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Inspecteurs de l’enseignement primaire

Historique. — Lorsqu'en 1833 Guizot réorganisa l'instruction primaire en France, il en laissa d'abord la surveillance aux comités locaux et aux comités d'arrondissement. Mais cette part faite aux pouvoirs électifs de la commune et du département, il ne tarda pas à voir que l'Etat devait avoir la sienne et intervenir à son tour. « Supprimer cette intervention, disait-il, ce serait rendre l'Etat absolument étranger à l'instruction primaire, la replacer sous l'empire exclusif du principe local, revenir par une marche rétrograde à l'enfance de l'art, arrêter tout progrès, et, en ôtant à la puissance publique ses moyens les plus efficaces, la dégager aussi de sa responsabilité. Rien n'est plus sage assurément que de faire intervenir les pouvoirs locaux dans la surveillance de l'instruction primaire ; mais il n'est pas bon qu'ils y interviennent seuls, ou il faut bien savoir qu'on livre alors l'instruction primaire à l'esprit de localité et à ses misères. »

Pour éviter les inconvénients qu'il signalait, pour rattacher aussi l'instruction primaire à l'Etat par un lien puissant, Guizot ne crut pouvoir rien faire de mieux que de compléter la loi qui porte son nom en y ajoutant, au moins par voie de crédits budgétaires, un service d'inspection. Il essaya d'abord d'une inspection temporaire : 470 personnes dûment commissionnées visitèrent les écoles et « fournirent à l'administration centrale une masse de renseignements et de détails qui la mettaient en état d'agir désormais sur tous les points en connaissance de cause et avec efficacité ».

Encouragé par ce premier succès, le ministre se décida à rendre l'institution permanente. L'ordonnance royale du 26 février 1835 créa, pour chaque département, un inspecteur spécial de l'instruction primaire, nommé par le ministre, le Conseil royal entendu. Un règlement daté du lendemain précisa les attributions des nouveaux fonctionnaires. Ils se tiendront en communication avec les comités d'arrondissement et recueilleront tous les renseignements utiles ; dans toutes les écoles qu'ils visiteront, ils porteront leur attention : 1° sur l'état matériel et la tenue générale de l'établissement ; 2° sur le caractère moral de l'école ; 3° sur l'enseignement et les méthodes. Ils assisteront aux leçons et interrogeront les élèves ; ils examineront spécialement quels livres élémentaires sont en usage ou manquent dans les écoles, si ces livres sont suffisants, s'ils ne contiennent rien de contraire à la morale, etc. Les écoles primaires supérieures, les écoles normales, les examens du brevet de capacité, les conférences d'instituteurs, les constructions d'écoles, les demandes de secours, les récompenses honorifiques, etc., sont de leur domaine. Dans les huit premiers jours d'octobre de chaque année, ils adresseront un rapport au recteur et au préfet, qui y joindront leurs observations et le transmettront au ministre ; ce rapport sera lu en Conseil royal.

Le 13 août 1835, au moment où allait commencer la première campagne de l'inspection, Guizot adressa à chacun des inspecteurs primaires une lettre circulaire pour leur faire connaître, comme il le dit lui-même,, dans toute son étendue, la mission qu'il leur confiait et ce qu'il attendait de leurs efforts. Cette instruction, à quelques détails près, pourrait être encore aujourd'hui le véritable guide de l'inspecteur primaire. On y voit nettement précisée la double mission de l'inspecteur, qui est, d'une part, de contrôler et de surveiller, d'autre part de conseiller et de diriger, tout en éclairant l'administration supérieure et en faisant sentir et accepter partout son action.

Cependant l'expérience ne tarda pas à démontrer que l'inspection des écoles de tout un département était une charge trop lourde pour un seul fonctionnaire ; des auxiliaires étaient devenus nécessaires. Ces auxiliaires furent les sous-inspecteurs, créés par l'ordonnance du 13 novembre 1837 : Guizot n'était plus là, ce fut le ministre de Salvandy qui signa l'ordonnance.

La nomination de ces sous-inspecteurs fut réservée encore au ministre, le Conseil royal entendu ; sauf la première nomination, nul ne pouvait être nommé inspecteur ou sous-inspecteur de l'instruction primaire, s'il n'était bachelier ès lettres, et s'il n'avait, pendant trois ans au moins, rempli des fonctions dans les collèges royaux ou communaux, dans les établissements d'instruction primaire ou dans les comités d'arrondissement. Etaient seuls exceptés de l'obligation du baccalauréat les instituteurs primaires, après cinq ans de service. Un arrêté du 29 novembre de la même année fixa les traitements des inspecteurs à 3000 francs dans la Seine, 2000, 1800 et 1600 francs dans les autres départements, et celui des sous-inspecteurs à 1200 francs.

