La noblesse irlandaise, toutefois, et beaucoup de familles appartenant à la classe riche, envoient leurs fils en Angleterre, aux grandes écoles anglaises.

Les écoles catholiques ayant été interdites jusqu'en 1792, les catholiques n'ont pas de fondations anciennes, et aucune de leurs écoles secondaires n'est dirigée par des laïques. La principale école catholique est le collège de Clongowes Wood, fondé par les jésuites en 1814. Son plan d'études était très en avance sur l'époque ; outre les langues classiques, il comprenait le français, l'italien, les mathématiques, et accordait une place spéciale à la littérature anglaise. Ce collège a toujours occupé le premier rang parmi les écoles irlandaises. Quatre autres écoles ont encore été fondées ultérieurement par le même ordre religieux.

Les écoles catholiques diocésaines étaient d'abord uniquement destinées à préparer des candidats à la prêtrise : mais chacune d'elles sert, en même temps, d'école secondaire pour le diocèse. Il y a, en outre, les écoles des Frères chrétiens, congrégation dont il a été parlé plus haut.

L'enseignement secondaire n'a été officiellement reconnu par l'Etat qu'en 1878, année où fut créé un Board of Intermediate Education. Les membres de ce Board, dont une moitié sont des catholiques et l'autre moitié des protestants, sont nommés à vie par la couronne. Le Board dispose d'un budget annuel de plus de £ 80 000. Il organise chaque année, en juin, des examens généraux écrits pour les garçons et pour les filles, divisés en quatre degrés : préparatoire, junior, moyen, et senior, et qui ont lieu dans différents centres. A la suite de ces examens, des prix sont distribués aux élèves qui ont le mieux répondu, et une somme de plus de £ 50 000 est répartie, sous le nom de result fee (gratification accordée pour les résultats), entre les chefs des différentes écoles: ceux-ci peuvent employer cet argent comme il leur semble bon. Il est question de faire dépendre l'octroi des result fees, non pas seulement des résultats des examens écrits, mais d'une inspection des écoles : cette réforme n'a pas encore été réalisée. En ce qui concerne la science expérimentale, toutefois, une inspection est faite, pour le compte du Board, par le Département de l'agriculture et de l'instruction technique. Pour la musique, il y a une épreuve pratique ; mais l'examen des langues modernes ne consiste encore qu'en épreuves écrites.

Il n'existe pas de Training Colleges pour les maîtres de l'enseignement secondaire (hommes), excepté chez les ordres religieux catholiques. Pour les femmes, il en existe deux, de peu d'importance.

L'opinion générale est que, si les prix et les result fees accordés par le Board ont été pour les écoles et les élèves un grand stimulant, ils ont aussi produit des résultats fâcheux, parce qu'ils ont développé à un point excessif les méthodes de bourrage (cramming).

La difficulté religieuse a été résolue en n'admettant à participer aux result fees que les écoles dans lesquelles aucun élève n'assiste aux leçons de religion sans le consentement de ses parents. Cette règle est moins stricte que celle qui est appliquée dans les écoles nationales, car elle permet l’exhibition d'emblèmes religieux pendant les heures de classe ; et les Frères chrétiens, qui se sont séparés de l'organisation nationale des écoles primaires pour ce motif, ont dès le début pris une place importante dans les examens intermédiaires.

Education des femmes. — L'éducation des femmes a fait des progrès. L’université de Dublin a ouvert ses, cours et l'accès de ses grades, dans les arts et la médecine, aux femmes aussi bien qu'aux hommes. Les grades de la Royal University sont également accessibles aux femmes, ainsi que l'enseignement des trois Queen's Colleges. Il existe un assez grand nombre d'écoles et de collèges de filles qui préparent aux universités ; mais il n'y a pas de grands pensionnats.

Education technique. — L'éducation technique est placée sous l'autorité du Board of Agriculture and Technical Instruction, récemment créé, le seul des Boards auxquels est confiée la direction des diverses parties de l'éducation qui ne soit pas institué sur la base de la parité des membres catholiques et protestants. C'est celui qui est le plus actif, et il prend une part des plus efficaces à l'oeuvre de l'éducation primaire et secondaire, en plus de ses attributions spéciales pour la direction de l'enseignement technique. Il possède un institut technique (Technical Institute) dans chacun des comtés de l'Irlande.

Universités. — Il y a deux universités en Irlande.

La première est Trinity College, appelé aussi Université de Dublin. Datant de 1691, cette institution, quoique un peu gênée dans son action par quelques règlements archaïques, est indépendante de l'autorité gouvernementale, et compte au nombre des grandes universités du Royaume-Uni. Son activité scientifique se développe rapidement : deux nouveaux laboratoires ont été récemment créés par une souscription publique. Episcopalienne à l’ origine, sa constitution est maintenant absolument non-dénominationnelle (à l'exception d'une faculté de théologie episcopalienne) ; mais en Irlande les antagonismes religieux dominent tout ce qui touche à l'éducation. La hiérarchie romaine interdit aux catholiques de suivre l'enseignement de Trinity College, sous peine d'excommunication et les presbytériens eux-mêmes se montrent hostiles. Une récente Commission royale, après avoir déclaré que Trinity College « est une noble institution pour le maintien des bonnes études, qui n'est pas indigne de ses grandes traditions et de l'affection et de la vénération que lui ont vouées ses enfants », a conclu néanmoins que cet établissement avait besoin de réformes intérieures, et qu'une nouvelle université serait nécessaire pour satisfaire aux besoins des catholiques et de ceux des presbytériens qui ne sympathisent pas avec Trinity College.

La seconde est l'Université royale, qu'avait condamnée une précédente Commission royale, et qui n'est qu'un simple corps d'examinateurs. Elle a été établie sur les ruines d'un établissement antérieur, Queen's University, tué par l'hostilité de la hiérarchie romaine. En connexion avec l'Université royale sont les trois Collèges de la reine (Queen's Collèges), ainsi qu'un Collège des jésuites (University College) à Dublin, et un Collège presbytérien à Londonderry. Des trois Collèges de la reine, celui de Belfast est de beaucoup le plus important, et bientôt il sera en état de se transformer lui-même en université autonome.

Le problème de l'éducation universitaire en Irlande est un problème politique et religieux, plutôt qu'un problème d'éducation. Le Parlement a jusqu'ici refusé de créer une université d'Etat dans laquelle toutes les dénominations seraient mises sur un pied d'égalité ; d'autre part, la hiérarchie romaine annonce qu'elle ne permettra pas aux catholiques de fréquenter une université qui ne serait pas placée sous sa constante surveillance et sous son autorité, en ce qui concerne, entre autres, la nomination et la destitution des professeurs, afin d'être assurée que nul n'y sera appelé ou maintenu en fonctions, si son enseignement, dans l'opinion de l'Eglise, était condamnable au point de vue religieux. Comme, pour ce motif, les prélats catholiques ont précédemment réussi à détruire Queen's University, aucun gouvernement ne se risquerait à dépenser de l'argent pour créer une université qui ne serait pas assurée de leur approbation.

La session parlementaire de 1908 a vu présenter un bill pour la réorganisation de l'éducation universitaire en Irlande, sur les bases suivantes : l'Université de Dublin resterait telle qu'elle est ; le College de la reine à Belfast deviendrait l'université de Belfast ; et une autre université nouvelle serait constituée par University College (le Collège des jésuites) à Dublin, et par les deux Queen's Colleges de Cork et de Galway. Ce plan a été adopté par le Parlement, avec une seule modification, à savoir que le Collège des jésuites actuellement existant sera remplacé par un collège nouveau.

E. P. Culverwel