Une nouvelle ordonnance, du 18 novembre 1845, détermina définitivement le mode de recrutement de ce personnel. Les sous-inspecteurs et les directeurs d'école normale purent seuls entrer de plain-pied dans l'inspection, mais les fonctions de sous-inspecteur demeurèrent accessibles aux régents et principaux de collège, aux membres des comités scolaires et, pour un tiers, aux instituteurs pourvus du brevet supérieur. Les candidats durent toutefois subir un examen préalable, dont le fond était un rapport écrit sur une affaire d'école, et des questions orales portant sur la pédagogie et l'administration. (Arrêté du 12 mai 1846.)

Telle était, sauf quelques additions au personnel, la situation de l'inspection primaire, lorsque survint la loi du 15 mars 1850. Cette loi conserva l'institution, mais elle la modifia profondément dans sa hiérarchie. Au lieu d'inspecteurs et de sous-inspecteurs résidant au chef-lieu, il y eut désormais, du moins en principe, autant d'inspecteurs que d'arrondissements. Ces fonctionnaires n'eurent plus d'autre lien entre eux que leur subordination commune au recteur départemental.

En 1852, à la suite du changement politique qui fut la conséquence du coup d'Etat du 2 décembre, l'institution des inspecteurs primaires fut menacée d'une ruine complète. Le Conseil d'Etat fut saisi d'un projet de loi qui supprimait les inspecteurs primaires en même temps que les recteurs départementaux dont ils relevaient. L'inspection des écoles eût été confiée aux inspecteurs d'académie, aux juges de paix, aux délégués cantonaux, aux maires, aux curés, aux délégués des divers consistoires, à l'évêque diocésain pour les écoles de filles dirigées par des communautés religieuses. Mais les inspecteurs primaires trouvèrent d'énergiques défenseurs, notamment dans MM. Giraud et de Parieu, anciens ministres de l'instruction publique. Le projet fut retiré, et l'inspection primaire demeura ce que l'avait faite la loi de 1850. Elle continua à fonctionner sous les recteurs départementaux, puis sous les inspecteurs d'académie qui furent substitués à ces fonctionnaires par la loi du 14 juin 1854.

L'organisation du service de l'inspection primaire était désormais fixée dans ses traits essentiels, et le gouvernement de la troisième République eut surtout à se préoccuper de relever, à mesure que les ressources le permirent, la situation des inspecteurs et d'accroître leur nombre en créant, dans les arrondissements les plus peuplés, de nouvelles circonscriptions d'inspection.

Législation. — Nomination. — Les inspecteurs de l'enseignement primaire sont nommés par le ministre (Décret du 9 mars 1852, art. 3).

Nul ne peut être nommé inspecteur de l'enseignement primaire s'il n'est pourvu du certificat d'aptitude à l'inspection obtenu dans les conditions déterminées par les règlements délibérés en Conseil supérieur (Loi du 30 octobre 1886, art. 10, et décret du 18 janvier 1887, art. 125). Voir Certificat d'aptitude (p. 236).

Les inspecteurs de l'enseignement primaire son t placés sous l'autorité immédiate de l'inspecteur d'académie ; ils ne reçoivent d'instructions que de lui ou du recteur, des inspecteurs généraux et du ministre.

Ils ont seuls qualité, avec les inspecteurs d'académie, pour assurer l'exécution des arrêtés préfectoraux en ce qui concerne les nominations, révocations ou mutations des instituteurs et institutrices publics. (Décret du 18 janvier 1887, articles 23 et 128.)

Classement et traitements. — Les inspecteurs primaires sont répartis en quatre classes, et reçoivent les traitements suivants (Loi de finances du 17 avril 1906, art. 51) :

4° classe………………… 3500 francs.

3° classe………………… 4000 —

2° classe………………… 4500 —

1re classe………………… 5000 —

La classe est personnelle et non attachée à la résidence (Décret du 18 janvier 1887, art. 127).

Dans le département de la Seine, les inspecteurs de l'enseignement primaire sont répartis en trois classes aux traitements respectifs de 6000, 7000 et 8000 francs (Loi du 19 juillet 1889, art. 22, et lois de finances des 25 février 1901, art. 51, et 17 avril 1906, art. 51).

Indépendamment du traitement qui leur est attribué, les inspecteurs primaires ont droit à une indemnité dite départementale, qui ne peut être inférieure à 300 francs (Loi du 19 juillet 1889, art. 23). Cette indemnité n'est pas soumise aux retenues pour pensions civiles.

Leur avancement a lieu exclusivement au choix, sur l'ensemble des fonctionnaires de la même catégorie et par classe, après trois années au moins et six au plus passées dans la classe immédiatement inférieure (Loi du 19 juillet 1889, art. 25).

Les promotions de classe leur sont accordées chaque année sur les propositions des recteurs et des inspecteurs généraux réunis en comité (Décret du 18 janvier 1887, art. 128).

Des arrêtés ministériels déterminent le nombre et l'étendue des circonscriptions d'inspection primaire dans chaque département, ainsi que le lieu de résidence des inspecteurs. Ces circonscriptions correspondent en général aux arrondissements.

Les inspecteurs primaires reçoivent, pour frais de tournées, une indemnité calculée à raison de 10 francs par jour (Décret du 18 janvier 1887, articles 130 et 131) : Voir Frais de tournées.

Incompatibilités. — Les inspecteurs primaires ne peuvent être élus membres du Conseil général dans les départements où ils exercent (Loi du 10 août 1871, art. 8, § 11). Les fonctions d'inspecteur de l'enseignement primaire sont en outre incompatibles avec tout autre emploi public rétribué.

Toutefois, le ministre peut autoriser les inspecteurs primaires à accepter les fonctions d'inspecteur des enfants employés dans les manufactures (Décret du 18 janvier 1887, art. 126).

Attributions. — Les principales attributions des inspecteurs primaires sont énumérées ainsi qu'il suit dans l'art. 129 du décret du 18 juillet 1887 :

Les inspecteurs de l'enseignement primaire inspectent — et c'est là leur mission principale — les écoles primaires publiques et privées de leur circonscription. Toutefois ils ne sont chargés de visiter et d'inspecter les écoles maternelles qu'à défaut des inspectrices départementales (Circulaire du 7 mars 1906).

Ils assistent avec voix délibérative aux réunions des délégués cantonaux prescrites par l'art. 52 de la loi du 30 octobre 1886.

Ils font partie de droit de toutes les commissions scolaires de leur circonscription, et veillent à l'exécution de la loi du 28 mars 1882.

Ils président les conférences cantonales d'instituteurs et les commissions d'examen chargées de délivrer le certificat d'études primaires ;

Ils instruisent toutes les affaires relatives à la création ou à la construction des écoles publiques, à l'ouverture des écoles privées, des classes d'adultes ou d'apprentis, à l'établissement des caisses des écoles, aux demandes formées par les instituteurs publics et aux déclarations faites par les instituteurs privés à l'effet d'ouvrir un pensionnat primaire:

Ils donnent leur avis sur la nomination et l’avancement des instituteurs et des institutrices des écoles publiques, sur les récompenses à accorder ou les peines disciplinaires à infliger au personnel enseignant.

En outre, les inspecteurs primaires sont appelés, sur la désignation du ministre et en nombre déterminé par les règlements, à faire partie du Conseil départemental, de la commission de l'examen d'admission aux écoles normales primaires, de la commission d'examen pour les brevets de capacité, des sous-commissions pour l'épreuve pratique du certificat d'aptitude pédagogique.

Ajoutons que l'inspecteur primaire fait partie de tous les comités de patronage des écoles primaires supérieures de sa circonscription (Arrêté du 18 janvier 1887, art. 34), et que tous les inspecteurs primaires du département sont membres de la commission chargée d'arrêter le catalogue des livres de classe pour les écoles du département (Même arrêté, art. 22).

A la suite de chaque inspection, l'inspecteur primaire adresse un rapport à l'inspecteur d'académie, dans le délai de quinze jours au plus.

Ce rapport contient nécessairement deux parties distinctes : 1° une notice sur l'école et sur chacune des classes en particulier, notice résumant les observations de l'inspecteur sur l'état matériel de l'école, la marche de l'enseignement, les résultats obtenus dans chaque classe, ainsi que l'indication des principales améliorations à introduire ; 2° des notices individuelles sur le personnel, comprenant une appréciation sur chacun des maîtres attachés à l'école : Voir Bulletin d'inspection.

L'inspecteur primaire doit, en outre, adresser sans délai un rapport spécial à l'inspecteur d'académie, toutes les fois qu'il se présente des circonstances de nature à réclamer l'intervention immédiate de ce fonctionnaire. (Même arrêté, art. 236.)

Vacances. — Les vacances des inspecteurs primaires doivent coïncider avec celles des écoles primaires élémentaires. La durée en est de six semaines pour chacun d'eux. Le service est assuré dans chaque département, pendant cette période, après entente entre l'inspecteur d'académie et les inspecteurs de l'enseignement primaire, de façon que l'un de ces derniers soit toujours à la disposition de son chef. (Circulaire du 10 juillet 1906.)